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Critique de film
Le film

Le Sabre et la flèche

(Last of the Comanches)

L'histoire

1876. Les Soldats ont réussi à pacifier le Far-West et à "mater" la plupart des tribus indiennes renégates. Seulement, les Comanches ne s'avèrent pas encore vaincus ; le film débute ainsi par l'attaque de la ville de Dry Buttes par Black Cloud et ses hommes. Un massacre dont seuls six survivants s'en sortent indemnes parmi les Tuniques Bleues. Les voilà partis pour se réfugier à Fort Macklin, à des lieues de là, devant, pour arriver à destination, traverser des régions désertiques privées d'eau. Sur le chemin de la petite troupe commandée par le Sergent Matt Trainor (Broderick Crawford), ils sauvent une diligence et ses passagers d'une attaque indienne ; le groupe se compose désormais d'une dizaine d'unités avec parmi eux une femme, Julia Lanning (Barbara Hale), en route pour rendre visite à son frère, officier de cavalerie. En continuant à avancer, ils intègrent encore à leur "communauté" un meurtrier et un jeune Indien Kiowa, échappé des griffes de Black Cloud. Alors qu'ils commençaient sérieusement à être à cours d'eau, l’enfant Kiowa les conduit jusqu'à une ancienne mission espagnole abandonnée où il sait que les membres de sa tribu allaient se ravitailler. Ils y trouvent effectivement un puits qui semble asséché, mais au fond duquel ils découvrent que le liquide est présent même s'il ne s'écoule que goutte à goutte. A peine le temps de se réapprovisionner qu'ils voient les Comanches, assoiffés eux aussi, arriver aux abords de leur refuge ; il va falloir tenir le plus longtemps possible, au moins le temps que le Kiowa aille prévenir la cavalerie du danger imminent qui les guette...


 

Analyse et critique

Le Sabre et la flèche fait partie de cette catégorie de westerns (qu'on pourrait qualifier de survival) dont une grande partie (très souvent la deuxième moitié) se déroule en vase clos alors qu’un groupe se retrouve confiné dans une église, un chalet ou un relais de diligence. Il doit souvent lutter contre un ennemi qui fait le blocus à l'extérieur et parfois même, dans le même temps, gérer les conflits et les tensions qui le gangrènent de l'intérieur. Parmi les réussites issues de ce style de scénario où le suspense doit être grandissant au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue, on trouvait déjà L'Attaque de la malle poste (Rawhide) de Henry Hathaway, Le Relais de l'or maudit (Hangman's Knot) de Roy Huggins, Les Bannis de la Sierra (The Outcasts of Poker Flat) de Joseph Newman, sans oublier le désormais "cultissime" Quand les tambours s'arrêteront (Apache Drums) de Hugo Fregonese. Mais il s'avère qu'il n'est pas du tout évident de capter l'attention du spectateur tout au long de ces huis clos westerniens ; il doit impérativement y avoir un scénario et des dialogues bétonnés sous peine de voir rapidement pointer l'ennui. De grands noms comme Gordon Douglas ou Robert Wise n'y ont malheureusement pas échappé mais leurs semi-ratages sont sans commune mesure avec le film que nous donne à voir André De Toth, faute avant tout à un très mauvais scénario de Kenneth Gamet. Une immense déception au vu de ce à quoi le réalisateur nous avait habitué jusqu'alors : rappelez-vous de ces réjouissants Le Cavalier de la mort (Man in the Saddle) et La Mission du Commandant Lex (Springfield Rifle) sortis très peu de temps auparavant, sans compter les chefs-d’œuvre ultérieurs que seront La Rivière de nos amours (The Indian Fighter) ou La Chevauchée des bannis (Day of the Outlaw) ! Le Sabre et la flèche est le western le moins connu de sa filmographie : il n'est désormais pas très difficile de comprendre pourquoi !

Raoul Walsh s’était inspiré de la trame de son film de guerre Objective Burma (Aventures en Birmanie) pour l'intrigue des Aventures du Capitaine Wyatt (Distant Drums). Pour Le Sabre et le flèche, André de Toth reprend celle d’un autre film de guerre, Sahara, réalisé par Zoltan Korda avec dans le rôle principal Humphrey Bogart. Un bataillon de rescapés en manque d'eau se réfugie dans un lieu où ils finissent par en trouver mais où ils sont bientôt rejoints et encerclés par des ennemis supérieurs en nombre ; ces derniers souhaitent non seulement se ravitailler à leur tour mais également massacrer les occupants de la place qui étaient au départ leurs poursuivants. Les tensions qui montent au sein du groupe, la peur du danger qui les entoure, l'attente interminable d'hypothétiques secours, etc., tous les éléments du survival sont présents ici et là. Mais comme pour le premier exemple, celui de Walsh, le "remake" westernien n'arrive pas à la cheville de l'original. Le film de Korda, sans être mémorable, était plaisant tout du long ; il n'en va pas de même pour Le Sabre et la flèche. Cela fait toujours un peu mal de voir des réalisateurs appréciés se fourvoyer dans la médiocrité. Et c'est pourtant ce qui arrive avec "le quatrième borgne d'Hollywood" qui livre ici l'une de ses œuvres les plus faibles, pour ne pas dire mauvaise, faute à un scénario banal et guère captivant, à des personnages ectoplasmiques et à des dialogues inintéressants. Est-ce pour cette raison que les acteurs dans leur ensemble, qui eux non plus ne paraissent pas concernés, font eux aussi le strict minimum quand ils n'ont pas l'air, comme Broderick Crawford, de se demander tout du long ce qu'ils viennent faire dans cette galère ?! Rarement l'interprétation d'un protagoniste principal m'aura paru aussi plate et monocorde que celle qu'il nous dessert ici, entraînant tous ses petits camarades sur la même pente. Quant à la pauvre Barbara Hale, on ne lui a donné quasiment aucune ligne de dialogue, l’actrice faisant figure ici "d'objet de décoration".

Et pourtant, le film semblait bien parti en nous plongeant directement au cœur de l'action dès le premier plan qui se déroule sur le champ de bataille, les morts et blessés jonchant les rues d'une ville alors qu’un premier assaut venait de se terminer. S'ensuit une deuxième attaque qui nous permet de voir pour la première fois en couleur dans un western des Indiens faire une violente intrusion dans une ville du Far-West. Malheureusement, on se prend déjà à se dire que la mise en scène de De Toth nous parait bien manquer de rythme malgré la violence des combats. Puis c'est le départ des survivants dans le désert et la rencontre avec une diligence à l'aspect fantomatique et qui sort d'on ne sait où (Sergio Leone s'est peut-être remémoré ce film pour une séquence à peu près similaire dans Le Bon, la Brute et le Truand). La beauté des cadrages très modernes, de très nombreux plans très originaux comme celui illustrant le dialogue entre Broderick Crawford et Lloyd Bridges en contre-jour sur fond de crépuscule, quelques jolis mouvements de caméra (qui nous prouvent que c’était quand même De Toth derrière la caméra) et dans l'ensemble une esthétique très inspirée... et pourtant l'ennui s'installe pour ne plus quasiment nous quitter si ce n'est lors d'une séquence d'explosion à la dynamite très photogénique qui vient nous sortir de notre torpeur, et pour laquelle on se demande si la plus grande partie du budget ne lui a pas été allouée. Même si la photographie de Charles Lawton Jr. est splendide, et même si De Toth s'amuse à constamment innover sur un plan formel, le film n'est malheureusement pas toujours très harmonieux faute à une continuelle succession de gros plans en studio avec transparences hideuses et de plans d'ensemble en extérieurs (dont quelques stock-shots issus de La Peine du talion de Henry Levin). Musicalement, la partition de George Duning est en revanche une jolie réussite.

En résumé, il n'y a pas grand-chose à sauver - hormis de nombreuses fulgurances esthétiques et quelques choix de décors peu banals (comme celui de la mission espagnole fantôme) - dans ce western bavard, sans suspense, sans tension ni éclats, dans lequel les Indiens n'ont pas été gâtés par le figuration et où la direction d'acteurs semble inexistante. Le Sabre et la flèche est un western qui aurait pu atteindre des sommets grâce au métier d'André de Toth mais qui se révèle presque complètement ruiné par une écriture d'une grande médiocrité. Film de commande ou non, je ne saurais le dire ; quoi qu'il en soit, il s'agit de l'un des moins bons opus de son réalisateur. Dommage !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 11 juin 2016