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Critique de film
Le film
Affiche du film

Badman's Territory

L'histoire

Le Gang des frères James commet un hold-up au Texas ; il est pourchassé par le shérif Mark Rowley (Randolph Scott) ainsi que par le posse organisé par le Marshall Bill Hampton (Morgan Conway). Les deux groupes ne s’entendent pas vraiment et tentent chacun de leur côté d’appréhender les bandits. Kid Coyotte (George Gabby Hayes), qui avait participé au cambriolage, est capturé par Rowley qui souhaite le ramener en ville afin qu'il y soit jugé. Alors qu’ils sont en route pour escorter Kid, ils croisent le chemin du Marshall Hampton qui, sans raison apparente, tente de tuer le prisonnier mais ne fait que blesser John, le frère du shérif qui s’était interposé pour l’empêcher d’être lâchement abattu. Hampton est sur le point de tous les abattre quand Jesse James (Lawrence Tierney) intervient et le fait fuir. Jesse conduit alors le blessé à Quinto, l’une des villes sans loi de ces "terres oubliées" comme on nommait alors ce territoire. Hampton fait courir le bruit que le frère du shérif fait désormais partie du gang James ; Mark n’en croit rien et décide d’aller vérifier par lui-même en se rendant seul à Quinto. Sur son chemin, il rencontre Henryette Alcott (Ann Richards), la seule habitante de la ville à lutter contre le banditisme par l’intermédiaire du journal local qu’elle a hérité de son père. Il tombe amoureux de la jeune femme. Mais, alors qu’elle souhaite convaincre les habitants de signer une pétition afin que leur contrée soit rattachée à l’Oklahoma, qui ne va pas tarder à faire partie des USA, on propose à Mark d’être régulateur de la ville pour éviter toute effusion de violence intempestive. Loi encadrée juridiquement par les États-Unis ou loi d’un seul homme sans qu’il n’ait de comptes à rendre à personne ? La décision est dans les mains des habitants de Quinto.

Analyse et critique

«... But an unusual mistake was made in this race for statehood. A strip of land was completely overlooked... forgotten. It was left without law or sheriff. This strip had no legal basis for government of any kind. And in the closing decade of the Nineteenth Century, it became a hideout for the outlaws who infested the west. No United States Marshal dared venture there. It was called Badman's Territory », nous explique une voix off au début du film. Donc, en ce dernier quart du XIXème siècle, enclavé entre les Etats du Nouveau-Mexique et du Texas au sud, du Kansas et du Colorado au nord - tous les quatre déjà entrés sous le giron de la bannière étoilée -, un petit territoire rectangulaire n’était bizarrement pas encore administré ni juridiquement ni politiquement. A l’est, sa frontière était le futur Oklahoma encore aux mains des Indiens. Une aubaine pour tous les hors-la-loi sévissant aux alentours qui pouvaient se réfugier dans cette contrée sans jamais y être inquiétés. Cette situation convenait parfaitement à presque tous les habitants, qui s’étaient fait une raison et s’étaient habitués à profiter de l’argent salement gagné par les bandits. Quinto était la "capitale" de ce Badman’s Territory. C’est dans ce lieu sans loi, ce "havre de paix pour canailles", que se déroule l’intrigue du film de Tim Whelan, son premier western.


Une histoire pour le moins originale que celle que nous offre ce petit western de série B, qui nous décrit une situation historique peu commune, fait apparaître le personnage du régulateur (homme choisi par la population pour jouer le rôle de garde-fou quand la région n’était encore gouvernée par aucune autorité juridique ou politique) tout en lançant quelques pistes de réflexion sur la loi et l’ordre. Autre élément nouveau, celui de faire se réunir dans le même film un grand nombre d’outlaws célèbres, ici les frères James, les frères Dalton, Sam Bass et Belle Starr. La compagnie Universal faisait alors se côtoyer ses différents "monstres" pour essayer d’accroître l’audience de ses nouvelles productions de films fantastiques ; la RKO a probablement tenté de faire de même avec ce western. Bien évidemment, ces hors-la-loi ne se sont tous probablement jamais rencontrés dans la réalité mais il ne faut pas oublier que nous sommes à Hollywood, le territoire magique de toutes les improbabilités, quitte à déplaire aux historiens puristes ! Le westerner lui, est aux anges : l’occasion de pouvoir croiser dans la même heure Jesse James, Belle Starr et Bob Dalton ne lui est pas offerte tous les jours, d’autant que ces rencontres s’opèrent au sein d’un western d’honnête facture !


Tim Whelan, qui venait de tourner le premier "screwball musical" avec le méconnu mais jubilatoire Step Lively (avec Frank Sinatra), devait être encore pris dans le rythme effréné de ce dernier quand il réalisa son premier western. En effet, le quart d’heure initial est tellement rapide et mouvementé qu’on se demande parfois si l’on a bien tout compris et si l’on n'aurait pas au passage loupé des éléments de l’intrigue. Ca bouge, ça tire, ça caracole, ça chevauche dans tous les sens avant que tout le monde se pose relativement tranquillement une fois que l'on arrive à Quinto. Et dans cette ville des sans-loi, les pires crapules ne sont pas nécessairement ceux que l’on croit : les personnalités célèbres sont jugées et décrites par les scénaristes avec beaucoup de respect comme l’a toujours plus ou moins fait Hollywood jusqu’à présent, "romantisant" à outrance la vie de ces outlaws. Celui qui mérite cette "récompense" est le Marshall Hampton qui souhaite ardemment que le territoire passe sous l’égide de l’Oklahoma, ayant prévu dans cette éventualité de se réserver une place au soleil dans le domaine politique. Alors que dans le même temps les citoyens les plus raisonnables de la ville commencent à se dire qu’il leur faudrait un garde-fou pour se protéger d’eux-mêmes et empêcher une montée de la violence ; c’est ainsi qu’ils pensent à inventer le "métier" de régulateur, non pas chargé d’arrêter les bandits (tous ayant tendance à forcer la sympathie) mais plutôt d’éviter tout débordement. Sans base juridique ni politique, ils ne trouvent que cette solution en attendant de devenir américains à part entière.


C’est donc à Randolph Scott (pour la deuxième fois en haut de l’affiche en ce début d’année 1946 après Abilene Town) qu’échoit cette dangereuse mission. Egal à lui-même, l’acteur accomplit sans surprise mais avec honnêteté son travail, son personnage échappant parfois aux conventions lorsque par exemple son aimée le compare à Richard Cœur de Lion et qu’il lui répond qu’il est loin d’être aussi bon que ce dernier, puisqu'il souhaite se faire aimer pour lui-même et non pour ses faits glorieux. Le rôle féminin est interprété par Ann Richards, une actrice ressemblant parfois étonnamment à Ingrid Bergman. A leurs côtés évolue un bon casting de seconds rôles, mais personne ne tire vraiment son épingle du heu hormis peut-être Isabel Jewell dans la peau de Belle Starr ; lors de ses trois ou quatre apparitions, on se prend à rêver à ce qu’aurait pu être le film d’Irving Cummings qui contait sa biographie si elle avait été en haut de l’affiche en lieu et place de Gene Tierney. Au cours de ce western de bonne tenue, on pourra assister à une course de chevaux autour de la ville et à un duel d’une belle sécheresse, le tout soutenu par un score honorable de Roy Webb qui se prend à faire des variations sur son beau thème principal de L’Amazone aux yeux verts (Tall in the Saddle). Badman's Territory est parfois diffusé sous le titre L’Ange des maudits, il ne faut évidemment pas le confondre avec le futur western de Fritz Lang. En conclusion, il ne faudrait pas bouder ce film car malgré une intrigue parfois confuse et un ensemble qui ne laissera probablement pas de grandes traces dans les esprits, il fera certainement passer un bon moment à beaucoup d’amateurs ; Tim Whelan prouvait qu’il n’avait rien d’un manche et que, arrivant presque en fin de carrière, il restait un cinéaste qui gagnait à être connu.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 6 juin 2015