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Critique de film
Le film
Affiche du film

Charade

L'histoire

En vacances à Megève, Regina Lampert, une jeune américaine qui réside en France, rencontre le séduisant Peter Joshua. C’est de retour à Paris qu’elle découvre un appartement vide et apprend la mort de son mari, assassiné. L’ambassade américaine lui révèle que son mari, Charles Lampert, était recherché par la CIA pour avoir dérobé 250 000 dollars destinés à la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. Traquée par les trois anciens compagnons de guerre de son mari à la recherche de l’argent, Reggie s’appuie sur l’aide de Peter Joshua, retrouvé par hasard à Paris. S’ensuit alors une folle chasse au trésor, ponctuée de rebondissements et de péripéties.

Analyse et critique

C’est dans une seconde collaboration avec Audrey Hepburn (après Drôle de frimousse en 1957) que Stanley Donen se penche sur le genre du thriller. Dès les premières secondes, le film revendique sa filiation dans une tradition hitchcokienne, avec un générique qui par ses couleurs et ses formes psychédéliques rappelle celui de Sueurs froides et un meurtre dans une baignoire qui renvoie indéniablement à la scène mythique de Psychose.



Si les marques du thriller sont présentes et se retrouvent dans une intrigue bien ficelée, un suspense maintenu tout au long du film grâce à une cadence rythmique qui ne laisse jamais le spectateur en repos, le film tire vers la comédie policière, voire la comédie, genre que Stanley Donen maîtrise à la perfection. Plusieurs scènes témoignent d’une logique déceptive où la tension dramatique est retournée en comique et provoque le soulagement mais aussi le rire du spectateur. On pense à la première scène qui se déroule à Megève où le pistolet pointé vers Reggie n’est qu’un pistolet à eau d’enfant, ou à la scène où le trésor que le jeune Jean-Louis croit avoir découvert n’est rien qu’un crochet à main gardé soigneusement dans une mallette par un des trois bourreaux de Reggie. Le personnage de l’inspecteur Édouard Granpierre participe de cette veine comique. Alors que dans un film policier l’inspecteur est la plupart du temps la clé de voûte de la résolution du crime, il reste ici un personnage de second plan, qui apparaît peu si ce n’est dans des scènes comiques qui mettent en avant sa balourdise. Incarnation de l’inspecteur bien français, il se distingue comme un personnage burlesque inutile dans la progression de l’intrigue. Un peu plus loin dans le film, Peter Joshua prend une douche tout habillé, la poudre de talc est suspectée d’être en réalité de l’héroïne : le film est bien empreint de burlesque. L’humour de répliques qui deviennent presque un running gag vont dans ce sens, comme la question de Reggie qui revient à chaque fois que le personnage de Cary Grant dévoile une nouvelle identité, “is there a Mrs. Joshua/ Dyle/ Canfield/ Cruikshand?” ou la réplique de Peter Joshua/ Alexander Dyle/ Adam Canfield lorsqu’il se fait passer pour un voleur “there’s no law about stealing stolen money”



La vivacité des dialogues participe donc de plein droit au dynamisme de cette comédie dont le charme opère grâce au duo d’acteurs qui fonctionne à merveille (l’anecdote raconte qu’après le tournage du film, Cary Grant aurait prononcé ce souhait: “Tout ce que je veux à Noel, c’est un autre film avec Audrey Hepburn !”). Stanley Donen nous livre un Paris mythique et mythifié, comme le suggère la référence explicite à Un américain à Paris lors de la balade nocturne sur les quais de Reggie et Peter. Cette image stéréotypée se voit dans le choix de lieux cultes de l’imaginaire parisien, comme Les Halles mais aussi les fameux bateaux mouches, le jardin des Champs Élysées, la station de métro ou bien encore la cour d’honneur du Palais-Royal. L’élégance d’Audrey Hepburn, habillée par son fidèle ami Hubert de Givenchy, symbolise l’idéal du style français. 



Au-delà d’une intrigue policière assez classique (une affaire de vol et de vengeance, la découverte par une veuve de la vie cachée de son mari…), l’originalité et la richesse du film résident dans sa capacité à toujours surprendre le spectateur et à le tenir en haleine, tant par ses rebondissements si fréquents qu’ils en deviennent presque attendus (le brouillage entre traîtres et protecteurs, l’accumulation de couvertures pour Brian Cruikshand…) que par une bande son entraînante et rythmée signée Henri Mancini. La réussite de cette comédie policière consiste dans sa capacité à allier suspense et légèreté, comme en témoigne la scène du night club et du jeu de l’orange qui mêle sensualité, bouffonnerie mais aussi brutalité et violence. La tension est toujours contredite par une atmosphère insouciante, incarnée par les spectacles de marionnettes mais aussi par le jeu de séduction entre Reggie et Peter qui tourne au badinage, voire au marivaudage (jeux de chassé-croisé, balades nocturnes…). Regina Lampert apparaît comme une femme indépendante mais facilement manipulable, prise entre deux hommes aux versions contradictoires dès le début du film. La scène de fin aux colonnes du Palais-Royal représente parfaitement ce tiraillement: Reggie est placée au centre, à égale distance entre Bartholomew, le prétendu agent de la CIA, et Peter, l’homme qu’elle aime mais dont elle ne connaît ni l’identité et la fonction. Tous deux clament leur innocence et dénoncent l’autre comme le meurtrier. C’est alors l’amour qui impulse le choix de Reggie et règle l’affaire. 

Charade est bien une comédie policière dont la magie fonctionne grâce à un mélange irrésistible d’éléments qui font que le film se regarde avec plaisir.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Constance Bernson - le 1 juin 2022