Le Grand McLintock (McLintock! - 1963) de Andrew V. McLaglen
BATJAC
Avec John Wayne, Maureen O'Hara, Patrick Wayne, Yvonne de Carlo
Scénario : James Edward Grant
Musique : Frank de Vol
Photographie : William H. Clothier (Technicolor 2.35)
Un film produit par Michael Wayne pour la Batjac
Sortie USA : 13 novembre 1963
George Washington McLintock (John Wayne) est un puissant éleveur texan, le citoyen le plus influent et le plus respecté de la région au point que la plus grande ville du coin porte son nom. N’appréciant guère que des fermiers ou autres éleveurs viennent s’installer sur ses terres, il demande à un groupe de pionniers de quitter son domaine ; il n’en embauche pas moins l’un de ses membres (Patrick Wayne) ainsi que sa mère (Yvonne de Carlo), une jeune veuve, en tant que cuisinière. McLintock voit d'un mauvais œil le retour en ville de Katherine (Maureen O’Hara), son épouse qui l’a quitté voici quelques années. Elle est ici pour réclamer le divorce qu’il lui a toujours refusé ainsi que la garde de sa fille. En effet, elle vient accueillir cette dernière (Stefanie Powers) à la descente du train, espérant la convaincre de ne pas rester dans cette contrée de sauvages mais de la suivre dans l'Est plus civilisé. Dans le même temps, McLintock doit défendre face à l’armée quatre chefs indiens récemment libérés et qui refusent toujours de conduire leur peuple jusqu’à la réserve qu’on leur a ordonné de rejoindre…

Imposant budget pour ce western initié et entièrement supervisé par sa star, le Duke en personne, qui avait dès le départ dans l’idée d’en faire un western familial, chatoyant et bon enfant, réunissant la plupart de ses proches ou collaborateurs fidèles que ce soit au sein du cinéma ou encore parmi les membres de sa propre famille. C’est ainsi que l’on trouve au générique non seulement le fils et la petite fille de John Wayne mais également beaucoup de participants, techniciens ou comédiens, habitués des films de John Ford. Alors que l’on pense tout d'abord proposer la réalisation à des cinéastes chevronnés tel Henry Hathaway, le choix se porte finalement sur le fils du pittoresque comédien Victor McLaglen - le mouchard de
The Informer ou encore le Sergent Quincannon porté sur la bouteille dans
La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon), Andrew V. McLaglen. Apprenant le métier sur les tournages du plus célèbre borgne de Hollywood (ses quelques admirateurs diront d’ailleurs de lui qu’il fut le fils spirituel de Ford), McLaglen fut ensuite réalisateur de seconde équipe puis assistant réalisateur de Budd Boetticher (
La Dame et le toréador - Bullfighter and the Lady) ou de William Wellman (
Track of the Cat). Il produisit avec John Wayne pour sa société Batjac le superbe
7 hommes à abattre (Seven Men From Now) de Budd Boetticher puis, sur les conseils de l’acteur, se lança la même année dans la réalisation d’un petit western de série B,
Gun the Man Down, modeste mais sympathique réussite, sans beaucoup d’action mais avec suffisamment de tension et de suspense pour nous tenir en haleine tout du long. Mais, avant d’entamer sa série de westerns à gros budgets dans les années 60, Andrew V. McLaglen se tourna ensuite surtout vers le petit écran pour lequel il mit en scène d’innombrables épisodes des séries
Perry Mason et
Rawhide.
Il aura donc fallu attendre huit années après son premier long métrage pour que le réalisateur travaille à nouveau pour le cinéma. Ce sera avec
McLintock! le début d’une carrière sinon spécialement mémorable pour les spectateurs en tout cas très rentable pour le cinéaste puisque, dans les années 60, ce seront ses westerns qui obtiendront le plus de succès et c’est surtout grâce à eux que le western américain réussira à résister au rouleau compresseur transalpin.
McLintock! est l’histoire d’un riche éleveur qui voit sa tranquillité sur le point de vaciller lorsque la femme qui l’a quitté voici quelques années revient au bercail réclamer telle une furie non seulement le divorce mais également la garde de sa fille. Voici en gros les seuls éléments sur lesquels va reposer quasiment toute l’intrigue de ce western si ce n’est aussi, très brièvement évoqué, les problèmes que posent les Comanches au gouvernement américain en refusant de se rendre dans les réserves leur étant allouées. A partir d’une intrigue aussi minimaliste, l'excellent scénariste James Edward Grant (
Hondo,
La Dernière caravane,
Alamo…) réussit cependant à ne jamais ennuyer le spectateur deux heures durant malgré la minceur des enjeux dramatiques, arrivant à nous lancer dans le même temps sur une piste pro-indienne gentillette mais pas désagréable. Il faut dire qu’Edward Grant connait parfaitement John Wayne puisqu’il fut en quelque sorte durant vingt ans son scénariste presque exclusivement attitré. On peut sans trop se tromper affirmer que le personnage du Duke admiré par la majorité de ses fans (l’homme rustre au grand cœur, juste, paternaliste, respectueux des gens qu’il emploie, défendant les valeurs républicaines, ne se laissant pas marcher sur les pieds, maladroit avec les femmes et capable de grands élans lyriques) a été en partie forgé par ce scénariste. Cette description s'applique d'ailleurs encore parfaitement au protagoniste qu’est McLintock.

Il est indispensable pour pouvoir apprécier ce film de ne s’attendre à rien d’autre qu’à un vaudeville westernien dénué de violence, agréable mais sans conséquences, à une pochade très amusante ne se prenant jamais vraiment au sérieux. D'ailleurs, en plus du comique de situation, on s’amusera aussi de retrouver disséminées de-ci de-là de multiples références aux films de Ford réunissant John Wayne et Maureen O’Hara (les parents se disputant leur enfant unique comme dans
Rio Grande, la fessée en publique comme dans
L’Homme tranquille…) On aura beau critiquer
McLintock! sur sa lourdeur comme je l’ai lu un peu partout, regrettant que John Ford ne l’ait pas réalisé à la place de McLaglen... au risque d’en attrister certains, je pense que sur ce point le tandem John Ford/James Edward Grant avait auparavant fait encore moins dans la finesse avec
La Taverne de l’irlandais (Donovan’s Reef). Film au budget imposant, même s’il décevra forcément les amateurs d’action, il en donne cependant au spectateur pour son argent, rien déjà que pour son casting 4 étoiles faisant se côtoyer un John Wayne en pleine forme entouré d'innombrables seconds rôles habitués du genre (Chill Wills, Edgar Buchanan…), d’une jeune actrice charmante et pleine de vitalité (Stefanie Powers, la Jennifer de la série
Pour l’amour du risque), de vieux Navajos déjà à l’affiche des westerns de cavalerie de Ford, et surtout de deux comédiennes que l'on est ravi de trouver réunies, deux des plus grandes stars du western, Maureen O'Hara et Yvonne de Carlo.
Si l'ensemble n'est certes pas d'une grande subtilité (la bagarre homérique dans la boue ou la dernière demi-heure vont même assez loin dans la pantalonnade) et s’il faut être conscient de son côté paternaliste et un peu réactionnaire (d’ailleurs le film s’en fait ironiquement l’écho),
McLintock! se suit avec un constant sourire aux lèvres tellement l’entourage de John Wayne et l'équipe en son ensemble parait s'être pris au jeu, les acteurs semblant s'amuser comme des petits fous. Quand à Andrew V. McLaglen, à l’instar de Frank De Vol -le compositeur attitré de Robert Aldrich-, il filme le tout avec efficacité et vitalité ; l'on est même surpris de le voir nous offrir certains plans d'ensemble d'une étonnante beauté (notamment lors des premières minutes), aidé il est vrai par la somptueuse photographie de William H. Clothier. Un divertissement tout à fait réussi dans la veine du
Grand Sam (North to Alaska d'Henry Hathaway ou des
Comancheros de Michael Curtiz pour en rester dans les westerns récents du Duke. Un des films les mieux réalisés de McLaglen, cinéaste mal aimé et qui pourrait peut-être encore nous surprendre par la suite malgré également quelques pénibles ratages à venir. En attendant, la bonne humeur qu’instaure cette galerie de personnages colorés est assez communicative ; nous aurions tort de bouder notre plaisir devant cette sorte de version westernienne de
La Mégère apprivoisée.
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Rancho Bravo (The Rare Breed - 1966) de Andrew V. McLaglen
UNIVERSAL
Avec James Stewart, Maureen O’Hara, Brian Keith, Juliet Mills
Scénario : Ric Hardman
Musique : John Williams
Photographie : William H. Clothier (Technicolor 2.35)
Un film produit par William Alland pour la Universal
Sortie USA : 02 février 1966
1880. Son époux étant décédé durant la traversée qui le conduisait d’Angleterre aux États-Unis, Martha (Maureen O’Hara), accompagnée de sa fille Hilary (Juliet Mills), décide de poursuivre l’idée du défunt, implanter la race bovine européenne Hereford dans l’Ouest américain. Pour se faire, les deux femmes ont amené avec elles le jeune veau 'Vindicator' qu’elles espèrent faire croiser avec des Longhorns. Le plus difficile est de faire accepter cette idée aux éleveurs texans qui ne jurent que par les longues cornes, les Hereford sans cornes leur paraissant trop fragiles pour résister aux hivers rigoureux de leur contrée. Le taureau est néanmoins acheté au prix fort par un enchérisseur d’origine anglaise -qui souhaitait ainsi faire ses avances à Martha- pour le compte d’Alexander Bowen (Brian Keith), un riche Cattle Baron. Pour le conduire jusqu’à Dodge City, Martha loue les services de Sam Burnett (James Stewart) qui, après avoir tenté de la flouer en essayant de revendre la bête pour son compte, se laisse convaincre du bon choix de sa ‘cliente’. Quelques mésaventures plus tard, les voici arrivés à bon port ; reste à savoir si Vindicator va réussir à se débrouiller seul et à passer la saison hivernale, si Martha va succomber aux charmes du rustre Bowen et sa fille à ceux du fils de ce dernier…

Quatrième western du fils du comédien Victor McLaglen qui fut également un prestigieux assistant réalisateur durant les années 50 -non moins que celui de Budd Boetticher (
La Dame et le toréador), John Ford (
L’homme tranquille) ou William Wellman (
Track of the Cat)-
Rancho Bravo est dans le genre le premier ratage d’Andrew V. McLaglen après le sympathique
Gun the Man Down, le bon-enfant
McLintock! puis enfin le naïf mais fortement attachant
Les Prairies de l’honneur, alors à l’époque son film le plus réussi. Certes
Le Grand McLintock n’était pas d'une grande subtilité, et pourtant il se suivait avec un constant sourire aux lèvres tellement l’entourage de John Wayne et l'équipe en son ensemble paraissait s'être pris au jeu, les acteurs semblant s'être amusés comme des petits fous, leur bonne humeur s'étant avéré vite communicative. Quant au cinéaste, il filmait le tout avec efficacité et vitalité. Ce n’est plus du tout le cas concernant
Rancho Bravo, le divertissement ne se révélant plus vraiment amusant mais au contraire assez sinistre, à l’image du Runing gag consistant à ce que le taureau ‘Vindicator’ n'accepte d'avancer qu'à la seule condition d'entendre l'air du
God Save the Queen ! Ce deuxième western humoristique de McLaglen ne s’avère guère plus drôle que ce que je viens de vous raconter. Il faut dire que Ric Hardman -à cette exception près, n’ayant travaillé que pour la télévision- ne possède pas le dixième du talent du scénariste de
McLintock!, l’excellent James Edward Grant. Et c’est avant tout le choix des scénaristes qui fait la grande différence qualitative entre ces deux films.

Là où l'on s’amusait, emporté par la vitalité de l’ensemble, on se prend au contraire ici à s’ennuyer fermement, les comédiens et le réalisateur ne semblant guère plus convaincus que les spectateurs par le postulat du film qui ne repose en gros que sur l‘introduction d’une nouvelle race bovine en provenance de Grande Bretagne dans les plaines du Middle West. Les auteurs évacuent tous les éléments historiques et sociologiques qui auraient pu être intéressants pour ne finir par faire de cette intrigue de départ qu’un simple prétexte à un triple marivaudage laborieux, un triangle amoureux constitué de James Stewart, Brian Keith et Maureen O’Hara ainsi qu’une bluette bénigne entre Juliet Mills et le fadasse Don Galloway. De tous ces grands noms, seul Juliet Mills apporte un peu de sa fraicheur à l’ensemble, Brian Keith ne sachant pas cabotiner (grimé qu'il est sous une barbe de 30 ans et une improbable perruque rousse) alors que le duo formé par James Stewart et Maureen O’Hara ne fonctionne pas vraiment, les deux stars paraissant juste avoir fait acte de présence sur le tournage dans le simple but d'empocher leur cachet. Malgré la médiocrité de l’ensemble, on pourra néanmoins trouver du plaisir à quelques reprises grâce à une sympathique musique de John Williams (oui, le John Williams que tout le monde connait, le compositeur attitré de Steven Spielberg entre autre) et surtout au talent du chef opérateur William H. Clothier qui utilise les superbes décors naturels à sa disposition avec génie. Si l’on excepte les transparences parmi les plus ridicules vues durant les années 60 (il est loin le temps où Universal pouvait se féliciter de ne presque jamais y avoir recours contrairement aux autres Majors), l’on pourra ainsi se régaler de plans d’ensemble d’une étonnante beauté lors de la scène de 'Stampede' au milieu d’un étroit canyon ou durant le dernier quart d’heure alors que James Stewart part à la recherche du veau qui a été laissé livré à lui-même durant un hiver texan rigoureux. Même l'émotion arrive à poindre en fin de parcours, ce qui nous rend encore plus dépités d'avoir du attendre la fin du film pour commencer à l'apprécier.

Un pitch de départ bien trop inconsistant pour faire illusion durant tout un long métrage et au final une comédie westernienne assez poussive qui ne parvient même pas à réussir ses rares scènes d’action, la bagarre générale du début s’avérant bien moins jubilatoire et maîtrisée que celle homérique dans
McLintock! Que ce soit les amateurs de comédie ou de western, ils peuvent facilement faire l’impasse sur cet insignifiant
Rancho Bravo qui ne contentera probablement ni les uns ni les autres par le fait aussi de ne jamais vraiment savoir sur quel pied danser.