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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Monstre

(The Quatermass Xperiment)

L'histoire

Une fusée fait un atterrissage plutôt chaotique en rase campagne. Les militaires arrivent bientôt sur place, suivis par le fameux physicien Bernard Quatermass et ses assistants, et une femme qui se trouve être l'épouse de l'un des passagers de l'engin spatial...

Analyse et critique

The Quatermass Experiment constitue la première aventure cinématographique du personnage imaginé par l'écrivain Nigel Kneale. Ce dernier avait initialement créé le professeur Bernard Quatermass pour la télévision où il fut le héros de deux serials en 6 épisodes pour la BBC en 1953 et 1955. Les deux diffusions (où Quatermass est successivement incarné par Reginald Tate et John Robinson) remportent un immense succès et tiennent en haleine les spectateurs anglais. Bien évidemment une adaptation au cinéma est envisagée pour surfer sur la popularité du personnage et la Hammer se positionnera pour en acheter les droits dès la diffusion du dernier épisode de la première série. Nigel Kneale préfère voir son héros adapté par le plus prestigieux duo de producteurs/réalisateur formé par Sidney Gilliat et Frank Launder ou encore les frères Boulting qui seront également contactés, mais l'inévitable classement X promis au film par la censure anglaise refroidit les ardeurs notamment de Gilliat. La Hammer n'a pas ce genre d'états d'âme et emportera ainsi la mise. Le film adapte la première série baptisée The Quatermass Experiment et c'est Brian Donlevy qui endosse le rôle-titre.

Une fusée expérimentale, dont la mission fut organisée par le professeur Quatermass, s'écrase mystérieusement dans la campagne anglaise après avoir disparu des radars. Surprise pourtant, des trois astronautes envoyés deux se sont volatilisés et le seul survivant est Carroon (Richard Wordsworth), en état catatonique. D'étranges résidus vont être retrouvés dans la fusée tandis que le corps de Carroon semble subir de curieuses mutations. Le film innove, amenant au cinéma la thématique de l'hôte extraterrestre, plus dans le motif de la mutation monstrueuse que de l'invasion insidieuse synonyme de peur anticommuniste dans le cinéma américain. La rencontre cosmique avec "l'autre" est presque fortuite, l'invasion possible obéissant plutôt à une logique biologique et dont le processus sera long et douloureux pour Carroon. Val Guest instaure une atmosphère inquiétante et mystérieuse, apportant parcimonieusement les révélations ; et si le spectateur contemporain voit aisément où va le récit, on imagine facilement le trouble à l'époque devant cette approche novatrice.

Les images marquantes (la fusée plantée en pleine lande anglaise, le final à Westminster) tout comme les effets chocs (les corps vidés de leur substance après la fatidique rencontre avec "l'autre") ne manquent pas, mais dans l'ensemble le film s'ancre dans une tonalité réaliste, ce qui rend d'autant plus glaçant cette introduction du surnaturel. Ce réalisme joue sur les ambiances nocturnes urbaines du film où Val Guest réveille les fantômes du Blitz avec ce Londres désertique où seuls défilent les policiers traquant la créature. Mais contrairement aux bombes allemandes qu'on savait venir du ciel, la menace est ici plus indicible et terrifiante, pouvant surgir des entrailles de la terre comme au détour d'une ruelle. Nous faisant d'abord compatir avec la douloureuse transformation physique de Carroon, Guest, au fur et à mesure de sa perte d'humanité, le réduit à une ombre, un regard. Cela annonce les actes les plus violents et inexplicables (le massacre du zoo) et nous prépare au choc de son aspect final où il fait figure de vraie créature innommable à la Lovecraft.

Si l'atmosphère est indéniablement tendue et prenante, il faut reconnaître tout de même qu'en dépit de sa courte durée, le film est tout de même très bavard et statique. La nouveauté du concept oblige un peu à un trop-plein d'explication et de dialogues pseudo scientifiques même si l'intrigue est limpide et efficace. Heureusement la fascination pour le professeur Quatermass permet de surmonter ces écueils. Glacial, arrogant et obsédé par ses recherches, notre héros est incroyablement ambigu et antipathique à travers l'interprétation rigide que lui donne Brian Donlevy. Le personnage plus bonhomme de policier incarné par Jack Warner (spécialiste des rôles de policier d'ailleurs) ne suffira pas à l'adoucir, le drame final ne semblant que renforcer sa conviction quant à ses travaux. Cette approche bien éloignée de Reginald Tate déplaira fortement à Nigel Kneale et affectera le ton du film moins humaniste que la série. Ainsi dans la série Quatermass en appelait à l'humanité encore enfouie dans la créature pour la convaincre de se suicider, alors que le film a moins d'égards et s'en débarrasse avec une bonne électrocution. Un classique Hammer néanmoins perfectible donc, ce qui sera le cas avec les deux suites, Quatermass 2 (1957) et Quatermass and The Pit (1967)

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 17 septembre 2021