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Critique de film
Le film
Affiche du film

Nostalghia

L'histoire

Andrei (Oleg Yankovskiy) voyage en Italie, en compagnie d’une traductrice (Domiziana Giordano), sur les traces d’un poète compatriote ayant vécu dans ce pays. Il est frappé de nostalgie, assailli de souvenirs de son épouse abandonnée, de sa terre natale. Il entretient des rapports houleux avec cette jeune femme avec qui il semble former un couple… sans qu’ils n’aient de réelle intimité ou de relations sexuelles. Ils rencontrent aux Bains de Sainte-Catherine, à côté de leur pension pour touristes fortunés, Domenico (Erland Josephson), un vieil homme fou, soupçonné d’avoir voulu assassiner sa famille après l’avoir séquestrée plusieurs années. Andrei est fasciné par cette figure solitaire à la fois crainte et moquée.

Analyse et critique

 « Je défends l’art qui porte en lui une nostalgie de l’idéal. » Andréi Tarkovski

« Je ne me souviens que de l’avenir. » Nostalghia

Ce n’est plus sur le logo d’un grand studio moscovite que s’ouvre Nostalghia, mais sur celui de la Rai Trade, à l’époque bénie où le travail de sape berlusconien n’avait pas porté ses fruits au point d’y empêcher toute ambition artistique. Après Stalker, les rapports d'Andréi Tarkovski avec les dirigeants du cinéma soviétique se sont par trop détériorés. Il ne peut plus les voir et la réciproque est tout aussi vraie. Il doit s’éloigner, on veut de même le mettre à distance. Sa requête de pouvoir travailler à l’étranger est donc acceptée. Le résultat, Nostalghia, marquera la consommation d’un divorce inévitable. Tarkovski en avait déjà rendu l’issue prévisible dans une lettre cinglante à Filip Tmiofeievitch, président du Goskino, où il expliquait avec véhémence toutes les frustrations subies qui le poussaient à « demander à la direction de travailler temporairement à l’étranger. » (1) La permission lui sera accordée, mais pas à sa famille, qui vivra cinq ans sans lui en Russie. Au chagrin de devoir la quitter s’ajoute celui d’avoir perdu son meilleur ami, Anatoli Solonytsine, son "âme sœur", mort du même cancer qui l’emportera quelques années plus tard.

Le choix de l’Italie comme terre d’accueil de cet exil, pas encore déclaré définitif, n’est pas anodin. D’une part, le pays entretient un lien à la fois privilégié et autonome par rapport à l’URSS : l’Italie compte un Parti Communiste fort, mais qui a très vite su prendre ses distances avec les dogmes et les directives du Kremlin. Tarkovski y est donc à la fois suffisamment proche et éloigné de ses anciens employeurs. D’une autre, et c’est là le plus important, ce berceau de l’humanisme européen est le terreau d’une culture chère au cinéaste, de l’art le plus noble qu’il a adoré toute sa vie. Sa collaboration avec Tonino Guerra (2) (légendaire scénariste d'Antonioni et de Fellini, une personnalité clé de l’élaboration de la modernité cinématographique) se tisse immédiatement à partir de ce rapport à l’art italien… mais selon un détour imprévisible. Tarkovski se sent trop mal, loin de sa Russie, la nostalgie l’assaille. Pour la première fois peut-être de sa vie, l’art qui compte tant pour sa vie lui semble étranger, mortifère. Il est assailli de doutes, de par l’abandon que son travail lui impose vis-à-vis de sa famille, de la légitimité de son propos et de son entreprise. « Je suis las de ces beautés écœurantes », prononce immédiatement Andrei, son nouveau double, dans la première scène du film. Nostalghia sera presque un documentaire, la chronique de son malaise, de son sentiment d’échec existentiel, de perte des valeurs qui le guident, si elles ne le dévoient pas.

La première scène donne le ton : d’un générique sépia nous montrant des femmes en procession dans la toundra, nous passons à un champ brumeux et froid, fait de la même épaisseur laiteuse. Une voiture s’arrête : à son bord, un quarantenaire en paletot au volant et une jeune femme à la très belle chevelure en passagère. L’homme déclare qu’il lui faut maintenant parler italien, nous comprenons à l’accent qu’il est russe. La femme lui demande s’il va l’accompagner visiter l’église pour laquelle ils ont fait le trajet : « Je suis las de ces beautés écœurantes. Je voudrais ne faire quelque chose que pour moi-même. » Elle part sans lui. De la Russie à l’Italie, c’est le même climat automnal et fantomatique. La Russie hante l’Italie. Un homme doit se forcer à parler une langue qui n’est pas la sienne. Et il refuse de voir l’œuvre du patrimoine pour laquelle il a lui-même demandé à faire le trajet. Nous apprendrons qu’il est en Italie, avec cette belle interprète, pour retracer le parcours d’un poète russe, Pavel Sosnovski, dont nous ne saurons que deux choses : sa nostalgie de la Russie était telle que, ne pouvant vivre ailleurs, il brûla sa maison italienne, et à son retour il s’est aliéné dans l’amour pour une esclave jusqu’au suicide (ces deux éléments trouvent évidemment un écho direct dans l’expérience d’Andrei). Andrei est joué par Oleg Yankovskiy, interprète déjà du double de l’auteur dans Le Miroir, un homme dont le type de stature physique correspond assez à celle du metteur en scène.

Par des éléments très simples, Andrei Tarkovski nous donne déjà tout du mal-être de son personnage, du caractère destructeur de ce poids nostalgique qu’il porte en lui : avoir son corps en Italie et l’esprit en Russie. Nostalghia parle à merveille de ces instants de désabusement, ces moments de l’existence où, face à la difficulté de vivre, à la souffrance, l’art que nous chérissons d’ordinaire peut sembler dérisoire, où la beauté et sa promesse de bonheur paraissent nous insulter personnellement. Le film se construit sur ces deux bornes du désenchantement : la lassitude face au sublime et le dégoût de la parole, de mots qui ne sont pas les nôtres. Quand Eugenia, celle qui accompagne Andrei à la recherche de son poète russe, lui dira de lire des poèmes traduits d’Arseni Tarkovski, sa réaction violente exprimera l’impossibilité de traduire la poésie (de communiquer, sans langue partagée, entre les hommes). Il ira plus tard jusqu’à jeter ce livre au bout de la pièce, pour en brûler ensuite les pages. Est-ce donc tout ce dont l’homme est capable, des feuilles noircies de taches d’encres et des toiles sur lesquelles on a jeté de l’huile colorée ?

Eugenia entrera seule dans l’église. Devant elle, une procession de femmes rendant hommage à la Vierge Marie. Un religieux s’approche d’elle alors qu’elle contemple le tableau de la Vierge ornant ce lieu saint : « Anche Lei desidera un bambino ? »  Elle semble surprise. Par bravade, elle demande au petit officiant pourquoi ce sont les femmes qui sont dévotes, et non les hommes. Il est pris au dépourvu par la question, lui n’est qu’un homme simple. Pour lui, « les femmes sont faites pour faire des enfants et les élever le mieux possible. » Il la prend à son tour parti : si une seule personne est étrangère à la procession, son miracle n’adviendra pas. Il faut qu’elle aussi s’agenouille, participe à la communion. Sans grande conviction elle s’y essaye, mais ses talons la font chuter (les mêmes qui l’empêcheront de mener à bien une course improvisée dans la pension où elle loge). Le sublime, que vise le cinéma de Tarkovski, pour advenir, demande l’implication de tous. Mais Andréi Tarkovski semble douter de la capacité de ses contemporains à s’agenouiller ensemble, à vivre une expérience de communion - qui est aussi celle du cinéma, dans son caractère liturgique. Eugenia s’impatiente. Elle est une femme moderne : « Vous aspirez à être heureuse, mais il y a d’autres buts », lui dit le petit clerc. Cette réponse lui suffit, elle peut partir, ne voyant pas ce qu’elle a dans ce cas à faire ici. Sur le seuil, elle se retourne : la prière exaltée d’une femme agenouillée la fascine. Face à la Vierge, les litanies se succèdent. La prieuse ouvre la robe de la statue : une nuée d’hirondelles en sort et s’envole. Nous découvrons alors de près le tableau qu’Andrei a refusé de voir : La Madonna del Parto de Piero della Francesca (le peintre qu’Otto le Facteur préférera à Da Vinci dans Le Sacrifice), image combinée de la sainteté de la Vierge et de sa maternité. Cette séquence bouleversante, le spectateur progressiste peut l’aimer avec mauvaise conscience. Mais rien ne nous oblige en fait à penser que Tarkovski fait entièrement siennes les paroles du petit officiant. Ce qu’il veut nous faire comprendre par lui, c’est que si les femmes sont plus à même de comprendre le mystère, c’est dans sa vision de par une position de faiblesse qui seule rend perméable au sacré. Ce ne sont pas elles, mais les dominants, qui se mystifient. Et si Eugenia est amenée à comprendre qu’il y a autre chose à chercher que la quête du bonheur, ce n’est pas qu’il lui faille retourner bûcher au foyer, mais que l’expérience extatique d’une œuvre lui laisse entrevoir ce qu’est la quête de vérité. Le mystique Domenico, plus tard dans le film, s’en prendra violemment à cette « société du bien-être », l’absence de sens dans le projet moderne.

Domenico le mystique, Andrei et Eugenia le rencontrent à Bagno Vignoni, leur pension en Toscane, où se trouvent les Bains de Sainte-Catherine. Pour les autres riches baigneurs, Domenico fait figure de fou, on raconte qu’il a séquestré des années durant sa famille. Il soliloque, accompagné d’un berger allemand, en arpentant seul le pourtour des bains. Cette personnalité fascine Andrei, qui tentera d’établir via Eugenia un contact entre eux. Sa fascination pour ce vieillard à moitié taré l’éloignera encore d’elle, qui ne comprend pas cette perte de temps, l’humiliation (bien réelle) qu’il lui impose en l’envoyant quémander de l’attention à ce fou plutôt que d’aller lui parler lui-même. Quand il y arrivera, nous verrons que Domenico est bel et bien fou. L’antre qu’il habite est surmonté d’un écriteau absurde (« 1 + 1 = 1 »), il fait écouter du Beethoven à Andrei avant que la caméra ne nous mène au poster d’une poupée décharnée, un nourrisson laid et chétif (contraste entre la volonté humaine de sublime et le réel de sa condition en venant au monde). Domenico s’inscrit dans la lignée des sages-fous de Tarkovski, dont le Stalker est le parangon. Mais si la folie chez lui est évidente, la sagesse ne l’est plus du tout. Domenico est ce qu’Andrei craint de devenir : non plus un solitaire mais un banni, non plus un homme de sacrifice mais un caractère nocif à ses proches. Domenico a manqué de tuer sa famille, alors que Tarkovski vient de laisser la sienne seule à Moscou. Dans l’un de ses rêves, Andrei se contemple dans un miroir lui révélant le visage de Domenico. Il n’y a pas pas plus de contact authentique possible avec ce fanatique lunaire qu’avec les gros assis qui prennent leur bain à Sainte-Catherine (des nantis faisant du lieu une sorte d’écho à La Montagne Magique de Thomas Mann, qui rendait aussi compte d’un malaise dans la culture occidentale) ou Eugenia s’éloignant sans cesse de lui. Mais Domenico a une mission, que sa folie l’empêche de remplir et qui séduit Andrei : il veut à tout prix traverser la piscine vide du lieu, une bougie en main, pour sauver l’Humanité. Tout le monde le sachant fou, on ne lui laisse pas accès à la cuvette. C’est à Andrei, qu’à la fin du film, il reviendra d’accomplir cette procession.

Celle-ci ne sera possible pour lui que quand il sera entièrement laissé à lui-même, abandonné par Eugenia pour un riche patricien d’une grande famille italienne. La scène de ménage centrale entre eux deux est le moment le plus terrible du film. Elle déverse devant un homme impassible et silencieux, c’est-à-dire pour elle mou et impuissant, toute sa rancœur, le sentiment de rejet qu’elle a subi de la part de cet homme qui n’a jamais couché avec elle (« Tu es au-dessus de ça, tu es un saint ») ; elle le traite de larve, se demande (probablement comme Tarkovski à ce moment-là) pourquoi elle n’est attirée que par des hommes sans charme. Derrière son amertume pointe la déception de ne pas avoir été changée à son contact, d’être restée la même femme alors qu’elle attendait une révélation de cet intellectuel (un malentendu qui guette tout homme de culture dans son couple), la frustration qu’il y a à suivre ce médiocre sans goût pour la vie qui n’a de désir que pour une épouse laissée à elle-même en Russie.  Le reproche est fondé. Un rêve d’Andrei où le visage de sa femme console la jeune femme, avant que les superbes cheveux de celle-ci ne viennent se mêler au visage d’Andrei, laisse penser qu’il avait même la bénédiction de cette dernière de se reposer dans les bras de cette belle Italienne. Mais Andrei n’a pas de désirs. Il vit dans le souvenir du visage de son épouse délaissée, qui est aussi, comme toujours chez Andrei Tarkovski, visage de la mère. « Elle ressemble à la Madonna del Parto… mais en plus brune », dit-il d’elle à un moment, la spécificité de cette Madone est précisément d’être à la fois mère et femme de chair. « Tu ne t’intéresses qu’aux Madones » lui reproche Eugenia. Celle qu’il a laissée en Russie, se condamnant ainsi à une insurmontable nostalgie, c’est la mère à qui le film est dédié. Un contact réel entre lui et l’autre sexe est alors impossible (tout au plus peut-il contempler, une seule fois, la beauté d’Eugenia sous un rayon de soleil). « Sei un hipocrita » conclut-elle, l’ayant rejoint pour conclure la scène alors qu’il a fui la pièce. Il la fesse dans le couloir tandis qu’elle s’enfuit faire ses affaires. Andrei de son échec ne pleure pas, mais saigne (au nez). « Les sentiments inexprimés sont ceux dont on se souviendra toujours. » Il n’y a plus que des regrets, pas de relations enrichissantes ou rassurantes. Construire un foyer est pour lui impossible, il doit garder son manteau (ses habits fades comme les décrit Eugenia) et passer d’une chambre d’hôtel à une autre.

Après le départ d’Eugenia, les éléments se précipitent. Andrei doit repartir par le train en URSS, mais il y renonce (on voit là, qu’au moment de Nostalghia, Tarkovski sait au fond déjà qu’il ne rentrera pas). Il vient d’apprendre par une conversation avec elle au téléphone que Domenico est à Rome, où depuis trois jours il harangue les foules. Nous retrouvons celui-ci, perché sur une statue, lançant ses diatribes contre le monde moderne et son absurdité, devant une foule de badauds hiératiques et indifférents. Cette scène n’est malheureusement pas la plus convaincante du film. Comme tout mystique slavophile, Tarkovski n’a qu’une vision vague du monde social, faite de présupposés plutôt réactionnaires. Et ce moment qui ressemble à un film de Fellini auquel on aurait enlevé toute vie nous a toujours sorti du climat si particulier que Nostalghia réussit partout ailleurs à instaurer. En conclusion de son happening, Domenico s’immole lui-même, en désespoir de cause, sur la 9ème de Beethoven. Mais la musique cesse durant cet acte censé être sublime, nous entendons les cris d’un homme calciné. Est-ce donc là le devenir de la sagesse tarkovskienne, des « fous qui sauveront le monde » ? Une autodestruction qui laisse indifférent ses témoins, en dehors du berger allemand, d’un fou et d’une Eugenia affolée et dépitée accourue avec la police sur le parvis ?

Suit alors ce qui est la plus belle scène du cinéma d'Andrei Tarkovski : Andrei, dans la piscine de Sainte-Catherine, une bougie à la main, traversant les pieds dans la fange, lentement, avec de nombreux allers-retours (la flamme s’est éteinte) ce lieu, autrefois saint, aujourd’hui vide, pour apporter la flamme vacillante à son autel. Dans un improbable suspense (la bougie fond, chaque aller-retour fait perdre un temps précieux à l’avancée), c’est l’avenir de l’Humanité vacillante que nous contemplons, dans cet acte absurde, le plus gratuit de tous. En neuf minutes filmées en plan-séquence d’une marche âpre et souvent mise à mal, Tarkovski arrive au terme de son entreprise : la restauration d’une croyance en l’Humanité, en sa flamme. Cette marche difficile s’accomplit avec lenteur, avec modestie. Loin de l’auto-immolation glorieuse, qui mène de l’exaltation à la douleur insurmontable, elle requiert de la simplicité, beaucoup d’efforts, une patience et un calme acharnement. Métaphore limpide du travail de Tarkovski, la procession solitaire de la bougie nous révèle ce qu’Andrei a appris de Domenico le fou, tout en refusant son devenir aliéné. La présence d’Andrei en Italie trouve un sens dans cette marche difficile et ingrate, mais pourtant si essentielle. Les souvenirs qui l’assaillaient laissent place à l’image d’une réconciliation mentale : la maison de son enfance, entre les murs d’une cathédrale italienne. Il neige alors en août, comme dans la prophétie de Domenico.

A sa sortie, Nostalghia reçoit le Grand Prix à Cannes, ex-aequo avec L’Argent de Robert Bresson. (3) Certains admirateurs de la période russe sont laissés sur le carreau. Ils ne trouvent pas dans ce film la même forme de maturité accomplie qui présidait au Miroir et à Stalker. C’est que ce film parle d’une période plus douloureuse dans la vie de Tarkovski et qu’elle ne saurait convaincre ceux de ses partisans qui sont réfractaires au doute sur leur propre foi (religieuse ou humaniste). Le cinéaste exilé, lui, est très sincère sur ses propres questionnements, sa fatigue existentielle, son sentiment d’une crise insurmontable. Ce que Nostalghia dit aussi, c’est que l’œuvre culturelle et civilisatrice (rien de moins que le salut de l’Humanité pour Tarkovski) ne peut s’accomplir que dans un effort quotidien. Et cet effort demande de la modestie. C’est aussi le sens de cette eau et du chien omniprésents dans le film : nous ne sommes pas seuls, nous les humains, dans le monde. Par une présence animale et la visibilité des éléments, Andrei Tarkovski remet en question la prétention de l’humanisme de la Renaissance à placer l’homme au centre de l’Univers. Il nous dit aussi que parfois, dans la vie de l’artiste et de l’intellectuel, la flamme de l’humanisme vacille, qu’elle s’éteint même, et qu’il faut alors repartir à zéro. Film créé dans la solitude, la dépression, la honte de soi, Nostalghia reflète la peur, la fatigue, le sentiment d’abandon que chacun peut ressentir en temps de crise et nous rappelle qu’il n’y a alors qu’une attitude pour vaincre : non pas la folie (Domenico) ou le désenchantement total (Eugenia), mais l’avancée modeste, fébrile et décidée, les pieds dans la boue, les mains dans le froid, pour qu’un lieu vide de notre existence redevienne lieu sacré de l’humanité.


(1) Cité in Le Temps Scellé, Andrei Tarkovski, 2004, Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma.
(2) Le script de Tonino Guerra existe dans une version romanesque, sa lecture en est hautement recommandée.
(3) L’anecdote est intéressante. Bresson, comme Tarkovski, recherche une autonomie du cinéma d’avec les autres arts, une spécificité qui lui est propre. Là où Tarkovski la trouve dans l’écoulement du temps au sein du plan (qu’il fait donc durer et charge de sens), Bresson neutralise au maximum sa signifiance, cherchant le sens dans le montage d’éléments neutres, qui, lui, affirme un pouvoir propre du cinéma et lui permet même, selon le cinéaste, de filmer l’invisible. L’Argent, tout comme Nostalghia pour Tarkovski, marque une nouvelle manière, radicalisant la précédente, dans la carrière de Bresson. C’est, de plus, un film très désabusé, ce qu’on peut sans trop de risques dire de celui de Tarkovski.

DANS LES SALLES

DISTRIBUTEUR : LES ACACIAS

DATE DE SORTIE : 4 octobre 2017

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Par Jean Gavril Sluka - le 23 février 2012