Re: Yasujiro Ozu (1903-1963)
Publié : 3 mai 14, 13:05
Seishun Hoka Go / le soir de la jeunesse[/b] (Tsuneo Hatanaka - 1963)
Deux vieux amis révèlent à une femme qu'ils ont bien connu sa mère - désormais veuve - quand elle était jeune et qu'ils pourraient bien être tous son véritable père.
Il s'agit téléfilm tiré d'un scénario de Yasujiro Ozu. Il me semble même qu'il travailla à la préparation du film avant de décéder. C'est donc devenu un production pour la télévision filmé par l'obscur Tsuneo Hatanaka.
Le look visuel est assez pauvre (y compris dans le master qui existe) avec une poignée de décors anonymes et assez factices. De la même manière, la mise en scène et le découpage sont à des kilomètres de la précision, de la poésie, de la subtilité et du rythme de Ozu.
Mais passées les scènes d'expositions un peu laborieuses (15 minutes), c'est un véritable régal puisque ça reste malgré tout du pur Ozu avec sa galerie de personnages typiques de son univers : les vieux alcooliques, la veuve, le jeune fille qui chercher à se marier mais ne trouve pas de prétendants à son goût, le salary man timide, l'épouse autoritaire, les références aux enfants qui sont moins attentionnés envers leurs parents que des membres extérieurs de la famille etc...
et puis ce ton assez unique avec des situations délicates traitées avec un mélange de légèreté polie et de philosophie sereine. La séquence où les deux amis apprennent à l'héroïne que sa mère avait trois amants (qui avaient signé un pacte de "non agression" ) est vraiment irrésistible d'humour loin de tout éclat mais aussi exempt de la moindre vulgarité. Il faut voir les réactions de la jeune fille, un peu gêné par ces révélations mais qui décide d'en rire également avec une sacrée répartie (quand les deux vieux annoncent que le surnom de son "père" était "vieux boeuf", celle-ci s’écrie "ah mais je suis une génisse alors !" )
Ca fonctionne parce que les acteurs surjouent juste ce qu'il faut pour faire passer ces traits de caractères atypiques sans pour autant tomber dans la farce ou le vaudeville basique. D'ailleurs, ça donne une certaine concision à la psychologie qui n'a pas besoin de recourir aux paroles (comme les réactions de cette autre femme qui fait les gros yeux en écoutant son fiancé parler à une inconnue au téléphone). D'ailleurs tous les personnages, premiers comme seconds rôles, sont extrêmement attachants et humains avec une personnalité loin d'être uniforme : la marâtre autoritaire mais bienveillante, la copine qui fait croire qu'elle du tempérament mais devient effacée quand son mari arrive, l'héroïne qui essaye de séduire un homme en le faisant boire en jouant aux dés... D'ailleurs on peut se demander si ses hésitations à choisir à mari proviennent pas de sa triple paternité...
Une nouvelle fois aussi, derrière les sourire, la légèreté et la politesse, il y a une profonde mélancolie - presque une véritable détresse - pour les personnages les moins âgés qui n'ont pas encore la maturité d'avoir le recul pour se montrer attendri par leur passé. La toast final que portent les personnages au "soir de la jeunesse" (alors qu'ils sont eux-même à l'approche de l'obscurité de la vie) a quelque chose d'une sagesse magnifique et lumineuse.
Pour un titre posthume, c'est un petit bijou quand bien même on ne retrouve pas tout à fait la sensibilité filmique de son auteur.
Je suis donc vraiment ravi d'avoir eut la chance de découvrir cette énorme rareté. Pour les parisiens, il repasse dimanche soir à la cinémathèque.
Deux vieux amis révèlent à une femme qu'ils ont bien connu sa mère - désormais veuve - quand elle était jeune et qu'ils pourraient bien être tous son véritable père.
Il s'agit téléfilm tiré d'un scénario de Yasujiro Ozu. Il me semble même qu'il travailla à la préparation du film avant de décéder. C'est donc devenu un production pour la télévision filmé par l'obscur Tsuneo Hatanaka.
Le look visuel est assez pauvre (y compris dans le master qui existe) avec une poignée de décors anonymes et assez factices. De la même manière, la mise en scène et le découpage sont à des kilomètres de la précision, de la poésie, de la subtilité et du rythme de Ozu.
Mais passées les scènes d'expositions un peu laborieuses (15 minutes), c'est un véritable régal puisque ça reste malgré tout du pur Ozu avec sa galerie de personnages typiques de son univers : les vieux alcooliques, la veuve, le jeune fille qui chercher à se marier mais ne trouve pas de prétendants à son goût, le salary man timide, l'épouse autoritaire, les références aux enfants qui sont moins attentionnés envers leurs parents que des membres extérieurs de la famille etc...
et puis ce ton assez unique avec des situations délicates traitées avec un mélange de légèreté polie et de philosophie sereine. La séquence où les deux amis apprennent à l'héroïne que sa mère avait trois amants (qui avaient signé un pacte de "non agression" ) est vraiment irrésistible d'humour loin de tout éclat mais aussi exempt de la moindre vulgarité. Il faut voir les réactions de la jeune fille, un peu gêné par ces révélations mais qui décide d'en rire également avec une sacrée répartie (quand les deux vieux annoncent que le surnom de son "père" était "vieux boeuf", celle-ci s’écrie "ah mais je suis une génisse alors !" )
Ca fonctionne parce que les acteurs surjouent juste ce qu'il faut pour faire passer ces traits de caractères atypiques sans pour autant tomber dans la farce ou le vaudeville basique. D'ailleurs, ça donne une certaine concision à la psychologie qui n'a pas besoin de recourir aux paroles (comme les réactions de cette autre femme qui fait les gros yeux en écoutant son fiancé parler à une inconnue au téléphone). D'ailleurs tous les personnages, premiers comme seconds rôles, sont extrêmement attachants et humains avec une personnalité loin d'être uniforme : la marâtre autoritaire mais bienveillante, la copine qui fait croire qu'elle du tempérament mais devient effacée quand son mari arrive, l'héroïne qui essaye de séduire un homme en le faisant boire en jouant aux dés... D'ailleurs on peut se demander si ses hésitations à choisir à mari proviennent pas de sa triple paternité...
Une nouvelle fois aussi, derrière les sourire, la légèreté et la politesse, il y a une profonde mélancolie - presque une véritable détresse - pour les personnages les moins âgés qui n'ont pas encore la maturité d'avoir le recul pour se montrer attendri par leur passé. La toast final que portent les personnages au "soir de la jeunesse" (alors qu'ils sont eux-même à l'approche de l'obscurité de la vie) a quelque chose d'une sagesse magnifique et lumineuse.
Pour un titre posthume, c'est un petit bijou quand bien même on ne retrouve pas tout à fait la sensibilité filmique de son auteur.
Je suis donc vraiment ravi d'avoir eut la chance de découvrir cette énorme rareté. Pour les parisiens, il repasse dimanche soir à la cinémathèque.