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Critique de film
Le film

Nevada


 

L'histoire

Jim (Robert Mitchum), Chito (Richard Martin) et Dusty (Guinn "Big Boy" Williams) sont trois cow-boys itinérants. Alors qu’ils arpentent une immense prairie du Nevada, ils tombent sur un convoi de chercheurs d’or rentrant bredouilles à Gold Hill, ce qui leur coupe l’envie de tenter leur chance en tant que prospecteurs, préférant aller gagner de l’argent aux dés. Étrangement, Cash Burridge (Craig Reynolds) - qui tient les registres de propriété de la région - se met à acheter des lopins de terre où a priori les filons d’or sont quasiment inexistants. En fait, sa fiancée Julie Dexter (Anne Jeffreys) - gérante du saloon - vient de rentrer de Carson City où, en plus de s’y être rendue pour embaucher quelques filles, en a profité pour faire analyser un échantillon du gisement : si effectivement les collines alentours ne contiennent quasiment pas d’or, elles regorgent en revanche d’argent. Lorsque Burridge apprend qu’un des hommes à qui il allait proposer de racheter ses terrains est sur le point d’aller lui aussi faire analyser son propre échantillon, il le tue afin que les richesses que recelè le sol ne restent connues que de lui seul. Jim, qui se trouvait à cet endroit au mauvais moment, est pris pour le meurtrier ; on le conduit alors en ville afin qu’il y soit jugé. Mais Burridge fait en sorte que ses concitoyens veuillent le lyncher pour empêcher que le secret des mines d’argent soit dévoilé...

Analyse et critique

... Et nous n’en sommes qu’à environ un quart de l’intrigue sans même avoir pu raconter tous les événements ni même avoir eu le temps d'expliquer les relations qui se sont mises en place entre les différents personnages - peu avant d'être fait prisonnier pour un crime qu'il n'a pas commis, Jim avait sauvé la vie de Julie, ses trois camarades et lui avaient fui une table de jeu où l'on avait voulu s’approprier leurs gains... - tellement le scenario fourmille de rebondissements et de retournements de situations. Autant dire que les petites 62 minutes du film sont - dramatiquement parlant - gonflées à bloc et qu’il s’y passe bien plus de choses que dans certains films d’une durée double. Edward Killy fut un cinéaste prolifique dans le domaine du western, et notamment le réalisateur attitré de Tim Holt pour ses westerns à la RKO. L’acteur n’étant plus disponible - car parti se battre sur le front durant la Seconde Guerre mondiale -, c’est Robert Mitchum qui fut choisi pour le remplacer dans Nevada puis ensuite dans West of the Pecos, les deux derniers films réalisés par Killy. Si Jim "Nevada" Lacy puis Pecos Smith sont assez différents de la plupart de ses futurs personnages ironiques et nonchalants, ils n’en sont pas pour autant dénués d’humour bon enfant. Et force est de constater que le comédien dégageait déjà ici - pour son premier film en haut de l’affiche, après moult apparitions quasiment figuratives dans une vingtaine d'autres - un certain charisme, une apparente indolence - qui restera sa principale caractéristique - et une forte dose de sympathie. Une sympathie qui se dégage également de ce petit western de série B, bougrement agréable même si assez prévisible malgré ses innombrables péripéties.

Un petit western de série B d’à peine une heure qui devait être destiné à passer en première partie de programme au milieu des années 40 ; un spectacle dont la seule ambition était de divertir, ce dont - comme A l'Ouest du Pecos qui suivra - il s’est pleinement acquitté. Il s’agit de la troisième adaptation d’un même roman de Zane Grey, la première était sortie en 1928 avec Gary Cooper dans le rôle-titre, le comédien débutait lui aussi sa carrière en tant que tête d’affiche avec ce western. On peut donc dire que c’est un peu grâce au romancier américain que naitront les deux immenses stars hollywoodiennes que deviendront Gary Cooper et Robert Mitchum. Rappelons que Zane Grey fut l’un des auteurs de westerns les plus prolifiques et les plus rentables et que sa centaine de romans, en idéalisant l’Ouest américain, furent une source inépuisable pour le cinéma dès l’époque du muet. Les premières adaptations cinématographiques de ses histoires furent produites par sa propre maison de production, plus tard revendue à la Paramount qui continua sur la lancée durant les années 30. Puis c’est la RKO qui prit la suite. Zane Grey était tellement célèbre aux USA que les studios avaient trouvé pratique de mettre son nom en haut de l’affiche, avant même ceux des comédiens ; il en allait de même lors du générique de début de ces multiples bandes destinées pour la plupart à être diffusées en double programme. C’est le cas ici aussi, Nevada se révélant être la première de huit adaptations de Zane Grey pour le studio, toutes produites par Herman Schlom et scénarisées par Norman Houston.

Malgré ses quelques éléments comiques, dont le duo formé par Guinn "Big Boy" William et surtout un inénarrable Richard Martin dans le rôle de l’Américano-Irlando-Mexicain nommé "Chito Jose Gonzales Bustamente Rafferty" - un personnage de séducteur impénitent qui sera repris à maintes reprises par le comédien aussi bien dans des westerns que dans des films de guerre -, Nevada n’est pas une comédie ni même une parodie, mais un western avec beaucoup d’humour sans que jamais le film ne sombre dans la vulgarité, sans que ses acteurs n’en fassent des tonnes. Le dosage se révèle au contraire plutôt harmonieux, le film d’Edward Killy possédant en effet tous les ingrédients du genre en plus de l’humour : des grands espaces - ici beaucoup de scènes filmées à Lone Pine, le futur "terrain de jeu" de Budd Boetticher -, de l'action, des poursuites, des chevauchées, des gunfights, des bagarres à poings nus, un héros sans peur et sans reproche - qui de plus exhibe son torse nu pour les éventuelles spectatrices -, des hommes d’affaires corrompus, plusieurs romances néanmoins vite expédiées - on n'a pas vraiment le temps pour ce genre de "flâneries" -, une chanson - dont la durée très courte s’harmonise avec le reste du film - et un numéro de cabaret... Chose très appréciable pour un film à tout petit budget, l’utilisation des transparences lors des séquences mouvementées est très restreinte. Et enfin, tous les techniciens s’acquittent de leurs tâches avec professionnalisme, du chef opérateur au compositeur - seuls les cascadeurs, certes chevronnés, ne sont pas vraiment en phase avec le physique et les silhouettes des comédiens qu’ils doublent.

Il est difficile d'écrire beaucoup plus sur un film qui par son rythme et sa construction ressemble à un serial, un genre de divertissement avant tout mis en place pour divertir les spectateurs du samedi soir - sans qu'il n'y ait rien de péjoratif là-dedans - ; mais comme ces derniers en ont pour leur argent, on peut estimer la mission d’Edward Killy réussie. Un western de très courte durée où l’efficacité prime - les péripéties s’enchainant à grande vitesse -, sans fioritures mais plein d’humour et de charme. Un scénario plutôt bien écrit, une intrigue rondement menée et des comédiens qui forcent la sympathie ; que demander de plus lorsque l’on a une petite heure à perdre ? Nevada s'avère donc une bonne surprise et la source d'un sympathique moment de détente à condition d'être au départ un aficionado du genre et de ne pas non plus en attendre trop.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 17 décembre 2016