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Critique de film
Le film
Affiche du film

Taza, fils de Cochise

(Taza, Son of Cochise)

L'histoire

1875 en Arizona. Cochise meurt tout en demandant à son successeur, son fils aîné Taza (Rock Hudson), de maintenir la paix entre son peuple et les hommes blancs. Mais immédiatement après la cérémonie funéraire, Naiche (Rex Reason), le frère cadet de Taza, part rejoindre le rebelle Geronimo. Les deux frères auraient eu du mal à continuer à vivre dans le même campement, étant en conflit pour l'amour de Oona (Barbara Rush). Le massacre de trois pionniers par Naiche et ses hommes met fin au traité signé par Cochise ; l'armée demande à ce que la tribu des Chiricahuas quitte la terre sur laquelle elle vivait dignement pour regagner la réserve de San Carlos. Taza accepte à condition que les Chiricahuas soient nourris une fois arrivés dans ce lieu sec et hostile, et que lui-même soit nommé pour faire "la police" au sein de son peuple sans l'intervention de l'armée. Le général Crook (Robert Burton), croyant sincèrement en la loyauté du chef indien, accepte ses requêtes et voilà que Taza endosse la Tunique bleue afin de faire respecter la loi au sein de sa tribu. Il va de soi qu'il est dès lors considéré comme un traître par une partie des membres de son clan et que Geronimo et Naiche ne vont pas tarder à venir semer la discorde, ne supportant pas la mainmise de l'homme blanc sur leurs semblables. Le calme va être difficile à maintenir...

Analyse et critique

Unique western de Douglas Sirk, Taza, fils de Cochise vient clore une "trilogie Cochise" qui avait débuté (chronologiquement dans les faits) par Au mépris des lois (The Battle of Apache Pass - 1952) de George Sherman et qui s’était poursuivie par La Flèche brisée (Broken Arrow - 1950) de Delmer Daves, Jeff Chandler interprétant dans chacun de ces films le célèbre et pacifique chef apache de la tribu des Chiricahuas. Le film de Douglas Sirk débute en 1875 à la mort de Cochise, après que ce dernier a réussi à maintenir la paix entre son peuple et les Blancs durant trois années. Le prologue en voix off, sur d'amples et impressionnantes images de paysages de canyons, opère d'ailleurs parfaitement la transition entre le fameux western de Delmer Daves (considéré par beaucoup comme le premier véritable western pro-Indien) et celui de Douglas Sirk. "In 1872 the long bitter war fought between the United States Cavalry troops and Apache bands led by Cochise came to an end. The peace treaty signed by Cochise and General Howard brought peace to the Arizona Territory. But three years later the mighty leader of the Chiricahua Apaches grew ill and came to the end of his days [...] the torch was passed to his first born son, Taza, who wants to follows his father's ideals and peace brokering ways. His second born son, Naiche, however, has different ideas, as does the mighty Geronimo..."

Depuis son arrivée aux USA, Douglas Sirk rêvait de réaliser un western ; il sauta sur l'occasion avec Taza d'autant que l'histoire et les coutumes de la nation indienne le passionnaient. Lui et son acteur d'élection Rock Hudson s'entendirent à merveille durant le tournage qui leur laissa à tous deux de très bons souvenirs. Ils revendiquèrent toujours ce film qui leur apporta, ainsi qu'au reste de l'équipe, de grands moments de plaisir. Plaisir qui ne fut malheureusement pas partagé par beaucoup de spectateurs. En effet, malgré le fait qu’il ait été réalisé par un grand metteur en scène, le film ne possède aucune des qualités de ses deux prédécesseurs ; il s’agit même d’un ratage total dans lequel on ne retrouve presque rien de la sensibilité et du talent habituels du cinéaste ! S'il n'avait pas mis son nom au générique, personne n'aurait sans doute pu reconnaitre sa patte. D'ailleurs, n'importe quel petit artisan du studio Universal aurait probablement fait au moins aussi bien tellement Sirk s'avère mal à l'aise à l'intérieur du genre. Incapable de donner le moindre souffle à son film, il a aussi du mal à rendre lisible ses scènes d'action même si quelques fulgurances dues à la violence et au sadisme de certains plans viennent nous sortir de notre torpeur. Hormis quelques superbes plans d'ensemble sur les paysages, il ne semble pas non plus très au point concernant l'appréhension de si grands espaces ; à ce niveau, il ne fait pas du tout le poids face à George Sherman ou Delmer Daves dont les deux opus précédents déjà évoqués plus haut ne concourent décidément pas dans la même catégorie. Plastiquement et rythmiquement, le résultat est tout à fait anodin, voire terne et peu enthousiasmant. Il suffit de voir ces nuits américaines bâclées, ces hideux effets destinés à la projection en relief (car le film est l'un des derniers à avoir été tournés en 3D)...

Il est également dommage que, de son côté, George Zuckerman ait complètement remanié l'histoire de Gerald Drayson Adams car au vu de ce que ce dernier avait écrit auparavant (The Battle of Apache Pass) ; il ne fait guère de doute que le scénario aurait été plus fluide, moins haché et moins décousu que celui qui nous est proposé ici. Historiquement, le film de Sirk s'avérait pourtant passionnant, le personnage de Taza permettant d'entamer une réflexion sur la façon de pouvoir maintenir la paix entre deux peuples, le difficile choix à faire entre la rébellion ou les concessions (et non la totale soumission). Certains, un peu hâtivement, ont parlé de ce film comme d'une œuvre prônant la "collaboration" ; c'est faire peu de cas de l'histoire personnelle de Douglas Sirk qui fut quand même l'un de ces nombreux réalisateurs européens à fuir l'Allemagne nazie au plus vite. Dans le choix de Taza, il faut à mon avis plutôt parler de bon sens car à l'époque, l'avenir de la nation indienne était déjà rudement compromis. La seule manière de pouvoir survivre était probablement de suivre la voie que le chef indien avait décidé de prendre, à savoir vivre en bonne intelligence avec les Blancs tout en s'octroyant le droit de ne pas laisser ses derniers s'immiscer dans leurs affaires internes comme par exemple la police et la justice. Et puis prendre le chemin de la révolte, c'était s'exposer à coup sûr à voir son peuple mourir de froid et de faim. Bref, la voie de la raison était quasiment la seule solution qui s'offrait aux Apaches au point où ils en étaient arrivés à cette époque de leur histoire s'ils ne voulaient pas s'autodétruire (Robert Aldrich proposera d'ailleurs cette même alternative dans le courant de cette même année avec Bronco Apache). On pourrait évidemment débattre de ce sujet mais que nous soyons d'accord ou non, tout est décrit sans nuance, sans mesure, et il se pourrait qu'au final le film soit idéologiquement ambigu, mais uniquement par maladresse dans l'écriture et non dans les intentions. Geronimo et Naiche ne passent pas une seconde à l'écran sans traiter Taza de traître à la cause indienne, mais eux-même sont croqués comme des gens violents, brutaux et perfides. Il en va de même pour Taza qui, à cause d'une interprétation fadasse de Rock Hudson, passerait aisément pour le bon sauvage soumis.

D'ailleurs, tout le reste du casting se révèle d'une rare insipidité pour un western Universal. Seule la charmante Barbara Rush tire son épingle du jeu et seules les scènes où elle apparaît possèdent un semblant d'intérêt et de sensibilité. Si le couple Rock Hudson / Barbara Rush vous intéresse, mieux vaut le voir évoluer l’année suivante dans un film de Sirk d’un tout autre niveau : Captain Lightfoot (Capitaine mystère). Partant de louables motivations, Taza, fils de Cochise n'en est pas pour autant réussi. Mal fichu, mal écrit, sans ampleur ni surprises, c'est un rendez-vous raté et au final un film péniblement routinier.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

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Par Erick Maurel - le 1 décembre 2012