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Critique de film
Le film
Affiche du film

L'Heure du cochon

(The Hour of the pig)

L'histoire

Un terrible et mystérieux meurtre est commis dans la France du Moyen-Age. Richard Courtois, jeune avocat parisien se rend dans une bourgade de province où il se trouve confronté au monde des superstitions rurales, aux peurs et aux désillusions.

Analyse et critique

The Hour of the Pig est un film historique très original qui nous plonge en plein Moyen-Age obscurantiste et brutal. Nous y suivons Richard Courtois (Colin Firth), jeune avocat idéaliste ayant fui Paris pour une petite ville de campagne où il compte mettre ses talents au service des petites gens. Le personnage est librement inspiré de Barthélemy de Chasseneuz, célèbre avocat et juriste du Moyen-Age qui laissa de nombreuses traces écrites des affaires sur lesquelles il plaida et des réformes qu’il contribua à mener et qui servent de base au film. Ces précisions sont nécessaires pour le néophyte de certaines mœurs du Moyen-Age et qui ne manquera pas d’être surpris dès la scène d’ouverture. Nous y voyons un homme condamné au gibet pour hérésie, et plus précisément pour avoir eu des relations « contre-nature » avec son âne qui trône à ses côtés pour subir la même exécution. Finalement l’animal sera épargné car considéré comme « non consentant » aux supposés outrages subit. L’absurde nous frappe ainsi d’emblée et témoigne de la réalité selon laquelle les animaux pouvaient effectivement être jugés et condamnés, et donc considérés comme responsables d’actes hérétiques.

Nous découvrons donc à travers le regard ébahi de Richard les mœurs barbares de ce monde rural régi par ses propres lois. La scène d’introduction nous en avait averti, et le film surprend par son équilibre surprenant entre drame et comédie noire pour signifier les écarts d’une époque. Le jugement des animaux dissimule en fait un prétexte bien pratique pour par extension faire disparaitre arbitrairement les démunis vulnérables ou à l’inverse protéger les puissants. La piété n’est qu’une façade hypocrite servant les mœurs dissolues l’abbé de local (Ian Holm truculent), nourrir les vengeances sournoises de querelles de voisinage. Le rire domine dans un premier temps par l’envers paillard et grotesque du contexte, que ce soit dans les scènes de procès ou du quotidien. Notre héros s’en amuse à son avantage pour ses plaisirs (les scènes de sexe et la nudité sont particulièrement décomplexés tout au long du film) mais aussi pour remporter quelques affaires mineures où le témoignage de certains témoins « cruciaux » tels que des rats s’avère impossible.

Cependant la loi locale soumise au bon vouloir du seigneur Jean d'Auferre (Nicol Williamson) a tôt fait d’orienter les sentences à son avantage et l’hilarité s’estompe sèchement lorsqu’une malheureuse est exécutée pour sorcellerie. Richard va ainsi se confronter à cette mascarade lorsqu’il devra défendre un cochon jugé responsable de la mort d’un enfant. D’abord réticent, il comprend que l’affaire revêt un enjeu plus vaste, le cochon appartenant à un groupe d’Egyptiens que la communauté cherche à expulser de la ville. Sous le charme de la belle Samira (Amina Annabi), Richard enquête et découvre toutes les strates sous-terraines de pouvoir qui régissent la ville sous couvert de croyance. L’atmosphère est réellement captivante, à la fois pour les ruptures de ton entre tragicomique, sensualité moite et barbarie. La mise en scène de Leslie Megahey parvient avec un égal brio à poser l’imagerie réaliste d’un Moyen-Age fangeux (les rats, les odeurs et la crasse sont palpables comme rarement), et à user de ses décors naturels (tournage en France dans lé région Rhône-Alpes) comme de studio pour traduire par l’image les échelles de pouvoir et de domination. L’échappée à ce carcan se fait par un onirisme envoûtant où façon Twin Peaks médiéval, certains indices essentiels parviennent à Richard à travers des songes et hallucinations particulièrement inventifs.

Plus le récit avance, plus le mariage entre la tonalité grotesque et la trame plus sérieuse forme un tout cohérent témoignant du grand mensonge de l’inquisition - notamment cette scène de banquet fellinienne. Les pauvres sont une chair tout aussi sacrifiables que cet innocent cochon, destinés à endosser les travers des dominants comme nous le comprendront. Récit social, romance, comédie noire, toutes ces directions sont brillamment menées et portées par une interprétation de premier plan : Donald Pleasence en procureur glacial, Ian Holm en abbé malicieux, Nicol Williamson tout en décontraction calculatrice. C’est cependant le couple Colin Firth/Amina Annabi qui emporte l’adhésion et apporte un souffle romantique et charnel bienvenu dans ce cadre sinistre. Une belle curiosité méconnue à vraiment découvrir donc.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 6 mai 2022