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Test dvd
Image de la jaquette

Coffret Frank Borzage

DVD - Région 2
Carlotta
Parution : 3 novembre 2010

Image

L'Heure suprême est le plus abîmé des trois principaux films proposés dans ce coffret (on mettra à part La Femme au corbeau). On note des griffures, des taches et un léger effet de pompage sur certains passages, des défauts surtout sensibles à la fin de chaque bobine. Ces imperfections notées, il convient de saluer l’excellence de la restauration effectuée sur les films du coffret et, plus généralement, le travail d’édition accompli une fois encore par Carlotta. C’est ainsi que sur tous les films, la compression n’est jamais prise en défaut et la définition se révèle à chaque fois excellente. On note simplement quelques très courts plans un peu flous, certainement ceux qui étaient les plus abîmés à l'origine. Pour revenir à 7th Heaven en particulier, on note des contrastes très bien rendus, des noirs profonds et des blancs rehaussés sans être cramés.

On a longtemps cru que L'Ange de la rue était une œuvre perdue et c'est seulement dans les années 70 qu'une copie en a été retrouvée. Carlotta nous propose aujourd'hui de découvrir ce chef-d'œuvre dans une édition magnifique. Au vu de l'âge, le revoir dans de telles conditions de confort est en effet un quasi miracle. On ne note presque plus de défauts, de taches ou de rayures. Un très léger effet de pompage est parfois sensible, mais on le remarque à peine et il permet plutôt de mesurer le travail de restauration accompli sur le film. L'édition possède les mêmes qualités que L’Heure suprême quant à la restitution du noir et blanc, même si le résultat est moins flagrant, le style de Borzage évoluant vers des noirs et des blancs moins tranchés et une utilisation plus fine de la gamme de gris.

Lucky Star revient d’encore plus loin, le film étant présumé perdu jusqu'à ce qu'une copie soit retrouvée dans les archives du Nederlands Filmmuseum d’Amsterdam en 1990. Les intertitres et le générique ont été refaits d’après les textes du script déposé à la Bibliothèque du Congrès et de la copie néerlandaise. L’image est d’une absolue beauté, contrastée, nette et nettoyée de toutes ses impuretés. Le côté un peu diffus, estompé de la photo est admirablement bien rendu par un transfert qui, comme pour les autres films du coffret, respecte à la fois la texture de l’image et le travail des chefs opérateurs.

Proposé en bonus (et quel bonus !) sur le troisième disque, The River est donc présenté dans sa version fragmentaire. Rappelons que le film a pu être partiellement sauvé car une copie 16mm en avait été faite juste avant que la copie 35mm ne soit détruite car jugée inutilisable. Il faut donc prendre en compte et l'état de détérioration de la copie et le transfert supplémentaire en 16mm d'où est issue la version actuelle. L'image est donc très dégradée, avec moult griffures, points blancs, taches, mais reste tout à fait regardable.

Tous ces films sont également proposés par Carlotta en Haute définition. L’éditeur, qui fait déjà un beau pari en sortant les films de Frank Borzage, se lance donc un défi supplémentaire en pariant sur le Blu-ray pour l’édition de films muets.

Son

Les trois films bénéficient de leur accompagnement musical d'origine : celui d’Ernö Rapée et William Perry pour L’Heure suprême, d’Ernö Rapée seul pour L'Ange de la rue et enfin de Rapée et Barney Wolf pour La Femme au corbeau. Ces bandes sonores sont proposées en mono et sont dans l'ensemble en excellent état. Un très léger souffle est sensible dans les moments les plus calmes, mais rien qui ne vient rendre l'écoute inconfortable. Lucky Star est quant à lui proposé avec un nouvel accompagnement composé par Christopher Caliendo, une musique soignée mais très illustrative.

Suppléments

Entretien avec Hervé Dumont (44 mn). Chacun des films (hormis La Femme au corbeau qui bénéficie d'un commentaire audio complet) est l'objet d'un entretien avec le spécialiste français de Borzage. Hervé Dumont, historien du cinéma, est en effet l'auteur de l'impressionnant Frank Borzage, Sarastro à Hollywood, l'ouvrage de référence sur le cinéaste. Dumont - qui a également supervisé cette édition DVD - propose ainsi un entretien découpé en trois parties :

Au septième ciel (20 mn), Quête de la pureté (12 mn) et Anarchisme poétique (12 mn). Chaque partie se concentre sur un film en particulier mais l'entretien pris dans son ensemble met en avant, de manière très limpide et circonstanciée, les thématiques du cinéaste et ses grands principes de mise en scène. Pour qui n'a pas la chance de pouvoir déguster son Sarastro à Hollywood, cet entretien avec Dumont, toujours clair et synthétique, est une porte d'entrée parfaite pour découvrir l'œuvre du cinéaste.

Galeries photos. Une galerie de photogrammes est proposée pour les trois principaux films du coffret. Une quarantaine de photos d'exploitation et d'images de plateaux se succèdent sur fond musical, ce qui fait que le timing est imposé (environ 3 mn 30 pour chaque galerie) et que l'on ne peut pas passer librement d'une photo à une autre. Si l'on regrette de ne pouvoir avoir accès plus facilement à certaines images, on se régale de la beauté des photos de plateaux, de découvrir Borzage en action ou entouré de ses collaborateurs, ou encore de découvrir l'envers du décor comme le gigantesque plateau vertical permettant de réaliser le panoramique sur la montée des étages vers le "septième ciel".

Livret (76 pages). Dans ce livret d'accompagnement pourvu d'une très belle iconographie, Hervé Dumont résume en quelques phrases les enjeux des quatre films du coffret et les grands thèmes borzagiens. Pas d'apport particulier par rapport aux autres interventions de Dumont sur cette édition, mais un bel objet, très agréable à feuilleter.

Pour L'Heure suprême :

Day is Done (1955 - N&B - 25 mn). C’est devenu une petite habitude de Carlotta que de proposer en complément de certaines de ses éditions (Allan Dwan par exemple) des films de télévision réalisés par les cinéastes dans le cadre de la série Screen Directors Playhouse produite par Hal Roach. Ce dernier a en effet pour ambition de faire tourner des grands noms du cinéma pour cette petite lucarne qui vient d'apparaître et qui semble promise à un bel avenir. Day is Done, avec Rory Calhoun, raconte l'histoire d'un soldat qui motive ses camarades au son du clairon. C'est un petit film soigné mais assez anecdotique dans le cadre de ce coffret, plus une curiosité - comme les deux autres films de la série proposés sur les autres disques - qu'un véritable complément aux films muets par ailleurs proposés. Il permet néanmoins de mesurer la longévité du cinéaste et d'avoir un aperçu de la suite de sa carrière, ainsi que de constater que son antimilitarisme restera une constante de son œuvre.

Frank Borzage - 11 avril 1958 (27mn). Cet entretien, enregistré au magnétophone en avril 1958 par George Charles Pratt, le directeur du département cinématographique du Musée international de la photographie George Eastman House de Rochester, est l'unique document sonore connu de Borzage. L'entretien durait à l'origine 46 minutes mais seules 27 minutes sont ici reproduites, la partie de l'interview correspondantà l'évocation par le cinéaste de sa carrière au temps du muet. Borzage y raconte ses difficiles débuts de carrière. Désirant devenir comédien, il travaille dans une mine pendant deux ans, économisant de quoi entrer dans uneécole d'art dramatique à Salt Lake City. Il part en tournée mais se fait arnaquer par le directeur de la compagnie et il est contraint de retourner un temps à la mine. Il accompagne ensuite une troupe itinérante, travaillecomme aide cuisinier, jardinier, avant de trouver son premier véritable emploi de comédien. Pendant deux ans, il joue ainsi dans des pièces de Shakespeare, tourne dans l'Arizona, au Missouri, au Colorado... jusqu'à s'installer à Los Angeles où il fait son entrée dans le monde du cinéma. Il débute comme figurant à la Universal et obtient assez rapidement des rôles de jeune premier dans des films de série. Lassé de jouer dans des réalisations où tout lui semble forcé et caricatural, il fait des pieds et des mains pour passer à la réalisation. C'est ainsi qu'il met en scène de nombreux westerns de deux bobines avant de passer à des films de cinq bobines. Très vite il participe à l'écriture des films, en écrivant certains entièrement, et se charge également du montage. C'est avec Toton, tourné aux studios Triangle, que Borzage a pour la première fois le sentiment d'avoir réalisé un film personnel. Ayant trouvé le type d'histoire qui lui parle, il poursuit dans cette voie au studio Cosmopolitan pour lequel il réalise son premier grand film, Humoresque. Borzage raconte ensuite des anecdotes de tournages, des rencontres et la vie des studios à l'époque du muet et au tout début du parlant. De nombreuses photos accompagnent l'entretien : photos de familles ou de classes montrant Borzage jeune, images tirées de ses premiers rôles au cinéma et instantanés montrant le cinéaste au travail. Un document sonore qui n'apporte pas de grandes révélations sur le cinéma hollywoodien ou le travail de Borzage (même si l'on y apprend pourquoi il a abandonné les extérieurs suite à un accident survenu sur un de ses tournages), mais un véritable délice qui nous replonge dans cet moment si particulier de l'histoire du septième art.

Pour L'Ange de la rue :

Les Ailes du désir (14 mn). L'historien du cinéma Michael Henry Wilson propose dans ce bonus d'étudier quelques aspects du cinéma de Borzage : la persistance dans son œuvre d'un chemin menant du profane au sacré ; le fait que le cinéaste, à contrario de ses confères hollywoodiens, ne s'intéresse ni à la patrie ni à la famille mais seulement à l'amour fou ; la figure ascendante qui prédomine dans ses films... Le texte est lu par une actrice tandis qu'à l'image défilent photos de films et extraits. Si l'analyse est pertinente, elle reste malheureusement très écrite : Michael Henry Wilson a une belle plume, très lyrique, voire poétique, mais en passant à l'oral son texte en ressort alourdi et même parfois pompeux, ce qui finit par rendre ce bonus un peu fatiguant à suivre malgré son évident intérêt.

A Ticket for Thaddeus (1956 - N&B - 25 mn). A Ticket for Thaddeus est un autre film réalisé par Borzage dans le cadre de la série Screen Directors Playhouse. Cet épisode, avec Edmond O'Brien, raconte l'histoire d'un immigré polonais qui a fui le nazisme et continue depuis à vivre dans la peur. Suite à un accident de voiture, il est confronté à la police et c'est tout le drame de sa vie qui remonte à la surface. Comme Day is Done, un téléfilm très soigné qui met en avant l'humanisme et la sensibilité de Borzage.

Pour Lucky Star :

The Day I Met Caruso (1956 - N1B - 25 mn) est le troisième film réalisé par Frank Borzage pour Screen Directors Playhouse. Des trois épisodes proposés sur ce coffret, celui-ci - autrefois diffusé au cinéma de minuit - est le plus original et le plus réussi. On reste encore dans l'anecdotique au vu des longs métrages proposés, mais c'est un film élégant, parfois surprenant, particulièrement agréable à suivre.

Pour La Femme au corbeau :

Partie DVD-Rom. Par l'ordinateur, on accède à un fichier proposant trois fichiers PDF regroupant une série d'articles, de coupures de presses, de publicités et d'affichettes sur La Femme au corbeau. Des documents d'époque, en anglais, tout comme le texte complet de la nouvelle de Tristram Tupper telle que publiée dans The Saturday Evening Post en 1927.

Commentaire audio d'Hervé Dumont. Le spécialiste de Borzage revient sur la façon dont The River a pu être partiellement sauvé, rappelant au passage que pas moins de vingt-deux longs métrages de Borzage ont été perdus pendant la période de sa carrière allant de 1916 à 1927. Dumont évoque la préparation et le tournage du film, la personnalité de Mary Duncan ou encore la façon dont Borzage construit The River sur des éléments fortement symboliques. Si parfois le commentaire audio est un peu redondant avec ce qui se déroule à l'image, tant le sous texte et les symboles maniés par Borzage sont d'une grande limpidité, dès que Dumont évoque les à-côtés du film, les anecdotes de tournage ou encore la façon dont la nouvelle de Tristram Tupper a été transformée, celui-ci se révèle très instructif.

Par Olivier Bitoun - le 23 octobre 2010