Le Cinéma espagnol

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jack Carter
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Jack Carter »

Cycle cinéma espagnol

Huit films qui brossent un panorama du cinéma espagnol de la seconde moitié du XXe siècle, de Luis Buñuel (Viridiana) à Pedro Almodóvar (Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier) en passant par Víctor Erice (L'esprit de la ruche) ou Fernando Trueba (La fille de tes rêves), en ligne sur arte.tv pendant six mois.


Sur arte.tv
Du 16/04/2023 au 15/10/2023


Bienvenue Mr Marshall (Berlanga)
Viridiana (Bunuel)
L'Esprit de la ruche (Erice)
Pepi, Luci, Bom et les autres filles du quartier (Almodovar)
Amants (Arranda)
La Fille de tes reves (Fernando Trueba)
Amor proprio (Mario Camus)
Les Innocents (Bardem)
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par cinéfile »

Jack Carter a écrit : 28 mars 23, 15:59 Bienvenue Mr Marshall (Berlanga)
Dédicace aux quizzeurs/biteurs de 2020 !


Sinon, très bonne nouvelle cette sélection - assez hétéroclite - qui mêle des grands classiques et quelques films plus rares (comme le Bardem et le Camus que je ne connais pas).
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Jack Carter
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Jack Carter »

Je ne me souviens plus si c'est toi qui conseillait Amants, ou Profondo Rosso, ou les deux :lol:
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par cinéfile »

Jack Carter a écrit : 28 mars 23, 19:05 Je ne me souviens plus si c'est toi qui conseillait Amants, ou Profondo Rosso, ou les deux :lol:
Lol !
C'était Profondo, je pense. Ça longtemps que je n'ai pas revu le film :wink:
Pareil pour le Trueba, dont j'ai que très peu de souvenirs.
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Profondo Rosso »

Jack Carter a écrit : 28 mars 23, 19:05 Je ne me souviens plus si c'est toi qui conseillait Amants, ou Profondo Rosso, ou les deux :lol:
Oui remonte le topic d'une ou deux pages tu retrouveras mon avis, avec le Trueba qui est assez génial aussi :wink: Belle sélection effectivement !

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Re: Le Cinéma espagnol

Message par cinéfile »

Rétro Eloy de la Iglesia à la Cinémathèque du 12 au 19 Juillet :D :

https://www.cinematheque.fr/cycle/eloy- ... -1091.html
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Profondo Rosso »

Navajeros de Eloy de la Iglesia (1980)

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José Manuel Gómez Perales alias “El Jaro” vit avec sa bande de délinquants, également des adolescents et leurs copines. Un jour, il rencontre Mercedes, une prostituée qui veut l'éloigner du mauvais chemin. Apparaît alors Toñi, une toxicomane dont il tombe amoureux…

Avec ses héros masculins d'âge mûr entretenant des relations troubles auprès de jeunes délinquants mineurs dans Plaisirs cachés (1976) et Le Député (1978), Eloy de la Iglesia avait déjà plus que flirté avec le courant du cinéma quinqui et réalisant Navajeros, il va en devenir le véritable fer de lance. Le terme quinqui est issu de l'argot espagnol et désigne des personnes vivant en marge de la société, et le sous-genre associé à ce mot se caractérise par le portrait de la délinquance juvénile locale. Cette jeunesse désœuvrée et dépolitisée dans le contexte socio-politique de la transition postfranquiste ne trouve donc que dans une existence hors-la-loi l'adrénaline, la raison d'être et les ressources financières pour survivre. Le quinqui est un des genres les plus populaires de cette période en Espagne, auquel nombre de réalisateur renommés (Carlos Saura avec Vivre vite (1981) ou en devenir (Pedro Almodovar sur Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? (1984)) s'essaieront, tandis que les "spécialistes" seront des personnalités comme José Antonio de la Loma, Ignacio F. Iquino ou donc Eloy de la Iglesia. Une des particularités du quinqui est de souvent engager des acteurs juvéniles dont le quotidien âpre correspond à leurs rôles à l'écran, la parenthèse cinématographique se faisant entre deux séjours en prison ou maison de correction. Navajeros endosse doublement ce cachet réaliste. Le film est le biopic de José Joaquín Sánchez Frutos surnommé "El Jaro", quinqui dont les "exploits" en firent une véritable vedette médiatique faisant la une des journaux avant sa mort prématurée en 1979 à l'âge de 16 ans. L'acteur jouant El Jaro est José Luis Manzano, enfant de la rue et délinquant que Eloy de la Iglesia repère en 1978 et qui va être immédiatement fasciné par son charisme, au point de lancer sa carrière de comédien avec Navajeros - et il sera de tous les films quinquis du réalisateur, Colegas (1982), El Pico (1983), El Pico 2 et La estanquera de Vallecas (1987).

Navajeros déroule de façon encore naturelle ce qui deviendra en quelque sorte le "cahier des charges" du film quinqui à savoir succession de larcins plus ou moins violent, consommation de drogue et sexualité débridée. Ce dernier point est un des apports majeurs d'Eloy de la Iglesia au genre, frôlant dans les films suivants le voyeurisme et une certaine complaisance en s'attardant avec insistance sur la nudité de ses jeunes éphèbes. Le réalisateur sombrera en effet dans les mêmes excès que les délinquants qu'il film en tombant dans les drogues dures, et sera soupçonné d'entretenir une proximité suspecte avec eux (ce que préfiguraient justement Plaisirs cachés et Le Député), dont José Luis Manzano qu'il hébergea un temps chez lui. Navajeros est à mi-chemin entre ces dérives et la veine plus engagée politiquement des œuvres précédentes de de la Iglesia. La première partie du film est à ranger en bonne place aux côtés du Scarface de Brian de Palma ou Fight Club de David Fincher dans la catégorie des œuvres offrant un visage dangereusement séduisant de ce qu'elles dénoncent en prenant le risque d'être incomprise. On va y suivre la fulgurante ascension de El Jaro et de sa bande, l'escalades de plus en plus violente, périlleuse et lucrative de leur méfait. Arrachage de sac dans les rues, vols de voiture, attaque de commerce, mise à sac des business de criminels adultes plus chevronnés et bagarre de bande, les morceaux de bravoures s'enchaînent avec une frénésie euphorisante dans un montage nerveux et une bande-son rock'n'roll. José Luis Manzano, phrasé cinglant, pose bravache et regard intimidant, fait preuve d'une présence absolument magnétique et électrisante. El Jaro sous ses traits semblent véritablement invulnérable et irrésistible, échappant toujours aux forces de police et les rares fois où il se fait prendre bénéficiant de la mansuétude dû à son statut de mineur. Ce pouvoir de fascination déteint sur ses camarades prêts à le suivre dans tous les mauvais coups, subjugue les femmes dont la prostituée Mercedes (Isela Vega ) trouvant une nouvelle jeunesse dans ses bras, et même l'institution avec ce dialogue où le directeur d'une maison de correction se montre admiratif de la capacité d'adhésion de notre héros qui en ferait potentiellement un grand politique. Cette impuissance de l'Etat s'illustre d'ailleurs par le portrait peu reluisant de la police, entre impuissance et relents de fascisme pas estompé lors d'une scène d'interrogatoire où un agent regrette de ne plus pouvoir appliquer d'anciennes "méthodes".

Après nous avoir montré cet envers faisant presque office de tract publicitaire pour la vie de quinqui, Eloy de la Iglesia va progressivement dévoiler la face sombre et sans issue d'une telle existence. La voix et conscience politique prolongeant le message du réalisateur passe par le personnage du journaliste joué par José Sacristán. Ses commentaires entrecoupent et désamorcent l'adrénaline joyeuse des méfaits d'El Jaro, et amènent sans les justifier une explication à l'attitude destructrice de notre "héros". Il amène par là une dimension documentaire lorsqu'il revient sur les lieux des banlieues misérables où a grandi El Jaro, et le dénuement extrême des lieux fait comprendre les voies jusqu'au-boutistes qu'empruntent les délinquants pour échapper à ce cadre. La rencontre espérée mais toujours ajournée entre le journaliste et El Jaro empêche ce dernier de faire une introspection salvatrice, même si la vulnérabilité sous les postures viriles est entrevue plusieurs fois. Il y a notamment ce terrible moment de détresse où lorsqu'il décide de braquer une maison close avec ses comparses, il tombe sur sa propre mère (María Martín) officiant sur les lieux et en compagnie d'un client. Il y a également quelque chose de maternel dans le lien l'unissant à Mercedes, femme mûre endossant ce rôle protecteur qui lui a tant manqué. La volonté incongrue d'El Jaro de garder l'enfant de Toni (Verónica Castro) sa petite amie junkie et enceinte, témoigne aussi de ce désir de construire une cellule familiale qu'il n’a pas eu - José Luis Manzano est tout aussi impressionnant dans ce registre fragile qui annonce sa prestation plus vulnérable de El Pico. Seulement pour s'en sortir, il ne connaît que l'urgence de la rue et dès lors de la Iglesia traduit cette impasse en sclérosant les leitmotivs galvanisant de la première partie. El Jaro se retrouve blessé, un de ses amis est tué, les évènements tournent en sa défaveur lorsqu'il cherche à monter un mauvais coup. Le début du film usait dans son montage frénétique d'une ritournelle de musique classique issue du ballet La Belle au bois dormant de Tchaïkovski (et notamment utilisé dans l'adaptation Walt Disney en instrumental et sur le morceau Once Upon a Dream) et ce gimmick qui ajoutait à la tonalité enjouée des exploits du personnage se dote d'une facette désespérée dans la répétitivité impossible et pathétique de ces hauts faits. La confrontation progressive avec la réalité et la vraie violence du monde (la rencontre incongrue avec des terroristes basques) signe la fin du rêve pour El Jaro et annonce sa fin tragique et forcément violente. 5/6

Dommage qu'il ne soit pas dans le coffret Artus celui-là, sachant que la copie de la cinémathèque était nickel.
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Profondo Rosso »

Colegas de Eloy de la Iglesia (1982)

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Antonio et Rosario sont deux frères et sœurs qui vivent en banlieue de Madrid. José le meilleur ami d'Antonio et de le fiancé de Rosario, tous les trois rencontrant des difficultés à entrer dans la vie active et trouver un emploi. Lorsque Rosario va tomber enceinte, Antonio et José vont devoir employer tous les moyens pour financer son avortement.

Colegas est la seconde incursion directe d'Eloy de la Iglesia dans le cinéma "quinqui", ce sous-genre à succès observant la délinquance espagnole entre la fin des années 70 et le milieu des années 80. S'il cède à l'imagerie et aux passages obligés des films "quinquis" (violence, drogue, sexe et désespoir), Eloy de la Iglesia ne cède jamais à la redite et confère à chaque opus une identité propre. Cela passe notamment par les motivations et le milieu social très différent de ces anti-héros juvéniles d'un film à l'autre. Navajeros (1980) avait pour héros un véritable rebus de la société, un quasi orphelin sans code moral dont les méfaits était la seule issue nihiliste de s'extirper de la misère à laquelle il était promis. Dans le diptyque El Pico 1 et 2 (1983, 1984), le héros était au contraire issu de la bourgeoisie et sa fuite en avant était existentielle, le refuge dans la drogue et l'addiction étant pour lui la seule échappatoire à la pression sociale de son milieu nanti. Colegas réalisé entre ces deux œuvres constitue également un entre-deux dans le milieu dépeint, la jeunesse d'une certaine classe moyenne espagnole dont le manque d'opportunité va pousser malgré eux dans l'illégalité. Il n'y a donc ni la politique de la terre brûlée de Navajeros, ni l'autodestruction lente et désespérée de El Pico. Les trois voies endossent d'ailleurs le visage de l'acteur José Luis Manzano qui fait preuve d'un talent extraordinaire dans des propositions de jeux et personnages très différents pour une même figure de délinquant.

Nous allons suivre Antonio (Antonio Flores), sa sœur Rosario (Rosario Flores) et José (José Luis Manzano), meilleur ami du premier et petit copain de la seconde. Végétant tous dans le modeste appartement HLM de leurs parents, ils ne parviennent pas à prendre leur départ dans la vie en trouvant un emploi. Pour chacun d'eux, on observe la promiscuité subie d'une famille nombreuse chez José (avec une impudeur assumée lorsque ses frères se masturbent sans complexe devant lui), les reproches d'inactivité et de ne pas contribuer aux dépenses quotidiennes visant Antonio, auquel s'ajoute le jugement moral quant au choix de son petit ami pour Rosario. On observe les efforts vains du trio pour s'en sortir mais freiné par son manque de qualifications, la seule ouverture vers des métiers laborieux et insignifiants, un Etat aux abonnés absents pour les accompagner. Nos héros persévèrent malgré tout, jusqu'à ce que l'urgence de la grossesse de Rosario rendent le dénuement de leur situation bien plus dramatique. Dès lors de la iglesia oriente le récit vers une veine tragicomique qui revisite les situations violentes et scabreuses de Navajeros pour les désamorcer. Antonio et José s'essaient donc à la prostitution masculine et gay sans parvenir à se "stimuler" pour leur client, tentent le braquage d'un bureau de tabac avant de se liquéfier en situation face à un tenancier guère menaçant. Les personnages n'ont ni la rage kamikaze de Navajeros, ni le désenchantement dépressif à venir de El Pico. Eloy de la Iglesia fustige donc la faillite d'un système passé et présent (le fait qu'en 1982 l'avortement doive encore être clandestin et périlleux pour une jeune fille) que ce soit au niveau de l'institution ou de la famille (l'affreuse mégère vociférante incarnant la mère d'Antonio et Rosario.

C'est cette absence d’appui qui va mener nos héros vers l'illégalité, et même si de la Iglesia conserve une tonalité amusée et picaresque, les situations se font de plus en plus périlleuses. Les personnages restent des enfants naïfs face aux criminels (d'ailleurs à force voir plusieurs quinqui on repère certains acteurs typés comme Enrique San Francisco spécialiste des rôles de corrupteurs malfaisants traînant dans les business louches), oppressés et incompris par leur parent, abandonné par le système et en définitive trahis par les adultes. Le film est à la fois le plus léger des quinquis du réalisateur, mais paradoxalement le plus désespéré car porté par des protagonistes positifs mais auxquels on ne laisse aucune chance. La narration semble fonctionner selon une longue déambulation sans but dans la périphérie madrilène changeante, entre espace désertique où les chantiers recouvrent les bidonvilles d'antan, et barres HLM représentant un progrès urbain mais une même impasse sociale. Seul pivot, l'amitié profonde qui lie les protagoniste et qui reprend presque le fonctionnement en trio comme une sorte d'idéal pour Eloy de la Iglesia rejouant la même scène vu dans Plaisirs cachés (1977) et Le Député (1978) où les trois protagonistes s'étreignent avec ardeur quand Rosario décide renoncer à avorter - la dimension sexuelle en moins mais la manifestation d'affection intense la même. La fin désespérée et ouverte voit d'ailleurs les héros tourner le dos à ce monde adulte qui ne veut pas d'eux, mais laisse dans l'expectative sur la voie à suivre pour eux. 4,5/6
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Tina Quintero
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Tina Quintero »

Le coffret DVD José Luis Guerín était devenu hors de prix, alors 2 bonnes nouvelles à signaler (enfin ça fait déjà quelques mois) : Innisfree fait partie des suppléments sur le BR de L'Homme tranquille, et Le Spectre du Thuit (Tren de sombras) existe aussi en BR ! Je viens de m'en rendre compte, commande immédiate.
https://www.fnac.com/mp48681437/Tren-de ... et-24-Pags
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Jeremy Fox
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Jeremy Fox »

Colegas de Eloy de la iglesia chroniqué par Justin.
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit : 25 sept. 23, 07:56 Colegas de Eloy de la iglesia chroniqué par Justin.
Au tour de El Pico avant le second volet la semaine prochaine
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit : 4 oct. 23, 08:06
Jeremy Fox a écrit : 25 sept. 23, 07:56 Colegas de Eloy de la iglesia chroniqué par Justin.
Au tour de El Pico avant le second volet la semaine prochaine
Comme prévu, El Pico 2 de Eloy de la Iglesia
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Heliurl
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Heliurl »

Jack Carter a écrit : 28 mars 23, 15:59 Cycle cinéma espagnol

Huit films qui brossent un panorama du cinéma espagnol de la seconde moitié du XXe siècle, de Luis Buñuel (Viridiana) à Pedro Almodóvar (Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier) en passant par Víctor Erice (L'esprit de la ruche) ou Fernando Trueba (La fille de tes rêves), en ligne sur arte.tv pendant six mois.


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Bienvenue Mr Marshall (Berlanga)
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La Fille de tes reves (Fernando Trueba)
Amor proprio (Mario Camus)
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Voulant parfaire ma connaissance limitée du cinéma espagnol, je m'étais fixée comme "objectif" de voir au moins trois films de cette rétrospective tombant à point nommé. Résultat, je n'ai trouvé le temps d'en voir que deux : "Viridiana" de Luis Bunuel et "La fille de tes rêves" de Fernando Trueba

S'agissant du premier, je dois admettre que je n'ai pas été aussi emballée que je l'aurais voulu (peut-être le fait que le film soit auréolé de la plus prestigieuse des récompenses participé à ce haut niveau d'exigence)
Si j'ai retrouvé dès les premiers plans l'ambiance assez malsaine et pleine de sous-entendus chère à Bunuel, que j'apprécie plutôt d'habitude, ici le propos est trop accentué, presque grotesque et finit par devenir une caricature du style bunuelien. Car j'estime que cette accumulation de retournements de situations inattendus (la jeune bonne soeur qui tombe facilement dans les pièges fomentés par son oncle et quitte les ordres du jour au lendemain … mais surtout la rebellion incontrôlable des mendiants) manque de réalisme et de crédibilité.
Après les idées de montage présentes ici et là ainsi que la direction d'acteurs font mouche mais plus de subtilité aurait été bienvenue

En ce qui concerne ma première incursion chez Fernando Trueba, elle est somme toute plutôt convaincante. Cela grâce à une mise en scène très dynamique avec peu de moments de répit pour les personnages et des acteurs partageant leur amour du cinéma et du jeu (puis la présence lumineuse de la jeune Pénélope Cruz est une bonne raison de voir ce film)
Toutefois le côté "potache" et burlesque des scènes comiques tend à devenir lourd et la retranscription du contexte historique est un peu trop frivole pour que je sois vraiment conquise
Mais l'envie d'explorer la filmographie de Trueba père est bien réelle et d'ailleurs je regarderai sans faute ce mois-ci une rareté "Belle Époque".
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Shinji
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Shinji »

Je n'avais pas encore vu Que Dios nos perdone, je ne sais pas pourquoi, mais la présence d'Antonio de la Torre au casting m'a décidé après avoir regardé Grupo 7 d'Alberto Rodriguez, et avant ça La Colère d'un Homme patient de Raúl Arévalo (lui-même acteur dans La Isla minima).

On retrouve d'ailleurs comme chez Rodriguez l'événement historique en motif de fond de cette petite histoire qui ne marquera pas autant le pays, même plutôt destinée à être mise sous le tapis.

Et donc le cinéma policier espagnol récent est vraiment de qualité, un peu comme dans les pays nordiques ou en Italie ; d'ailleurs, je ne comprends pas que l'on n'arrive pas à faire ce genre de films en France, en tout cas je n'en ai pas d'aussi marquant qui me vienne en tête.

Ordinaires, les deux hommes qui mènent l'enquête, je ne sais pas ; en tout cas, ils sont mis de côté, l'un bourrin et l'autre asocial limite autiste. Mais ils font leur boulot à leur façon et pour cela ils iront jusqu'au bout, quitte à se mettre à dos des collègues ou leur hiérarchie.

Par contre je n'ai pas trop compris les motivations du tueur ; et ici ce qui m'a surtout gêné, ce sont les cadavres de vieilles dames exposés sur les scènes de crime et à la morgue... On aurait pu comprendre l'horreur de la situation sans insister autant là-dessus. :?

Pas mon préféré donc, mais du très bon dans le genre.

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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma espagnol

Message par Profondo Rosso »

Arrebato de Iván Zulueta (1979)

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osé Sirgado (Eusebio Poncela), jeune réalisateur d’une trentaine d’années, vient de terminer le montage de son second film, dont il est profondément insatisfait. Accro à l'héroïne et pleine séparation d’avec Ana (la vedette de son premier film), il reçoit un mystérieux paquet envoyé par Pedro (Will More), un jeune homme rencontré quelques années plus tôt lors des repérages de son premier film.


Arrebato est une œuvre culte du cinéma espagnol, et emblématique du courant expérimental et transgressif qui traverse les films de cette période de transition postfranquiste qui verront naître des courants tels que la Movida. Le réalisateur Iván Zulueta est justement au cœur de ces avant-gardes, débutant par des études d'arts décoratif et publicitaire avant d'intégrer une école de cinéma au début des années 60. Il s'exerce dans le cadre du cinéma expérimental à travers plusieurs court-métrages, mais travaille aussi pour la télévision grâce à son mentor Jose Luis Borau qui produira son premier film Un, Dos, Tres, Al Escondite Inglés (1970), œuvre pop et potache à la Richard Lester. Durant cette période, Zulueta se lie d'amitié avec Pedro Almodovar qu'il aidera sur ses premiers court-métrages et prendra en charge le design des posters de ses films quand il passera au long. Arrebato voit le jour grâce à l'apport financier d'un mécène architecte et sera tourné à l'économie durant quinze jours.

Le film peut être vu comme une sorte de Videodrome avant l'heure, avec un thème voisin sur la nature hantée et infectieuse des images. Au côté organique et cérébral de Cronenberg se substitue cependant ici une dimension plus fantastique que SF, plus psychanalytique que thriller. Nous suivons José (Eusebio Poncela) jeune réalisateur en pleine crise artistique et personnelle, butant sur le montage de son second film (qu'il considère réussit mais jugé raté par ses collaborateurs) et en pleine rupture amoureuse avec sa petite amie Ana (Cecilia Roth). Dans les deux cas les cause du mal semblent être en partie son addiction à l'héroïne, que l'on constate dans l'introduction chaotique d'Ana et leur absence de communication. Recevant un enregistrement et une bobine de film de Pedro (Will More), étrange jeune homme croisé durant les repérages de son précédent film, José se plonge à la fois dans les souvenirs de leur rencontre passée, mais aussi dans la psyché torturée de celui-ci en écoutant son histoire et regardant les rushes de son film.

Iván Zulueta ne s'est pas délesté de son passif expérimental et très clairement la narration erratique ponctuées de grosses longueurs en rebutera plus d'un. Néanmoins le film possède un réel pouvoir de fascination à travers l'imprévisible personnage de Pedro, et des thématiques qui en découlent. Celui-ci a un tempérament autiste et replié sur lui-même, uniquement obsédé (dans un premier temps) par le filmage de son quotidien, des environs de sa maison, mais s'effondre systématiquement en larmes quand il visionne le résultat de ses travaux qu'il juge médiocre. Se liant d'amitié avec José, il lui explique son obsession plus spécifique quant à une minuterie d'intervalle qui contrôle l'obturateur de sa caméra et la part d'insaisissable qu'il croit capturer dans ses intervalles particuliers. La narration en flashback dépeint d'abord leur rencontre, puis adopte ensuite le point de vue de Pedro pour nous faire comprendre la nature de ses expérimentations. En se filmant lui-même durant ses heures de sommeil, Pedro semble avoir découvert et ouvert une porte sur l'ailleurs représenté par les intervalles rouges s'intercalant entre les images qu'il filme. Plus il filme et plus les intervalles rouges se font nombreux et font disparaître les vraies images tournées, et Pedro tournera encore et encore jusqu'à ce que les intervalles deviennent dominant dans ses films, quitte à y perdre son âme.

Les parties avec José, ses problèmes de drogue et de couple sont assez longuets et poussifs mais nécessaire pour comprendre ce qui poussera le personnage à se risquer à être à son tour pris au piège de "l'ailleurs" insondable des intervalles rouges. En revanche tout le long processus de découverte de Pedro est captivant, entretenant le doute longtemps entre le surnaturel manifeste ou la paranoïa de son protagoniste perturbé. Le réalisateur déploie tout un arsenal formel pour nous perdre, notamment dans la nature des films de Pedro qui sont en fait des extraits des vrais court-métrages de Iván Zulueta. Filmés en super-8 puis transféré en 35 mm pour Arrebato, , ils y gagnent une texture et une colorimétrie étrange qui en accentuent la nature rêvée et inquiétante. D'autres éléments non prévus jouent aussi sur la dimension hallucinée du film, comme certaines prises sons ratées qui forceront à redoubler en postproduction le personnage de Gloria (Helena Fernán-Gómez), mais par Pedro Almodovar (non-crédité) ce qui ajoute en plus du reste ce sentiment de décalage et bizarrerie à l'écran. Que l'interprétation du film opte pour le fantastique ou pour le délire psychotique et paranoïaque (les sidérantes dernières minutes estompent légèrement le doute même s'il persiste), il y a là néanmoins une passionnante réflexion sur notre attrait et obsession des images filmées, leur attrait et dangerosité morbide - mais contrairement à Cronenberg adoptant le point de vue du spectateur, Zueleta s'identifie à l'artiste frustré choisissant d'être happé par l'image face à son incapacité à en produire. Trop en avance, expérimental et opaque, le film sera un échec à sa sortie mais obtiendra néanmoins de nombreuses récompenses avant de retrouver son statut culte quand il ressortira en 2002. Iván Zulueta (qui partage les addictions et le caractère torturé de ses héros) ne reviendra plus au long-métrage et hormis quelques travaux à la télévision au début des années 90, en restera à son métier premier de designer (toujours pour son ami Pedro Almodovar entre autres) jusqu'à sa disparition en 2009. Donc objet filmique non identifié et pas facile d'accès, mais qui mérite quand même largement le coup d'œil. 4/6


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