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Critique de film
Le film

Révolte au Mexique

(Wings of the Hawk)

L'histoire

« Voici où tout a commencé et où tout a fini. Nous possédions une mine d’or au Mexique. C’était en 1911 au bon endroit mais pas au bon moment. Le pays était en révolution. D’un côté le Colonel Ruiz (George Dolenz) à la tête de troupes pillant et tuant tous ceux qui osaient protester. Et de l’autre côté c’étaient les insurgés, des villageois et des fermiers mal armés, prêts à tout pour se sacrifier pour leur liberté. Nous étions pris entre les deux. Combien de temps nous ignoreraient-ils ? » Ainsi Irish Gallagher (Van Heflin), un Américain d’origine irlandaise, peu intéressé par la situation politique du pays, nous expose-t-il la situation. A peine a t-il terminé son laïus qu’il découvre enfin un important filon. Juste le temps de se réjouir et voilà que le corrompu Colonel Ruiz débarque sur son domaine à la tête d’un régiment de fédérés. Ruiz propose un marché au propriétaire de la mine : le protéger contre les éventuelles attaques des rebelles en échange du partage de ses recettes à venir. Irish refuse et se voit obligé de prendre la fuite après qu’il a entamé un pugilat avec le colonel qui avait décidé de s’emparer de la mine par la force. Alors qu’il est sur le point d’être rattrapé, les rebelles mexicains commandés par la jolie Raquel Norriega (Julie Adams) mettent en déroute les soldats par un feu nourri et s’emparent de lui pour l’amener les yeux bandés jusqu’à leur camp retranché. Parce qu'il a sauvé la vie de Raquel, gravement blessée par balles, on lui rend sa liberté mais il retombe immédiatement dans les mains des soldats...

Analyse et critique

Budd Boetticher étant un fervent amateur de corrida (sa deuxième passion, encore plus grande que celle qu’il vouait au cinéma), on aurait pu penser qu’un western se déroulant au Mexique aurait dû grandement le motiver d’autant qu’il avait déjà à son actif quelques belles réussites dans le domaine, notamment les excellents The Cimarron Kid (A Feu et à sang) et surtout Le Traître du Texas (Horizons West). Mais cinq films en cette même année 1953, ce fut un peu trop pour le cinéaste ; et il se pourrait très bien, au vu du résultat, que sur le tournage de Wings of the Hawk il ait été plus préoccupé d’aller voir évoluer les toreros que de se concentrer sur son nouveau film.

Au programme de ce millésime 53, il y eut donc le sympathique La Cité sous la mer (City Beneath the Sea), le moyen mais honorable Expédition de Fort King (Seminole), l’excellent Déserteur de Fort Alamo (The Man from Alamo), A l’Est de Sumatra (East of Sumatra) ainsi que le film qui nous concerne ici, Révolte au Mexique (Wings of the Hawk). On pensait jusqu’à présent que L’Expédition de Fort King était son western le plus moyen mais face à ce Révolte au Mexique, il ferait désormais presque office de chef-d’œuvre ! Que les spectateurs qui souhaitent voir un bon film avec pour toile de fond la révolution mexicaine se dirigent plutôt du côté du puissant et lyrique Viva Zapata d’Elia Kazan qui en fait également le sujet principal de son film. Ce qui n’est pas le cas du film de Boetticher, ce dernier n'étant pas plus intéressé par ce fait historique que son héros, un individualiste forcené. Cela n’est évidemment pas un défaut en soi, mais il vaut bien mieux conseiller le film de Kazan si la motivation première est de trouver une oeuvre se déroulant à cette époque et en ces lieux.

Difficile de résumer l’intrigue qui, aussi simpliste soit-elle, s’évapore immédiatement le film terminé tellement on s’en est très vite désintéressés. Il faut dire que le scénariste, dont ce fut le seul travail d’écriture (et on peut comprendre pourquoi à postériori), n’avait visiblement aucune notion de la conduite d’un récit ni des plus élémentaires règles en matière de progression dramatique. L’histoire ne consiste qu’en une suite d’arrestations / évasions ponctuée de quelques poursuites et fusillades sans la moindre intensité, sans le moindre rythme, sans la moindre surprise, sans le moindre liant ; en revanche en matière de bavardage inintéressant, James E. Moser se serait probablement révélé assez talentueux. Boetticher a beau être mon cinéaste préféré, je ne dois pas lui chercher en la circonstance de circonstances atténuantes et donc, autant le dire d’emblée même si c’était déjà certainement clair pour tout le monde, Révolte au Mexique est un ratage total voire même tout simplement un pénible navet ! Pourtant, les dix premières minutes laissaient présager un western de bonne qualité : un générique sur un thème de Frank Skinner plutôt inspiré ; une exposition de la situation qui semblait devoir nous dépayser un peu ; comme personnage principal, un homme égoïste et individualiste en diable (se moquant du fait que les Fédérés volent les péons à condition qu'on ne vienne pas lui faire de l'ombre), qui semblait vouloir nous offrir un étonnant personnage d'antihéros d'autant plus qu'il était interprété par l'excellent Van Heflin ; un bon échange de dialogues entre ce dernier et George Dolenz ; un pugilat assez efficace ; une course poursuite à cheval assez spectaculaire grâce à des cascadeurs chevronnés et filmée à l'aide de jolis travellings...



Puis arrive Julie Adams, toujours aussi belle, vêtue en Mexicaine ; dès lors, c'est l'ennui qui nous rattrape et qui ne nous lâche plus jusqu'à la fin ! Il n'y a plus rien à sauver des interminables et mollassonnes soixante minutes qui nous reste à passer, pas plus le scénario indigent (et ses Mexicains idiots) que la mise en scène guère plus captivante que celle de n’importe quel tâcheron hollywoodien. Tout le monde a abdiqué passé le premier quart d’heure, aussi bien Budd Boetticher que Frank Skinner, aussi bien les interprètes (même si Van Heflin essaye de garder la tête haute au milieu de ce naufrage ; et une telle conviction est tout à son honneur) qu’Aaron Rosenberg qui aurait mieux fait de faire arrêter le tournage plutôt que de nous délivrer un film aussi catastrophique et dont on se fiche comme d’une guigne. Restent de belles femmes (Julie Adams bien évidemment, mais aussi Abe Lane dans son premier rôle), de beaux chevaux et des artificiers compétents, ces derniers semblant avoir été les seuls à vouloir travailler correctement. Tout le monde ayant très tôt jeté l’éponge, je fais de même !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 8 juin 2012