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Critique de film
Le film
Affiche du film

Les Sept chemins du couchant

(Seven Ways from Sundown)

L'histoire

Jim Flood (Barry Sullivan) sort d’un saloon une arme à la main : il vient de tuer ses partenaires au poker et s’enfuit à vive allure après avoir mis le feu à l’établissement. Le lendemain, les habitants s’en prennent au jeune Seven Jones (Audie Murphy) qui passait par là, nouvellement engagé dans les Texas Rangers ; il lui font porter le chapeau quant à l’absence d’hommes de loi lorsqu'on a le plus urgemment besoin d’eux. Jones réussit néanmoins à se tirer de cette fâcheuse posture et à se rendre à Buckley où il vient prendre son affectation. Le Lieutenant Herly (Kenneth Tobey), chef des Texas Rangers de la région, lui confie sa première mission : appréhender Jim Flood avec l’aide du plus expérimenté Sergent Hennessey (John McIntire). Ce que Herly ne révèle pas à Jones de peur qu’il en fasse une vengeance personnelle, c’est que Flood est l’assassin de son frère qui l’avait précédé à ce même poste. Avant de se lancer à la poursuite du hors-la-loi, la jeune recrue fait la connaissance de la jolie Joy Karrington (Venetia Stevenson) dont il n’est pas insensible au charme. La traque débute et Jones se rend compte au fur et à mesure qu’il s’en approche que le bandit est très populaire, grandement apprécié par la plupart de ceux dont il croise la route. Jones et son associé réussissent à le rejoindre et à le capturer mais Hennessey y laisse la vie. Jones doit désormais seul ramener Flood à Buckley où l'on prépare sa pendaison. En cours de route, alors qu'ils affrontent ensemble plusieurs dangers (des Indiens, des chasseurs de primes...), une estime réciproque va se faire jour entre l’homme de loi et son prisonnier...

Analyse et critique

Avant toute chose, il est bon de savoir que le titre français assez poétique du film, même s’il semble être une traduction littérale du titre original, opère un gros contresens par le simple fait d’avoir ajouté l’article défini "les". En effet, Seven Ways from Sundown, aussi étrange que cela puisse paraître, est en fait le prénom du personnage joué par Audie Murphy. Son père, qui n’avait pas envie de chercher des patronymes à ses enfants, a préféré les nommer par des chiffres en fonction de leur ordre de venue au monde ; de son côté la mère avait néanmoins souhaité tout aussi incongrument apposer une touche de poésie (ou non : One for the Money pour l’aîné, Two for the Road pour le suivant...) à ces prénoms chiffrés. Une idée assez saugrenue mais qui correspond finalement assez bien à ce western au ton insolite, sorte de mélange pittoresque entre deux précédents westerns avec Audie Murphy, Chevauchée avec le diable (Ride Clear of Diablo) de Jesse Hibbs et Qui est le traître ? (Tumbleweed) de Nathan Juran. Le scénariste Clayr Huffaker et le cinéaste Harry Keller reprennent la situation principale du premier et le ton du second. Le résultat, s’il n’atteint pas le niveau de ses deux "modèles", ne se révèle pas moins plutôt distrayant. Après avoir été un monteur prolifique durant les années 40 - notamment sur le très beau L'Ange et le mauvais garçon (Angel and the Badman avec John Wayne) - Harry Keller travailla à de nombreuses reprises pour le genre, mettant en scène une dizaine d’obscurs westerns de série B (voire Z) pour la Republic, qui ne sont d’ailleurs jamais sortis dans notre contrée. Quantez fut le premier d’une série de quatre westerns à budgets plus importants réalisés pour la Universal. Les deux derniers, les plus connus, ont tout deux Audie Murphy pour acteur principal, le premier étant ce Seven Ways from Sundown, et le second Six chevaux dans la plaine (Six Black Horses) en 1962. Fred MacMurray joue en revanche dans les deux autres, Quantez ainsi que La Journée des violents (Day of the Badman).

De Chevauchée avec le diable, le western de Harry Keller reprend la situation principale qui est celle de faire se côtoyer pendant une bonne moitié du film un prisonnier et l’homme de loi venu l’appréhender, les deux apprenant à s’estimer au fur et à mesure de leur périple et des dangers qu’ils doivent affronter ensemble, et malgré le fait que la destination finale pour le hors-la-loi soit fort probablement la potence. Dans le premier film signé Jesse Hibbs, le bandit était interprété par un Dan Duryea qui s’en donnait à cœur joie (et pour notre plus grand plaisir) dans le cabotinage éhonté. Ici, c’est Barry Sullivan - l’acteur principal du Quarante tueurs (Forty Guns) de Samuel Fuller - qui incarne le bad guy recherché par les Texas Rangers ; l’acteur a trouvé ici, comme bien souvent, le parfait équilibre entre sobriété et exubérance. Flood est un dandy épicurien et insouciant qui ne tue que par nécessité et qui préfèrerait être pendu plutôt que d’être privé des plaisirs simples de la vie que sont avant tout pour lui un cigare, une tasse de café, des femmes, du whisky ou encore un bon steak. Un homme qui clame haut et fort son désir de liberté et qui s’avère au final éminemment attachant et sympathique, capable, sans se forcer (et à vrai dire sans même chercher à le faire), de charmer aussi bien les enfants (très jolie séquence au bord d’une rivière, hommage bienvenu à la futilité et à l’insouciance, avec un jeune garçon dont l’interprète n’est autre que le fils de Mickey Rooney) que les adultes. Seven Jones, malgré sa droiture, va vite lui porter une très grande estime ; une estime qui deviendra rapidement réciproque, Flood étant de son côté impressionné par la ténacité inébranlable de son geôlier ainsi que par son immense probité. Par exemple, Jones n’accepte à aucun prix d’être "acheté" et refuse sans avoir eu à réfléchir sa proposition d’association pour écumer la région. Paradoxalement, toute cette deuxième moitié du film dépeignant les relations qui s’instaurent entre les deux hommes, sur le papier la partie la plus intéressante, se révèle finalement la moins réussie à l’écran, faute à un budget minime qui fait se dérouler toutes les séquences de nuit au sein de décors de studio trop étriqués et au manque de génie du réalisateur qui se contente de filmer le tout assez platement sans arriver à se hisser au niveau de son scénario.

Attention, il n'y a rien de rédhibitoire non plus : le film reste presque constamment plaisant d’autant que les dialogues sont très bien écrits et les situations parfaitement mises en place et agencées par Clair Huffaker, qui signait à l’occasion son premier scénario avant d’être au générique de beaucoup d’autres films durant les vingt années suivantes (dans le domaine du western il écrira pour Michael Curtiz, Gordon Douglas, Andrew V. McLaglen pour ne citer que les plus connus). Avant donc d’en arriver à la partie qui décrit le retour au Texas des deux hommes, nous avons eu le temps durant une bonne demi-heure de faire connaissance avec les différents personnages de l'intrigue, d’une manière très nonchalante et légère qui apporte ce ton si particulier au film. Après un pré-générique détonant qui voyait Barry Sullivan sortir du saloon l’arme à la main après avoir tué ses partenaires aux cartes, la séquence suivante faisait immédiatement entrer en scène son futur rival, la nouvelle recrue des Texas Rangers interprétée par un Audie Murphy dont on dirait qu’il n’a pas vieilli depuis le début de sa carrière. Alors que cette même année 1960 il semblait très fatigué dans Le Diable dans la peau (Hell Bent for Leather) de George Sherman (réalisateur qui avait d’ailleurs été pressenti pour tourner Seven Ways from Sundown) ou beaucoup plus âgé avec sa moustache dans Le Vent de la plaine (The Unforgiven) de John Huston, le comédien revient pour une troisième fois dans un western, étonnement rajeuni en comparaison de ses prestations dans les deux titres précédents. Il s’avère très convaincant dans le rôle de ce jeune Texas Ranger gauche, crédule, inexpérimenté mais d’une honnêteté à toute épreuve ; un protagoniste auquel il n’est pas difficile de s’identifier, le comédien n’en faisant jamais trop dans l’héroïsme. Avant que la traque ne se mette en place, les auteurs prennent donc leur temps pour nous décrire la petite ville dans laquelle vient officier Seven Jones, avec aussi la peinture d'autres personnages très intéressants comme ceux interprétés par le toujours aussi talentueux John McIntire, le très bon Kenneth Tobey ou la jeune et jolie Venetia Stevenson, fille du cinéaste Robert Stevenson, qui tombera amoureuse de son partenaire au cours du tournage. C'est la raison probable pour laquelle les rares scènes qu’ils partagent sont aussi irrésistibles, Audie Murphy n’étant de plus presque jamais meilleur que lorsqu’il doit jouer la maladresse et la timidité auprès des femmes.

C’est également durant cette première partie que l’on apprend d’emblée tous les enjeux du film, les secrets de famille comme celui de la provenance de ces patronymes aussi pittoresques que ceux de la famille Jones, ou encore le fait que le Ranger novice va devoir sans le savoir poursuivre l’assassin de son frère. Une partie qui dans son style visuel (décors, maquillages, costumes et photographie), par le ton adopté et les personnages du petit garçon et de la jeune femme, fait parfois plus penser à une comédie familiale qu'à un western sans que cela ne soit gênant. Tout au contraire, mais en revanche le film ne devient jamais ni lourd de menaces ni tendu comme l’intrigue nous le faisait envisager. Ceci marque à la fois la force et la faiblesse de ce western : un ton insolite qui perdure durant la partie censée être plus dramatique et qui par ce fait empêche le film d’être plus émouvant, ce qu’était arrivé à mener à bien Nathan Juran avec son excellent Qui est le traître ? (Tumbleweed). S’ensuit donc, après une charmante première partie, le début de la traque qui se déroule au milieu de paysages divers et variés, tous filmés avec professionnalisme à défaut d’ampleur. Une portion du film très courte surtout destinée à nous faire entrapercevoir le côté équivoque du bandit : s’il semble impitoyable et dangereux aux yeux de la justice et de la loi, il se révèle d’une grande générosité aux yeux de la plupart de ceux dont il croise la route. Étant donné que nous ne l’avons pour l’instant vu que quelques secondes en début de film, on ne sait plus trop à quoi s’attendre de sa part et l’impatience se fait grandissante de pouvoir enfin faire sa connaissance. Puis arrive la troisième partie du film consacrée au retour de l’homme de loi avec son prisonnier, une succession de scènes dialoguées et de scènes d’action (dont l’excellente séquence des chasseurs de primes, la plus sombre du film). Et c’est là que le duo Murphy / Sullivan fait montre de tout son talent même si l'on aurait préféré un autre metteur en scène derrière la caméra pour rehausser le tout. Comme nous le disions ci-avant, le film parait alors vouloir être plus dramatique sans réellement y parvenir, la belle séquence finale (qui n'est pas surprenante puisque le conflit semble inévitable depuis le début) n’arrivant pas à nous toucher autant que nous l'aurions souhaité. C’est donc bien là le principal défaut du film, le cinéaste est bien trop sage pour arriver à faire plus que plaisamment nous divertir ; ce qui n’est certes déjà pas si mal.

Des situations classiques légèrement modernisées par la manière qu’a le scénariste de les prendre à la légère (un peu trop parfois, voire l’attaque indienne qui pour nos deux héros ressemble un peu trop à du tir aux pigeons) mais une mise en scène qui manque de rythme et n’arrive pas à tirer partie de toutes les possibilités du scénario, de superbes paysages naturels (notamment Red Rock Canyon dans le Nevada) mais des décors de studio parfois très cheap, une agréable bande originale mais une photographie assez quelconque, des comédiens parfaitement dirigés pour un western plaisant mais sans assez de tension lors des moments dramatiques... Cependant, au final Seven Ways from Sundown est un film tout aussi sympathique qu’insolite, laissant un arrière-goût amer dans la bouche tout comme dans celle du personnage joué par Audie Murphy lorsqu’il se rend compte que ne pas dévier de sa ligne de conduite et de son sens de l’éthique - et donc dans son cas appliquer la justice à la lettre - n’est pas toujours très agréable. On imagine ce qu'aurait pu tirer de cette thématique un cinéaste plus chevronné. Mais somme toute, néanmoins une bonne série B !

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 15 novembre 2014