L'histoire
Dix années après son mariage avec la fille du richissime Abe Brown, Joe Lampton mène une vie qui est loin de le satisfaire. Sa situation professionnelle ne le contente guère et il découvre que son épouse le trompe...
Analyse et critique
Life at the top est la suite du classique de Jack Clayton, Les Chemins de la haute ville (1959) et adapte donc aussi le second livre de John Braine. La fin du premier film avait laissé l'ambitieux prolétaire Joe Lampton (Laurence Harvey) au sommet en épousant la fille du plus riche notable de la ville. Cette réussite tant espérée s'avérait pourtant amère, Lampton lui ayant sacrifié son vrai amour Alice (Simone Signoret) morte et plus vraisemblablement suicidée dans un accident de voiture. Nous retrouvons le personnage dix ans plus tard et finalement toujours aussi insatisfait de son existence, mais pour d'autres raisons. Il ne se reconnaît pas dans l'arrogance de ses enfants gâtés (cruelle séquence où il invite un gamin vendeur de journaux que son fils toise), n'est qu'un homme de paille méprisé au sein de l'entreprise familiale et sa femme Susan (Jean Simmons bien plus convaincante reprend le rôle de Heather Sears du premier film) lasse de son spleen a pris un amant. Il a beau avoir obtenu tout ce qu'il désirait si ardemment dans le premier volet, il demeure pourtant toujours en lui la fureur contenue de l'angry young man.
Notre héros va désormais se trouver confronté à des questionnements liés aux hautes sphères qu'il fréquente désormais. Sollicité pour se présenter aux élections de conseiller municipal, il va constater la corruption ambiante et le plan immobilier destiné à faire des quartiers pauvres où il a grandi une lucrative zone commerciale. De plus, au sein de l'entreprise son beau-père (Donald Wolfit) ne souhaite guère le voir lui succéder, faisant de lui un subalterne qui aura juste servi à lui concevoir un vrai héritier. Tout le début du film dessine ainsi un climat domestique et professionnel étouffant où Clampton n'a pas sa place.
Les complexes du personnage n'ont pas disparu avec le mariage puisqu'il est toujours ramené à ses origines modestes (la fuite d'eau lors de la réception où l'on fait immédiatement appel à lui) et même s'il a gravi les échelons, il est finalement toujours aussi bloqué dans ses aspirations. La romance naissante avec la journaliste Norah (Honor Blackman) qui l'invite à la rejoindre à Londres pourrait lui offrir un avenir différent. Alors que le premier film interrogeait sur ce que l'on était prêt à faire pour réussir, cette suite questionne elle sur ce que l'on est prêt à sacrifier pour une nouvelle vie. Clampton va l'apprendre à ses dépens, comprenant qu'il n'existait que dans l'ombre de sa famille mais qu'il n'intéresse plus les employeurs une fois qu'il en est sorti ,lors d'une scène d'embauche glaciale où un poste acquis devient soudainement inaccessible.
C'est une suite très intéressante donc, mais tout de même loin de son modèle. Le triangle amoureux est moins touchant (et paradoxe on préfèrerait presque qu'il reste avec Jean Simmons tant celle-ci mêle avec brio intensité dramatique et sensualité) et tourne finalement assez court. Les thèmes plus socio-politiques creusent des pistes intéressantes (notamment le snobisme qu'il pense trouver à Londres créant le même décalage avec les snobs que les nantis) mais ne sont pas assez développés. Enfin le final voulu comme une redite dépressive du premier volet n'atteint pas complètement son but, justement du fait du personnage de Jean Simmons plus convaincant et moins transparent que sous les traits d'Heather Sears. Globalement il manque le lyrisme de Jack Clayton, jamais approché par un Ted Kotcheff débutant (c'est son second film) et qui brillera dans d'autres registres. Reste un Laurence Harvey toujours aussi charismatique qui aurait ferait presque fait espérer un troisième film sur le personnage, sans la disparition prématurée de l'acteur.