
Bhowani junction (La Croisée des destins), George Cukor, 1956
Juste après A star is born, Cukor embarque Ava Gardner, Stewart Granger et toute son équipe pour tourner cet étonnant film au Pakistan. Etonnant par sa façon de mélanger la grande et la petite histoire, traitant à la fois de façon très spectaculaire de la lutte pour l'indépendance de l'Inde (avec un peuple tiraillé entre lutte pacifique et action violente), et les désarrois d'une jeune femme mi-anglaise, mi-indienne, qui se cherche une identité. Ava Gardner est assez peu crédible en métisse et les scènes s'attardant sur ces tourments ne sont pas toujours écrites avec finesse. Un truc marrant c'est la bizarre caractérisation de son personnage (on nous dit que les métisses, péjorativement appelés "chee-chee" ont une tendance marquée à se foutre en rogne facilement, ce qui donne lieu à de regulières crises de nerfs de la Ava). Mais alors par contre, qu'est-ce qu'elle est sublime, lorsqu'elle s'habille d'un sari.
L'authenticité naît de la façon qu'a Cukor d'inscrire ses stars au sein de plans grouillant de monde. On devine que la main-d'oeuvre locale était bon marché pour la production, et le nombre de figurants à l'écran est souvent impressionnant. La photographie, toute en teintes terreuses, est très belle. Le film propose une très grande variété de situations dramatiques, romance, suspense, guerre, drame historique. On a parfois l'impression que Cukor refait un peu le Autant en emporte le vent dont il avait été privé, notamment lors de l'incroyable séquence de l'accident de train, où Ava Gardner traverse la foule des blessés, entre les carcasses des wagons en feu. On pourra regretter une narration un peu lourde en voix off. Tout le film est en effet un long flashback raconté par Granger, sans que cette vision retrospective fasse vraiment gagner quelque chose au récit (renseignement pris, ce procédé serait un ajout de la production contre la volonté du réalisateur, et Gardner se serait vue sucrer quelques scènes jugées trop chaudes). Bref, une tentative vraiment intéressante de proposer un spectacle différent.

Heller in pink tights (La Diablesse en collants roses) George Cukor, 1960
Un Western produit par Carlo Ponti mettant évidemment en vedette la beauté de sa femme Sophia Loren (malheureusement ici en blondasse). C'est l'histoire d'une troupe de théâtre itinérante un peu arnaqueuse, menée par un Anthony Quinn qui livre une interprétation magnifique, pleine de douleur et de sensibilité. Le film est rigoureusement découpé en trois actes. Le premier est mené sur un rythme ébourrifant, présentant la troupe au cours de ses préparatifs pour une représentation dans la ville boueuse de Cheyenne. Richesses des décors, des costumes (Edith Head) et des couleurs, rythme alerte de la comédie. Puis on les suit dans leur périlleuse traversée d'un territoire indien (seule partie vraiment western), où les situations se font plus graves, les personnages cessant de jouer la comédie, amenés à payer le prix de leurs mensonges. Puis arrivée dans la cité de Bonanza et tentative de recontruction de la troupe. Là encore, Cukor trousse des scènes éblouissantes autour de la scène, où la vie et le théâtre se confondent, et où tous les enjeux du film doivent se résoudre (sentiments amoureux, destin professionnel, règlements de compte de mercenaire). Un joli film.