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Critique de film
Le film

Le Sentier de l'enfer

(Warpath)

L'histoire

À peine arrivé en ville, John Vickers (Edmond O'Brien) se retrouve nez à nez avec Herb Woodson à qui il demande de dégainer, pour ne pas l'abattre sans qu'il ait pu se défendre. N'ayant jamais vu John, Herb lui demande les raisons de cette provocation ; sur quoi John lui rappelle qu'avec deux complices il a,huit années auparavant, tué une femme qui n'était autre que sa fiancée. Depuis ce temps-là, John n'a eu de cesse de poursuivre les trois hommes dans le but de se venger. Blessé à mort, Herb révèle les noms de ses deux acolytes en lui disant que l'un d'eux s'est engagé depuis dans le 7ème régiment de Cavalerie. John se rend donc à Bismarck dans le Dakota du Nord pour se faire enrôler dans ce corps d'armée dont le général n'est autre que George Armstrong Custer (James Millican). Le sergent O'Hara (Forrest Tucker), n'ayant pas supporté de se faire humilier par John juste avant que ce dernier ne revête l'uniforme, lui mène la vie dure d'autant que le nouvel arrivant tourne autour de la jolie Molly Quade (Polly Bergen) sur qui il avait également des vues. Molly est la fille de Sam (Dean Jagger), l'épicier de Fort Lincoln, qui semble être en étroite relation avec le sergent O'Hara. Quelques jours plus tard, la compagnie est envoyée en mission, à la poursuite d'Indiens ayant massacré une caravane de pionniers. Mais les soldats se retrouvent pris au piège, assiégés sur un îlot situé au milieu de la rivière. On ordonne à John de se porter volontaire afin d'aller chercher de l'aide au fort. Mais alors qu'il se faufile subrepticement entre les lignes indiennes, il se fait tirer dessus. Il semblerait que certains au sein du régiment aient deviné les intentions de John en s'engageant à leurs côtés et qu'ils craignent d'être reconnus...

Analyse et critique

Frank Gruber n'est pas assez fin pour ne pas nous avoir laissé deviner en à peine dix minutes l'identité des deux hommes que recherche activement le personnage joué par Edmond O'Brien. Ce ne serait pas bien grave si le reste de son scénario avait été captivant, ce qui est loin d'être le cas. Ça bouge énormément mais étant donné que l'écriture des protagonistes est d'une grande pauvreté, on ne s'intéresse guère à ce qui peut leur arriver. Et puis décidément, Edmond O' Brien était loin d'être convaincant dans le genre ; au vu des dialogues ineptes qu'on lui fait dire, des scénarios médiocres qu'on lui colle entre les mains, cela peut également se justifier. Lorsque Polly Bergen lui fait comprendre que se venger n'est pas une bonne chose, il lui rétorque que ce n'est pas la vengeance qu'il recherche, qu'il souhaite juste les châtier par la mort. Comprenne qui pourra ! À moins qu'il y ait une grande différence entre la vengeance et le châtiment ?!

A force de suivre la production westernienne pas à pas dans l'ordre de sortie des films, on finit par arriver à reconnaître quel studio les a mis en chantier et ce, sans bien évidemment avoir regardé leurs génériques de début. C'est ainsi qu'il est assez aisé de savoir si nous avons à faire à un western Warner, Fox, Universal ou MGM. Avec une habitude encore plus grande, il vous est même finalement tout aussi facile de repérer une production Harry Joe Brown pour la Columbia ou Nat Holt pour la Paramount. Hormis des éléments communs et bien identifiables à chacun des films à l'intérieur d'une même structure de production, concernant ces deux exemples, vous êtes à peu près certains pour le premier de tomber sur des films très réussis, pour le second sur des œuvrettes médiocres. Si le style Nat Holt est coloré et remuant, les scénarios qu'il impose (souvent écrits - pour le pire - par Frank Gruber) se révèlent pour la plupart infantiles et dépourvus de chair quand ils ne tombent pas dans les travers du racisme et de la xénophobie les plus pénibles. Différents réalisateurs accouchèrent d'ailleurs la plupart du temps de leurs plus mauvais films sous la férule de ce producteur à la réputation peu flatteuse humainement parlant : Ray Enright avec Les Flèches brûlées (Flaming Feathers) et même Gordon Douglas avec Les Rebelles du Missouri (The Great Missouri Raid). Byron Haskin n'a pas eu de chance puisque trois sur quatre de ses westerns ont été produits par Nat Holt. Vous aurez dès lors vite compris que je ne les porte pas en très haute estime.

Il y avait pourtant au départ une situation assez intéressante, l'imbrication d'une histoire de vengeance et la description d'un régiment de cavalerie et de ses missions ; il y avait un contexte historique tout à fait captivant, celui des prémisses de la bataille de Little Big Horn au cours de laquelle Custer s'est fait massacrer par les Sioux ; il y avait tout un panachage de comédiens connus et sympathiques, de Dean Jagger à Harry Carey Jr. en passant par Forrest Tucker ou Paul Fix ; il y avait comme une volonté de creuser le chemin ouvert par John Ford avec le portrait de la vie quotidienne dans un fort avec ses bals, ses corvées, ses forts en gueule, ses femmes douces et aimantes. Byron Haskin reprenait même certains acteurs de la famille fordienne et les mêmes airs militaires que l'on pouvait entendre au sein de sa fameuse trilogie de la cavalerie. Le rappel constant de ces trois merveilleux films n'est malheureusement pas à l'avantage de Warpath qui ne leur arrive évidemment pas à la cheville. Même en ne cherchant pas à les comparer, le western de Byron Haskin s'avère mauvais car, outre un scénario médiocre, la mise en scène est bien souvent sans intérêt. Et pourtant, il y avait une sacrée figuration à disposition pour les scènes de batailles et ces dernières débutaient de la plus belle des façons par de superbes plans d'ensemble sur les lieux du drame à venir avec la vue en plan fixe des centaines de cavaliers arrivant du haut des collines. Mais une fois le combat engagé, le cinéaste et le monteur ont l'air de ne pas savoir comment s'y prendre, semblant incapables de donner le moindre souffle à leurs séquences, plus amorphes que dynamiques.

On se souviendra quand même longtemps de ces plans sur le paysage de l'îlot au milieu de la rivière avec les Indiens venant de tous les côtés assiéger les Tuniques bleues. Le budget ayant eu l'air d'être conséquent, on se demande bien pourquoi, pour certains plans, la production a préféré faire rouler une maquette de train sur fond de toile peinte ?! C'est une des preuves de l'incohérence de ces productions Nat Holt, passant sans aucune harmonie ni rigueur d'une esthétique de film à grand spectacle pour, la scène suivante, nous faire penser que nous nous retrouvons devant un film de la Poverty Row. Le postulat de départ, celui de cet ancien officier sudiste en pleines guerres indiennes rempilant dans l'US Cavalerie pour pouvoir enquêter sur l'identité des deux meurtriers de sa fiancée, les démasquer et s'en venger, était on ne peut plus alléchant. Frank Gruber, Nat Holt et Byron Haskin le gâchent tout du long, n'arrivant à nous faire sortir de notre torpeur que le temps de quelques introductions à différentes scènes de combat. Pour le reste, certains y prendront probablement du plaisir (j'arrive bien à en prendre devant certaines productions Universal dénuées d'intérêt), d'autres s'y ennuieront à mourir malgré de beaux extérieurs, une belle photo signée Ray Rennahan et un score assez réussi de Paul Sawtell. Après avoir quitté le giron de Nat Holt, Byron Haskin se révèlera bien meilleur dans le domaine de la science-fiction avec sa version de La Guerre des mondes ou dans le film d'aventures avec Quand la Marabunta gronde. La même année que Warpath, toujours sous la férule de Nat Holt, Byron Haskin réalisera Silver City guère plus réjouissant.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 7 décembre 2018