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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Lion en hiver

(The Lion in Winter)

L'histoire

Déchaînement d'intrigues autour du problème de la succession d'Henri II d'Angleterre au XIIe siècle. On est à la cour du château de Chinon, en période de Noël 1183. Aliénor d’Aquitaine, après plusieurs années d’emprisonnement par son mari Henri II, est délivrée par ce dernier afin d'étudier ensemble lequel de leurs trois fils serait le successeur idéal au trône d’Angleterre. La décision va s’avérer difficile compte tenu de l’enjeu et des dissensions qui existent dans la famille.

Analyse et critique

Adapté de la pièce de James Goldman, Un Lion en hiver dépeint avec une verve peu commune les évènements ayant secoué la difficile succession d’Henri II d'Angleterre. Les premiers instants du film présentant les principaux protagonistes avec leur reconstitution minutieuse (des décors et costumes impressionnants), la réalisation élégante d'Anthony Harvey et la musique majestueuse de John Barry (Oscar à la clé) laissent à croire qu'on va assister à un film hollywoodien luxueux de plus. Il n'en sera rien. Les différentes forces en présence se retrouvent rapidement réunies au château de Chinon pour fêter Noël et surtout régler le problème de la future succession de Henri (Peter O'Toole). Parmi les trois prétendants, Richard le guerrier au cœur fragile (Anthony Hopkins dans son premier rôle au cinéma grâce à Katharine Hepburn qui l'a imposé), le stratège glacial Geoffroy et le trop jeune et immature Jean (Nigel Terry, qui retrouvera la couronne bien des années plus tard et avec plus de prestance en Roi Arthur dans Excalibur). Cette succession dépasse pourtant la seule ambition et les rivalités entre les trois fils, simple prétexte à un duel stratégique entre Henri et son épouse déchue Aliénor (Katharine Hepburn), emprisonnée par lui depuis de longues années. Chacun d'eux vise un fils différent pour la couronne d'Angleterre, plus par volonté d'embêter l'autre que par grand dessein futur.

La première partie s'avère sacrément déroutante pour qui s'attend à une atmosphère noble et courtoise. Que ce soit dans les relations père/fils, mari/femme ou fraternelles, tout transpire la haine et le ressentiment farouche mûris depuis de longues années. Les joutes verbales brillantes et les répliques assassines font feu de tout bois, les plus savoureuses étant celles entre O’Toole et Hepburn, vieux couple complice dans le mépris réciproque, et dont le plus grand plaisir est de contrecarrer les projets de l'autre. Ce bel esprit révèle pourtant bientôt son envers, à savoir une famille brisée. On apprend ainsi progressivement les maux qui rongent la cour depuis des années. Henri, las de sa femme, aurait pris une concubine, la reine pour se venger se serait mise à comploter contre lui pour être exilée et isolée par la suite en punition. Tout ce nid de complots, d'intrigues et de malveillance déteint évidemment sur leurs enfants pour proposer finalement trois grands névrosés comme souverains potentiels. Le scénario marie parfaitement réelle émotion et éloquence du verbe, les deux étant toujours sur la corde raide de la suspicion qui règne entre les personnages. Les alliances se font et se défont, les intrigues de palais alambiquées s'enchevêtrent dans un grand maelstrom qui déroute constamment le spectateur à coups de manipulations et de faux-semblants. La profonde douleur de chacun finit pourtant par transparaitre sous les mensonges, tel Richard (Anthony Hopkins, magnifique de fragilité sous sa carrure imposante) couvé voire étouffé par une mère l'ayant l'éloigné de son père pour en faire des étrangers. La relation entre O Toole et Hepburn est passionnante également, révélant au final un couple toujours aimant mais qui s'est perdu au fil des années. L’incompréhension et l’usure ordinaire prennent ainsi des proportions monumentales du fait du statut royal de ces époux qui se déchirent.

Peter O' Toole en souverain bourru et roublard est excellent et atteint des sommets lorsqu'il tombe le masque. Les déchirements du monarque et du père se confondent progressivement lorsqu'il se rend compte qu'aucun de ses fils n'est digne de lui. Quant à Katharine Hepburn, c'est tout simplement l'une des plus grandes interprétations de sa carrière pourtant déjà bien lotie. Elle incarne idéalement la grandeur associée à Aliénor d’Aquitaine tout en en illustrant le déclin, une vieille femme brisée refusant de ne plus être le centre du monde et jamais remise de la perte de son seul vrai amour. Timothy Dalton débutant en roi de France se montre très convaincant et charismatique également. Le film trahit ses origines théâtrales dans le bon sens du terme et bien que reposant essentiellement sur les longues joutes verbales, celles-ci sont toujours mues par une mise en scène au diapason pour en distiller l'intensité. Les deux grands sommets du film en témoignent : la longue séquence dans la chambre du roi de France où chacun vient plaider en sa faveur à tour de rôle tandis que les autres épient dans la pénombre, et surtout le grand déballage final où chacun laisse éclater sa violence. L’élégance de la reconstitution - un tournage à l’Abbaye de Montmajour, au château de Tarascon et à la Cité de Carcassonne pour la France et au Pays de Galles - se fond ainsi dans le cheminement profondément intime du récit qui sait adapter ses quelques incohérences historiques (Noël pas encore fêté à ce stade du Moyen Âge) à la force de son propos. Le film sera un grand succès international et vaudra à Katharine Hepburn son troisième Oscar de la meilleure actrice.

DANS LES SALLES

DISTRIBUTEUR : les acacias

DATE DE SORTIE : 22 mars 2017

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En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 22 mars 2017