Je reposte ici. Attention : c'est la version suédoise.
Singoalla (Christian-Jaque, 1949) ... avec Pierre Véry au manuscrit...
C'est une coproduction franco-suédoise qui a été tournée en trois versions : une française, une suédoise et une anglaise. Dans la version française, le rôle du chevalier Erland est tenu par
Michel Auclair (mais en voyant Alf Kjellin, j'ai souvent pensé que
Gérard Philipe aurait été comme un ours au salon du miel dans ce film
), dans les deux autres versions c'est
Alf Kjellin -- assez fade -- qui tient la barre. Quant au personnage de la Tzigane Singoalla, il est interprété par
Viveca Lindfors dans les trois versions (là, elle nous la joue Gina Lollobrigida dans "Notre-Dame de Paris"... mais en Suède).
C'est censé commencer vers 1340 et cela se termine en 1350 quand la peste noire est arrivée en Suède... En gros, c'est l'histoire d'une malédiction : tous les chevaliers de la famille Månesköld sont condamnés à mourir jeunes et, partant, on s'efforce de les marier rapidement pour que la lignée puisse survivre. Seulement, dans le film, le chevalier Erland tombe malencontreusement amoureux d'une Tzigane, ce qui dérange bien du monde...
Dans les cinq premières minutes, on est plongé dans une ambiance à la Pierre Véry ("
Les Disparus de Saint-Agil"), les couloirs du château font penser à
"Sylvie et le fantôme" (1946), le chevalier somnambule au "
Baron fantôme" (Serge de Poligny, 1943). Enfin, quand Erland décide de partir avec les Tziganes, on se dit qu'il y a un petit côté
capitaine Fracasse (qui, je vous le rappelle, décide de suivre une troupe de comédiens par amour). Mais l'aspect fantastique est vite désamorcé. A la sixième minute, le chapelain dit qu'il n'y a pas plus de malédiction que de beurre en broche, que c'est un problème d'alignement des planètes (réplique qui a mis en colère les gens de la "National Legion of Decency" pour qui il était impensable qu'un prêtre catholique puisse faire de l'astrologie) et le film change de registre.
A partir de là, on se retrouve devant une simple histoire d'amants maudits. Cela se laisse regarder, mais, en dehors de Viveca Lindfors (qui est habitée par son rôle), l'interprétation est assez fade voire caricaturale. Enfin, à l'arrière-plan, la figuration n'est pas très convaincante. Là, je pense surtout à l'attaque du château qui est vraiment jouée avec les pieds. On est loin du
Robin des Bois de Curtiz (1938). En voyant le tricot à l'épée de certains combattants, j'ai carrément pensé à José Noguéro dans
Mandrin (René Jayet, 1947) ; affreux !
Quant au maelstrom final, j'avoue qu'il m'a laissé songeur ! On peut se contenter de le prendre au premier degré, bien sûr. Mais, personnellement, j'ai eu le sentiment que le réalisateur ne savait plus quoi faire de ses personnages et que, faute de pouvoir démolir sa caméra sur scène à la façon d'un Pete Townsend, il s'est dit : "Foutu pour foutu, faisons tout péter !"
Au passage : je signale que ce film a eu droit à deux fins. J'ignore comment se termine la version française, mais les versions suédoise et américaine ne se terminent pas du tout de la même manière (mais je n'en dis pas plus pour ne pas spoiler).
C'est un film qui a coûté très cher (en décors et en costumes), mais qui a probablement souffert d'avoir été tourné en trois versions. Même s'il a fait des entrées, il a été mal reçu par la critique suédoise qui l'a trouvé plutôt risible ! Tout comme la version tournée en anglais. En fait, d'après la notice de l'Institut suédois du film, seule la version française tiendrait la route (mais, c'est bien connu, l'herbe est toujours plus verte ailleurs).
J'ajoute qu'ayant travaillé à la fac sur le Moyen Age suédois, je n'ai pu m'empêcher de le regarder d'un point de vue historique et... oué...
Et je ne dis rien du fait que les Tziganes / Roms ne soient mentionnés en Suède qu'à partir du 16e siècle ! Bref : on a un grand écart entre le 14e siècle et le 16e siècle.
Comme d'habitude, le DVD suédois n'offre que des sous-titres suédois. On a une qualité d'image "Gaumont à la demande" plutôt pas mal (sauf sur les 4 premières minutes qui ont un peu trop noirci).