David Lynch (1946-2025)
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Re: David Lynch (1946-2025)
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Re: David Lynch (1946-2025)
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Re: David Lynch (1946-2025)
Qq pages plus haut je racontais que mercredi il y avait pas mal de UHD d’une histoire vraie à 14€, que je l’avais pris et que je l’avais reposé en voyant le coffret Seyrig à -50 %. Entre temps il s’est passé ce que l’on sait et donc je voulais le prendre ce week-end. Bien entendu plus rien en rayon.
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Re: David Lynch (1946-2025)
Plein d'éditions vont se retrouver vite épuisé ou hors de prix.
Elever des enfants c'est comme ranger sa collection de films : c'est pas comme on voudrait mais c'est bien quand même.
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Re: David Lynch (1946-2025)
J'ai pris Inland Empire et Eraserhead ce matin, c'était les 2 Lynch qui me manquaient. Ca commence à partir vite...
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Re: David Lynch (1946-2025)
Pour ma part, qu'un avis soit largement majoritaire n'en fait pas pour autant une vérité.
David Lynch n'a jamais donné une explication de ses films ni de ce qu'il a voulu y dire, et je prends ça comme une invitation pour que chacun se fasse sa propre perception sans être influencé par un "avis d'autorité"... qui ne doit pas non plus être un "avis de majorité".
Au risque (pour ne pas dire certitude) de me faire directement descendre par les neurologues et les pourfendeurs de clichés, j'écrirais que Lynch est à mon sens le cinéaste du "cerveau droit", et ce dans toutes ses dimensions. Ce qui inclut tout à la fois l'amour et la peur, le rêve et le cauchemard, la bienveillance et la violence, l'émotion et la pulsion, etc...
Le seul contre-sens, de mon point de vue, serait de vouloir absolument le ramener au "cerveau gauche" cartésien, qui a besoin de logique, d'ordre et de classement, y compris pour coller un artiste dans une case unique. Et comme ce "cerveau gauche" est majoritaire, certains se retrouvent à vouloir à tout prix donner une explication carrée à des intrigues qui n'en sont pas, à donner un sens à des symboles qui n'en ont pas forcément un ou pas forcément un seul... bref à chercher la clef de la boîte, au lieu de se concentrer sur tout le monde qui l'entoure. Ça ne veut surtout pas dire qu'il n'y aurait rien - après tout, un rêve ne se comprend pas forcément, mais il a toujours beaucoup à nous dire... et il le fait de sa façon, sans demander à notre conscient ce qu'il aurait souhaité... et prêt à surprendre constamment.
Si Lynch n'était mû que par des énigmes alambiquées ou par des labyrinthes incompréhensibles, il n'aurait en effet jamais réalisé The Straight Story... projet forcément personnel vu qu'il n'a plus jamais accepté de film de commande après Dune. Et s'il n'avait aucun intérêt pour ce que le conscient n'arrive pas à comprendre de ce que notre inconscient nous raconte, il n'aurait pas non plus réalisé une grosse partie du reste de sa filmographie, celle qui a donné lieu à cet adjectif "lynchien" tellement étriqué.
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Re: David Lynch (1946-2025)
A 14.99 sur Fnacodelay a écrit : ↑19 janv. 25, 17:01 Qq pages plus haut je racontais que mercredi il y avait pas mal de UHD d’une histoire vraie à 14€, que je l’avais pris et que je l’avais reposé en voyant le coffret Seyrig à -50 %. Entre temps il s’est passé ce que l’on sait et donc je voulais le prendre ce week-end. Bien entendu plus rien en rayon.

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Re: David Lynch (1946-2025)
J'ai beaucoup de mal à ne pas penser à sa disparition.
Je crois que c'est la première fois pour un cinéaste. Il faut dire que c'est le premier "contemporain" de ma génération qui décède outre atlantique.
Lynch m'a bizarrement beaucoup aidé à ma cinéphilie . Je l'ai découvert très tôt et j'ai tout de suite compris que j'allais aimer le cinéma autre que tout publique. A l'époque de la sortie de "Lost Highway" avec un ami, en sortant de la salle, je lui ai dis "je viens de voir mon premier chef d'oeuvre OFNI" ! (j'avais pourtant déjà vu Eraserhead en vidéo mais il n'avait pas la même puissance).
Pourtant Lynch n'est pas dans le plus haut de mon top réalisateur mais je l'adore quand même. Peut être parce qu'il a une singularité qui lui est propre et qui me touche autrement qu'un Spielberg ou Shyamalan.
Je n'ai qu'une envie maintenant, c'est de compléter son oeuvre avec les films qui me manquent (je n'en ai que 4).
Et revoir déjà ceux que je possède va forcément me donner un autre regard sur son oeuvre.
Je crois que c'est la première fois pour un cinéaste. Il faut dire que c'est le premier "contemporain" de ma génération qui décède outre atlantique.
Lynch m'a bizarrement beaucoup aidé à ma cinéphilie . Je l'ai découvert très tôt et j'ai tout de suite compris que j'allais aimer le cinéma autre que tout publique. A l'époque de la sortie de "Lost Highway" avec un ami, en sortant de la salle, je lui ai dis "je viens de voir mon premier chef d'oeuvre OFNI" ! (j'avais pourtant déjà vu Eraserhead en vidéo mais il n'avait pas la même puissance).
Pourtant Lynch n'est pas dans le plus haut de mon top réalisateur mais je l'adore quand même. Peut être parce qu'il a une singularité qui lui est propre et qui me touche autrement qu'un Spielberg ou Shyamalan.
Je n'ai qu'une envie maintenant, c'est de compléter son oeuvre avec les films qui me manquent (je n'en ai que 4).
Et revoir déjà ceux que je possède va forcément me donner un autre regard sur son oeuvre.
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Re: David Lynch (1946-2025)
En fait expedié 4 à 8jours souvent ça veut dire à la saint glin glin (j’assume d’employer ce terme).Quentin Tarantino a écrit : ↑19 janv. 25, 19:32A 14.99 sur Fnacodelay a écrit : ↑19 janv. 25, 17:01 Qq pages plus haut je racontais que mercredi il y avait pas mal de UHD d’une histoire vraie à 14€, que je l’avais pris et que je l’avais reposé en voyant le coffret Seyrig à -50 %. Entre temps il s’est passé ce que l’on sait et donc je voulais le prendre ce week-end. Bien entendu plus rien en rayon.https://www.fnac.com/a19364511/Une-hist ... Blu-ray-4K
Mais bon ça va revenir
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Re: David Lynch (1946-2025)
Histoire de lui rendre hommage le jour de sa mort, j'ai acheté sur amazon.com Blue Velvet en 4K UHD (The Criterion Collection) et Wild at Heart en bluray (Shout Select). Ils sont actuellement indisponibles sur amazon.com... C'était à prévoir.
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Re: David Lynch (1946-2025)
Un hommage inattendu de la NASA cite par Chaosreign :
https://www.chaosreign.fr/nous-te-rever ... vid-lynch/
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Re: David Lynch (1946-2025)
En profitant du week-end pour lire le pavé de Thaddeus, je me rends compte que j'ai de la chance en n'ayant jamais voué de culte à David Lynch (à certaines de ses œuvres oui, mais pas au réalisateur). Au moment où j'avais découvert Twin Peaks, cette série qui ne ressemblait à rien d'autre de ce qu'on pouvait voir sur La Cinq (et qui ne ressemblait à rien d'autre tout court de ce que j'avais pu voir depuis Le prisonnier), je connaissais déjà le nom de Lynch, j'avais déjà vu Eraserhead. Ce qui m'a permis de ne pas être trop déstabilisé par cet univers tordu. Mais je n'ai ensuite pas complètement adhéré à la frénésie rock 'n' roll de Sailor et Luna, Fire walk with me a été une vilaine douche froide, et Blue Velvet m'a laissé sur ma faim quand je l'ai enfin vu (tardivement en fac, après une longue attente et beaucoup d'attentes). Pour le culte de la personnalité, c'était donc déjà mort il y a un quart de siècle en ce qui me concerne.
Du coup, mon petit parcours rapide de l'œuvre culte de ce réalisateur aux films aussi bizarres que sa coupe de cheveux :
- Eraserhead : Chaque adolescent y est confronté lorsqu'il forge sa cinéphilie, ça fait partie de ces expériences qui t'apprennent qu'un autre cinéma existe, différent de ce que tu regardes à la télé en famille ou de ce que tu vas voir au ciné avec tes potes. Qu'on le veuille ou non, sa découverte marque au fer rouge le cerveau et la rétine. Sauf que pas revu depuis longtemps, et pas d'envie immédiate de m'y replonger parce que je m'y ennuie un peu sur la longueur.
- Elephant Man : Le film qu'on peut aimer même si le nom de David Lynch ne nous dit rien... et qu'on aurait paradoxalement tendance à sous-évaluer ensuite parce que c'est un film "classique" où la singularité de l'univers du réalisateur se fond dans un film "normal" (comprendre : qui ressemble à ce que Hollywood sait faire). J'ai donc mis du temps à y revenir, ce qui est stupide de ma part puisque c'est un film magnifique tout aussi lynchien que les autres.
- Dune : Précédé par sa réputation, c'est pas très bon. Mais tout bancal qu'il soit, c'est pas si mauvais et ça tendrait même à se bonifier. Appelez ça l'âge, la sagesse ou de l'indulgence, le fait est que Dune a des qualités qui se bonifient avec le temps et qui font mieux passer ses défauts.
- Blue Velvet et Sailor et Lula : Pas grand chose à en dire, trop rock 'n' roll pour moi. Pas spécialement envie de revoir les numéros de Dennis Hopper ou de Nicolas Cage (et l'agent Cooper est nul dans le premier).
- Twin Peaks : De grosses baisses de régime (surtout dans la saison deux), mais l'épisode pilote est une des plus grandes réussites de Lynch à lui seul.
- Twin Peaks : Fire walk with me : On ne pourra pas accuser Lynch de surfer avec opportunisme sur le succès de sa série. Mais était-ce bien la peine de pondre un truc aussi radical, aussi jusqu'au-boutiste et aussi peu aimable ?
- Lost Highway et Une histoire vraie (inséparables) : mes deux préférés. Découverte du premier alors que j'explorais en médiathèque les disques du label 4AD et que j'écoutais Outside de Bowie, des émotions radicalement différentes mais absolument complémentaires devant l'émotion simple et la poésie cosmique du second.
- Mulholland Drive : J'ai déjà trollé le topic dédié, pas besoin de repasser une couche sur cet épisode pilote de série transformé en film (ce qui se voit). Je suis passé à côté du culte, on va dire...
- Inland Empire : Le Lynch cinéaste n'existe plus, place au Lynch artiste qui fait du cinéma lynchien, un (très) long cauchemar forcément génial parce qu'on n'y comprend rien. Y'a des trucs à picorer, d'accord, mais qu'est-ce que c'est long et auto-complaisant...
- Twin Peaks : the return : Le Lynch cinéaste n'existe plus, place au Lynch artiste qui fait du cinéma lynchien, un (très) long cauchemar forcément génial parce qu'on n'y comprend rien. Y'a des trucs à picorer, d'accord, mais qu'est-ce que c'est long et auto-complaisant... Pas tenu en entier.
Mon top :
- Lost Highway
- Une histoire vraie
- Twin Peaks (épisode pilote)
- Elephant Man
- Eraserhead
Bref un réalisateur qui peut avoir la main trop lourde à mon goût mais dont les plus belles réussites dépassent largement l'aura de culte qui l'entoure, et dont le cinéma n'est finalement pas plus étrange et inquiétant que la réalité dans laquelle on vit tous les jours.

Du coup, mon petit parcours rapide de l'œuvre culte de ce réalisateur aux films aussi bizarres que sa coupe de cheveux :
- Eraserhead : Chaque adolescent y est confronté lorsqu'il forge sa cinéphilie, ça fait partie de ces expériences qui t'apprennent qu'un autre cinéma existe, différent de ce que tu regardes à la télé en famille ou de ce que tu vas voir au ciné avec tes potes. Qu'on le veuille ou non, sa découverte marque au fer rouge le cerveau et la rétine. Sauf que pas revu depuis longtemps, et pas d'envie immédiate de m'y replonger parce que je m'y ennuie un peu sur la longueur.
- Elephant Man : Le film qu'on peut aimer même si le nom de David Lynch ne nous dit rien... et qu'on aurait paradoxalement tendance à sous-évaluer ensuite parce que c'est un film "classique" où la singularité de l'univers du réalisateur se fond dans un film "normal" (comprendre : qui ressemble à ce que Hollywood sait faire). J'ai donc mis du temps à y revenir, ce qui est stupide de ma part puisque c'est un film magnifique tout aussi lynchien que les autres.
- Dune : Précédé par sa réputation, c'est pas très bon. Mais tout bancal qu'il soit, c'est pas si mauvais et ça tendrait même à se bonifier. Appelez ça l'âge, la sagesse ou de l'indulgence, le fait est que Dune a des qualités qui se bonifient avec le temps et qui font mieux passer ses défauts.
- Blue Velvet et Sailor et Lula : Pas grand chose à en dire, trop rock 'n' roll pour moi. Pas spécialement envie de revoir les numéros de Dennis Hopper ou de Nicolas Cage (et l'agent Cooper est nul dans le premier).
- Twin Peaks : De grosses baisses de régime (surtout dans la saison deux), mais l'épisode pilote est une des plus grandes réussites de Lynch à lui seul.
- Twin Peaks : Fire walk with me : On ne pourra pas accuser Lynch de surfer avec opportunisme sur le succès de sa série. Mais était-ce bien la peine de pondre un truc aussi radical, aussi jusqu'au-boutiste et aussi peu aimable ?
- Lost Highway et Une histoire vraie (inséparables) : mes deux préférés. Découverte du premier alors que j'explorais en médiathèque les disques du label 4AD et que j'écoutais Outside de Bowie, des émotions radicalement différentes mais absolument complémentaires devant l'émotion simple et la poésie cosmique du second.
- Mulholland Drive : J'ai déjà trollé le topic dédié, pas besoin de repasser une couche sur cet épisode pilote de série transformé en film (ce qui se voit). Je suis passé à côté du culte, on va dire...
- Inland Empire : Le Lynch cinéaste n'existe plus, place au Lynch artiste qui fait du cinéma lynchien, un (très) long cauchemar forcément génial parce qu'on n'y comprend rien. Y'a des trucs à picorer, d'accord, mais qu'est-ce que c'est long et auto-complaisant...
- Twin Peaks : the return : Le Lynch cinéaste n'existe plus, place au Lynch artiste qui fait du cinéma lynchien, un (très) long cauchemar forcément génial parce qu'on n'y comprend rien. Y'a des trucs à picorer, d'accord, mais qu'est-ce que c'est long et auto-complaisant... Pas tenu en entier.
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Re: David Lynch (1946-2025)
C'est comme si son cinema t'avait plaqué avec Inland Empire, que ça déchirait la belle histoire d'amour d'avant et que tout ce qui suivait était mauvais. C'est dommage mais je respecte ton avis.Thaddeus a écrit : ↑17 janv. 25, 21:22 Quel étrange état que celui dans lequel je me trouve depuis hier soir. Car David Lynch a longtemps été pour moi un cinéaste-totem absolu, de ceux qui se comptaient sur les doigts d’une main lorsqu’il s’agissait de définir quels étaient les artistes les plus importants à mon cœur. Parce que je me suis longtemps senti en communion ultime avec sa sensibilité, son expression, son univers, sa poésie, son romantisme. Cette adoration se doublait la plupart du temps d’une perplexité radicale lorsque je me confrontais au ressenti des autres, y compris de ceux qui l’adulaient. On parlait alors "d’inquiétante étrangeté", de "films-puzzle", de "sensorialité", de "maître du bizarre et du déconcertant", voire – pire – de "cinéma du malaise, de la morbidité, du glauque". Certains défenseurs acharnés affirmaient qu’il n’y avait rien à y comprendre, et que c’est en cela que cet art était si grand. Ah bon ? Si ces films me touchaient, c’est précisément parce que je les comprenais : je comprenais très intimement ce qui les articulait, les enjeux qui les animaient, les états par lesquels passaient les protagonistes, la situation dans laquelle ils se trouvaient et pourquoi ils réagissaient ainsi. Ne s’abandonner qu’à la surface des sensations (si riches et intenses soient-elles) en se défaisant des profondeurs qui les motivent, c’est se trouver bien pauvre. À l’autre extrémité du spectre, d’autres admirateurs étudiaient ces œuvres comme de nouveaux petits Champollion, seulement guidés par leur goût du déchiffrement, des indices, des énigmes à résoudre. Les films de Lynch sont des puzzles, affirment ceux-là, et c’est bien cela qu’ils sont géniaux. Amusante mais bien maigre satisfaction que voilà. Autant de notions que je percevais mais qui me semblaient incroyablement réductrices, pour ne pas dire marginales. Le Lynch que j’aimais tant, ce n’était pas ce Lynch-là. C’était d’abord et avant tout le Lynch de l’humain, le grand plasmateur du sentiment. Sentiment au sens de sentimentalité (et non de sentimentalisme). Elephant Man, c’était cela puissance 1000. Victor Hugo au cinéma : la beauté de l’âme et la laideur physique, le peuple et la foule, la sensibilité et la virginité. Et l’éternité, les étoiles, la mémoire qui s’écoule dans l’infini du temps et de l’espace. John Merrick était le Gwynplaine de Lynch, s’échappant sur l’Adagio de Samuel Barber. Dès son second long-métrage, Lynch définissait ce qui rendait pour moi son art si précieux : une empathie à déplacer les montagnes, une compassion coulant en torrents, un amour inextinguible pour ses fabuleux personnages. Un grand cinéaste classique, au sens où il mobilisait tous les ressorts du pathos, de la catharsis, de l’identification. Devant ses films, je suis John, je suis Laura, je suis Alvin, je suis Betty-Diane. Fut une époque où j’écrivais des pages et des pages pour tenter de restituer ne serait-ce qu’une infime partie de ce que généraient en moi le romantisme de l’auteur, la splendeur esthétique de ses images, la puissance incantatoire de ses visions, le glamour et la séduction qui en émanaient. Et la pictorialité organique des plans (les jaunes, carmins et bleus profonds de Blue Velvet), l’abîme qui gisait au travers des sons (fermez les yeux, écoutez), les mélodies éthérées ou la gravité élégiaque que dispensait la musique (c’est un Ange qui la composait). J’étais ensorcelé, émerveillé, hypnotisé, émoustillé comme jamais (commentaire lu aujourd’hui : "devant Naomi Watts et Laura Harrring, je suis passé de petit garçon à homme" – on se comprend, mec). Et surtout, j’étais extraordinairement ému. Par ces histoires de détresse, de solitude, de désarroi, de hantises, de désillusions, par lesquelles transitaient toute la vulnérabilité de l’expérience humaine. L’Émotion, avec un grand E. J’ai énormément pleuré à la souffrance de l’homme-éléphant, figure ultime de la condition humaine ; à l’affliction de Laura, victime expiatoire du monde ; au chagrin de Diane, broyée par Hollywood et anéantie par la passion. Ce cinéma était pourtant aux antipodes du misérabilisme, de la sinistre macération ou des complaisances dont se nourrissent les tourmentés professionnels. Si certains de ces films étaient de bouleversants lamentos, l’humour, la chaleur, la légèreté nourrissaient l’inspiration lynchienne d’une inaltérable lumière. Ce sont des visions de paradis qui clôturent Fire walk with me et Mulholland Drive. Et c’est une ode merveilleuse à l’existence et à notre passage sur terre que Lynch a composé avec son film le plus incompris, le plus sous-estimé, le plus vaguement snobé (à commencé par les thuriféraires proclamés du cinéaste), j’oserais presque dire le plus beau : Une Histoire Vraie. À travers le voyage d’Alvin, lumineux cicérone de nos fraternités, c’est le Lynch que j’aimais tant qui triomphait : la bienveillance, la chaleur, la sensibilité pure. Il s’exprimait déjà dans le lyrisme débridé de ce qu’un Sailor et Lula offrait de plus fort, de plus beau. Sailor courant vers Lula, en un étourdissant travelling latéral, lors d’un mega happy end sur le Im Abendrot de Strauss. Chavirant. Puis est venu Inland Empire, qui s’est planté comme une mauvaise graine dans ma conscience et a commencé à tout saloper. Au point que son ombre s’est profilée derrière la plupart des films de Lynch lorsque je les ai revus depuis. Je ne vais pas réexpliquer une fois de plus comment mon rapport avec l’artiste s’est depuis lors sérieusement dégradé, comment la magie a fini par inéluctablement se gripper. Ce n’est pas/plus le moment pour cela. Mais je me devais de rendre un petit hommage à celui qui, pendant si longtemps, fut un astre central dans le panthéon de mon imaginaire et de subjectivité.

On peut parler de point de rupture mais perso, j'y vois surtout de la continuité et j'aime à penser que ce n'est pas un hasard si son dernier film a finalement de grandes choses en commun avec son tout premier. C'est aussi celui qui a le plus de choses en commun avec sa personnalité au sens large, je sais pas si on pourrait imaginer qu'un cinéaste adapte ses propres peintures mais on en est pas loin. Je sais pas non plus si des images pourraient retranscrire des sons mais on en est là... perso, je marche à fond et si en revanche je veux retrouver une émotion plus sentimentale qu'esthétique (même si les deux ppeuvent vivre ensemble et il est le premier à le prouver), suffit de revoir Elephant Man, Mulholland Dr. ou Une Histoire Vraie.
Je regrette également ton rejet sur The Return est c'est dommage encore une fois. C'est vrai que c'est comme si tu prenais Twin Peaks en elevant les arbres, les cascades, le café, les tartes aux cerises... pour ne garder que le tragique. The Return parle de renaissance, de réincarnation, de regrets, de seconde chance, le tout avec une amplitude comme je ne l'ai jamais vu. Et il y a des moments d'émotion déchirants également. Perso, si prends la totalité (S1, S2, FWWM, The Return, la musique), c'est la plus grande oeuvre d'art contemporaine que je connaisse. Avoir fait ça 25 ans après, comme promis, c'est totalement dingue. Avoir sublimé tous ces personnages, absolument tous sans exception, c'est totalement fou. Y'a pas plus sensible que The Return, dans ce sens là.
Les deux vivent ensemble chez moi encore une fois, j'aime me perdre comme essayer de comprendre. Les deux me font autant plaisir.Goret a écrit : ↑19 janv. 25, 19:10 Le seul contre-sens, de mon point de vue, serait de vouloir absolument le ramener au "cerveau gauche" cartésien, qui a besoin de logique, d'ordre et de classement, y compris pour coller un artiste dans une case unique. Et comme ce "cerveau gauche" est majoritaire, certains se retrouvent à vouloir à tout prix donner une explication carrée à des intrigues qui n'en sont pas, à donner un sens à des symboles qui n'en ont pas forcément un ou pas forcément un seul... bref à chercher la clef de la boîte, au lieu de se concentrer sur tout le monde qui l'entoure. Ça ne veut surtout pas dire qu'il n'y aurait rien - après tout, un rêve ne se comprend pas forcément, mais il a toujours beaucoup à nous dire... et il le fait de sa façon, sans demander à notre conscient ce qu'il aurait souhaité... et prêt à surprendre constamment.
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