Goret a écrit : ↑19 janv. 25, 19:10Pour ma part, qu'un avis soit largement majoritaire n'en fait pas pour autant une vérité.
Certes. Je constate simplement que l'évolution de mon ressenti est en quelque sorte "validée" par la manière dont le cinéma de Lynch est, très majoritairement, défendu. Exemple caractéristique : l'approche d'un Pacôme Thiellement, qui semble être devenu depuis quelque temps une sorte de référence lorsqu'il s'agit d'analyser le cinéaste, d'en éclairer la nature. Ses quelques interventions dans le reportage posté plus haut sont éclairantes. Voilà quelqu'un dont je me demande s'il est vraiment
ému par les films de Lynch - en tout cas, rien dans ses propos ne le laissent transparaître. Il ne parle que d'indices, de signes, d'énigmes ; il ne semble appréhender ce cinéma que comme un champ d'investigation herméneutique. Il revendique lui-même être avant tout un "exégète". Et lorsqu'il cherche à définir la place du spectateur, il emploie le mot de "détective". Mais où est l'investissement émotionnel là-dedans ? D'ailleurs, que pense-t-il d'
Une Histoire Vraie ? Je serais curieux de l'entendre sur ce film, pour voir s'il est aussi enthousiaste. Cette manière d'envisager l'oeuvre lynchienne ne me parle pas du tout ; elle est même totalement opposée à la mienne. Or c'est bien elle qui est défendue par les plus illustres défenseurs de Lynch. Et c'est là où, parce qu'
Inland Empire a complètement reconfiguré mon rapport à ce cinéma, j'en viens à me dire que c'est moi qui, pendant très longtemps, me suis d'une certaine manière fourvoyé. Le Lynch que j'aimais, ce n'était pas le "vrai" Lynch, c'était un Lynch que je m'étais inventé. Plus de détails dans ma réponse à Truffaut Chocolat.
Truffaut Chocolat a écrit : ↑20 janv. 25, 09:00C'est comme si son cinema t'avait plaqué avec Inland Empire, que ça déchirait la belle histoire d'amour d'avant et que tout ce qui suivait était mauvais. C'est dommage mais je respecte ton avis.
On peut parler de point de rupture mais perso, j'y vois surtout de la continuité et j'aime à penser que ce n'est pas un hasard si son dernier film a finalement de grandes choses en commun avec son tout premier. C'est aussi celui qui a le plus de choses en commun avec sa personnalité au sens large.
Mais je suis totalement d'accord avec cela.
Inland Empire, c'est le Lynch le plus pur, le plus absolu, le plus libre. Du Lynch sans filtre, qui opère sans contrainte de production à tous les niveaux de conception. Or c'est un film que je déteste. Conclusion ? Elle est évidente : au fond, je n'aime pas vraiment Lynch. Et il m'a fallu ce film pour me dessiller les yeux. Michel Chion, qui n’est pas n’importe qui puisqu’il est un des grands spécialistes français du réalisateur, n’est pas par hasard un énorme fan d’
Inland Empire, qu’il considère comme son chef-d’œuvre. Je me permets d’ailleurs de le citer à ce sujet, parce que je pense que toute la clé est là : "
Le film non-glamour de Lynch, après le malentendu du succès de Mullholland Drive lié à l'image "glamour" de cette oeuvre, est un magnifique rétablissement de sa vérité d'artiste." Tout est dit : le rétablissement de sa vérité d’artiste. Il explique ici que
Mulholland Drive était un malentendu, et que le vrai Lynch figure dans
Inland Empire. C’est exactement ce que je pense aussi, et c’est pourquoi j'ai suivi un tel parcours. C'est aussi pourquoi aussi j'ai eu l'impression d'avoir été "trahi", après l'avoir défendu pendant si longtemps. Comme si ce dernier long-métrage me disait : tout ce que j'ai fait avant, c'était du toc, du faux, de l'attrape-nigaud. L'émotion ? L'humanité ? Le romantisme ? C'était du maquillage pour appâter le gogo. La vraie personnalité de Lynch, elle s'exprime ici, dans
Inland Empire.
Je regrette également ton rejet sur The Return est c'est dommage encore une fois.
Attention, je ne parle que des deux premiers épisodes - comme je l'ai précisé, je n'ai pas eu la motivation d'aller plus loin. Peut-être que ce qui suis change totalement de direction. Mais de ce que j'ai vu, c'est affreusement gris, sinistre, mortifère, glauque (d'ailleurs, Thierry Jousse dans le reportage utilise le terme "funèbre" - ce qui aurait tendance à confirmer mon impression). Des intérieurs sombres, des mines renfrognées, aucune lumière, aucune humanité, aucune sensibilité (du moins, celle que j'aimais chez le cinéaste) et tous les poncifs lynchiens qui s'enchaînent comme dans une case de bingo. Bref,
Inland Empire bis.