
Oslo, 31 août
Fin août, début septembre. Phase de transition où l’on est encore dans l’éblouissement d’un été qui s’achève, d’une jeunesse qui passe, dans l’incertitude de savoir si l’on va trouver la force de tourner la page, d’entamer un nouveau chapitre. Tout juste sorti d’une cure de désintoxication, Anders a toute la vie devant lui, mais il est assez vieux pour éprouver la nostalgie d’un monde qu’il ne retrouvera pas. Amis, amantes, dealer : chacune de ses rencontres éclaire sur son âme tourmentée, tentée par la contrition, la normalisation, la colère, attirée surtout par le vide. Et dans cet Oslo baigné de chaleur, de séduction, de douceur de vivre, il déambule avec la fragilité qui est la sienne au moment où il doit décider ou non de mourir. Si Louis Malle avait superbement adapté Drieu La Rochelle, Trier n’a pas à rougir. 5/6
Thelma
L’ombre de Carrie plane évidemment sur ce récit de sorcellerie moderne qui mobilise avec bonheur certaines des plus belles ressources du fantastique : la forte valeur de l’allégorie, l’interpénétration entre chronique réaliste et éléments surnaturels, l’irruption du paranormal comme métaphore d’un état intérieur. Mais loin des flamboyances de Brian De Palma, le cinéaste norvégien opte pour une approche qui évoque la tradition des contes gothiques nordiques, tout à fait adaptée à la rigidité de ce milieu luthérien dont le puritanisme étouffe l’épanouissement de l’héroïne, la prise de conscience de ses désirs et de sa sexualité, son ardeur à devenir ce qu’elle est. La richesse de la thématique et la sensibilité de son traitement, combinées à un vrai respect du genre, concourent à la pleine réussite de l’entreprise. 5/6
Julie (en 12 chapitres)
Avec cette chronique amoureuse en forme de journal intime, qui ambitionne de dresser le portrait d’une trentenaire d’aujourd’hui, de ses rêves, de ses désirs, de ses complexes, de ses doutes, de ses velléités et de ses contradictions, Trier semble vouloir mettre ses pas dans ceux d’Allen (Annie Hall) ou de Baumbach (Frances Ha). Sa finesse de touche inscrit une trajectoire personnelle dans la réalité socio-culturelle d’une époque, et sa légèreté d’exécution sait aussi promouvoir de beaux moments de gravité. Le film s’offre ainsi comme le versant solaire d’Oslo 31, août, cherchant par une voie différente à raconter l’importance de certaines rencontres, les joies du hasard, la fragilité de l’existence et le troublant vertige qui naît lorsque le risque est pris de laisser filer le temps pour mieux tenter de trouver sa place. 4/6
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1. Oslo, 31 août (2011)
2. Thelma (2017)
3. Julie (en 12 chapitres) (2021)
La voie du portrait individuel, intime, parfois nourri d’une certaine inquiétude existentielle, semble être celle choisie par ce réalisateur pétri de références (comme tous ceux de sa génération), et dont les capacités ne sont désormais plus à démontrer. Dans la gravité ou la légèreté, en recourant parfois aux vertus particulières du cinéma de genre, il exprime avec une réelle sensibilité le désarroi, les espoirs, la soif de vivre d’une jeunesse en quête d’elle-même.