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Critique de film
Le film
Affiche du film

Combat éternel

(The Lamp Still Burns)

L'histoire

La Grande-Bretagne, pendant la Seconde Guerre mondiale. Hilary Clarke est une infirmière dévouée qui croit en sa mission médicale en ces temps difficiles. Totalement investie dans son activité, elle est déstabilisée par l'arrivée d'un nouveau patient, un riche et séduisant industriel. Peu à peu, elle se sent tomber amoureuse...

Analyse et critique

Combat éternel est un beau film en forme d'ode au difficile et estimable métier d'infirmière. Le film est adapté du roman One Pair Of Feet de Monica Dickens, paru en 1942, et qui est en grande partie autobiographique. Monica Dickens, arrière-petite-fille du grand Charles Dickens, se détourna dès son plus jeune âge du milieu aisée dont elle était issue et, après avoir été exclue d'écoles prestigieuses comme la St Paul's Girls' School, obtint de sa famille d'être émancipée avant sa majorité. Dès lors, et parallèlement à sa future carrière d'écrivain, elle passerait sa vie à se dévouer aux autres, que ce soit en exerçant des métiers difficiles comme cuisinière, servante, infirmière, ou plus tard en travaillant au sein d'associations humanitaires œuvrant contre la maltraitance des enfants. Chacune de ces expériences nourrira sa carrière d'écrivain : son premier livre One Pair of Hands s'inspire de sa période de servante, plus tard My Turn To Make The Tea de son travail dans une usine d'aviation durant la guerre, et donc One Pair Of Feet de l'époque où elle fut infirmière. Pour Monica Dickens, vouer sa vie au bien-être d'autrui est comme entrer en religion ; et Maurice Elvey capture parfaitement cela dans son adaptation à travers la personnalité volontariste de l'héroïne incarnée par Rosamund John. Hilary Clarke est une jeune architecte bien installée ayant hérité du cabinet de son père, et qui par ses aptitudes est parvenue à s'imposer dans ce monde d'hommes. Pourtant le jour où son commis est victime d'un accident et qu'elle doit l'accompagner à l'hôpital, la vérité la frappe comme une évidence. La scène est filmée comme une sorte d'épiphanie visuelle où se mélangent les mines bienveillantes et rassurantes des infirmières, l'urgence et le mouvement permanent des lieux, et surtout les cohortes de malades en attente et dans le besoin. Hilary l'a compris, sa vraie vocation est là et pas dans une carrière certes prestigieuse mais qu'elle n'a pas choisie. Et elle va ainsi embrasser une formation d'infirmière, en véritable double de Monica Dickens.

Dès lors, on suit avec une rigueur documentaire le difficile quotidien des infirmières à travers l'apprentissage d'Hilary. Personnels limités, gardes étirées et harassantes, exiguïté du modeste hôpital et surtout une discipline de fer à laquelle elle a bien du mal à se plier constituent les multiples embûches auxquelles Hilary doit se confronter. La plus difficile épreuve sera pourtant celle soumise à son cœur lorsqu'elle sera amenée à soigner Rains (Stewart Granger), un client de son ancienne carrière d'architecte. Puisqu'elle  est amoureuse, sa bienveillance envers lui va plus loin que sa simple fonction ; et lui, animé des mêmes sentiments, n'aura de cesse de vouloir l'enlever de ce cadre. Rosamund John, déterminée et fragile à la fois, offre une belle prestation tout en retenue (et retrouvera ce même métier d'infirmière, en plus ambigu, dans le thriller Green for Danger de Sidney Gilliat).

Le film se montre d'ailleurs étonnamment critique envers le milieu hospitalier : si les infirmières sont des êtres sacrificiels ne vivant que pour leur métier, les gestionnaires, eux, ne se préoccupent guère de leur sort comme le montre une séquence cynique où ils tentent de répartir au mieux une généreuse donation qu'a reçue l'établissement. La grande question du film est de savoir si l’on peut mener une vie de femme tout en exerçant ce métier. La réponse est entre les deux et rendue insoluble par les conditions dans lesquelles travaillent ces femmes. Le sacrifice est douloureux et certaines ne l'accepteront pas sans mal tandis que pour d’autres (à l'image de la Matron expérimentée jouée par Cathleen Nesbitt), il restera l'immense satisfaction du devoir accompli et de l'aide apportée à ceux qui en eurent besoin. Pour Hilary, la réponse est évidente et s'affirme dans une sobre et touchante conclusion. Le titre original, The Lamp Still Burns, est d’ailleurs une forme de note d’intention puisqu’il renvoie à Florence Nightingale, considérée comme la pionnière de cette vocation d’infirmière, et salue la nature de sacerdoce du métier.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 9 avril 2021