L'histoire
Phillip Davidson (John Mills) sort de prison après avoir purgé une peine de douze ans. Accusé de meurtre à tort, il compte bien aller demander des explications à deux des témoins (dont son ex fiancée) qui ont fourni un faux témoignage.
Analyse et critique
Surtout connu pour ses classiques signés au sein du studio Ealing (Au cœur de la nuit (1945) où il signe le mémorable sketch du miroir hanté, Noblesse oblige (1949), Il pleut toujours le dimanche (1947)), Robert Hamer aura également dans sa courte filmographie exercé son talent hors Ealing, à l'image de cet excellent polar. Hamer adapte ici un roman de Howard Clewes pour un récit de vengeance surprenant. Philip Davidson sort de prison la rage au ventre après avoir purgé une peine de douze ans. On découvre d'abord un John Mills à l'allure inquiétante trouvant une demeure de fortune dans un cimetière de bateau avant qu'un flashback nous révèle les raisons de ce sort.
Cherchant à couvrir les activités frauduleuses de son père alcoolique, Fay (Elizabeth Sellars) a fourni avec un autre acolyte le faux témoignage qui condamna Davidson en faisant de lui le coupable d'un meurtre. Le vrai assassin, l'inquiétant Boyd (John Chandos) s'est volatilisé et a laissé un cadavre dans l'épave d'un bateau, ainsi que la responsabilité du crime à Davidson. John Mills, le regard glacial et la mine taciturne semble tout entier dédié à sa revanche, sans un regard sur les témoignages d'amitié et les possibilités de rédemption qui s'offrent à lui avec la belle Illse (Eva Bergh) autre âme blessée, ou le vieillard bienveillant Jackson (Michael Martin Harvey).
Visuellement, Hamer fait de l'atmosphère du film une sorte de reflet de l'âme sèche et meurtrie de Davidson. On alterne ainsi entre des paysages ruraux désertiques dans lesquels ne surnagent que des carcasses de bateau rongées par la rouille (et où l’on n’aperçoit jamais la mer dans cet horizon fermé et sans avenir) et une tonalité plus urbaine et nocturne oppressante offrant des vues inquiétantes des quais voisinant Tower Bridge. Hamer fait véritablement de Davidson une silhouette maléfique à travers les cadrages et la photo d'Harry Waxman, le visage dur et impassible de Mills amenant la dernière touche de tension. On pense grandement aux ambiances inquiétantes qu'il parvenait à mettre en place dans Il pleut toujours le dimanche et le lien avec le film Ealing n'est pas qu'esthétique. On retrouve cette approche de film choral ainsi que l'humanité dont sait faire preuve Hamer envers ses personnages, complexes et jamais manichéens en dépit de leurs actions discutables.
On pense à l'ex fiancée jouée par Elizabeth Sellars, qui a depuis refait sa vie avec le chef de la police (John McCallum) et est mère d'un petit garçon. Rongée par le remord de sa trahison passée, elle craint également de tout perdre à travers la vengeance de Davidson et la découverte de son parjure, Hamer orchestrant de subtiles scènes de dialogues avec son époux où chacun devine l'angoisse de l'autre sans oser aborder le sujet. La dimension sociale fréquente chez le réalisateur (même pour rire jaune comme dans Noblesse Oblige) se retrouve également en liant Davidson à la jeune serveuse Ills, tous deux étant des meurtris de la vie pouvant se sauver l'un l'autre.
Ills (Eva Berg très touchante) trouvant enfin un homme sincère et protecteur, et Davidson découvre dans cet amour un autre futur que la vengeance. Le ton très dur et très noir vacille ainsi constamment à l'aune des hésitations du héros, Hamer alternant mélodrame intimiste et polar haletant. Tout cela se confond idéalement dans la trépidante course poursuite finale où le réalisateur allie suspense virtuose et vraie émotion. Un très beau film noir à l'ambiance assez unique.