Fantastique, merci !Balbedoch a écrit :Il est sorti en Angleterre!
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La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Et comme c'était il y a 60 ans, La marche de l'Histoire proposait ce sujet il y a deux jours. A réécouter en podcast : http://media.radiofrance-podcast.net/po ... 8271-1.mp3
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Chronique très intéressante d'un film qui m'a littéralement terrassée lorsque je l'ai découvert il y a 1 an.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
En écriture inclusive, non merci.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Idem, film captivant mais critique pénible à lire en pointillés.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
L'une des BO de Morricone les plus sous-estimée. Incroyable.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Oui. Déjà remarqué d’autres textes de Pierre Charrel écrits de la même façon. Pénible.HollywoodClassic a écrit : ↑21 mars 22, 17:46 En écriture inclusive, non merci.
Trop vieux pour m'inscrire à Science Po Grenoble de toute façon.![]()
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Pourquoi parles tu de sous estimée ? J'ai souvent vu reprendre le thème principal dans diverses compilations, déjà du temps du vinyl.innaperfekt_ a écrit : ↑7 déc. 23, 10:02 L'une des BO de Morricone les plus sous-estimée. Incroyable.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Et presque systématiquement jouée sur scène quand il donnait des concerts.Jeremy Fox a écrit : ↑7 déc. 23, 14:15Pourquoi parles tu de sous estimée ? J'ai souvent vu reprendre le thème principal dans diverses compilations, déjà du temps du vinyl.innaperfekt_ a écrit : ↑7 déc. 23, 10:02 L'une des BO de Morricone les plus sous-estimée. Incroyable.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
J'aurais du spécifier alors méconnue et pour moi. J'étais jamais tombé dessus sur des compilations et je dois dire que je regarde rarement des concerts de Morricone. Disons qu'elle m'a tellement bouleversé, que j'ai eu le réflexe un peu trop auto-centré de croire que je n'étais pas le seul à ne pas la connaitre réellement de nos jours. Navré.Rick Blaine a écrit : ↑7 déc. 23, 14:25Et presque systématiquement jouée sur scène quand il donnait des concerts.Jeremy Fox a écrit : ↑7 déc. 23, 14:15
Pourquoi parles tu de sous estimée ? J'ai souvent vu reprendre le thème principal dans diverses compilations, déjà du temps du vinyl.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Pas de soucisinnaperfekt_ a écrit : ↑7 déc. 23, 16:41J'aurais du spécifier alors méconnue et pour moi. J'étais jamais tombé dessus sur des compilations et je dois dire que je regarde rarement des concerts de Morricone. Disons qu'elle m'a tellement bouleversé, que j'ai eu le réflexe un peu trop auto-centré de croire que je n'étais pas le seul à ne pas la connaitre réellement de nos jours. Navré.Rick Blaine a écrit : ↑7 déc. 23, 14:25
Et presque systématiquement jouée sur scène quand il donnait des concerts.

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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
On est tous pareils quand on découvre un trucinnaperfekt_ a écrit : ↑7 déc. 23, 16:41J'aurais du spécifier alors méconnue et pour moi. J'étais jamais tombé dessus sur des compilations et je dois dire que je regarde rarement des concerts de Morricone. Disons qu'elle m'a tellement bouleversé, que j'ai eu le réflexe un peu trop auto-centré de croire que je n'étais pas le seul à ne pas la connaitre réellement de nos jours. Navré.Rick Blaine a écrit : ↑7 déc. 23, 14:25
Et presque systématiquement jouée sur scène quand il donnait des concerts.

(là perso je découvre "seulement" les polars teigneux de Richard T. Heffron, je m'éclate)
Sinon cette bo est une inspi majeure pour celle d'Andor (trame itou)
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Vu hier et j'ai pris une énorme baffe.
Je rejoins entièrement le premier avis de Tom Peeping (il y a... 23 ans) et Colqhoun met beaucoup de mots qui me parlent sur ce que j'en ai pensé.
Un peu plus nuancé concernant celui de VicVega, qui en dit aussi des choses intéressantes.

La vraie question que soulève ton inconvenance quant à l'utilisation de la musique dramatique lors des scènes d'attentat, c'est celle de l'ambiguïté dans le fait de se servir d'un matériau historique, sur le mode de la reconstitution (chronologie, lieux de tournage, figurants, les évènements s'étant déroulés seulement 9 ans auparavant et en ayant pris comme point de départ les mémoires d'emprisonnement de Yacef Saadi, un des chefs du FLN pour écrire son scénario,merci Wiki) tout en mettant en scène ce matériau, en lui donnant vie par les images à la manière d'un film de guerre qui sonne "on ne peut plus vrai", à coups de caméra à l'épaule, de travellings, de zooms.
La question du fond et de la forme.
Il y a à mon sens certes du plaisir de réalisateur, mais fort heureusement surtout la volonté de faire du bon boulot, de livrer un grand film sur le plan cinématographique, et plus encore d'être au service de son sujet, de la libération du tabou qui l'enveloppe et d'en faire pour les générations futures l'objet d'une réflexion, d'une analyse, aussi bien pour ceux qui veulent s'instruire pour faire du bon cinéma que pour ceux qui veulent tenter d'apporter du sens sur des évènements malheureusement si communs, et encore actuels, de l'histoire Humaine.
Du moins c'est ce que j'ai choisi de croire, non sans quelque subconsciente culpabilité, celle-ci s'étant fait laminer par mon plaisir cinéphile. Je crois que Gillo Pontecorvo n'est pas Jack Gyllenhall dans Night Call, (déjà parceque Gillo fait de magnifiques plans fixes en n&b.
). Il fut journaliste inscrit au Parti Communiste Italien et s'était saisi, précédant La Bataille d'Alger, d'un sujet proche, celui des camps de concentration avec Kapo (que je n'ai pas vu), puis s'attaque de nouveau au colonialisme avec celui lui succédant, Queimada.
Au delà de ce que je crois pour me donner bonne conscience, La Bataille d'Alger est resté censuré à la télé en France jusqu'en 2004, et malgré ce qu'on pourrait lui reprocher de caractère voyeur ou taxer d'égocentrisme, reste que ce film a fait peur (à nos dirigeants, mais pas que).
C'est une question en tout cas qui reste, fondamentalement, fascinante et plutôt casse tête, que l'on peut étendre à tous les médiums artistiques, jouant avec la moralité de chacun au moyen d'une mise en abîme vertigineuse et ô combien récurrente, fiction et réalité.
Sur le sujet, et il est quand même très intéressant d'en avoir connaissance (je dois avoir 10 onglets ouverts autour de tout ça à l'heure où j'écris cette bafouille, et les ami-e-s, je mange du pop-corn), il y eu justement autour de Kapo et plus particulièrement autour d'un fameux travelling, une polémique concernant l'éthique de la forme lorsque le fond d'une oeuvre de cinéma se fait la traduction d'un épisode de notre Histoire chargé d'atrocités réelles.
Jacques Rivette fut l'auteur d'un texte à l'encontre de Pontecorvo et de son Kapo titré : "De l'abjection".
Extrait :
«Voyez cependant, dans Kapò, le plan où [Emmanuelle] Riva se suicide, en se jetant sur les barbelés électrifiés; l'homme qui décide, à ce moment, de faire un travelling avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d'inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n'a droit qu'au plus profond mépris.» partant d'une citation de Luc Moullet (ce bon vieux Luc) : «La morale est affaire de travellings», axiome renversé par Godard pour donner : "le travelling est affaire de morale".
Alain Resnais rajoutera en réponse à Rivette : «Je m’en sens proche. Je ne l’ai pas lu à l’époque, mais après, expliquait-il dans un entretien publié en 2000 par Les Cahiers du cinéma. Je vois très bien le mouvement de caméra de Kapò sur la main d’Emmanuelle Riva. On ne peut pas faire de mise en scène avec ces images. On ne peut pas non plus en faire des reconstitutions par la fiction. Des films romanesques sur les camps de concentration, cela me paraît consternant.»
Voilà pour l'aparté.
Jusque dans le grain choisi, l'ambiguïté persiste. Il aurait pu tourner en couleur. Mais non, on a droit à un grain photo reportage, un grain journaliste. Pas pour faire "comme si on y était", mais à mon sens plus pour nous dire "c'est maintenant", pour interroger son spectateur du temps présent et l'amener insidieusement à choisir son camp, comme il prendrait parti dans un film de pure fiction, et lorsque celui ci est pris, la mission de Pontecorvo est accomplie.
Nous nous sommes fait politiser.
C'est un pur film politique, jusque dans sa déclinaison qui prendra forme autour des débats de spectateurs que susciteront ces 121min de Casbah à la sortie des salles de cinéma en 1971.
Les attentats mènent bien au soulèvement populaire. "Est ce que c'est ce qu'il a voulu dire ?". Non, c'est ce qu'il s'est chronologiquement et factuellement passé.
Ambiguïté en qualité d'outil encore dans l'écriture du personnage du Lieutenant Colonel Mathieu Philippe joué par Jean Martin, acteur étant passé entre les mains de... Rivette et Resnais. Signataire du manifeste des 121, déclaration sur le "droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie". Personnage fictif s'inspirant du Colonel Bigeard ("le vrai" colonel) que Pontecorvo utilise pour personnifier les voix d'un gouvernement Français et en profite pour questionner au passage la figure du soldat. Jean Martin offre une interprétation exceptionnelle en campant un leader para rompu aux stratégies de guérilla, venant démanteler la fourmilière tel un désinsectiseur commandité par la sainte hiérarchie dont il est le placide exécutant, avec un côté guerrier dans le sens noble : Mathieu Philippe a été résistant en 39-45, et il respecte son adversaire. Mais c'est avant tout un soldat qui fait son devoir, bushido/sun-tzu/ray-ban style.
C'est un commandant armé intellectuel, qui éduque ses troupes, qui comprend les stratégies ennemies, et qui mesure les portées politiques de ce qui se joue. Son discours avec les journalistes est édifiant sur le rôle primordial de ces derniers, sur le contrôle que le gouvernement peut avoir sur eux, et sur le fait qu'une guerre engage bien des nations et leurs citoyens, si t'en est qu'ils en soient informés.
Le reste du casting, aux frontières là encore à cheval entre interprétation et psychanalyse, est tout aussi excellent, il y a à l'arrivée plus une photographie de personnes ayant pris part à cette lutte que d'acteurs-trices. C'est vous dire les acteurs-trices.
Que dire sur la forme. Précurseur, assurément. Salut salut Les Fils de l'homme, American Sniper, même.... Covenant ?? Les rejetons sont d'une multiplicité indéchiffrable, et pour beaucoup d'entre eux, Rivette de là où il est doit probablement leur réserver un pamphlet. Et c'est intéressant de constater que si ce film aura déclenché une polémique autour de l'esthétique/éthique du "cinéma du réel", depuis combien de temps ces questionnements sont ils tombés dans l'oubli du critique ?
Pour le reste, bah on s'ennuie pas une seconde, c'est d'un modernisme complètement fou, on a de la caméra à l'épaule maîtrisée, de la perspective aux profondeurs intelligentes dans des espaces relativement clos, labyrinthiques, tout un vocabulaire de mouvements au service de la narration (comme le fait remarquer Colqhoun: "La succession d'événements dramatiques est, sur la durée, terrifiante, nauséeuse."), des effets bien sentis qui sont toujours en accords avec le ton et la musique.
D'ailleurs je ne connaissais pas cette incroyable BO du maître
et son travail sur le son l'est tout autant. L'utilisation du bruit de chevaux au léger galop lors des scènes de tension pour rappeler celui d'un battement de coeur qui s'emballe, génial, tout comme les mantras de prières psalmodiés par les femmes lors de l'arrestation d'Ali la pointe, rappelant un bourdonnement d'insectes affolés, de mouches venant s'hystériser autour d'un cadavre, pour appuyer parfaitement la mise en scène de cette séquence à l'atmosphère dure d'appréhension. Ca m'a donné l'impression d'une allégorie, relativiste voir panthéiste, que les Hommes dans leurs moments de drame humain à échelle de masse ressemble d'en haut à des fourmis se livrant bataille.
Bref, c'est une oeuvre monumentale à tous les égards, un vrai sujet d'étude, de cinéma et d'héritage national, Français, Algérien, humain.
Sinon... seulement 5 pages pour ce film ?
Je rejoins entièrement le premier avis de Tom Peeping (il y a... 23 ans) et Colqhoun met beaucoup de mots qui me parlent sur ce que j'en ai pensé.
Un peu plus nuancé concernant celui de VicVega, qui en dit aussi des choses intéressantes.

La bande son orchestrée par Morricone participe au rappel que l'on regarde une représentation, un objet de cinéma.Vic Vega d'il y a 20 ans a écrit : ↑21 nov. 04, 14:45 (...) J'ai par contre été agaçé par l'usage de musique dramatique lors de scènes d'attentat qui n'avaient pas besoin de ce surcroit de pathos pour etre ressenties dans toute leur horreur (...)
La vraie question que soulève ton inconvenance quant à l'utilisation de la musique dramatique lors des scènes d'attentat, c'est celle de l'ambiguïté dans le fait de se servir d'un matériau historique, sur le mode de la reconstitution (chronologie, lieux de tournage, figurants, les évènements s'étant déroulés seulement 9 ans auparavant et en ayant pris comme point de départ les mémoires d'emprisonnement de Yacef Saadi, un des chefs du FLN pour écrire son scénario,merci Wiki) tout en mettant en scène ce matériau, en lui donnant vie par les images à la manière d'un film de guerre qui sonne "on ne peut plus vrai", à coups de caméra à l'épaule, de travellings, de zooms.
La question du fond et de la forme.
Il y a à mon sens certes du plaisir de réalisateur, mais fort heureusement surtout la volonté de faire du bon boulot, de livrer un grand film sur le plan cinématographique, et plus encore d'être au service de son sujet, de la libération du tabou qui l'enveloppe et d'en faire pour les générations futures l'objet d'une réflexion, d'une analyse, aussi bien pour ceux qui veulent s'instruire pour faire du bon cinéma que pour ceux qui veulent tenter d'apporter du sens sur des évènements malheureusement si communs, et encore actuels, de l'histoire Humaine.
Du moins c'est ce que j'ai choisi de croire, non sans quelque subconsciente culpabilité, celle-ci s'étant fait laminer par mon plaisir cinéphile. Je crois que Gillo Pontecorvo n'est pas Jack Gyllenhall dans Night Call, (déjà parceque Gillo fait de magnifiques plans fixes en n&b.

Au delà de ce que je crois pour me donner bonne conscience, La Bataille d'Alger est resté censuré à la télé en France jusqu'en 2004, et malgré ce qu'on pourrait lui reprocher de caractère voyeur ou taxer d'égocentrisme, reste que ce film a fait peur (à nos dirigeants, mais pas que).
C'est une question en tout cas qui reste, fondamentalement, fascinante et plutôt casse tête, que l'on peut étendre à tous les médiums artistiques, jouant avec la moralité de chacun au moyen d'une mise en abîme vertigineuse et ô combien récurrente, fiction et réalité.
Sur le sujet, et il est quand même très intéressant d'en avoir connaissance (je dois avoir 10 onglets ouverts autour de tout ça à l'heure où j'écris cette bafouille, et les ami-e-s, je mange du pop-corn), il y eu justement autour de Kapo et plus particulièrement autour d'un fameux travelling, une polémique concernant l'éthique de la forme lorsque le fond d'une oeuvre de cinéma se fait la traduction d'un épisode de notre Histoire chargé d'atrocités réelles.
Jacques Rivette fut l'auteur d'un texte à l'encontre de Pontecorvo et de son Kapo titré : "De l'abjection".
Extrait :
«Voyez cependant, dans Kapò, le plan où [Emmanuelle] Riva se suicide, en se jetant sur les barbelés électrifiés; l'homme qui décide, à ce moment, de faire un travelling avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d'inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n'a droit qu'au plus profond mépris.» partant d'une citation de Luc Moullet (ce bon vieux Luc) : «La morale est affaire de travellings», axiome renversé par Godard pour donner : "le travelling est affaire de morale".
Alain Resnais rajoutera en réponse à Rivette : «Je m’en sens proche. Je ne l’ai pas lu à l’époque, mais après, expliquait-il dans un entretien publié en 2000 par Les Cahiers du cinéma. Je vois très bien le mouvement de caméra de Kapò sur la main d’Emmanuelle Riva. On ne peut pas faire de mise en scène avec ces images. On ne peut pas non plus en faire des reconstitutions par la fiction. Des films romanesques sur les camps de concentration, cela me paraît consternant.»
Voilà pour l'aparté.
Jusque dans le grain choisi, l'ambiguïté persiste. Il aurait pu tourner en couleur. Mais non, on a droit à un grain photo reportage, un grain journaliste. Pas pour faire "comme si on y était", mais à mon sens plus pour nous dire "c'est maintenant", pour interroger son spectateur du temps présent et l'amener insidieusement à choisir son camp, comme il prendrait parti dans un film de pure fiction, et lorsque celui ci est pris, la mission de Pontecorvo est accomplie.
Nous nous sommes fait politiser.
C'est un pur film politique, jusque dans sa déclinaison qui prendra forme autour des débats de spectateurs que susciteront ces 121min de Casbah à la sortie des salles de cinéma en 1971.
Il y a bien sûr un parti pris pour le camps des opprimés. Mais dans sa démonstration neutre, que tu soulignes en disant :Vic Vega d'il y a 20 ans a écrit : ↑21 nov. 04, 14:45Et il y a certes bien plus manichéen, bien moins subtil qu'un tel film mais je ne le qualifierai pas d'objectif.
Pontecorvo réalise l'exploit d'avoir mis en scène sans avoir habillé. C'est un art qui dévoile.Vic Vega d'il y a 20 ans a écrit : ↑21 nov. 04, 14:45 Certes, chaque camp est montré avec ses motivations et n'est pas idéalisé.
Les attentats mènent bien au soulèvement populaire. "Est ce que c'est ce qu'il a voulu dire ?". Non, c'est ce qu'il s'est chronologiquement et factuellement passé.
Je pense qu'il part en effet d'un première intention humaniste. "Mais" dans la finalité, l'Algérie a obtenu son indépendance, sa reconnaissance, son droit d'être. Dur de ne pas y voir la triste conclusion qu'en dernier recours, poussé dans son ultime retranchement, celui d'un dernier coup de pied pour émerger de l'eau avant la noyade, l'Homme n'a pas trouvé autre chose que la violence pour s'en sortir. Et de nous laisser avec les sempiternelles questions : Est ce que la fin légitime les moyens ? Quelles sont les limites éthiques d'une guerre d'indépendance ?Colqhoun d'il y a 11 ans a écrit : ↑11 mars 13, 12:12 Car Pontecorvo a compris que les terroristes des uns sont les résistants des autres et que chaque camp mérite une représentation morale similaire. Il n'y a ici ni héros, ni monstre. Mais des hommes qui s'acquittent de tâches, parfois nobles, mais bien souvent monstrueuses. Des attentats dans des lieux paisibles, des mises à morts préférées à la honte de l'arrestation, des attaques lâches ou dans des rapports de force inégaux.
Ambiguïté en qualité d'outil encore dans l'écriture du personnage du Lieutenant Colonel Mathieu Philippe joué par Jean Martin, acteur étant passé entre les mains de... Rivette et Resnais. Signataire du manifeste des 121, déclaration sur le "droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie". Personnage fictif s'inspirant du Colonel Bigeard ("le vrai" colonel) que Pontecorvo utilise pour personnifier les voix d'un gouvernement Français et en profite pour questionner au passage la figure du soldat. Jean Martin offre une interprétation exceptionnelle en campant un leader para rompu aux stratégies de guérilla, venant démanteler la fourmilière tel un désinsectiseur commandité par la sainte hiérarchie dont il est le placide exécutant, avec un côté guerrier dans le sens noble : Mathieu Philippe a été résistant en 39-45, et il respecte son adversaire. Mais c'est avant tout un soldat qui fait son devoir, bushido/sun-tzu/ray-ban style.
C'est un commandant armé intellectuel, qui éduque ses troupes, qui comprend les stratégies ennemies, et qui mesure les portées politiques de ce qui se joue. Son discours avec les journalistes est édifiant sur le rôle primordial de ces derniers, sur le contrôle que le gouvernement peut avoir sur eux, et sur le fait qu'une guerre engage bien des nations et leurs citoyens, si t'en est qu'ils en soient informés.
Le reste du casting, aux frontières là encore à cheval entre interprétation et psychanalyse, est tout aussi excellent, il y a à l'arrivée plus une photographie de personnes ayant pris part à cette lutte que d'acteurs-trices. C'est vous dire les acteurs-trices.
Que dire sur la forme. Précurseur, assurément. Salut salut Les Fils de l'homme, American Sniper, même.... Covenant ?? Les rejetons sont d'une multiplicité indéchiffrable, et pour beaucoup d'entre eux, Rivette de là où il est doit probablement leur réserver un pamphlet. Et c'est intéressant de constater que si ce film aura déclenché une polémique autour de l'esthétique/éthique du "cinéma du réel", depuis combien de temps ces questionnements sont ils tombés dans l'oubli du critique ?
Pour le reste, bah on s'ennuie pas une seconde, c'est d'un modernisme complètement fou, on a de la caméra à l'épaule maîtrisée, de la perspective aux profondeurs intelligentes dans des espaces relativement clos, labyrinthiques, tout un vocabulaire de mouvements au service de la narration (comme le fait remarquer Colqhoun: "La succession d'événements dramatiques est, sur la durée, terrifiante, nauséeuse."), des effets bien sentis qui sont toujours en accords avec le ton et la musique.
D'ailleurs je ne connaissais pas cette incroyable BO du maître

Bref, c'est une oeuvre monumentale à tous les égards, un vrai sujet d'étude, de cinéma et d'héritage national, Français, Algérien, humain.
+1Colqhoun d'il y a 11 ans a écrit : ↑11 mars 13, 12:12 La Bataille d'Alger, s'il est déjà un grand film sur le seul plan cinématographique, de par sa réalisation exemplaire, son montage et son travail de reconstitution, est aussi un film nécessaire, pour les questions toujours actuelles et problématiques qu'il pose. On peut donc décemment parler de film indispensable, car dépassant le seul cadre du 7ème art.
Sinon... seulement 5 pages pour ce film ?
Dernière modification par Papus le 1 juin 24, 16:35, modifié 12 fois.
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Re: La Bataille d'Alger (Gillo Pontecorvo - 1966)
Merci pour ce retour éclairé. Et un film que je continue de trouver d’une nécessité absolue, d’autant plus avec l’actualité dont nous sommes témoins depuis quelques mois.