Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

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The naked venus (1958)

Une riche veuve américaine n'accepte pas que son fils (peintre) se soit marier avec son modèle. Découvrant que celle-ci amène leur enfant dans un camp de naturiste, la belle-mère trouve ici l'excuse de pousser son fils au divorce et ainsi obtenir la garde de sa petite fille.


Le résumé ci-dessus contient le mot "naturiste" si vous n'avez pas fait attention. On peut dire que c'est même l’argument sur lequel le film a été vendu (et sans doute produit). De nombreuses scènes se passent donc chez des nudistes mais les voyeurs en seront pour leurs frais car au final on se rince pas tant l’œil que ça (mais un peu quand même :) ).
C'est que contre tout attente, le film et le traitement d'Ulmer sont très respectueux et ne sombre jamais dans la vulgarité ou le racoleur. Pour peu, on pourrait presque parler de film personnel. En tout cas, the naked venus n'est pas dénué de sincérité et pour une production de ce genre, c'est assez surprenant.
Mais bon, c'est une nouvelle fois très fauché, avec un tournage de 4 jours, un scénario bourré de clichés (la belle-mère est vraiment gratinée) et une interprétation d' obscurs inconnus qui sent le casting au prisunic du coin... Celà dit l'innocence de Patricia Conelle dégage une fragilité qui sied à merveille à son rôle.

La réalisation est souvent plan-plan mais lors du procès vers la fin, on sent poindre les thèmes d'Ulmer sur une liberté qui n'hésite pas à se faire en marge de la morale et des bien-pensants. Il y d'ailleurs une scène étonnante où un (vrai?) critique d'art vient faire l'éloge de la nudité en faisant un parallèle avec la grande peinture des génie d'antan.

Une vraie curiosité qu'il faut regarder dénu(d)é de tout cynisme même si le sujet s'y prêtait grandement.

Le film est dispo en zone 1 dans un double programme.
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Jeff Bailey
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Jeff Bailey »

bruce randylan a écrit :The naked venus (1958)

Une riche veuve américaine n'accepte pas que son fils (peintre) se soit marier avec son modèle. Découvrant que celle-ci amène leur enfant dans un camp de naturiste, la belle-mère trouve ici l'excuse de pousser son fils au divorce et ainsi obtenir la garde de sa petite fille.


Le résumé ci-dessus contient le mot "naturiste" si vous n'avez pas fait attention. On peut dire que c'est même l’argument sur lequel le film a été vendu (et sans doute produit). De nombreuses scènes se passent donc chez des nudistes mais les voyeurs en seront pour leurs frais car au final on se rince pas tant l’œil que ça (mais un peu quand même :) ).
C'est que contre tout attente, le film et le traitement d'Ulmer sont très respectueux et ne sombre jamais dans la vulgarité ou le racoleur. Pour peu, on pourrait presque parler de film personnel. En tout cas, the naked venus n'est pas dénué de sincérité et pour une production de ce genre, c'est assez surprenant.
Mais bon, c'est une nouvelle fois très fauché, avec un tournage de 4 jours, un scénario bourré de clichés (la belle-mère est vraiment gratinée) et une interprétation d' obscurs inconnus qui sent le casting au prisunic du coin...
Parmi lesquels on trouve quand même la fille d'Ulmer, Arianne, dans le rôle de l'avocate :D (elle joue aussi dans Beyond the Time Barrier).
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par bruce randylan »

Oui, j'ai vu ça en consultant la fiche imdb. Et en effet elle a joué dans 4-5 films du papa.
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

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L'impitoyable (Ruthless - 1948)

Lors d'une grande soirée mondaine en l'honneur du philanthrope Horace Vendig, plusieurs invités, qui ne se sentent pas à l'aise, parlent de l'homme au coeur de cet événement et qu'ils ont connu des années avant

Une des grandes réussites de Ulmer qui bénéficie ici d'un budget confortable. Cela lui permet une mise en scène qui s'épanouit avec fluidité, ampleur et avec beaucoup d'élégants mouvements de caméra qui scrutent les réactions des personnages et sculptent les différents décors avec une sophistication qui n'a rien de gratuit. Il y a travail sur les travellings et le cadre qui m'a fait penser à du Fritz Lang pour composer quelque chose de psychanalytique et de mental (sans tomber dans une virtuosité baroque). Et puis ce style maitrisé et racé et faussement modeste renvoie aussi à la personnalité d'Horace Vendig, manipulateur qui agit dans l'ombre, se tapissant derrière de bonnes intentions mais dont on ne sait pas si elles sont devenues sincères (par désir de rédemption ?) ou si elles cachent de mauvais desseins. La réalisation d'Ulmer de la même façon à quelque chose de profondément incisif et tranchant, affuté comme un scalpel glaçant qui vient décortiquer un arrivisme sans foi ni loi.
C’est passionnant, admirablement construit et écrit, servi par des comédiens en grande forme qui composent des personnages à la fois pathétiques, touchant et presque terrifiant (Sydney Greenstreet impressionnant). La fin est en plus assez adroite pour garder une part d’immoralité bienvenue.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce film mais il aurait fallut que j’en parle directement après ma découverte du film. Là, des mois après, mon ressenti est un peu trop flou et imprécis. :cry:



L'île des pêchés oubliés (1943)

La tenancière d'une pauvre maison close rencontre deux hommes à la recherche d'un trésor caché dans un navire englouti. Elle tente alors de faire partie de l'équipe.

Un film très curieux dont je ne sais quoi vraiment penser.
C'est assez fauché et bricolé mais raconté avec une décontraction dont j'ignore si elle tient de la paresse, à un manque de budget ou de la dédramatisation volontairement détaché.
L'histoire durant une grosse partie du récit est assez joyeusement immorale avec cette galerie de personnages pas très reluisant. Ils n'hésitent pas à se trahir les uns les autres pour ce mystérieux trésor dont on n'est même pas sûr qu'il existe vraiment. Il n'y a pas grand monde pour rattraper l'autre malgré une approche assez bonne enfant et légère. Les différents personnages/groupes se font quelques coups tordus mais rien de vraiment méchant ou malsain mais on sent que l'ambiance devient un peu plus sombre et menaçante comme l'arrivée prochaine d'un grand typhon.

Donc on suit ça sans trop se passionner puisque les personnages ne sont pas très approfondis. Et puis tout à coup quand la tension commence vraiment à monter
Spoiler (cliquez pour afficher)
La tempête éclate et engloutit entièrement l'île où étaient regroupés tous les personnages en 15 secondes maxi. Fin :o
C'est tellement précipité que ça en devient gênant et presque grotesque. Alors on peut se dire - aiguillé par le titre - que tout ça est un châtiment divin qui punit tous ce petit monde qui se complait dans le Mal (vol, luxure, jalousie, tentative de meurtre...) mais c'est quand même très artificiel et improbable.
Enfin, même sans cette conclusion, le film n'est pas non plus extraordinaire et c'est encore plus frustrant qu'il finisse au moment où il devrait presque commencer.
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par daniel gregg »

La sortie du BR de Ruthless par Olive en mars, tombe à point alors. :idea:
bruce randylan
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par bruce randylan »

Carrément ! :D
(mais je suis jamais contre des sous-titres anglais quand même :? )
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par bruce randylan »

From Nine to Nine (1935)

Un inspecteur de police cherche à capturer une bande de voleurs de bijoux impliqués dans une affaire de meurtre.

Sans aucune doute l'un des plus mauvais film d'Ulmern si ce n'est le plus mauvais. C'est un whodunit sans grand intérêt avec un scénario obscur, des personnages flous, une mise en scène inexistante, une photographie moche, des acteurs sans saveurs, des décors fauchés... dois-je continuer ? :|
A la rigueur, il y a avait quelques dialogues amusants... à la rigueur...


St Benny the dip (1951)

Trois petits escrocs se déguisent en prêtes et se cachent dans une mission qui aident les sans-abris.

C'est une petite comédie moralisatrice inoffensive et gentillette qui n'a pas grand chose d’extraordinaire à proposer et surtout pas des surprises. Le scénario est extrêmement prévisible et balisé par des bons sentiments qui évitent heureusement d'être trop dégoulinants. Mais la morale catho n'est quand même pas très subtile. Après les acteurs sont correctes, les petites touchent d'humour fonctionnent plutôt bien. Mais la mise en scène est assez tiède. J'ai pas l'impression qu'Ulmer se soit beaucoup investi dans la réalisation alors que sur d'autres titres alimentaires, il essaye de sauver les meubles. Là pas trop.
Même la musique jazz qui aurait dû accompagner une bonne partie du film est assez en retrait alors que ça aurait pu donner un film plus entrainant et rythmé.

Dispensable sans être une déshonneur.
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Pat Wheeler »

bruce randylan a écrit :L'impitoyable (Ruthless - 1948)

Lors d'une grande soirée mondaine en l'honneur du philanthrope Horace Vendig, plusieurs invités, qui ne se sentent pas à l'aise, parlent de l'homme au coeur de cet événement et qu'ils ont connu des années avant

Une des grandes réussites de Ulmer qui bénéficie ici d'un budget confortable. Cela lui permet une mise en scène qui s'épanouit avec fluidité, ampleur et avec beaucoup d'élégants mouvements de caméra qui scrutent les réactions des personnages et sculptent les différents décors avec une sophistication qui n'a rien de gratuit. Il y a travail sur les travellings et le cadre qui m'a fait penser à du Fritz Lang pour composer quelque chose de psychanalytique et de mental (sans tomber dans une virtuosité baroque). Et puis ce style maitrisé et racé et faussement modeste renvoie aussi à la personnalité d'Horace Vendig, manipulateur qui agit dans l'ombre, se tapissant derrière de bonnes intentions mais dont on ne sait pas si elles sont devenues sincères (par désir de rédemption ?) ou si elles cachent de mauvais desseins. La réalisation d'Ulmer de la même façon à quelque chose de profondément incisif et tranchant, affuté comme un scalpel glaçant qui vient décortiquer un arrivisme sans foi ni loi.
C’est passionnant, admirablement construit et écrit, servi par des comédiens en grande forme qui composent des personnages à la fois pathétiques, touchant et presque terrifiant (Sydney Greenstreet impressionnant). La fin est en plus assez adroite pour garder une part d’immoralité bienvenue.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce film mais il aurait fallut que j’en parle directement après ma découverte du film. Là, des mois après, mon ressenti est un peu trop flou et imprécis. :cry:
Hâte de le voir celui-là. On en parle souvent comme d'un des Ulmer les plus "sobres".
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par bruce randylan »

Girls in chain (1943)

Une enseignante est licenciée parce que sa soeur est mariée au plus grand malfrat local. Elle accepte alors un petit travail dans un centre de redressement pour filles. Sauf que le malfrat veut utiliser ce centre pour blanchir de l'argent

Bon, malgré un certain savoir-faire (cadrage, photo un peu expressionniste, sens de l'espace correct), ce petit thriller ne mérite pas qu'on s'y attarde beaucoup à cause d'un scénario sans intérêt et moralisateur... poussons même jusqu'à "bête".
Couplés avec ses acteurs médiocres et ses seconds rôles décalés, on peut pas dire que le suspens et les enjeux dramatiques soient passionnant ou grisant. En fait tout ça s'oublie très très rapidement. D'ailleurs, il a fallut que j'aille voir sur youtube pour savoir à quoi ressemblait le film... Et j'en viens à me demander si je l'ai bel et bien vu :mrgreen:
Mais il y avait matière à faire un bon film à la dimension documentaire dans les relations entre l'enseignante (avec du caractère) et les jeunes délinquantes qui refusent de lui accorder leur confiance.

Green Fields (1937)

Un étudiant talmudique, Levi-Yitzchok, quitte la synagogue et se rend à la campagne, où il est persuadé de trouver des « Juifs authentiques ».

Le seul film yiddish d'Ulmer que j'ai trouvé réussi (j'ai pas vu the singing blacksmith je précise). Ca n'a pas le charme de Cossacks in exil mais le film ne manque pas charme et de fraîcheur en choisissant la comédie de moeurs sympathique plutôt que les discours théoriques. Ca ne se prend pas trop au sérieux, les personnages sont plutôt croqués avec légèreté et malice. C'est assez amusant sans déclencher non plus des rires. Après la mise en scène est quand assez rude et aride avec des acteurs assez rigide et une absence de variété dans le(s) décor(s) un peu lassante sur le longueur.
Mais la relative bonne humeur (surtout la dernière partie) en fond un film correct.


love of three queens (L'amante di Paride - 1954) Co-réalisé avec Marc Allégret

Un film à sketch vraiment médiocre et insipide. Seul le premier sauve un petit l'honneur avec un petit lyrisme non dénué de romantisme et d'une dignité émouvante avec cette reine prête à se sacrifier pour sauver un honneur pourtant intact. Mais l'histoire est quand même improbable pour ne pas dire crétine avec la reine et sa fille habillées en peaux de bêtes, vivant dans une clairière entouré de biches et de cascades. :mrgreen:

Pour le reste, c'est juste sans aucun intérêt et bâclé (Hélène de Troie :roll: )

La version de la cinémathèque faisait 90 minutes mais il semblerait que la version italienne atteigne les 3h... Aouch.
Dernière modification par bruce randylan le 12 févr. 16, 16:18, modifié 1 fois.
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par bruce randylan »

Beyond time barrier (1960)

Un militaire de l'armée de l'air, pilote d'essai, traverse une brêche temporelle. Il se trouve téléporté en 2024 où un virus a rendu stérile la terre. Les rares survivants vivent terrés dans d'immense cité souterraine sous le joug d'une caste cruelle. Il est pris pour un espion

Un petit film de science-fiction assez basique mais dont le charme rétro n'est pas déplaisant. Il y a même quelque chose de fascinant pour la figure du triangle que le film décline à outrance : décors, mobiliers, costumes, architectures et même fondu de transition... Tout est triangulaire dans le film. Ulmer était-il franc-maçon ? :mrgreen:
Bon, j'ai pas trop saisi l'intérêt mais ça apporte un petit plus, à la fois intriguant et original. Pour le reste, les acteurs sont limites, c'est très fauché avec des stock shot vraiment pas discret pour les "hommes sauvages" et surtout un scénario invraisemblable qui enchaînent les invraisemblances.
Bon, au moins, c'est à peu près rythmé... et puis c'est la première fois que je fois un film triangulaire... alors... :lol:


Wife of Monte-Christo (1946)

Blessé alors qu'il portait secours à des opprimés, le Comte de Monte-Christo doit se cacher le temps de sa guérison. Pour ne pas que la lutte de ses partisans ne retombe, son épouse se fait passer pour lui et continue le combat

Bon mieux vaut oublier le roman d'Alexandre Dumas très rapidement puisque Monte-Christo est quand même plus proche de Robin Des bois qu'autre chose. Mais bon, c'est pas très dérangeant ; il aurait pu s'appeler tatitatatoto ou Casimir, ça reviendrait au même car au final, Wife of Monte-Christo est une très sympathique série B qui sent bon le sérial. Ca ne se prend pas forcément au sérieux mais c'est fait avec application passant allégrément de la fantaisie, à l'humour, la cape et d'épée, un peu de drame, la romance, ou un peu d'historique...
Ca ne manque pas d'attrait avec une modestie réjouissante, une narration bien mené remplie de péripéties et des decors bien exploités (la séquence sur les toits). Ce n'est pas toujours crédible ou réaliste mais ca ne dérange jamais ici.

En revanche il est un peu dommage que l'épouse en question ne participe pas plus à l'action alors qu'elle se livre au début du film à un duel à l'épée tout à fait réussie. Dans le reste du film, elle ne fait pas grand chose à partir arriver à un endroit, se faire repérer par les méchants et prendre la fuite. :mrgreen:
Il faut donc attendre le retour du vrai Monte-Christo pour une séquence bien menée et assez dynamique.

C'est loin d'être un chef d'oeuvre mais on pourrait dire, en étant de bonne humeur, que c'est un plaisant Livre noir sur un mode mineur.
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par bruce randylan »

Bon Daniel Gregg va pouvoir souffler, voilà mon dernier avis sur la rétro de la cinémathèque ! :mrgreen:
(ce fut d'ailleurs ma dernière séance de la saion 2011-2012 :D )

Damaged live (1933)

Un patron insiste pour que l'un de ses employés, haut placé et en couple depuis longtemps, l'accompagne à une soirée. Mais la tentation de fréquenter d'autres filles y sera grande.Il a donc une liaison avec une jeune fille mariée. Il lui transmet une MST

Derrière une histoire moralisatrice assez édifiante (le sexe en dehors le mariage et l'adultère, c'est mal), on trouve le temps de quelques scènes une sensibilité extraordinaire, un frémissement d'un lyrisme tout en discrétion mais qui porte une grâce et une émotion bouleversante.
C'est surtout lors de deux scènes. Dans la première, le couple marié vient de se mettre au lit et la femme hésite à dire à son mari qu'elle l'a trompé. Un moment qui fait naître un sentiment d'intimité miraculeux où la timidité, l'amour, la pudeur et la tendresse se mêlent dans un moment très touchant.
L'autre moment marquant est la séquence finale où l'héroïne est sur le point de mettre fin à ses jours. Avec de très beaux travelling, Ulmer la suit déambuler dans son appartement. Son regard (et la caméra) s'attardent sur le lit, sur son mari endormi, la fenêtre... Aucun dialogue mais une musique lyrique qui accompagne le trouble de l’héroïne. Sublime

Ces 2 moments d'un fragilité précieuse rattrapent largement les défauts d'un scénario lénifiant, d'un discours pas vraiment subtil et d'une interprétation masculine un peu palote. Et comme le film dure à peine 1 heure, il serait dommage de ne pas le conseiller :)
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Frances »

Détour - Edgar George Ulmer – 1945 – Tom Neal, Ann Savage.
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Al Robert pianiste de son état décide de rejoindre sa petite amie partie tenter sa chance à Hollywood. Valise à la main et quelques sous en poche il est contraint de faire du stop. Le chauffeur (Haskell) qui le prend à bord meurt subitement. Robert craignant d’être accusé de meurtre se débarrasse du cadavre et reprend le volant. Peu après sa route va croiser celle de Véra et l’entraîner dans une chute inexorable.

La durée n’est pas garante de qualité, la preuve : 70 minutes auront suffit à Edgar G. Ulmer pour témoigner de la chute d’un homme, victime aléatoire du destin mal disposé à son égard. Avec un manque de moyens criant Ulmer parvient néanmoins à nous transporter dans l’Amérique des années quarante. De motels en diners, de stations services en paysages infinis Robert/Haskell puis Robert/Véra suivent le ruban d’asphalte qui n’est autre que le fil de la vie. Ulmer rédige ici la chronique de la chute annoncée d’un des laissés pour compte de l’Amérique. Un anonyme par qui la chance ne passera pas. En filigrane il compose une critique acerbe du système américain.

Si Al Robert prend la fuite en laissant un cadavre derrière lui c’est parce qu’il sait que la police ne croira pas sa version des faits. Elle se révèle donc inapte à « protéger » ses citoyens et les pousse à suivre les chemins menant au crime. Dès lors que peut-il espérer ? Il opte pour une fuite en avant, empruntant l’identité et les possessions du mort pour tromper le destin. Peine perdue, une fois le mécanisme mis en route pas d’échappée possible. Ici le destin s’acharne comme il s’acharnait sur les héros tragiques des romans du 19ème siècle. Pour les laissés pour compte point de salut, point d’issue quand bien même feraient-ils un détour, le but inéluctable de leur voyage sera toujours le même. Et le rêve qui ne semblait pas si inaccessible (épouser, s’installer et fonder une famille avec la femme qu’il l’aime) se dissout à mesure qu’Al Robert avance vers son destin. Une voix au téléphone, un gros plan rapidement inséré dans le montage et pour finir un allô auquel répond son propre écho. La promesse du bonheur se délite.

Véra, elle, a déjà franchi la frontière, digéré les désillusions, renoncé à croire en la société et en l’homme (avec un petit et un grand h). Elle a sorti les griffes lors de sa rencontre avec Haskell, elle maniera l’arme du chantage avec force et persuasion lors de son équipée forcée avec Robert. Au fond elle est victime du destin et de la société tout comme lui mais elle se bat avec une belle vigueur pour en extraire le suc qui lui offrirait une alternative miraculeuse. Cependant le verdict d’Ulmer est sans appel : ils ont entrepris un voyage dont on ne revient pas. Cette route qui relie New York à Hollywood c’est le symbole du rêve inaccessible, brisé dès son commencement.


Au final donc, Ulmer nous livre ici un bien joli film non exempt de défauts mais riche dans son propos et cela avec une économie de moyens incroyable. Si le budget l’a contraint à en montrer peu, son film en dit beaucoup.
"Il faut vouloir saisir plus qu'on ne peut étreindre." Robert Browning.
" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
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Jeremy Fox
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Jeremy Fox »

L'impitoyable par Philippe Paul, film sorti en DVD chez Sidonis.
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Federico »

Un peu bizarre, cet Impitoyable. J'ai vu peu de films d'Ulmer mais ça a l'air d'être sa marque de fabrique d'oser des trucs, pas forcément toujours heureux mais d'oser malgré tout. J'ai trouvé ce mélange de Noir et de mélo très bien dialogué et son sujet intéressant à défaut d'être novateur (les films américains sur l'ambition et le carriérisme sont presque un genre à eux seuls). Philippe Paul a raison : Greenstreet - dans son plus grand rôle ? - s'y montre fascinant et impressionnant. Malheureusement, le jeu monocorde de Zachary Scott m'a dépassionné. J'aurais plutôt offert son costume à Louis Hayward, acteur bien plus doué pour faire passer l’ambiguïté et les squelettes du placard. Et puis la fin est grotesque. :?
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Re: Edgar G. Ulmer (1904-1972)

Message par Rick Blaine »

Federico a écrit : Malheureusement, le jeu monocorde de Zachary Scott m'a dépassionné. J'aurais plutôt offert son costume à Louis Hayward, acteur bien plus doué pour faire passer l’ambiguïté et les squelettes du placard.
Ah je ne trouve pas, Hayward lui aurait donné trop d'humanité je pense, la raideur de Scott me parait mieux convenir. En tout cas elle me semble coller à l'intention du film.


Qu'est-ce que tu n'aimes pas dans la fin ?
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