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Critique de film
Le film
Affiche du film

Galia

L'histoire

A Paris, Galia sauve Nicole, qui veut se jeter dans la Seine car son mari la néglige. Galia lui conseille de disparaître pendant quelques jours afin d'inquiéter cet homme et accepte de le suivre pour voir ses réactions. Mais elle tombe amoureuse de lui et, malgré les avertissements de Nicole, accepte de passer le week-end avec lui.

Analyse et critique


Galia semble être un film quelque peu oublié dans les fleurons de la collaboration entre Mireille Darc et Georges Lautner. Pourtant, ce drame troublant est probablement l'un des plus singulier et réussi de leur filmographie commune. Si le réalisateur et l'actrice avaient déjà travaillé ensemble trois fois auparavant (Des pissenlits par la racine, Les Barbouzes et le génial film à sketches Les Bons vivants), Mireille Darc y abordait toujours avec brio le même emploi de jeune séductrice sensuelle et faussement ingénue. Galia marque donc une vraie avancée car elle trouve là son premier très grand rôle dramatique, en jetant un voile sombre sur le personnage insouciant qu'elle s'est créé dans les précédents films. Galia (adapté d'un roman de Vahé Katcha, qui cosigne le scénario avec Lautner) nous narre donc l'étrange destin de Galia (Mireille Darc), une jeune fille bien de son temps. En quête d'aventure et de frisson, elle quitte sa trop étroite province d'Étretat pour la capitale où elle mène une existence trépidante et multiplie les conquêtes masculines d'un soir. Pourtant, elle ne peut s'empêcher de ressentir la vacuité et la solitude qu'entraîne ce quotidien faussement exaltant. Lautner orchestre une mise en scène élégante, percutante et très moderne pour accompagner l'état d'esprit de son héroïne en ouverture. Le montage inventif est dans l'esprit psyché pop de l'époque et fait se bousculer les lieux et les visages, la caméra accompagne la silhouette radieuse de Mireille Darc dont la narration détachée en voix off fait parfaitement corps avec les images pour exprimer l'esprit libre de Galia.

Ces fulgurances visuelles (qui annoncent grandement celles, plus extravagantes, de La Grande sauterelle) seront plus parcimonieuses par la suite lorsque le drame va s'installer. Celui-ci arrive par la rencontre de Galia avec Nicole (Françoise Prévost), une femme qu'elle sauve d'une tentative de suicide dans la Seine. La cause est un mari infidèle, et la malicieuse Galia décide d'aider sa nouvelle amie en côtoyant le goujat afin d'évaluer sa réaction face à la supposée disparition de son épouse. Seulement, elle va être prise à son propre jeu en tombant folle amoureuse de lui. Malgré quelques longueurs dans son dernier tiers, Galia passionne alors de bout en bout en estompant sa légèreté de ton pour un drame lourd et intense, à l'image de la transformation de son héroïne. Si Galia paraissait si pétillante et détachée face aux hommes, c'est qu'elle n'avait jamais réellement aimé. Mireille Darc offre une prestation mémorable avec cette jeune fille qui se découvre paradoxalement femme (l'allure relativement garçonne et androgyne du début laisse place progressivement à une féminité de plus en plus prononcée) au contact du pire homme possible, et qui se désagrège littéralement au fil du récit, consumée par sa passion.


Lautner crée un décalage constant entre la bonne mesure détachée que cherche à dégager Galia et le réel trouble qui la gagne, la voix off moqueuse contrastant avec son attitude (et inversement), nous faisant comprendre que le mauvais tour se transforme en vraie romance. Venantino Venantini fait un peu peur le temps d'une première apparition où il incarne tous les clichés du macho séducteur et rouleur de mécaniques italien. On comprendra plus tard que c'était par le prisme du regard de Galia qu'il était représenté ainsi puisque lorsqu'elle lui cède finalement (superbe séquence de week-end à Venise), on devine alors le terrible prédateur qu'il dissimule. Son personnage est réellement odieux, égoïste et satisfait de lui-même, mais se cache si peu de ce qu'il est et impose une telle séduction animale qu'on comprend sans peine le trouble de Galia, plus habituée à faire courir les jeunes hommes. Les accords de Bach s'alternant avec l'envoûtant et majestueux score de Michel Magne expriment bien cette dualité entre doux romantisme qui s'oublie et douleur cynique du présent.

Plusieurs éléments fascinent tel le jeu de miroir entre Françoise Prévost et Mireille Darc, la première voyant dans les comportements de plus en plus perturbés de la seconde les affres par lesquels elle est passée mais ne pouvant l'empêcher d'y succomber. La complicité entre les deux femmes laisse place à la dissimulation, la méfiance et la jalousie, la dernière partie n'étant pas loin de basculer dans le thriller passionnel. Le film prend un tour onirique et cauchemardesque face aux tourments de Galia, comme pour la punir de sa liberté du début (le film créa une réelle polémique pour la sexualité sans tabou de son héroïne), telle cette sordide scène où Mireille Darc débarque chez Venantini pour le trouver en pleine orgie enfumée ou plus tard une séquence de rêve oppressante et psychédélique (c'est plastiquement l'un des films de Lautner les plus aboutis, notamment le noir et blanc aux nuances subtiles de Maurice Fellous). En dépit d'une dernière partie moins maîtrisée, la conclusion implacable et dramatique est réellement marquante, ramenant Galia à sa solitude mais où la quiétude du début a laissé place à une angoisse sourde.


En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 7 novembre 2018