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Re: Alain Resnais

Publié : 4 mars 12, 14:19
par Joe Wilson
Je t'aime, je t'aime

Mes impressions sont partagées...j'ai trouvé que les conditions de l'expérience scientifique étaient décrites avec trop d'insistance, donnant au film une rigidité pesante alors qu'il parvient à s'épanouir dans l'effervescence créative.
Claude Rich livre par contre une interprétation magnifique, et saisit la variété des émotions de son rôle avec une formidable aisance. Le temps s'évanouit sous ses yeux, dévoilant le visage de l'euphorie, de l'insouciance, puis de la désillusion. Le montage de Resnais est exemplaire, à la fois circulaire et construit sur des ruptures, déroutant et fascinant dans les détours qu'il emprunte.

Re: Alain Resnais

Publié : 14 juin 12, 11:28
par Père Jules
Je ferais preuve de moins de mansuétude que l'avis ci-dessus.

Je copie/colle mon avis des "Films du mois". Pour faire vite: je l'impression qu'on s'est bien foutu de ma gueule.

Resnais et moi, ça ne sera pas encore pour cette fois. J'étais plein d'enthousiasme au vu du synopsis, je pensais trouver quelque chose se rapprochant plus ou moins de La jetée. Et bien ce fut plutôt "moins". Pourtant le début du film est tout à fait prometteur (en dépit d'un montage extrêmement saccadé qui m'a rapidement fait tiquer): Claude Rich rétabli après une tentative de suicide, une expérience révolutionnaire, l'explication de cette même expérience au sein d'un complexe scientifique situé quasiment hors du monde... Oui mais voilà, passé le premier quart d'heure, on verse irrémédiablement dans l'intellectualisme à deux sous. Les personnages sont totalement désincarnés, ils débitent des dialogues complètement artificiels. Aucune émotion. Rien. Le néant. On se fout pas mal de ce qui est arrivé à Claude Ridder, le personnage interprété par un Rich que j'aime pourtant beaucoup. Mais ici, il a un mal fou à se dépêtré d'un scénario totalement rigide contrairement à ce que voudrait bien nous faire croire le réalisateur avec ces insupportables allées et venues dans le temps. Alors, c'est peut-être bien au niveau de la réalisation (quoique), c'est peut-être de l'Art avec un grand A, mais c'est tout à fait chiant, pompeux et irritant. Rarement 88 minutes ne m'avaient paru aussi longues.

Re: Alain Resnais

Publié : 19 juin 12, 19:13
par ballantrae
Vivement Vous n'avez encore rien vu qui a pourtant été accueilli de manière mitigée à Cannes.
Avec Oliveira, Resnais me semble le plus facétieux des grands noms qu'on serait hâtivement tenté d'enterrer ou de muséifier.
Les herbes folles avaient été un grand moment de cinéma imprévisible dans une carrière qui en offre beaucoup d'où une attente que je vais essayer de ne pas faire trop grandir afin de ne pas être déçu comme face à I want to go home ou La vie est un roman qui m'apparaissent comme ses films les moins aboutis faute d'un projet assez architecturé pour l'un, par soucis de rythme ( avec les moments didactiques claironnés je crois par le perso de P Arditi) pour le second...ce qui est dommage c'est que les deux projets auraient pu mettre en évidence l'amour de Resnais envers la BD.
Le fait que Resnais revienne vers anouilh m'intéresse même si ce n'est pas mon dramaturge préféré: Mélo d'après Bernstein ou smoking/no smoking/ Coeurs d'après Ayckbourn étaient passionnants pour ce qu'ils nous disaient des rapports entre cinéma et théâtre, sur le contournement de celui-ci par rapport à celui-là, sur la vérité de celui-là obtenue par le factice de celui-ci.
Avec Oliveira, l'un des plus grands cinéastes "théâtraux"!
Le scandale éditorial DVD principal pour sa carrière est l'absence d'une copie de Providence, à n'en pas douter l'un de ses plus beaux films ( peut-être le plus beau?).

Re: Alain Resnais

Publié : 11 juil. 13, 06:44
par Jeremy Fox
Hiroshima mon amour ressort dans les salles
Petit saut dans le temps. Après avoir illuminé les écrans de l'année 2013 dans Amour, c'est dans son premier rôle que l'on retrouvera Emmanuelle Riva le 17 juillet. C'est en effet ce mercredi que ressortira dans les salles Hiroshima, mon amour qui se trouve être également le premier long métrage d'Alain Resnais.

Le film a été restauré en numérique 4K à L'Imagine Ritrovata de Bologne. C'est le grand chef opérateur Renato Berta qui, à la demande du cinéaste, a supervisé la restauration et l'étalonnage du film. Une occasion inespérée de redécouvrir les splendeurs de cet inoubliable poème à l'amour sur grand écran...

Re: Alain Resnais

Publié : 11 juil. 13, 13:10
par Federico
ballantrae a écrit :Le scandale éditorial DVD principal pour sa carrière est l'absence d'une copie de Providence, à n'en pas douter l'un de ses plus beaux films ( peut-être le plus beau ?).
Pour moi, le chef-d'oeuvre de Resnais... que j'ai pu revoir il y a quelque temps en tombant sur un vieil enregistrement VHS. Malgré sa médiocre qualité, j'ai repris une sacrée claque !
Il semble qu'il a existé un DVD édité par les espagnols de Manga Films en 2000. Malheureusement, il semblerait aussi qu'il s'agisse d'une VF alors que le film fut évidemment tourné en anglais.
Faudrait qu'Eureka! ou Criterion nous sortent une copie restaurée... :roll:

Re: Alain Resnais

Publié : 14 juil. 13, 14:17
par Profondo Rosso
Stavisky (1974)

Image

Serge Alexandre Stavisky est un puissant conseiller financier, propriétaire de nombreux établissements. Ses relations étroites avec notables et hommes politiques lui confèrent de nombreux privilèges et lui évitent beaucoup d'ennuis judiciaires. Pourtant, une enquête est menée dans l'ombre par l'inspecteur Bonny qui l'accuse de détourner des millions de francs: c'est le début du scandale des faux bons de caisse de la banque de Bayonne.

Stavisky marque sans doute pour Jean-Paul Belmondo la fin de sa carrière d'interprète pour désormais ne plus être pour le meilleur (Le Magnifique) et pour le pire (Les Morfalous) que "Bebel", le héros casse-cou et rigolard qu'il promène dans les gros divertissement qui firent sa gloire durant les années 70/80. L'échec du film (ajouté à celui de La Sirène du Mississippi de Truffaut) cassera donc le si brillant équilibre entre film d'auteur et populaire qu'il sut mener jusque-là ce qui est regrettable au vu de sa remarquable interprétation de Stavisky. Le film dépeint ainsi un des plus grands scandales politico-financier des années 30 avec l’affaire des bons de Bayonne des bons de Bayonne orchestré par l'escroc Alexandre Stavisky.

Même si on comprend grossièrement les tenants et aboutissants des magouilles de Stavisky, Resnais cherche plutôt à nous y perdre afin de dresser le portrait contrasté de son héros. Il nous est d'abord présenté comme un viveur flamboyant et dépensier dont le seul but est d'être vu, admiré et le seul sujet de conversation de sa société. Femmes (excellente scène où il couvre une inconnue séduisante de fleur en cinq minutes), politiques, banquiers, personne ne résiste à Stavisky ou plutôt à son nouvelle incarnation respectable Serge Alexandre. C'est bien cette schizophrénie qui causera sa perte puisque Serge Alexandre mène des affaires ambitieuses et respectables avec la roublardise de Stavisky, le prestige du premier s'opposant à la moralité toute relative du second. Resnais captive en sondant cette dualité à travers sa narration (divers personnages donnant avec recul leur sentiment sur le héros dans des séquences interrompant la trame générale et en fait issue de l'enquête qui suivit la mort de Stavisky) mais surtout par un Stavisky rendu insaisissable par la superbe prestation d'un Belmondo parlant de lui-même à la troisième personne. C'est dans la source de ce dédoublement de personnalité qu'il faudra chercher la cause du drame de Stavisky. Sept ans plutôt, son père dentiste respectable voyant son nom souillé se suicida suite à une des énièmes arrestations de son fils pour escroquerie et Stavisky après avoir noyé la perspective d'un procès à coups de pot de vins réapparu dans le monde en tant que Serge Alexandre. Ce passé le ronge et n'a jamais pu être complètement effacé, notamment par les traquenards tendus par l'Inspecteur Bonny (Claude Rich) qui a juré sa perte.

Resnais enveloppe habilement (à l'image de la photo vaporeuse de Sacha Vierny) cela d'un voile de mystère, ne surlignant jamais les évènements et laissant deviner ce que les évènements et agissements de Stavisky révèle de lui et de l'époque. La soif de reconnaissance vient ainsi de son besoin d'intégration, qui doit se faire sans courber l'échine comme le fit son père mais ce confronte au contexte politique agité et corrompu, où les prémisses du Pétainisme trouve déjà leurs sources. Si ce n'est l'amour indéfectible d'Arlette (magnifique Annie Duperey), Stavisky malgré son faste et son entourage est un homme seul. C'est ce qui causera sa perte au final, Stavisky aurait fui pour tout recommencer ailleurs, Serge Alexandre souhaite rester et se défendre même si tout est perdu. L'ambiguïté du final obéit à cela, Stavisky a certainement été assassiné mais Serge Alexandre se serait plus probablement lui suicidé face à ce déshonneur. Lequel a été découvert par la police, là est la question. Un des films les plus accessibles de Resnais, visuellement somptueux (superbe reconstitution) et à l'atmosphère du rêve que n'a cessé de vouloir vivre Belmondo. 4,5/6

Re: Alain Resnais

Publié : 29 sept. 13, 20:35
par Federico
Cette nuit à 0h55 sur France Culture : rediff de Nuit et brouillard - Enquête sur un film au-dessus de tout soupçon diffusé en 1994.

Re: Alain Resnais

Publié : 28 oct. 13, 09:56
par Demi-Lune
Je t'aime, je t'aime (1968)

Il y a quelque chose de tout à fait fragile et en même temps fascinant dans le déroulé de ce film. La déstructuration de la narration, les scènes parfois réduites à de simples fragments cognitifs, les effets volontaires de répétition, comme un disque rayé... il y a toujours le risque d'être irrité ou lassé par ce procédé très théorique (mais pas si hermétique que ça). On peut d'ailleurs trouver qu'il s'essouffle dans les vingt dernières minutes, pourtant les plus capitales, à force d'embrouillements discutables.
Mais la manière dont le montage émiette comme un puzzle les instantanés d'une vie, qui ne s'appréhende dès lors plus de façon linéaire mais par vue d'ensemble d'associations illogiques, est franchement magistrale. C'est probablement l'un des plus grands travaux de montage que j'aie vus. Eternal sunshine of the spotless mind lui doit pratiquement tout de ce point de vue. Resnais bouleverse les repères et les perspectives narratives, propose une expérience incroyable de temps relativisé, dans le sillon de L'année dernière à Marienbad. Les chœurs bidouillés de Penderecki, cette capsule-tumeur improbable, une souris sur une plage... l'équilibre reste ténu et je comprends que cela puisse paraître atrocement auteurisant (les dialogues Nouvelle Vague, le jeu neutre de Rich, etc).
La limite du film tient sans doute dans son extériorité aux événements : on assiste en spectateur à l'émiettement des souvenirs d'une vie, mais souvent sans chaleur, sans émotion... sans incarnation. De sorte que j'ai personnellement du mal à voir dans ce film autre chose qu'un objet expérimental, certes génial, mais qui aurait pu être bien plus. A cet égard le parallèle de Père Jules avec La jetée est fondé : en vingt minutes et images fixes, il y a une vague émotionnelle qui fait à mon sens défaut au film de Resnais, par ailleurs très quelconque en termes esthétiques (il est loin le noir et blanc hypnotique des premiers films).

Journée Resnais complétée également par la découverte du court-métrage Les statues meurent aussi (co-réalisé avec Chris Marker, justement), d'une beauté esthétique à couper le souffle. Encore plus beau que les formalisations sculpturales du début de Que viva Mexico.

Re: Alain Resnais

Publié : 28 oct. 13, 11:01
par Federico
Demi-Lune a écrit :Je t'aime, je t'aime (1968)

Il y a quelque chose de tout à fait fragile et en même temps fascinant dans le déroulé de ce film. La déstructuration de la narration, les scènes parfois réduites à de simples fragments cognitifs, les effets volontaires de répétition, comme un disque rayé... il y a toujours le risque d'être irrité ou lassé par ce procédé très théorique (mais pas si hermétique que ça). On peut d'ailleurs trouver qu'il s'essouffle dans les vingt dernières minutes, pourtant les plus capitales, à force d'embrouillements discutables.
Mais la manière dont le montage émiette comme un puzzle les instantanés d'une vie, qui ne s'appréhende dès lors plus de façon linéaire mais par vue d'ensemble d'associations illogiques, est franchement magistrale. C'est probablement l'un des plus grands travaux de montage que j'aie vus. Eternal sunshine of the spotless mind lui doit pratiquement tout de ce point de vue. Resnais bouleverse les repères et les perspectives narratives, propose une expérience incroyable de temps relativisé, dans le sillon de L'année dernière à Marienbad. Les chœurs bidouillés de Penderecki, cette capsule-tumeur improbable, une souris sur une plage... l'équilibre reste ténu et je comprends que cela puisse paraître atrocement auteurisant (les dialogues Nouvelle Vague, le jeu neutre de Rich, etc).
La limite du film tient sans doute dans son extériorité aux événements : on assiste en spectateur à l'émiettement des souvenirs d'une vie, mais souvent sans chaleur, sans émotion... sans incarnation. De sorte que j'ai personnellement du mal à voir dans ce film autre chose qu'un objet expérimental, certes génial, mais qui aurait pu être bien plus. A cet égard le parallèle de Père Jules avec La jetée est fondé : en vingt minutes et images fixes, il y a une vague émotionnelle qui fait à mon sens défaut au film de Resnais, par ailleurs très quelconque en termes esthétiques (il est loin le noir et blanc hypnotique des premiers films).
Bien vu ton rapprochement avec Eternal sunshine of the spotless mind. Les similitudes sont même parfois énormes, et pas qu'en terme de montage. C'est un des films de Resnais que je préfère tout en lui reconnaissant ce que tu as noté : une froideur et une distanciation constante qui ôte une grande part d'émotion (tout en étant tout de même moins glaçant que L'année dernière à Marienbad). Plus incarné, cela aurait pu devenir tarkovskien, façon Solaris. D'un autre côté, cet aspect presque mortifère est cohérent du point de vue du personnage central : un homme qui n'attend plus rien de la vie, un suicidé pour la science qui s'offre en cobaye parce que perdu pour perdu, c'est sa seule chance de revoir sa compagne disparue. Et puis Rich est génial dans la scène du courrier oulipien. :D
Je serais un peu moins sévère sur l'esthétique. Certes, l'image est un peu "brûlée" mais j'aime énormément le design de la capsule qui annonce le Moebius des années 70.

Re: Alain Resnais

Publié : 28 oct. 13, 11:05
par Demi-Lune
Federico a écrit :Et puis Rich est génial dans la scène du courrier oulipien. :D
Complètement autre, cette scène. :mrgreen: Une manière vraiment astucieuse d'illustrer l'expérience qui part en couille. J'aurais bien aimé que ce grain de folie surréaliste soit plus exploité. Mais bon, là, ça aurait été un autre film... celui de Gondry. :)

Re: Alain Resnais

Publié : 28 oct. 13, 11:46
par Anorya
Demi-Lune a écrit : Journée Resnais complétée également par la découverte du court-métrage Les statues meurent aussi (co-réalisé avec Chris Marker, justement), d'une beauté esthétique à couper le souffle. Encore plus beau que les formalisations sculpturales du début de Que viva Mexico.
Chef d'oeuvre cette co-réalisation Marker/Resnais. J'en parlais une page avant. :D

Re: Alain Resnais

Publié : 19 nov. 13, 06:25
par Jeremy Fox

Re: Alain Resnais

Publié : 19 nov. 13, 10:02
par Gounou
Oui !!

Re: Alain Resnais

Publié : 2 mars 14, 11:00
par Spongebob
D'après RTL Alain Resnais vient de nous quitter. Il avait 91 ans.

Re: Alain Resnais

Publié : 2 mars 14, 11:47
par ballantrae
Je suis très triste, une époque s'achève...celle des grands inventeurs de formes.La disparition de Kurosawa et Fellini m'avait laissé un sentiment étrange de "fin" d'une partie de vie cinéphile puis il y eut Bresson (certes plus en activité depuis L'argent soit 13 ans avant), Kubrick ( ce fut un choc durable: il n' y aurait plus d'attente du "prochain Kubrick") puis la disparition conjointe, comme par un fait exprès, de Bergman et Antonioni.Et puis Chabrol, Rohmer...
L'obituaire se remplit, nous vieillissons et le monde donne l'impression de se dépeupler aussi bien dans le cercle quotidien que pour les vraies grandes figures artistiques.
Resnais était toujours impressionnant et érussissait à faire des films aussi beaux et surprenants qu'au début de sa carrière.On pouvait ne pas aimer son cinéma mais on pouvait difficilement l'ignorer absolument.
Je suis plutôt en colère en pensant aux difficultés de financement connues ces dernières années, au fait qu'un film aussi ébouriffant d'inventivité que Les herbes folles soit reparti bredouille de Cannes en 2009, que vous n'avez encore rien vu ait été aussi tièdement accueilli.
Qu'en sera t'il du dernier opus? aura t'on droit au bal des faux culs qui multiplieront les louanges sachant que celles-ci se dissoudront dans la masse des emballements hebdomadaires où un titre chasse l'autre...
Je vais me faire un petit cycle Resnais et rire un bon coup en revoyant Pas sur la bouche pour commencer.