Eric Rohmer (1920-2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Roy Neary
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Re: Votre Top Rohmer

Message par Roy Neary »

Grâce à Jordan White, Eric Rohmer fait enfin son apparition sur notre site. :)
Aujourd'hui donc, vous pouvez trouver sa chronique du Genou de Claire sur DVDClassik.

:arrow: Le Genou de Claire
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Jeremy Fox
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Re: Votre Top Rohmer

Message par Jeremy Fox »

Roy Neary a écrit :Grâce à Jordan White, Eric Rohmer fait enfin son apparition sur notre site. :)
Enfin 8) Merci Jordan !

Pas encore lu ton texte mais ça ne saurait tarder
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Jeremy Fox
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Re: Votre Top Rohmer

Message par Jeremy Fox »

Jeremy Fox a écrit :
Roy Neary a écrit :Grâce à Jordan White, Eric Rohmer fait enfin son apparition sur notre site. :)
Enfin 8) Merci Jordan !

Pas encore lu ton texte mais ça ne saurait tarder
Voilà, je suis on ne peut plus d'accord avec l'ensemble de ton texte. Et pour le plaisir, je replace ton excellente conclusion ici :
Le cinéma d'Eric Rohmer est sans doute un cinéma littéraire. Mais c’est aussi, pour l’essentiel, par ses qualités voire son génie le plus évident, celui des regards, du jeu d’acteurs, du cadre à l‘esthétique recherchée. Lequel, souvent, impressionne par sa rigueur tout en laissant aux acteurs une réelle liberté de ton. Et auquel on revient souvent, par plaisir, en regardant des bouts de scènes, en s’y replongeant avec ce délice précieux de la rédécouverte, laquelle s’enrichit de visionnage en visionnage et nous fait découvrir des petits détails. Détails qui font partie d’une oeuvre d’une importance considérable.
Je rajouterais juste que ce que j'adore aussi chez Rohmer, c'est son attention aux lieux et paysages ; c'est un topographe hors pair et on ne se lasse pas de ces séquences en voiture (ou en bateau comme ici) où il laisse filmer en caméra subjective le paysage que les personnages eux-mêmes sont en train de découvrir. Les deux qui me viennent immédiatement à l'esprit, en plus de celles sur le lac d'Annecy dans Le genou de Claire sont le parcours en voiture dans les rues de Clermont-Ferrand dans Ma nuit chez Maud et cet autre dans les paysages viticoles de Conte d'automne.
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Re: Votre Top Rohmer

Message par NotBillyTheKid »

tiens, puisque c'est un topic "top", je me lance :
Je reprends donc mes conclusions du topic "Eric Rohmer" (si, si il y en a un autre, là (créé par jordan white) : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... lit=rohmer )

Un bilan de ma vision des Contes moraux :

Deux très grands films :
1 La collectionneuse : La vraie découverte du coffret. Je ne m'attendais pas à ça. C'est de loin, le meilleur Rohmer que j'ai vu.
2 Ma nuit chez Maud. On reste dans du très très haut de gamme. Plus conforme à mes attentes, il m'a moins surpris. Pour autant, j'ai été sacrément ébloui par la qualité de cet échange. La quintessence de l'art rohmerien

Puis :
3 - Le genou de claire - Un peu en dessous des deux autres. ça reste très bien. Romand m'agace toujours. Peut-être attendais-je trop de ce titre autour duquel je tourne depuis longtemps. Et puis, je le passe après "La collectionneuse"...
4 - La boulangère de Monceau - un court efficace, bien mené par cette voix off. C'est court, mais c'est plein
Puis
5 - L'amour l'après-midi. En dehors de cette grande idée du rêve qui unit les 6 contes merveilleusement, le film a un gros coup de mou quand l'art de la conversation tourne en rond...
6 - La carrière de Suzanne. Moyen métrage assez négligeable

Hors conte moraux :
1) Conte d'été
2) conte de Printemps

Voilà les longs métrages vus (il m'en reste un paquet !). J'ai aussi vu trois ou quatre courts.
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Re: Eric Rohmer

Message par Jordan White »

J'avais ouvert un topic sur Ma nuit chez Maud après le choc du premier visionnage et tout le bonheur qui fit suite à cette découverte cinéphile, mais pas spécialement sur Rohmer, enfin pas dans l'idée d'un top étant donné que je n'avais quasiment rien vu. Mais merci d'avoir donné ce lien Notbilly. Désolé, cela dit, à propos de la chronique de Le genou de Claire de la coquille à "Tous les autres camarade de son âge".

A propos de ses films, j'ai encore pas mal de découvertes à faire, j'ai presque l'intégrale, j'appréhende un petit peu vis à vis de La Collectionneuse, car j'en ai entendu beaucoup de bien, et j'essaie d'éviter l'à priori d'avant visionnage pour le découvrir dans les meilleures conditions possibles. Il me reste de gros morceaux, et en général je suis bien plus que sous le charme, je suis vraiment touché par la majorité des oeuvres du cinéaste, soufflé d'admiration, même si j'ai été heurté en quelque sorte par Les nuits de la pleine lune qui est le seul à ce jour auquel je n'ai accroché que très moyennement pour finalement décrocher après quarante cinq minutes. Mais la patte est là. Si je devais faire un petit top, sous réserve bien entendu de modifications au fil des futures découvertes, je dirais que ça donnerait :

1 - Ma nuit chez Maud
2 - Le genou de Claire
3 - Les amours d'Astrée et de Céladon
4 - L'ami de mon amie
5 - Pauline à la plage
6 - Conte d'Eté
7 - Conte d'hiver
8 - Quatre aventures de Reinette et Mirabelle
9 - Les Rendez-vous de Paris
10 - La femme de l'aviateur
11 - Le Rayon Vert
12 - Le beau mariage
13- Les nuits de la pleine lune

Ces films se situent sur mon échelle d'appréciation entre le chef-d'oeuvre (le premier) et le moyen (Les nuits de la pleine lune). Je ne trouve rien à jeter, et je garde l'intégralité des dialogues, y compris ceux de son film que je trouve à défaut d'être très bon, seulement mineur au regard du reste. Je suis stupéfait par l'oeil du cinéaste pour trouver à chaque fois des comédiennes débutantes qui donnent fraîcheur et spontaneité à leur (premier) rôle.

Je remercie Jeremy et Yap de m'avoir donné envie de voir ces longs-métrages, et je conseille, modestement, mais amoureusement (au regard des films en question) aux réfractaires, y compris ceux de la première heure, sinon de changer d'avis, du moins, de (re)tenter l'expérience, en (re)commençant par exemple par Le Genou de Claire ou Conte d'Eté. Ils y verront sans doute cette lumière, cette douceur, cette sophistication de la langue qui ne tombe pas, à aucun moment, magie du verbe Rohmerien dans la pose, dans la facilité. Le verbe danse, caresse et finalement éblouit. Je ne sais pas comment il fait, mais c'est d'une beauté renversante.
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Re: Eric Rohmer

Message par Silencio »

La Filmothèque du Quartier Latin débute une rétrospective intégrale demain.
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Jack Griffin
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Re: Eric Rohmer

Message par Jack Griffin »

Pas encore vu les contes de saisons et quelques proverbes (ni l'adaptation du Kleist)

Au dessus du panier je mettrais:
1 # Ma nuit chez Maud (1969)
2 # Collectionneuse, La (1967)
3 # Rayon vert, Le (1986)
4 # Triple agent (2004)
5 # Nuits de la pleine lune, Les (1984)


Après j'aurai un peu de mal à les classer...Même patte mais différents intérêts.
J'aime bien, sans adorer, ses adaptations de Perceval et de de l'Astrée, qui rejoignent un peu l'esprit de ses films historiques (contexte difficile d'appréhension, univers touffu).

J'ai mis deux des contes moraux dans mes tops, les autres me paraissent un peu trop appliqués, à part peut être la boulangère de monceau.

# Arbre, le maire et la médiathèque, L' (1993)
# Rendez-vous de Paris, Les (1995)
# 4 aventures de Reinette et Mirabelle (1987)
Dans l'esprit du Rayon vert, j'aime la légèreté et l'humour de ces trois là, avec en préférence l'arbre le maire et la médiathèque

Le signe du lion est un peu à part de la filmo...beau film

# Pauline à la plage (1983)
Premier que j'ai vu, à revoir
Jordan White
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Re: Eric Rohmer

Message par Jordan White »

Jack Griffin a écrit :Pas encore vu les contes de saisons et quelques proverbes (ni l'adaptation du Kleist)
4 # Triple agent (2004)
Depuis que j'ai vu les noms d'Amanda Langlet et Serge Renko au casting, ce dernier étant un acteur formidable à mes yeux (les mots de Rohmer sont succulents dans la bouche de l'acteur) j'ai très envie de voir celui-ci. Me reste plus qu'à m'acheter le DVD.

J'ai vu Le Rayon Vert il y a quelques jours. Le film est lumineux, surtout le début (sa photo, son ambiance de vacances d'Eté, les repas entre amis). Cependant j'ai été plus en retrait tout le long du film par rapport au personnage principal féminin, aux prises avec un sentiment d'incertitude et de dévalorisation permanent. Les répliques cinglantes de son amie (jouée par Béatrice Romand) lui font mal et la réveillent aussi. Elle essaie tant bien que mal de se faire accepter des autres et de trouver sa place. Le ton paraît léger mais au-delà de cette apparence, j'ai senti de l'amertume qui bascule souvent dans les sanglots, et l'humour de certaines séquences (l'impro sur la terrasse d'un café avec la touriste suédoise alors que deux mecs sont venus se joindre à elles) ne dissimule pas une forme de malaise, en tout cas le film m'a plus bousculé par cet aspect que d'autres comédies pour le coup beaucoup plus légères. Alors bien sûr la fin est libératrice, revigorante, mais sans me déplaire ce Le Rayon Vert m'a étonné par sa "noirceur" même si ce n'est pas un drame. Simplement le fait que son héroïne se recherche constamment est emballant tout en mettant une certaine distance. J'ai des sentiments partagés à propos de ce film. Cela dit, j'ai retrouvé à nouveau cette description fascinante du quotidien, des rencontres, des petits riens qui apportent au final des grandes choses (une rencontre dans une gare), et ce regard aiguisé pour le cadrage en extérieur naturel.

Et puis il y a quelque chose qui me fascine : c'est cet esprit de famille de cinéma, d'actrices et d'acteurs qui reviennent, que l'on revoit toujours avec plaisir, et cette comédie humaine qui prend de l'ampleur au fil des années si l'on se place sur le plan de l'importance de l'oeuvre, au regard par exemple du cinéma français de 1960 à 2007. Quarante ans de personnages, d'histoires drôles, émouvantes, souriantes, réalisées par un cinéaste qui me semble toujours avoir la fraîcheur de ses vingt cinq ans.


Je suis très intrigué par La Marquise d'O.
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Re: Eric Rohmer

Message par homerwell »

J'ai acheté les coffrets Rohmer et j'en regarde un tous les lundi soir, me demandez pas pourquoi, c'est comme ça c'est tout ! :D

Et dans mes découvertes hebdomadaires, "Le Rayon Vert" a été le premier grand rendez-vous avec Rohmer. Ce personnage pas sur de lui, perpétuellement en but à se dévaloriser, a du me faire penser à quelqu'un... alors le final m'a pratiquement mis les larmes aux yeux.

Du coup j'attends le lundi soir avec impatiente alors que c'est une journée que je n'aime pas beaucoup habituellement. Depuis, "La Collectionneuse", "Pauline à la plage", et "Conte de Printemps" sont venu compléter mon tableau de chasse dans mes préférés.

Au passage, si quelqu'un peut me donner le titre en allemand de la sonate de Schumann qui est interprétée par l'héroïne dans conte de printemps, en français, c'est "Les chants de l'aube" (tous les titres sont en allemand en dos des CD, alors je ne trouve pas), d'ailleurs la sonate de Beethoven est drôlement bien aussi.

J'ai encore le reste des contes des 4 saisons et le coffret "ancien et moderne" à voir, j'en attend beaucoup, surtout que je me suis habitué au style particulier du réalisateur et que je suis devenu un peu accroc. :wink:
Dernière modification par homerwell le 13 avr. 09, 17:45, modifié 1 fois.
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Jack Griffin
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Re: Eric Rohmer

Message par Jack Griffin »

Jordan White a écrit :
Jack Griffin a écrit :Pas encore vu les contes de saisons et quelques proverbes (ni l'adaptation du Kleist)
4 # Triple agent (2004)
Depuis que j'ai vu les noms d'Amanda Langlet et Serge Renko au casting, ce dernier étant un acteur formidable à mes yeux (les mots de Rohmer sont succulents dans la bouche de l'acteur) j'ai très envie de voir celui-ci. Me reste plus qu'à m'acheter le DVD.
Renko y tiens le rôle principal, et il y est très bien en perso mystérieux et calculateur faisant souffrir sa pauvre femme (katerina didaskalou parfaite). Amanda Langlet est plus en retrait.
J'aime beaucoup cet acteur aussi, qui joue semble-t-il pas mal au théatre. Il tenait aussi un petit rôle d'infirmier dans le dernier Boukhrief, Cortex.
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Re: Eric Rohmer

Message par Jordan White »

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Même avec l'à priori laissé de côté, qu'il soit négatif ou positif, mais je n'en avais entendu que du bien, parfois même d'un long-métrage comme étant un de ses sommets, je sors furieux* du visionnage de La Collectionneuse que je prendrai un certain temps à revoir. J'ai cordialement détesté de la première à la dernière minute. Cela m'est d'autant plus pénible à écrire que je m'étais plu à l'idée de voir dans cette filmographie l'expression d'une constance et d'un brio toujours renouvelés, d'époque en époque, de film en film. Mais voilà, sans doute faut-il un vilain petit canard dans cette mécanique trop bien huilée, dans mes découvertes trop réjouissantes, trop émerveillées. Aussi, ce La Collectionneuse m'a laissé pantois. Intrigué d'abord, par le beau générique de début, puis interloqué par les vingt premières minutes. Je n'ai pas retrouvé le Rohmer que j'aime, voire que j'adore. De tout coeur. J'ai vu et écouté, une leçon de petites manières, prodigieusement agaçant dans le fond comme dans la forme. Les bras m'en tombent.

Ce verbe si beau, si mélodique d'habitude, ne m'a pas du tout convaincu, pire irrité ici. Les personnages m'ont tous paru extrêmement antipathiques, aucune possibilité de me raccrocher à l'un comme à l'autre des types et pas davantage à cette Haydée en chipie insupportable. Cheveux courts, moue adolescente, une certaine caricature de la fille à la coupe garçonne 60's. Pire, j'ai trouvé le ton, les dialogues lourdement emphatiques, peu aidés par une voix-off envahissante, laissant peu de place au silence, lequel quand il est géré de main de maître peut faire naître l'émotion plutôt que de la tuer dans l'oeuf. Certes la photo est belle (Almendros à l'oeuvre), mais Dieu que cela m'a paru verbeux, mondain dans le sens mauvais sens du terme, peu accessible, avec cet antiquaire à la voix grave omniprésente. Je n'ai pu me résoudre à prendre cela au second degré, je sentais le sérieux papal de l'ensemble. Un dialogue résume bien ce que j'ai le plus abhorrer dans le film : "Il s'écoute souvent parler". Le repas à un moment, lorsqu'un jeune homme demande ce qu'est la couleur magenta suivi des ricanements ironiques m'a semblé dans le ton du film. Je suis un des seuls, je pense que peu nombreux sont dans mon cas à y voir ce que Rohmer a pu faire de pire. Absolument pas emballé, j'ai dû m'accrocher pour aller jusqu'au bout, en suivant les aventures sentimentales sans surprise de ce duo de garçons qui se laisser aller à l'oisiveté. Je n'ose imaginer la grandeur de ma déception si j'avais été amené à découvrir le cinéaste par ce film. Je ne sais si j'aurais poursuivi alors que de très beaux films m'attendaient. J'en suis le premier consterné, flagellez-moi si vous voulez, je suis le premier déçu, mais ce film là n'est pas du tout ma came. Je ne pige pas.


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* la colère s'est estompée avec L'amour l'après-midi, peu célèbré (blaisdell en avait dit grand bien) en tout cas bien moins que La Collectionneuse et que j'ai trouvé pour maintes raisons beaucoup plus fort paradoxalement. La photo est quelconque, le sujet n'est pas nouveau (quoique bien vu en 1972), mais c'est stylistiquement un vrai film historique (déco intérieure, garde-robe, chemise en cachemire, pull à col roulé, mini jupe, matériel de bureau, coiffures). Yap parlait d'une référence en ce qui concerne Les nuits de la pleine lune pour savoir à quoi ressemblaient (dans un idéal) les années 80. L'amour l'après-midi me fait penser à ce qu'étaient les 70's, c'est son pendant mélodramatique dix ans avant, avec des questions inscrites dans un bouleversement de mentalité post 68. Si le film n'est pas aussi fort, maîtrisé et riche que Ma Nuit chez Maud qui évoque la religion et le mariage, L'amour l'après-midi dresse un portrait attachant (bien qu'imparfait) d'un couple presque parfait (en apparence) qui se remet en question. Ce qui est bien croqué, c'est le retour d'une jeune femme dans la vie d'un homme rangé, son incertitude à lui, son désir de liberté à un moment où il devient père pour la deuxième fois, sa peur de l'enfermement dans l'habitude, la routine, tout en se sentant à l'aise avec sa vie de gérant, dans son bureau, avec ses secrétaires et son associé. Ce qui intéressant, c'est la façon dont est montrée l'irréristible attirance d'un homme pour une fille qu'il n'arrive pas à quitter, sans avoir vraiment été avec elle, sa manière de gérer sa vie pro et privée avec le thème récurrent de l'infidélité et du dévoiement, sans qu'à aucun moment, pendant très longtemps les deux personnage ne s'embrassent (sur les lèvres, pas comme des enfants...).

La très belle scène de début dans le train, quand Frédéric regarde la femme devant lui, relisant les copies de ses élèves est une des meilleures tournées par Rohmer. Un Rohmer qui invite même le fantastique dans la séquence de rêve du pendantif, qui permet de revoir Françoise Fabian et Béatrice Romand. Surtout Rohmer remet le couvert avec une thématique récurrente dans sa filmo : un homme revoit une femme, ils ont encore des sentiments l'un pour l'autre, avant qu'il ne décide finalement de retrouver sa femme. Le sujet de la tentation est un leitmotiv dans le film, tant les amants se frôlent, se touchent sans passer à l'acte. Peut-on alors parler d'amants et pas plutôt d'amis ? La frontière est ténue. Rarement elle est franchie. Le film vaut pour la qualité des dialogues, là encore, l'expression du génie du verbe de l'auteur, qui signe une introduction sublime sur fond de réflexion sur la vie parisienne, les rencontres et les hasards, la sensation de se sentir vivant au milieu de l'agitation quotidienne. Moins pictural que Le genou de Claire, le film offre pourtant un plan splendide, celui de Chloé dans le lit, qui rappelle les peintures des naturalistes comme celle des impressionnistes, j'ai pensé instantanément à Olympia de Manet sans la servante. Surtout, le film est un portrait de femme forte croqué avec pertinence et mordant : Chloé apparaît perdue, mal fagotée, le cheveu sale avant de se montrer beaucoup plus féminine ("Elle était alors méconnaissable" dit Frédéric lors d'un rendez-vous fixé l'après-midi de retour de son travail de serveuse) dans un très beau costume deux pièces. Leur complicité ne va cependant pas ternir la relation amoureuse que Frédéric entretient avec son épouse. Et le final, libérateur est aussi une réussite.
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Re: Eric Rohmer

Message par Jordan White »

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Je continue mes découvertes Rohmeriennes, entraîné à chaque fois dans de délicieux marivaudages. En regardant Conte de Printemps j'ai été une fois de plus charmé par le ton et la fraîcheur de ce film. S'il ne constitue pas le sommet de sa filmographie, je l'ai trouvé agréable, charmant, subtilement écrit (mais ça, ce n'est pas nouveau), bien qu'imparfait, le final m'ayant paru pour une fois moins puissant et évocateur que dans certaines autres de ses oeuvres. Reste néanmoins le plaisir renouvelé de voir de nouvelles têtes, des visages d'actrices radieuses, s'interrogeant sur les amitiés qu'elles s'amusent à construire sur le pari de la rencontre décidée au dernier moment, arrivants, de façon impromptue, à prendre le meilleur de ce qui à la base ne les attend pas spécialement : c'est le cas ici, où une soirée banale et relativement triste permet à l'héroïne de rencontrer une fille qui va devenir son amie.

L'oeil espiègle de Rohmer capte le présent (le début des années 90), avec les vestiges des années 80, comme l'automne d'une décennie en train de s'éteindre et le début d'une nouvelle qui va annoncer des choses plus belles. Les fringues très marquées de Les Nuits de la pleine lune sont rangées au placard -bien que quelques débardeurs enfilés dans des jeans marine survivent encore lol - et les coiffures permanentées font places aux cheveux courts ou aux longs cheveux frisés. Les femmes se séduisent et se rapprochent sur la foi initiale du hasard. L'une voit son petit copain par intermittence, l'autre attend qu'il vienne lui rendre visite. Le père de la seconde vit une relation au jour le jour avec une fille, nommée Eve, relation qu'il ne croque pas à pleine dents. Lors d'un déjeuner, sa fille lui fait comprendre qu'elle se la raconte en sortant à chaque fois sa science pour pas grand chose. L'ironie la poussant même à lui rappeler sa note supérieure obtenue au baccalauréat en philo sans avoir aujourd'hui à déballer, citer ou revenir sans cesse sur ce qu'elle connaît en ayant lu les autres. La musique s'invite dans la narration, Jeanne s'empressant d'écouter son amie lui jouer un morceau au piano de Schumann, à la nuit tombée dans l'intimité d'un appartement cossu et feutré. Les silences ont ici leur importance. Rohmer filme la complicité et l'attirance de deux filles qui s'apprécient de plus en plus, marchent ensemble dans le jardin aux arbres fruitiers, déjeunent ensemble ou prennent leur temps pour parler philosophie.

Le tournant du film, marqué plus tôt dans la narration, c'est l'arrivée du père au moment où Jeanne s'y attend le moins, d'ailleurs elle s'empresse de sortir de la salle de bains, enroulée dans une serviette, en le saluant quasi machinalement. L'image de cette fille inconnue est une révélation. Sans parler de coup de foudre, un truc se passe et la fille du dit père, joueuse, rieuse, d'essayer alors par différents subterfuges de "coller" le père à son amie. L'homme paraît gauche, un poil précieux. Il est savant, cultivé, mais maladroit. Il ne sait couper des tomates, mais Jeanne ne se débrouille guère mieux en coupant le saucisson. Incidemment, Rohmer par l'oeilleton de la caméra rapproche ces deux êtres et confine au génie de la description du quotidien, dans ce qu'il a de plus simple : les petits plats dans les grands, l'amour en devenir aussi. J'ai adoré la façon dont il filmait les intérieurs, surtout la pièce dans laquelle les deux personnages se rapprochent et finissent par s'embrasser. Il utilise même le cliché du feu de cheminée (mais sans la peau de bête au sol) pour montrer l'attirance de l'un et de l'autre.
Seule la fin, les derniers plans, m'ont semblé moins aboutis. Charmant et plaisant oui.
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homerwell
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Re: Eric Rohmer

Message par homerwell »

homerwell a écrit :Au passage, si quelqu'un peut me donner le titre en allemand de la sonate de Schumann qui est interprétée par l'héroïne dans conte de printemps, en français, c'est "Les chants de l'aube" (tous les titres sont en allemand en dos des CD, alors je ne trouve pas), d'ailleurs la sonate de Beethoven est drôlement bien aussi.
On est jamais mieux servi que par soi même...

SCHUMANN Robert : Chants de l'aube, 5 pièces pour piano op.133, le titre allemand est "Gesänge der Frühe"
La scène où Natacha en interprète un passage est d'une belle émotion.

Sur la toile, de plus érudits que moi m'ont appris que cette œuvre a été écrite par Schumann au seuil de la folie qui a provoqué sa mort, c'est son testament musical.
Détail amusant lu sur wikipédia, la première symphonie de Schumann porte pour titre : Le Printemps

Pour le 2 ème morceau, voilà ce que l'on trouve sur Wikipédia

La Sonate pour violon n° 5 en fa majeur, opus 24, de Ludwig van Beethoven, est une sonate pour violon et piano en quatre mouvements qui fut composée entre 1800 et 1801 et publiée en 1802. Son surnom de sonate Le Printemps (en allemand Frühlings), s'il lui est resté attaché, n'est pas de son auteur.
Dernière modification par homerwell le 13 avr. 09, 19:02, modifié 1 fois.
Jordan White
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Re: Eric Rohmer

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La boulangère de Monceau
Court-métrage réalisé en 1962. Il dure vingt deux minutes. Pas une de plus ni de moins. C'est un modèle littéraire, est-il d'ailleurs sorti dans une petite édition annotée, en livre de poche (je crois que c'est le cas) ? Ce qui est frappant, c'est le regard de topographe du cinéaste, la géographie de l'espace, et en filigrane, les thématiques de sa filmographie toutes présentes ici, et qu'il développera avec le format du long-métrage dans ses oeuvres les plus connues (ou qui le sont moins mais méritent souvent les éloges). La passion pour l'architecture de l'auteur est à l'honneur dans L'ami de mon amie (une petite merveille pour cette raison mais aussi pour sa qualité d'interprétation, film auquel je repense en l'évaluant souvent à la hausse). Par quelques mouvements de caméra, suivant un personnage dans le champ, la fameuse Sylvie de son histoire d'amour, Rohmer décrit le quartier de Villiers, un quartier du XVIIème arrondissement de Paris qu'il filme au Printemps (du moins dans le script). On est en mai, les amours d'un jeune homme pour une fille qu'il croise tous les jours lui fait pousser des ailes. Avec son ami, il s'étonne de la voir emprunter le même boulevard que lui le temps d'une fraction de secondes. Un leitmotiv qui lui ouvre tous les possibles : celui de s'enamourer, celui de rêver à sa future épouse, celui d'être sûr aussi de devenir l'homme de sa vie. Le film peut difficilement laisser indifférent. Il suffit de trente secondes, pour décrire, avec une concision miraculeuse, les tenants et aboutisssants de son scénario : deux personnages sont amenés à se voir et à se revoir jusqu'à la décision finale.

Cependant il faut bien quelques rebondissements pour nous tenir en haleine, car sans être un film à suspens, La boulangère de Monceau tord quelque peu son canevas de départ et invite les aléas de la vie pour relancer son intérêt.
Les circonstances éloignent ainsi un temps notre héros de sa dulcinée, dulcinée qu'il n'a jamais fait que croiser durant des semaines, mais dont il sait qu'elle est la femme de sa vie. Par un heureux hasard, en réalité un micro évènement - l'achat d'un journal-, il tombe nez à nez avec Sylvie qui lui dit ne pas avoir le temps de prendre un café. Qu'à cela ne tienne, il la reverra le lendemain, puisque c'est écrit. Piquant de l'histoire, et retournement de situation habilement ajouté à l'intrigue initiale, le jeune homme ne croise plus Sylvie au moment où il pensait qu'il s'agissait juste d'une formalité pour lui de la faire sienne. Mais Rohmer est joueur, et aime le sujet du destin malmené et des rencontres parfois fortuites, parfois provoquées. Il ne la fait pas revenir et oblige son jeune héros masculin à trouver un subterfuge, à nouer le contact avec une boulangère, qu'il prend de court par ses manies et ses facéties. Il est rieur et solaire le cinéaste. Alors qu'il fait croire à cette jeune employée de boulangerie qu'il est peut-être pour elle l'homme de sa vie, au dernier moment, alors que la séance de ciné en amoureux semblait si proche, si possible, si réalisable, Sylvie réapparaît, c'est-à-dire la première fille désirée.
La boulangère de Monceau ne m'a pas laissé indifférent. Pour la rue de Saussure, qui est un endroit, et plus précisément une rue que j'affectionne pour des raisons personnelles. Pour le personnage de la boulangère, son charme. Pour Barbet Schroeder, impeccable en jeune étudiant amateur de sablés, impétueux par moments, à la limite de l'arrogance, mais surtout fasciné par un regard féminin d'abord évanescent puis accessible, attachant au final, jusque dans ses mimiques et ses habitudes. Un film très moderne pour son époque et même aujourd'hui, sensible et délicat (la main du héros parcourant le cou et la nuque de l'héroïne) une petite leçon de mise en scène, au style enlevé. Alors certes je n'ai pas été pétrifié comme a pu l'être Yap, mais j'ai beaucoup aimé cette récréation (mais en est-ce vraiment une ?) qui montre déjà la maîtrise sidérante de son auteur pour les sujets du hasard et des rencontres.


La carrière de Suzanne
Beaucoup moins à dire sur ce moyen-métrage qui m'a laissé dubitatif. J'ai trouvé cela long et sans être empesé, pas aussi brillant que la Boulangère de Monceau qui en dit plus en moins de temps. L'interprétation m'a semblée banale. Je suis moins agacé en regardant ce film que je n'ai pu l'être devant La Collectionneuse, mais j'ai ressenti les mêmes frustrations, celles entre autres de devoir assister à un cours magistral de langue sans entrer dans le jeu une seule seconde. Je suis resté spectateur, et n'ai participé qu'à une ou deux scènes, peut-être à la fin lors de la discussion dans le café avec l'une des protagonistes qui indique que son malheur est d'être avec un gamin (qui se prend pour un adulte). J'ai été horrifié de revoir l'acteur principal de La Collectionneuse à la fin, s'adonnant à un massage auprès de la jeune Suzanne allongée avec oisiveté. Cet acteur m'est insupportable. Intéressant sur la forme (malgré une lumière et un DVD très laborieux) mais pas forcément sur le fond.
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homerwell
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Conte de printemps

Message par homerwell »

Dans le « Conte de printemps », il est important de citer les nombreux tableaux cinématographiques à base de fleurs qu'a réalisé Rohmer. C'est un ravissement pour les yeux que d'être surpris tout au long du film par les bouquets qui ornent les salons, les balcons et leurs pots fleuris, les arbres parés de couleurs.

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Concernant la scène entre Igor et Jeanne dans ce salon avec un feu de cheminée, Rohmer me semble au contraire supprimer toute sensualité lorsque il laisse ce plan de Igor qui rechargeant le feu en buchettes essaie de casser un bout de bois trop solide pour lui. Il est évident que ce détail n'était pas prévu au script mais le fait de l'utiliser quand même fait perdre pas mal de virilité au personnage masculin.
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(Notez que dans toutes bibliothèques dignes de ce nom chez Rohmer, il y a une encyclopedie Universalis :D )

Autre chose qui m'apparait ce soir après avoir vu le deuxième opus, « Conte d'été », c'est que Igor, le père de Natacha, se retrouve quitté par trois femmes, sa compagne, sa fille et Jeanne qui l'éconduira en échangeant ces quelques paroles :
J'ai agi par logique, celle du nombre 3.
Jamais deux sans trois.
oui, c'est un jeu, mais il y a aussi toute cette tradition du nombre 3, le triangle, le syllogisme, la trinité, la triade hégélienne, enfin je ne sais pas, toutes ces choses qui définissent un monde clos, qui instaure le définitif et qui donne peut être la clef du mystère...
C'est ce qui arrivera à Gaspard, l'amoureux indécis qui ne se décidera pas entre Margot, Solène et Lena. L'amour restera pour lui un mystère !
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