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Critique de film
Le film
Affiche du film

L'Île mystérieuse

(Mysterious Island)

L'histoire

Durant la guerre civile américaine, des soldats de l'Union s'enfuient à bord d'un ballon d'un fort où ils étaient prisonniers ; par un concours de circonstance, un soldat sudiste se retrouve avec eux dans la nacelle. Ne sachant comment piloter l'engin, ils partent à la dérive, portés par les vents violents d'une gigantesque tempête. Ils finissent par s'échouer sur une île qui semble déserte.

Analyse et critique


Après les Contes des Mille et Une Nuits dans Le Septième voyage de Sinbad, Jonathan Swift avec Les Voyages de Gulliver et avant HG Wells et la mythologie grecque (le formidable Les Premiers hommes sur la lune, Jason et les Argonautes), le cinéma de Ray Harryhausen s'appropriait donc cet autre grand pourvoyeur d'imaginaire qu'était Jules Verne avec L’Île mystérieuse. Le film est très fidèle au livre et à l’opposé de notamment Les Voyages de Gulliver, les changements destinés à correspondre à la formule des productions Harryhausen / Charles Schneer se font dans le bon sens et ne dénaturent pas le roman. Le point de départ est similaire avec la fuite en ballon d'un groupe d'hommes lors du siège de Richmond, sauf que contrairement au livre ils sont cette fois tous militaires et seront rejoints plus tard sur l'île par deux naufragées (le prétexte à intégrer une présence féminine aguicheuse est assez voyant, surtout dès que Beth Morgan troque sa tenue distinguée pour un pagne ultra court que n'aurait pas renié Raquel Welch). Autre légère modification pour les connaisseurs du livre, le bandit repenti Ayrton (réutilisé par Jules Verne après Les Enfants du Capitaine Grant) est déjà mort et seulement évoqué comme un ancien habitant de l'île.


Les grands thèmes progressistes de Jules Verne sur la camaraderie et l'ingéniosité des hommes dans l’adversité (le bien commun surmontant les camps adverses de la civilisation) sont bien là, à travers le récit qui conserve cette tonalité à la Robinson Crusoé (Dafoe fut le modèle de Verne lorsqu'il se lança dans le roman). Cela permet d'introduire de manière cohérente le Capitaine Nemo, une présence bienveillante et mystérieuse planant sur l'île. Alors que le livre est un pur récit de survie face à l'hostilité de la nature, Harryhausen ajoute, pour plus de piquant, une foultitude de créatures aux proportions titanesques pour des morceaux de bravoure impressionnants. La première apparition d'un crabe géant est palpitante et inattendue, un volatile un peu ridicule offre tout de même une scène techniquement virtuose et l’on n’est pas loin de basculer dans l'épouvante avec des abeilles géantes peu ragoutantes. Le scénario lie habilement cette faune aux expériences de Nemo pour rendre le monde meilleur.


Parfois mal servi par des réalisateurs peu doués et des castings transparents (et où le seul intérêt repose sur ses effets), Harryhausen offre l'une ses productions les plus réussies grâce à la présence derrière la caméra de l’expérimenté Cy Endfield (le réalisateur du fameux Zoulou) et des têtes d’affiche solides dans l'ensemble, notamment Michael Craig en Cyrus. Par contre, sans être mauvais Herbert Lom affiche nettement moins de prestance en Nemo que James Mason dans le Vingt Mille Lieues sous les mers de Richard Fleischer ou même Omar Sharif dans l'excellent feuilleton télévisé français des années 70 (sans doute l’adaptation la plus fidèle à ce jour). C'est d'autant plus vrai dans la scène où il périt, assez quelconque comparé à la fin majestueuse de Mason et à celle poignante de Sharif. Techniquement le film est une grande réussite qui multiplie les prouesses. La traversée en ballon d'ouverture, l'île où le décor (la même plage que Le Septième Voyages de Sinbad pour les extérieurs, le reste dans les studios de Shepperton) se dote d'un exotisme irréel par l'ajout de prodigieux matte paintings comptent parmi les images les impressionnantes, sans parler des séquences sous-marines où l’on entraperçoit des ruines de l'Atlantide (directement inspirées des dessins de Ferat dans l'édition originale du livre) et une éruption volcanique finale dantesque. Le design du Nautilus est un poil décevant par rapport au film de Fleischer, mais ce ne sont que de petites broutilles pour ce formidable film d'aventures porté en plus par un fantastique score de Bernard Herrmann.


En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 12 mars 2019