Michael Roemer

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Michael Roemer

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NOTHING BUT A MAN (Michael Roemer, 1964) découverte

Paumé dans la tranchée séparant des années 50 revendicatrices et des années 70 plus directement politiques, Nothing But a Man est une petite perle que l'Histoire a laissé sur le bord de route. Un premier film, réalisé par un obscur réalisateur, Michael Roemer, né en Allemagne, quittant son pays parce que juif et qui rama sévère avant de monter son métrage. Projet à frêles épaules qui avec les moyens du bord et le passé du réalisateur en background, tente de capter l'air de temps, la mélancolie de la communauté noire et la discrimination au quotidien dont elle est victime. Un ouvrier qui n'aspire qu'à vivre peinard s'entiche de la fille d'un prêtre du genre à sourire uniquement lorsqu'il met sa main dans le grille-pain, lutte pour se maquer avec sa fiancée et pour elle, change de boulot et de ville. Par ce geste, notre homme va réveiller une société américaine qui l'avait oublié et qui va lui rappeler qu'un noir, ça ferme sa gueule et ça dit merci. Le personnage, trop fier pour baisser la tête et trop amoureux pour envoyer tout balader, va devoir serrer les dents, gagner la confiance de sa femme et tuer certains vieux démons (dont un père loque humaine). Noir et blanc superbe, acteurs débutants mais suant de charisme (dont Ivan Dixon futur réalisateur phare de la blax ou un jeune Yaphet Kotto) et tristesse discrète, jamais larmoyante, qui prend aux tripes sur la pointe des pieds jusqu'à une réplique finale qui laisse sur le carreau. Une belle réussite, qu'on soutient sans se faire prier, mais qui n'eut aucune incidence sur la carrière de Roemer. Nothing But a Man sorti dans l'indifférence malgré quelques bonnes critiques européennes et un prix à Venise, le réalisateur mis 25 ans avant de tirer sa deuxième balle (la comédie The Plot Against Harry en 1989 qui fit un four car jugé comme "pas drôle"). Aujourd'hui, Roemer fait l'acteur et son premier long attend patiemment avant d'être pleinement redécouvert. Patience.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Alexandre Angel
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Re: Michael Roemer

Message par Alexandre Angel »

Kevin95 a écrit :NOTHING BUT A MAN (Michael Roemer, 1964) découverte
C'est le moins que je puisse dire :shock:
C'est tentant, merci! (tu l'a vu où?)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Rick Blaine
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Re: Michael Roemer

Message par Rick Blaine »

On trouve un DVD US : https://www.amazon.fr/Nothing-But-Man-U ... ael+Roemer

Sinon j'imagine qu'il y a d'autre moyens plus rapides de le voir. :D

Intriguant en tout cas.
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Kevin95
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Re: Michael Roemer

Message par Kevin95 »

Alexandre Angel a écrit :
Kevin95 a écrit :NOTHING BUT A MAN (Michael Roemer, 1964) découverte
C'est le moins que je puisse dire :shock:
C'est tentant, merci! (tu l'a vu où?)
Une projo organisée à l’arrache dans Paris.
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Re: Michael Roemer

Message par AtCloseRange »

Kevin95 a écrit : 29 juin 17, 09:54 Image

NOTHING BUT A MAN (Michael Roemer, 1964) découverte

Paumé dans la tranchée séparant des années 50 revendicatrices et des années 70 plus directement politiques, Nothing But a Man est une petite perle que l'Histoire a laissé sur le bord de route. Un premier film, réalisé par un obscur réalisateur, Michael Roemer, né en Allemagne, quittant son pays parce que juif et qui rama sévère avant de monter son métrage. Projet à frêles épaules qui avec les moyens du bord et le passé du réalisateur en background, tente de capter l'air de temps, la mélancolie de la communauté noire et la discrimination au quotidien dont elle est victime. Un ouvrier qui n'aspire qu'à vivre peinard s'entiche de la fille d'un prêtre du genre à sourire uniquement lorsqu'il met sa main dans le grille-pain, lutte pour se maquer avec sa fiancée et pour elle, change de boulot et de ville. Par ce geste, notre homme va réveiller une société américaine qui l'avait oublié et qui va lui rappeler qu'un noir, ça ferme sa gueule et ça dit merci. Le personnage, trop fier pour baisser la tête et trop amoureux pour envoyer tout balader, va devoir serrer les dents, gagner la confiance de sa femme et tuer certains vieux démons (dont un père loque humaine). Noir et blanc superbe, acteurs débutants mais suant de charisme (dont Ivan Dixon futur réalisateur phare de la blax ou un jeune Yaphet Kotto) et tristesse discrète, jamais larmoyante, qui prend aux tripes sur la pointe des pieds jusqu'à une réplique finale qui laisse sur le carreau. Une belle réussite, qu'on soutient sans se faire prier, mais qui n'eut aucune incidence sur la carrière de Roemer. Nothing But a Man sorti dans l'indifférence malgré quelques bonnes critiques européennes et un prix à Venise, le réalisateur mis 25 ans avant de tirer sa deuxième balle (la comédie The Plot Against Harry en 1989 qui fit un four car jugé comme "pas drôle"). Aujourd'hui, Roemer fait l'acteur et son premier long attend patiemment avant d'être pleinement redécouvert. Patience.
Une vraie belle découverte. Hâte de découvrir les deux autres films récemment ressortis en salle.

https://www.lemonde.fr/culture/article/ ... _3246.html
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Boubakar
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Re: Michael Roemer

Message par Boubakar »

Ma critique du même Nothing like a man :
Un jeune cheminot rencontre une institutrice, fille d'un pasteur renommé. Ils vont vivre ensemble et se marier contre son avis, mais peu de temps après, le mari montre des signes de rébellion contre les blancs, car il est noir de peau...

Jusqu'à peu, je ne connaissais pas du tout Michael Roemer, mais son parcours est en soi très intéressant. Durant les années 1960, il va réaliser en indépendant trois films importants, dont Nothing but a man, mais il va laisser tomber le cinéma en 1966 pour devenir professeur d'art jusqu'à sa retraite à la fin des années 2010 ! Ce qu'il a réalisé est passé plus ou moins à l'as jusqu'à ce que ses enfants en découvrent la trace dans les années 1990, et qui vont pousser Roemer à les exploiter en catimini dans des festivals. Jusqu'à leur renaissance en 2022 sous l'impulsion de Ronald Chammah (par ailleurs compagnon de Isabelle Huppert) et leur nouvelle exploitation en salles l'année suivante dans des copies restaurées.

Par ailleurs, Nothing like a man était le film favori de Malcom X, mais ça s'explique.

En somme, c'est l'éveil de la conscience d'un homme de couleur noire, joué par Ivan Dixon, dans une Amérique des années 160 où la Ségrégation existe encore, où les personnes de couleurs sont regardées en chiens de faïence par les blancs, où les noirs doivent obligatoirement s'asseoir au fond du bus... En somme, il ne voit pas cette différence quand il travaille au départ comme cheminot auprès de ses amis qui sont tous noirs (c'est d'ailleurs le premier rôle d'un tout jeune Yaphet Kotto), mais dès qu'il quitte ce métier pour se rapprocher de son épouse, et notamment pour travailler ailleurs, on le pointera toujours du genre qu'il est différent. Ce qui va le pousser à vouloir mobiliser ses autres collègues de travail de couleur noire pour avoir de meilleures conditions de travail, mais sa grande gueule va en quelque sorte se retourner contre lui. Le film est complètement de son temps, avec les clichés racistes que ça comporte quand un blanc parle d'un noir (à savoir qu'il peut bosser en tant que majordome ou pour couper du coton), mais que peut faire Ivan Dixon dans une société qui ne demande qu'à muter ? Il y a aussi la très bonne Abbey Lincoln (qui était par ailleurs chanteuse), incarnant son épouse, mais je comprends très bien que Nothing like a man pousse à la révolte car il y a de quoi.

L'autre grand mérite de l'histoire est de ne pas présenter Ivan Dixon comme quelqu'un de parfait. C'est loin d'être le cas, il a une histoire familiale assez compliquée, avec un fils de quatre ans dont la mère ne le veut plus, et il ne sait même pas si il est de son sang, ainsi qu'un père alcoolique qui part peu à peu vers une déchéance fatale, sans compter son caractère qui s'affirme peu à peu, jusqu'à rejaillir sur son épouse.

Il en résulte un film formidable, tourné sans doute à l'arrache et avec des moyens insignifiants, ce qui explique aussi les faux raccords à répétition, mais le sujet est inévitablement très fort, porté en plus par l'excellente musique de la Motown.
Vu la qualité de la copie au cinéma (très bien restaurée), je n'ose imaginer que ça ne sorte pas en blu-ray.
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Jack Carter
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Re: Michael Roemer

Message par Jack Carter »

Boubakar a écrit : 1 juil. 23, 10:42 Ma critique du même Nothing like a man :
Un jeune cheminot rencontre une institutrice, fille d'un pasteur renommé. Ils vont vivre ensemble et se marier contre son avis, mais peu de temps après, le mari montre des signes de rébellion contre les blancs, car il est noir de peau...

Jusqu'à peu, je ne connaissais pas du tout Michael Roemer, mais son parcours est en soi très intéressant. Durant les années 1960, il va réaliser en indépendant trois films importants, dont Nothing but a man, mais il va laisser tomber le cinéma en 1966 pour devenir professeur d'art jusqu'à sa retraite à la fin des années 2010 ! Ce qu'il a réalisé est passé plus ou moins à l'as jusqu'à ce que ses enfants en découvrent la trace dans les années 1990, et qui vont pousser Roemer à les exploiter en catimini dans des festivals. Jusqu'à leur renaissance en 2022 sous l'impulsion de Ronald Chammah (par ailleurs compagnon de Isabelle Huppert) et leur nouvelle exploitation en salles l'année suivante dans des copies restaurées.

Par ailleurs, Nothing like a man était le film favori de Malcom X, mais ça s'explique.

En somme, c'est l'éveil de la conscience d'un homme de couleur noire, joué par Ivan Dixon, dans une Amérique des années 160 où la Ségrégation existe encore, où les personnes de couleurs sont regardées en chiens de faïence par les blancs, où les noirs doivent obligatoirement s'asseoir au fond du bus... En somme, il ne voit pas cette différence quand il travaille au départ comme cheminot auprès de ses amis qui sont tous noirs (c'est d'ailleurs le premier rôle d'un tout jeune Yaphet Kotto), mais dès qu'il quitte ce métier pour se rapprocher de son épouse, et notamment pour travailler ailleurs, on le pointera toujours du genre qu'il est différent. Ce qui va le pousser à vouloir mobiliser ses autres collègues de travail de couleur noire pour avoir de meilleures conditions de travail, mais sa grande gueule va en quelque sorte se retourner contre lui. Le film est complètement de son temps, avec les clichés racistes que ça comporte quand un blanc parle d'un noir (à savoir qu'il peut bosser en tant que majordome ou pour couper du coton), mais que peut faire Ivan Dixon dans une société qui ne demande qu'à muter ? Il y a aussi la très bonne Abbey Lincoln (qui était par ailleurs chanteuse), incarnant son épouse, mais je comprends très bien que Nothing like a man pousse à la révolte car il y a de quoi.

L'autre grand mérite de l'histoire est de ne pas présenter Ivan Dixon comme quelqu'un de parfait. C'est loin d'être le cas, il a une histoire familiale assez compliquée, avec un fils de quatre ans dont la mère ne le veut plus, et il ne sait même pas si il est de son sang, ainsi qu'un père alcoolique qui part peu à peu vers une déchéance fatale, sans compter son caractère qui s'affirme peu à peu, jusqu'à rejaillir sur son épouse.

Il en résulte un film formidable, tourné sans doute à l'arrache et avec des moyens insignifiants, ce qui explique aussi les faux raccords à répétition, mais le sujet est inévitablement très fort, porté en plus par l'excellente musique de la Motown.
Vu la qualité de la copie au cinéma (très bien restaurée), je n'ose imaginer que ça ne sorte pas en blu-ray.
Bon nombre de trucs restaurés ne sortent pas forcement en bluray (pas mal de films italiens du distributeur Camelia sortis depuis deux ou trois ans, qu'on trouve ça et là programmés sur OCS ne sont jamais sortis en video dans les mois qui ont suivis leurs sorties)

Roemer, c'est obscur, et à moins de faire un vrai travail editorial dessus, pas sur que ça parle à beaucoup de monde (si ça sort, je suis le premier à acheter vu que le film dont tu parles et sa comedie juive Harry Plotnik m'ont beaucoup plu...sinon j'ai plus moyennement accroché à Vengeance is mine, malgré Brooke Adams)

C'est un peu pour ça que je defendrai toujours le fait de voir les "reprises" en salles quand vous en avez l'occasion, comme les 5 films noirs mexicains sortis il y a quelques semaines (apres, en effet, si on habite pas Paris, Lyon ou une autre grande ville, c'est difficile à voir) car rien ne garantit que tout sortira en video dans les mois qui suivent.
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Re: Michael Roemer

Message par Flol »

Merci pour la mise en avant de ce cinéaste qui m'a l'air passionnant, parce que je viens de réaliser que Nothing Like a Man est dispo sur Mycanal. Ainsi que les 2 autres films de la trilogie. :D
Eh bien je crois avoir trouvé mon film pour ce soir...
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Re: Michael Roemer

Message par Joshua Baskin »

Flol a écrit : 3 juil. 23, 14:27 Merci pour la mise en avant de ce cinéaste qui m'a l'air passionnant, parce que je viens de réaliser que Nothing Like a Man est dispo sur Mycanal. Ainsi que les 2 autres films de la trilogie. :D
Eh bien je crois avoir trouvé mon film pour ce soir...
Ah oui je vois très bien. Un jour je l'ai croisé rue Bonaparte, il venait de marcher dans une crotte de chien.
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Re: Michael Roemer

Message par Flol »

C'est grâce à ce type d'échanges qu'on se dit que le forum a encore de belles années devant lui.
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Re: Michael Roemer

Message par Jack Carter »

:lol:
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Re: Michael Roemer

Message par Jeremy Fox »

Nothing but a Man chroniqué par Jean Gavril.
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Re: Michael Roemer

Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit : 18 mars 24, 07:35 Nothing but a Man chroniqué par Jean Gavril.
Dans le même coffret, Vengeance is Mine.
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Jeremy Fox
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Re: Michael Roemer

Message par Jeremy Fox »

Harry Plotnick seul contre tous chroniqué par Jean Gavril
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Re: Michael Roemer

Message par nunu »

Je ne connais pas ce réalisateur, j'espère que ces films sont moins longs que ceux de son cousin français Eric :arrow:
« Quand des hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge. »
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