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Critique de film
Le film

Massacre à Furnace Creek

(Fury at Furnace Creek)

L'histoire

Arizona, 1980. Le Capitaine Walsh (Reginald Gardiner) escorte une caravane de pionniers à travers le territoire Apache jusqu’au fort de Furnace Creek. En route, il reçoit une missive du général Blackwell (Robert Warwick) lui ordonnant d’abandonner le convoi pour se rendre d’urgence à un autre endroit. La bonne aubaine pour le chef Apache "Little Dog" qui attaque la caravane désormais sans protection, massacrant tous ses membres avant de prendre leur place à l’intérieur des chariots pour se faire ouvrir les portes du fort ; la garnison est brulée, ses soldats anéantis. On fait porter la responsabilité de cette tragédie sur les épaules de celui qui a donné l’ordre aux soldats d’abandonner le convoi, l’honorable général Blackwell qui passe ainsi en cour martiale ; malgré ses protestations et la clameur de son innocence, il est condamné. Le choc est trop grand et il décède d’un infarctus peu après. L’affaire semble classée ; mais c’est sans compter sur les deux fils du général qui décident chacun de leur côté de laver l’honneur du nom familial en allant enquêter eux-mêmes sur les circonstances de ce drame. Cash (Victor Mature), joueur invétéré à peine sorti de prison, et Rufe (Glenn Langan), capitaine dans l’armée, se rendent alors tous deux dans la ville-champignon de Furnace Creek qui a poussé non loin du fort détruit une fois les territoires confisqués aux Indiens suite au massacre. [Que ceux qui ne voudraient pas connaître les dessous de cette "affaire policière" s'abstiennent de lire la phrase suivante] La vérité se fait vite jour ; encore faut-il trouver des preuves et faire tomber l’homme le plus influent de la région, le vil Leverett (Albert Dekker) qui se révèle être à l’origine de cet ignoble complot qui était destiné à ce que les terres regorgeant d’argent appartenant aux Indiens leur soient confisquées afin d’en tirer profit...

Analyse et critique

Contrairement à ce que pourraient faire croire les mauvaises langues, ce n’est pas le formidable succès du précédent chef-d’œuvre de John Ford qui poussa les distributeurs français à donner au western de Bruce Humberstone un titre approchant puisque ce dernier est sorti en France quelques mois avant Le Massacre de Fort Apache. Bruce Humberstone avait déjà réalisé un western en 1940, Lucky Cisco Kid, avec Dana Andrews et Cesar Romero. Fury at Furnace Creek est donc sa deuxième incursion dans le genre. Si le nom du réalisateur ne dit certainement pas grand-chose à nombre d’entre vous, Bruce Humberstone, après avoir été l’assistant de King Vidor, Edmund Goulding ou Allan Dwan, fut pourtant l’un des cinéastes les plus prolifiques de la 20th Century Fox, un homme à tout faire du studio, l'équivalent de Richard Thorpe chez la MGM. Aux côtés d’Irving Cummings, Walter Lang et Archie Mayo, c’est lui qui mettra en scène un nombre considérable des musicals de la Fox avec Betty Grable, Alice Faye, la patineuse Sonja Henie ou Carmen Miranda. Dans l’ensemble, ses comédies musicales sont toutes dotées d’un grand professionnalisme : si elles se révèlent de temps en temps mauvaises (Pin Up Girl), elles sont le plus souvent plaisantes (Hello Frisco, Hello) voire savoureuses (Sun Valley Serenade). Mais c’est pour un film noir qu’il est aujourd’hui surtout connu en France : I Wake Up Screaming dont l’acteur principal, aux côtés de Betty Grable, était déjà Victor Mature. Ce dernier sera à nouveau le "héros" de ce Fury at Furnace Creek, remake westernien sous forme d’enquête policière de Quatre hommes et une prière de John Ford.

Victor Mature, qui l’année précédente nous avait fait forte impression en Doc Holiday dans My Darling Clementine de John Ford, est cette fois en tête d’affiche dans cette solide petite série B dont le scénario - très bien - écrit est d’ailleurs plus proche du polar ou du film noir que du western. Son script est d’ailleurs la principale originalité de cet agréable western, par ailleurs plutôt conventionnel même si bien réussi dans l’ensemble (hormis son score pourtant signé David Raksin qui ne fait que reprendre, réorchestré, le thème principal de Stagecoach). La première surprise survient dès l’entrée du convoi dans le fort : l’idée de ne pas nous avoir fait assister à l’embuscade et à la tuerie des pionniers qui s’ensuit fait qu’on ne s’attend pas une seconde à ce que ce soit les Indiens qui aient pris les rênes des chariots et qui, imitant le cheval de Troie, se sont infiltrés dans la place forte afin de la détruire. L’attaque du fort se révèle d’ailleurs assez efficace, à l’image de la mise en scène de Humberstone, et ce aussi bien pour les séquences mouvementées que les scènes dialoguées. De bonnes répliques écrites par Winston Miller, des paysages bien utilisés et une belle photographie signée Harry Jackson en noir et blanc rehaussent encore cet honorable western : sans rien proposer de vraiment marquant, ni dans l’interprétation ni dans la mise en scène, il s'agit d'un travail très honnête, le genre de film aussitôt vu aussitôt oublié mais qui aura fait passer un très agréable moment à ses spectateurs. Il serait donc dommage de négliger voire même de mépriser Fury at Furnace Creek d’autant que, même après la révélation des coupables et des dessous du complot (on apprend comment certains territoires indiens ont pu être "saisis" et dans quels buts), l’intérêt ne retombe pas, le rythme ne faiblit jamais et l’histoire reste prenante jusqu’au final : un dernier quart d’heure qui nous fait sortir de la ville, avec une longue course poursuite à cheval sans le soutien d’aucun thème musical et qui se termine dans les ruines calcinées du fort avec un "duel" tendu et énergique à la clé.

Si Victor Mature, à défaut de génie, prouve qu’il n’était pas un aussi mauvais comédien qu’on a parfois bien voulu le dire, Glenn Langan, qui joue son frère, se révèle par contre un piètre acteur, trop fade pour son rôle. Quant à Coleen Gray, déjà la partenaire féminine de Mature l’année précédente dans l’étonnant Kiss of Death de Henry Hathaway, elle n’a pas vraiment le temps de nous prouver que son jeu est aussi charmant que son joli minois. Il faut se reporter du côté des bad guys pour se délecter : Reginald Gardiner trouve un personnage assez riche, celui de l’officier de cavalerie tombé dans la décrépitude et l'alcoolisme suite à ses problèmes de conscience, tiraillé entre son envie de parler au risque de se transformer en témoin gênant ou de se taire pour survivre ; mais c’est une nouvelle fois Albert Dekker qui tire la couverture à lui. Avec Brian Donlevy, c’était définitivement bien lui l’autre comédien le plus doué pour interpréter les "chefs de gang" durant cette décennie. Signalons aussi l’amusant Charles Kemper, l’alcoolique qui, faute de prison dans la ville en plein essor, est menotté à une grosse souche qu’il porte sans difficulté sur son épaule quand il s’agit d’aller vider un verre avec des étrangers de passage.

Aux côtés des grands classiques qu’on ne peut que difficilement prendre en défaut, comme Fort Apache, il existe tout un vivier de petits westerns dont certains ont l’immense mérite de grandement nous divertir. Pour ce fait, ils méritent tout autant d’être découverts même s’il n’est franchement pas facile d’en tirer grand-chose de très profond. Ce Fury at Furnace Creek en fait partie et, au vu de la qualité des dialogues, il ne serait pas vain qu’un DVD avec des sous-titres français fasse un jour son apparition dans nos contrées. Pas inoubliable mais bien agréable.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 28 avril 2011