Avant tout, je tiens à préciser que je n'ai vu
aucun volet de la saga culte
Arthur et les Minimoys. Promis juré, je les regarde tous les trois dès que possible, mais là j'ai pas trop le temps. Cette lacune m'aura certainement fait passer à côté de tout plein de références méta, mais ne m'aura en rien empêché d'apprécier le prolongement qui nous est proposé aujourd'hui. La preuve avec une note à chaud enthousiaste dans le topic des sorties :
tchi-tcha a écrit : ↑2 juil. 22, 22:08
...j'étais à deux doigts de coller mon premier 10/10 de l'année
Arthur Malédiction (Luc Besson ?) 0,5/10
(La réponse normande à
Devil Story... qui était déjà normand me souffle-t-on dans l'oreillette. De la série Z de compétition, époustouflant.)
À froid quelques heures plus tard, j'hésite à baisser ma note d'un point ou deux. Mais finalement cette réponse normande à
Devil Story m'a bien fait rire, et c'est important de rire parfois, alors 0,5/10 c'est très bien. Mais attention, hein, je vous connais, il y a rire et rire, rire ne signifie pas se moquer de, attention, hein...
À un premier niveau, c'est vrai, ce truc est risible. Non, ce n'est pas le film le plus laid, le plus affreux, le plus ce-que-vous-voudrez de tous les temps. D'autres ont fait bien pire, plus moche ou plus abject que ce tout petit slasher normand, qui lui est simplement médiocre. Le pitch est complètement con, les personnages sont complètement cons, il leur arrive des trucs complètement cons, et ni la caméra qui bouge ni le montage mouliné ne parviennent à masquer la pauvreté et la connerie du produit fini. Donc oui, faites-vous plaisir, marrez-vous car
Arthur Malédiction est complètement con.
Motif de moquerie supplémentaire, papa Besson fait tourner sa fifille chez lui en Normandie. Et alors ? Dario Argento a bien fait tourner sa propre fille, John Cassavetes a bien fait tourner sa propre épouse (dans leur propre maison pour
Love Streams si je ne m'abuse), on n'en a pas fait toute une histoire. C'est d'autant plus méchant que Thalia Besson est une cible facile. Elle prend cher pour tous les autres parce que c'est la fille à Gros Luc, alors qu'elle n'est même pas la plus mauvaise du casting, loin de là, malgré pourtant la nullité abyssale de son non-jeu. Elle a l'air d'une fille intelligente, équilibrée, consciente de ne pas être actrice (contrairement à ses petits camarades qui devront assumer ce machin sur leur C.V. ou lorsqu'ils iront pointer au Pôle Emploi). Elle est là parce qu'elle n'allait pas refuser l'opportunité de tourner avec son père. C'est une expérience à faire au moins une fois, ça lui fera des souvenirs pour plus tard. Les autres acteurs, à part chroniqueurs chez Hanouna, je ne vois pas trop ce qu'on va bien pouvoir faire d'eux quand ils seront grands.
Ce qui me permet de passer
à un deuxième niveau. Car même en étant conscients qu'ils ne participaient pas à un chef d'oeuvre, je ne doute pas de la bonne volonté de chacun. L'
interview du réalisateur postée plus haut par tenia le confirme, quand on est fan c'est un peu vivre un rêve. Le pauvre Barthélemy Grossmann a le profil type des victimes de l'écurie Besson, des passionnés de cinéma sur lesquels l'aura de Luc Besson fonctionne à plein régime (ils admirent son parcours, ils aiment ses films, aussi bien les
Taken ou
Transporteur que son
Grand Bleu d'ailleurs), ils ont autant d'idées et d'envies qu'un Oliver Dahan mais ne seront au mieux que de futurs Louis Leterrier, de futurs Oliver Megaton ou de futurs Pierre Morel.
Grossmann a beau assurer qu'il a bénéficié d'une liberté à 100%, le producteur reste le patron, alors quand il dit quelque chose on l'écoute. Leterrier a bien retenu la leçon, il travaille aujourd'hui à Hollywood, et la leçon est d'autant plus valable quand le producteur s'appelle Luc Besson et qu'on l'admire :
" Luc, c’est quelqu’un qui fait confiance. À partir du moment où il te choisit, il est ouvert à une collaboration. Après, il faut avoir de l‘humilité quand on a affaire à un monsieur qui a produit près de 100 films, en a réalisé 15… J’ai énormément appris à ses côtés. Et quand il te donne un conseil, ce n’est pas une histoire d’ego, c’est quelque chose qui rend réellement le plan meilleur. Il me disait parfois: «Là, tu aurais peut-être pu faire ça de cette manière. Ça aurait été plus efficace». «Ah, je n’y avais pas pensé…», je lui rétorquais… «Bart, c’est ton deuxième film, c’est normal». Voilà le genre d’échanges qu‘on avait ensemble… "
Grossmann ne s'est pas réveillé un matin en se disant "tiens, je vais faire de la merde." Le film a un message, qui renvoie directement à son vécu personnel :
" J’étais déjà fan du premier film mais là, je me suis totalement identifié au personnage principal, quelqu’un qui s’est réfugié dans une espèce de bulle protectrice – sa passion pour ce film, «Arthur et les Minimoys» –, et qui doit maintenant en sortir pour affronter le vrai monde. "
Malheureusement, avec le scénario qu'on lui a refilé, vu les conditions dans lesquelles il a travaillé (lire les polémiques relayées plus haut, se rappeler que quelqu'un avait déjà tourné un court-métrage d'horreur cinq ans auparavant dans les mêmes décors d'
Arthur), entouré de stagiaires et de non-professionnels, disposant d'une liberté de 100% brute probablement réduite à 15% nette à l'arrivée, il a fait ce qu'il pouvait, mais il ne pouvait pas faire grand chose de ce slasher au rabais.
Qu'importe, avant de vous moquer, rappelez-vous que les gens impliqués dans
Arthur Malédiction ont fait de leur mieux, sincèrement. Oui, tous, y compris Luc Besson lui-même,
à un troisième niveau. Car la clé de lecture du film, c'est le personnage du gendarme qui nous la donne lors de l'épilogue :
un film peut faire des dégâts.
Parenthèse spoiler et vulgarité, l'explication du pourquoi du comment va vous trouer le cul :
- Spoiler (cliquez pour afficher)
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ATTENTION, C'EST UN VRAI SPOILER
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Les créatures maléfiques qui agressent nos héros sont deux bandes rivales de jeunes qui s'ennuient dans la grande ville à côté. Il y a trois ans c'était un cospaly Batman vs Superman, cette fois-ci c'est sur les lieux de tournage des Minimoys, où ils se sont donné rendez-vous complètement drogués pour un affrontement à mort. D'où la conclusion du gendarme : un film ça peut faire des dégâts.
De quels dégâts parle-t-on ? De ce
Arthur Malédiction qui sabote la franchise
Minimoys ? Non, ce serait trop facile.
Quand Luc Besson (qui ne vit que pour et par le cinéma) nous dit qu'un film "peut faire des dégâts", ça devrait nous interpeler. Ce n'est plus du sabotage, c'est une tentative de suicide inconsciente, un appel au secours.
Avec l'échec de
Valérian (relatif mais suffisant pour torpiller l'avenir de EuropaCorp), l'auteur des cultissimes
Grand Bleu et
Nikita semble avoir perdu son mojo, le succès de
Lucy n'aura été qu'une heureuse parenthèse. Le réalisateur/producteur est en difficulté, on parle même de déclin (et on s'en réjouit), l'homme est blessé dans sa réputation et dans sa vie privée par des accusations d'agressions sexuelles. On a beau avoir connu les sommets, on a beau avoir crée
une école de cinéma, quand on encaisse des coups ça laisse des traces. Et aujourd'hui, l'homme qui avait rêvé
Le Cinquième Élément et
Jeanne d'Arc produit en cachette entre deux confinements une série Z dans sa ferme normande, tourne en toute discrétion une petite comédie romantique (
June and John) et espère toujours faire son come-back avec le projet
DogMan. Le système Besson est en phase terminale, il a renoncé à tout, il saborde une franchise à succès, il s'assure que sa fille ne fera jamais carrière au cinéma, voilà ce que nous dit cette
Malédiction.
Alors s'il vous plaît, allez voir
Arthur Malédiction en salle à l'occasion de la fête du cinéma ce week-end. Faites comme des milliards d'autres spectateurs dans toute la France qui se diront "
Les Minimoys c'était sympa et après tout 4€ la place c'est pas cher" (tant pis s'ils en sortent déçus), aidez Luc ! Si vous ne le faites pas pour Luc, faites-le pour l'amour du cinéma
PS J'ai assez peu parlé du film en détail pour ne pas vous en gâcher le plaisir de la découverte, mais si vous aimez
Devil Story ou
La Revanche des Mortes Vivantes *, vous allez bien vous marrer, c'est du Z en barre (de rire).
* sans les plans nichon
Tu veux rejoindre le monde des Minimoys ?