Honky Tonk Freeway (1981)
Toutes proportions gardées, c'est censé être le
Sorcerer, le
1941 ou le
Heaven's Gate de Schlesinger. Un accident industriel avéré, dont la production a englouti quelque 26 M$ de l'époque pour au final une toute petite semaine d'exploitation en circuit limité puis basta. Il semble
qu'il n'aie même pas été distribué en France à l'époque. Mais contrairement à ses "glorieux" aînés, le Schlesinger n'a jamais émergé des abysses de l'oubli. Je viens de parcourir rapidement le topic, et sauf erreur, personne na l'a ne serait-ce que mentionné. J'avoue humblement pour ma part que jusqu'à récemment, j'ignorais tout du cataclysme dont il était synonyme.
Grâce soit rendue à Thoret qui vient de l'exhumer dans sa précieuse collection
Make My Day. Cette exhumation permet de clarifier la situation.
Honky Tonk Freeway n'a rien du film monstre incompris en son temps. Rien du grand film malade ou même simplement maudit. Sa filiation est probablement moins à chercher du côté de l'hydre
1941 dont il n'épouse le côté " A comedy spectacular" (sic) que le temps de son ultime séquence - d'ailleurs réjouissante - que du
Nashvile d'Altman dont il recoupe la liberté narrative, et, a minima dans l'idée, l'ampleur chorale presque chaotique. Mais si l'on devine sans mal l'ambition des auteurs (esquisser le portrait d'une Amérique à deux vitesses, émarger à la farce l'esprit frondeur des laissés-pour-compte), cette note d'intention reste de bout en bout théorique. Il manque une dimension cosmique au récit pour asseoir et étayer sa vision. Le panel de protagoniste reste trop aléatoire pour offrir une image miroir grossissante des travers schizophrènes de l'Amérique. Et le tissage des mailles chorales pâtit aussi de l'univocité de ton et de rythme à l'œuvre dans les différents segments. Souvent plutôt drolatiques et piquants intrinsèquement, ils sont autant de saynètes laissées ouvertes qui se carambolent plus qu'elles ne s'entrelacent et se complètent pour délivrer une cosmogonie convaincante.
Du coup
Honky Tonk Freeway fait feu de tout bois, mais rate globalement sa cible présumée, faute de rigueur et, probablement, de connaissance réelle de son sujet (dû à Dan Boyd qui n'avait pas vécu aux States depuis son enfance). Et se réduit malgré son budget pharaonique assez incompréhensible à une fable plutôt anecdotique, constamment plaisante mais bien inoffensive. Je lui concèderai toutefois un petit côté prophétique dans sa manière d'épingler la volonté de se faire connaître/remarquer par tous les moyens, y compris et surtout les plus saugrenus (cf l'usage des réseaux sociaux aujourd'hui).