Alors, le plus brièvement possible.
Je commence par répondre à tchi-tcha, à qui j'ai dédicacé ce texte dans un esprit de pure taquinerie amicale (j'espère bien que tu l'as compris). Pour comprendre pourquoi, il faut reprendre le fil des évènements à la source. Tout a commencé il y a quelques jours dans la section "Hors-sujet", où je déplorais la disparition d'une fonction de mise en forme du texte qui me plaisait bien et que j'utilisais systématiquement (le justifié). J'avais alors l'intention de poster un texte et un seul (sans savoir encore sur quel film...
Alien ?
Les Fleurs de Shanghai ?
Rencontres du troisième type ?). Là-dessus, quelques vieilles connaissances foruméennes viennent dans le topic en question me faire un petit coucou. Je change alors mon fusil d'épaule, en me disant que je vais piocher dans les Tops 15/20 de chacun d'entre eux et voir si je n'aurais pas un texte de dispo (c'était le cas pour tous - bon, j'ai aussi ajouté le Scorsese pour Supfiction, juste parce que j'en ai fini la rédaction avant-hier...). Entre-temps, tchi-tcha, tu réactives le topic MD en expliquant ton désarroi (ou ta perplexité, pour reprendre ton terme) devant le statut gagné par l'oeuvre de Lynch. L'occasion était trop belle de t'adresser ce texte-ci, qui à défaut de te convaincre sur ton appréciation du film (ce n'était bien évidemment pas du tout mon intention) pouvait peut-être un peu éclairer à tes yeux l'étrange phénomène qui l'entourait. Ce texte n'engage que moi, mais il explique pourquoi, en effet, je le trouve absolument sublime et bouleversant, pourquoi je suis loin de limiter à un simple "rêve filmé" ou tout autre définition réductrice.
Que mon écriture soit surchargée, ampoulée, obèse, indigeste, je l'admets complètement (j'avais d'ailleurs pris les devants de l'accusation dans au moins deux paragraphes). C'est un reproche qui me semble légitime et que je suis tout à fait prêt à entendre (je réponds par là également à shubby). Désolé, je ne peux pas écrire autrement, surtout lorsque je parle d'un
Mulholland Drive ou d'un
Star Wars. Me faire remarquer que l'on trouve cela pénible ou insupportable à lire ne me pose aucun problème... mais j'ai beau essayer de faire des efforts, je n'y parviens pas.
A ce grand seigneur d'Alexandre Angel (dont chaque phrase est un régal à lire), je dis merci et bravo. Tu sembles avoir mieux compris que moi-même l'esprit qui m'anime à travers ces quelques textes. Le plus difficile, me semble-t-il, pour écrire un texte intéressant, et de parvenir à trouver un équilibre des plus délicats : celui qui reflète un investissement intime et subjectif tout en rendant compte de la valeur artistique du film en question. Se contenter de dire "
c'est génial, j'adore, ça me bouleverse", c'est insuffisant, car on ne parle alors que de soi (et pas du film). Ne s'arrêter qu'à une analyse froide, universitaire, distanciée, si pertinente soit-elle, ne renseigne pas sur l'état d'esprit du rédacteur, sur ce qu'il engage de personnel dans l'oeuvre, sur la manière dont celle-ci lui a
parlé. C'est ce point subtil qu'il faut essayer d'atteindre, sans basculer d'un côté ou de l'autre. Savoir défendre le film lui-même (donc formuler des arguments, tenter de montrer comme la forme et le fond sont liés, comment la réussite artistique se mesure), tout en exprimant comme l'entreprise nous fait vibrer le coeur et l'âme (le côté strictement passionnel de la chose). Ce n'est pas évident. Dans le cas de
Mulholland Drive, j'avoue volontiers que je verse sans doute excessivement dans le ressenti ; mais ma dévotion à ce film est, il est vrai, complètement irrationnelle.
Dernière chose, qui j'avoue me freine de plus en plus : je ne suis pas sûr qu'un forum de discussion soit le meilleur endroit pour publier ce type de textes (qui auraient plus le place sur un blog, par exemple). Je suis conscient qu'il n'encouragent pas vraiment à la discussion. Des formats plus courts, plus spontanés, seraient sans doute plus appropriés. - Attention : mode "je raconte ma vie" -
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- En fait, je me suis lancé il y a pas mal d'années dans une entreprise un peu folle qui consistait à écrire un texte de ce genre sur exactement 265 films (ni plus, ni moins). Cette liste se fondait sur un protocole très précis établi sur un ordre dégressif de mes réalisateurs préférés. En gros : trois cinéastes auraient chacun droit à six films critiqués, six cinéastes chacun droit à cinq films critiqués, huit cinéastes chacun droit à quatre films critiqués, etc, et pour finir 95 cinéastes chacun critiqués une seule fois. Elle avait pour but d’établir le panorama le plus juste, divers et représentatif possible du "cinéma que j’aime" (étant entendu que mes 100 films préférés all-time y figurent tous). Je suis enfin arrivé à bout du challenge (et je me suis du coup relancé un nouvel objectif d'une bonne cinquantaine de titres supplémentaires
). J'avais commencé à les publier sur ce forum, mais c'est vrai que j'ai un peu abandonné en cours de route pour des raisons diverses que je ne vais pas expliquer ici. Bref, tout ça pour dire que j'ai encore une bonne centaine de textes dans ma besace...
Alexandre Angel a écrit : ↑15 déc. 21, 19:57Or Thaddeus, qu'on soit ou non en phase avec les thèmes qu'il aborde (
Star Wars n'a pas mon émerveillement) a le mérite de recentrer l'attention sur l'œil du cyclone, c'est à dire sur ce qui, dans le cinéma tel qu'il nous est légué, induit la passion.
Merci, c'est très gentil à toi. En fait, la gratification ultime, elle est là : à travers ces textes, je veux rendre à ces films un peu de tout ce qu'il m'ont donné. Je leur dois bien ça. Cette notion de "passion", c'est vraiment fondamental. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je choisis de n'écrire que sur des films que j'aime beaucoup. L'identité d'un spectateur se forge également sur ce qu'il n'aime pas bien sûr, et il peut être tout aussi intéressant de rédiger des critiques négatives, de construire un texte en défaveur d'un film, de rendre compte d'un rejet, mais (pour des questions de préférence, de motivation, de temps aussi), je préfère ne me consacrer qu'à ce qui me fait vibrer.
Sur ce, joyeuses fêtes tout le monde !
(et vive Mulholland Drive et le cinéma (© Quentin Tarantino))