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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Main de fer

(Tian xia di yi quan)

L'histoire

Le combattant Chao Chih-hao souhaite épouser la fille de son maître, mais celui-ci estime qu’il doit poursuivre son instruction dans une autre école. Ayant échoué à l’épreuve inaugurale, il se retrouve à exécuter les tâches ménagères durant un an avant d’être autorisé à suivre l’enseignement martial, où il peut enfin faire la démonstration de ses talents et se révèle digne de représenter l’école lors d’une rencontre – digne également d’être initié à la technique de la Main de Fer, un coup mortel. Mais le directeur d’une autre école, soucieux de remporter le championnat, est prêt à toutes les traîtrises.

Analyse et critique

Au début des années 80, les adeptes de la vidéophilie naissante qui ne fréquentaient pas forcément les salles de Belleville ou des Grands Boulevards avaient quand même accès à une infime portion de la production hongkongaise grâce entre autres aux cassettes sorties par René Château : films charcutés, formats aléatoires et doublages assurés par des disciples de Michel Leeb, qu’importe, il était difficile à l’époque de faire le difficile. Une époque où l’on découvrait des œuvres devenues instantanément cultes telles que La Rage du Tigre, ou justement La Main de Fer qui nous intéresse aujourd’hui. Car il témoigne d’une époque, celle où le wu xia pian traditionnel tel que produit par la Shaw Brothers brille de ses derniers feux. Une nouvelle forme de cinéma martial est en effet en train de s’imposer : plus sobre, plus direct, plus contemporain dans son approche, le kung fu pian est le genre que l’époque attendait. A l’exemple de The Big Boss, le kung fu pian se caractérise par son approche plus moderne : les costumes se font plus sobres, les cheveux raccourcissent, et surtout les séquences de combat évoluent considérablement : les sabres, épées et autres armes disparaissent au profit des seuls poings. On s’oriente donc vers un cinéma d’action plus brutal, plus proche des corps, et par conséquent nettement plus violent. Les yeux arrachés dans La Main de Fer sont proches des colonnes vertébrales brisées à venir par Bruce Lee dans Le Jeu de la Mort et aux amputations de parties génitales pratiquées à main nue par Sonny Chiba dans The Streetfighter. Pour résumer, on quitte la beauté chorégraphique pour la brutalité pure – violence également politique, qui témoigne d’un grand mépris pour le Japon.

La mise en scène de ce projet a été confiée à un - déjà - vieux routier coréen, mais qui n’avait pas encore fait ses preuves à Hong Kong. De son côté, Lo Lieh était encore habitué aux seconds rôles et n’avait jamais encore tenu la vedette. Il fait pourtant merveille dans La Main de Fer : son charisme naturel, s’il est loin de la présence écrasante d’un Bruce Lee, lui permet d’imposer un personnage en dépit de nombreux clichés. Quand à Chung Can-Wha, si sa mise en scène est loin d’atteindre les sommets d’un Chang Cheh, il restitue non sans habileté la brutalité des combats, qu’il dote d’une touche de sadisme assez bienvenue qui donne à son film un aspect ‘spaghetti’ pas forcément déplaisant : l’illustration littérale du dicton « œil pour œil » déjà citée, bien entendu, mais aussi le supplice de Lo Lieh qui voit ses mains brisées alors qu’elle sont attachées à un piquet. Il n’hésite pas non plus à donner à sa bande sonore un aspect proche de l’exploitation : ainsi, le déclenchement du fameux coup mortel connu sous le nom de ‘la main de fer’ est signalé par la sirène d’introduction du générique de ‘L’Homme de Fer’ composé par Quincy Jones. Une idée dont saura se souvenir un certain Quentin Tarantino, grand fan du film et de Lo Lieh en général, qui introduit sur la même musique les séquences de flash back du massacre de l’église dans Kill Bill.

Paradoxalement, La Main de Fer n’était pas considéré comme un projet majeur pour la Shaw Brothers - il s’agit d’une production à petit budget, sans extérieurs coûteux -, tout juste un moyen de ne pas se laisser distancer et de suivre la mouvance. Pourtant, il connaitra un véritable triomphe à l’exportation, notamment aux Etats-Unis où, racheté par la Warner qui le rebaptisera The Five Fingers of Death - tiens, voilà qui rappelle aussi un film de Tarantino -, il rapportera plusieurs millions de dollars, et surtout ouvrira la route à l’invasion du film de kung fu des années 70. Même s’il est profondément ancré dans son époque et son contexte de production, La Main de Fer se revoit aujourd’hui encore avec un grand plaisir : moins virtuose que les productions des années 60, il reste l’un des fleurons du kung fu pian qui donnera le la du genre tout au long des années 70.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Franck Suzanne - le 15 septembre 2005