Underworld
Un truant s’attache à un pauvre here alcoolique qu’il aide sur un coup de tete à sortir de la misère. Ce dernier, ancien avocat, s’avère éduqué et raffiné, ce qui fini malheureusement par séduire Feather, la petite amie du gangster.
Suite à la frustration entrainée par le revoyure du tres moyen «
Outside the law » de Tod Browning, je decide d’enchaîner de suite sur une visite à Underworld. Pourquoi? Le coffret Criterion est là, à portée de main, et Underworld s’impose: voila un bon moment que je ne l’ai pas revu.

Des 4 films muets de Sternberg qui nous sont parvenus (en gros la moitié de ceux qu’il a réalisés….

), Underworld est celui pour lequel j’ai toujours eu le plus de mal à faire spontanément l’éloge.
Non qu’il soit en rien inférieur au 3 autres, mais simplement il n’y a pas eu de scenes dont la découverte a traumatisé, a irrémédiablement marqué mon cerveau au fer rouge, comme dans les 3 autres.
Je pense qu’en fait il est trop « abstrait », trop focalisé sur son trio de personnage, en un mot trop expérimental.
Je sais pas pourquoi mais tout d’un coup je pense a
Time and Tide de Tsui Hark.
Quel rapport? Tsui Hark tout à sa volonté d’enlever de son film les scenes « bateau », attendues, vues ailleurs plein de fois, ne livre au spectateur qu’une version pointilliste de son intrigue et du coup le perd. Sternberg me semble un peu dans une démarche similaire: desireux de ne montrer que ce qui sert son idée, il fait fi des vraisemblables que ce soit narratives ou visuelles.
A cause et en raison du jusqu’au boutisme de cette demarche, les deux films sont extraordinaires mais demandent un engagement du spectateur.
On peut pas dire que Sternberg avance masqué : l’intro du film, particulièrement déroutante, donne le ton par son invraisemblance.
Une rue totalement vide de nuit. Un homme dont la demarche traduit l’ébriété avance. Il est violemment soufflé par l’explosion de toute une facade d’immeuble.
Un deuxième personnage apparaît, seul, franchissant les portes massives de l’immeuble. On comprend que « Bull » Weed vient de braquer une banque (il vient de clore son compte, nous indique d’ailleurs l’intertitre).
Les deux hommes se font face et apres un court dialogue, le gangster embarque le poivrot chez lui.
Absolument rien n’est credible dans cette scene. Comme une telle rue, qu’on imagine assez importante pour qu’une grande banque y installe son siege impossant peut etre etre vide de toute circulation humaine ou motorisée, meme au coeur de la nuit?
Le poivrot soufflé a les vêtements déchirés mais reste bien debout.
Le gangster braque seul une banque et en plus fait tout sauter en partant. D’ailleurs le butin semble bien mince en rapport à la déflagration.
Mais tout cela n’a aucune importance pour Sternberg, seule la rencontre en a.
Un spectateur distrait pourrait penser que ce debut est bien foireux. D’autant que l’interprétation de Bancroft et Brooks semble comment dire, à l’avenant.
Bref que le film s’annonce bien mal.
La suite sera plus classique où dumoins pourra le sembler : altercation dans un bar louche, braquage, bal endiablé, ….
Mais de fait, tout est construit sur le meme principe, se focaliser sur ses personnages et le reste n’est la que donner le cadre ou exprimer les sentiments. Le generique de fin tombé, on comprends qu’on a assisté, comme souvent (toujours?) chez Sternberg a un film manifeste!
Toute la dernière partie est en cela extraordinaire.
Rien n’est credible:
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Bull Weed s’evade tout seul de la prison, en assomant un vague gardien.
Les personnages attendent, la femme dans une rue deserte, l’homme a la gare au milleu de plein de flics pas vraiment discrets.
Quand à l’assaut final, il laisse proprement sans voix:
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- quand et où as t’on vu un tel déferlement de violence?
Mais au centre de cette action, qui n’est que la transcription tangible de l’état du personnage principal, le drame se cristallise et se dénoue, avec une puissance et une limpidité que seuls les genies du cinema muet semblent avoir été capable de réaliser.
Ce qui n’implique pas l’absence d’humour au second degré :
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- J’adore le gag de la hache plantée dans la porte, que l’on découvert quand Bancroft sort pour se rendre.
Je me souviens absolument pas à quoi resemble le
Scarface de Hawks mais difficile de croire que De Palma n’a pas Underworld en tete pour son film.
A dela du final déjà évoqué, il y a le passage où Bancroft regarde le message au neon en haut d’un immeuble : The city is yours !
Plastiquement le film est somptueux.
Le bal endiablé et les scenes qui suivent en sont l’exemple le plus emblématique.
L’excellente Evelyn Bret est superbe, habillée de plumes d’où son surnom. Elle est tres bien comme se sera aussi le cas dans Last command. C’est peu dire qu’elle est la version initiale de ce que sera Marlene peut apres. J’ai toujours plaisir à la retrouver dans ces deux films.
Georges Bancroft en fait trop mais un peu a la facon d’un Lon Chaney, car il a aussi une finesse de jeu qui transparaît souvent (visage, posture).
Le passage où, épuisé, hebeté, il donne son doigt trempé dans le lait à un chaton est je trouve magnifique.
C’est peut etre Clive Brooks qui est le plus lisse dans l’affaire. Rien a dire mais son personnage est un soupçon moins riche que les deux autres.
L’histoire dit que contre toute attente le film sera un gros succès (des salles organisant des séances de nuit en raison de la demande. C’est ce succès qui permettra à Sternberg de sortir de ses années de galère et gagné son statut de cineaste reconnu et respecté à hollywood.
Le film aura une forte influence sur le genre, tant il dresse les archétypes du film de gangster, voir du film noir
Un mot sur la copie: tiré d’une version 35mm celle-ci est tres propre mais manque parfoit un peu de définition. Difficile de savoir si c’est du a l’acquisition de l’image à l’origine ou à la qualité du matériel utilisé pour le scan ….
Enfin je déconseille le score d’Israel trop en soulignement et sugere l’autre score ou l’absence de toute musique (encore mieux).