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Critique de film
Le film

Fort Ti

L'histoire

1759. Français et Anglais se disputent toujours la possession des régions du nord-est de l’Amérique du Nord. Le capitaine Horn (George Montgomery), un des rangers du célèbre Major Rogers (Howard Petrie), se rend à Albany chez le gouverneur pour lui demander de l’aide, les Indiens alliés des Français se faisant de plus en plus menaçants. Et d’ailleurs, en voulant rendre visite à sa sœur et à ses neveux et nièces, Horn trouve la maison brûlée et ses habitants volatilisés. Il apprend qu’ils ont été kidnappés par les "peaux rouges" qui les ont conduits au fort Ticonderoga, plus familièrement appelé Fort Ti, où se trouve l’armée française. Horn constate également que son beau-frère est un espion au service de l’ennemi, sa famille ayant été prise en otage au moment où il menaçait de se dénoncer, jusque-là obligé de trahir sa patrie pour ne pas risquer la vie de ses proches. Avec les Roger’s Rangers, Horn et lui vont partir délivrer les membres de leur famille. En chemin, ils sauvent la vie de la jolie Fortune Mallory (Joan Vohs) des griffes d’un Indien sur le point de la violer...

Analyse et critique

Depuis 1943, William Castle a déjà tourné plusieurs dizaines de longs métrages, surtout des films noirs à la réputation plutôt flatteuse. Au sein de son corpus de neuf westerns, Fort Ti fait partie des productions Columbia fauchées du producteur médiocre qu’était Sam Katzman, spécialisé dans les easterns se déroulant au 18ème siècle, qui avaient pour toile de fond la guerre entre Français et Anglais pour la possession des terres du nord-est de l’Amérique à l’époque du Dernier des Mohicans. Des films de série Z interchangeables, réutilisant les mêmes décors et costumes sans aucun souci de véracité historique. En l’occurrence, Joan Vohs semble sortir tout droit d’un film se déroulant durant les années 1950, et les intérieurs auraient également presque pu servir pour une fiction dont l'intrigue se situerait à l’époque du tournage. Mais que cela ne vous refroidisse pas, et ne vous décourage pas de découvrir d’autres westerns de ce cinéaste dans l'ensemble plus apprécié par les amateurs de films policiers, de films fantastiques et d’horreur que par les aficionados du genre qui nous concerne ici. Le réalisateur était d'ailleurs dans l'ensemble a priori plus doué pour le marketing que pour la pure mise en scène. Dans son autobiographie, il racontait que c'était en voyant les files d'attente devant les cinémas pour voir Les Diaboliques de H.-G. Clouzot qu'il eut l'idée de réaliser des films d'angoisse ou d'horreur pour empocher le pactole ; il ne s'est en effet jamais caché de les avoir tournés par pure opportunisme commercial, devenu un véritable roi du teaser.


William Castle réalisa donc neuf autres westerns, aucun ne possédant une très bonne renommée malgré le fait que des titres comme Battle of Rogue River ou Cave of the Outlaws soient tout à fait honorables. Ce n’est évidemment pas le cas de Fort Ti, petit navet inconséquent, réalisé sans conviction et écrit à la va-vite comme la plupart des autres productions de Katzman traitant de la même période telles La Hache de la vengeance (When the Redskins Rode) de Lew Landers ou Le Trappeur des grands lacs (The Pathfinder) de Sidney Salkow déjà avec un George Montgomery fadasse. Mais à sa décharge, avec toute la bonne volonté du monde, comment le comédien aurait-il pu se sortir de personnages aussi falots, aussi inconsistants ?! Le producteur ne cherchant qu’à faire de l’argent sans aucunes considérations artistiques, le scénariste et le réalisateur semblent tout aussi peu concernés l’un que l’autre et du coup l’histoire s'avère aussi peu captivante que les séquences d’action se révèlent molles. Il s’agissait du premier western en 3D et l’on ne compte plus les plans où l’on voit des objets divers et variés - flèches, torches enflammées... - arriver sur la caméra en direction du spectateur ; seulement, le cinéaste semble ici ne s’être soucié que de ce gimmick technique sans ne penser à rien d’autre, le procédé devenant vite répétitif et pénible.


Les Roger’s Rangers et leurs tenues vertes kakis, nous les connaissions déjà grâce à King Vidor qui en avait fait les personnages principaux de son film Le Grand passage (Northwest Passage), Spencer Tracy y interprétait le Major Rogers, un rôle tenu ici sans aucune conviction par Howard Petrie. Mieux vaut donc se tourner à nouveau vers ce film d’une toute autre envergure, celui de William Castle ne possédant aucun sens épique, aucune rigueur, que ce soit au niveau de l’écriture ou de la réalisation, la preuve la plus flagrante étant le passage dans quelques séquences et d’un plan à l’autre... d’une saison à l’autre... sans qu'il ne s'agisse aucunement d'ellipses ! Malgré tout cela, on pourra néanmoins sourire devant l’extrême naïveté de certaines scènes, à la vue des effets spéciaux totalement grotesques comme celui des chauve-souris, de celle des cascadeurs semblant parfois sauter sur des trampolines lors de séquences d’action lamentablement filmées et rythmées, à l’écoute de l’accent à couper au couteau des soldats français... ou bien encore se rincer l’œil au vu de la très jolie comédienne Joan Vohs, seule véritable compensation/consolation devant tant de médiocrité.


Est-ce bien nécessaire de s’appesantir plus longuement sur un film qui n’en vaut pas le coup, et qui ne plaira probablement pas à grand monde à l'exception peut-être de quelques nostalgiques ayant découvert ces films à l’époque de leurs sorties ? Quoi qu’il en soit, il s'agit hélas un western sans charme, sans âme et sans quelconque intérêt.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 1 juin 2018