Les ailes
Lauréat du tout premier Oscar, le film fait en quelque sorte la démonstration parfaite qu’un réalisateur ne filme jamais mieux que ce qu’il connaît. Pilote de guerre décoré et ancien cascadeur aérien, Wellman a su en effet exploiter son expérience dans l’escadrille Lafayette pour donner vie à des personnages de jeunes gens embarqués la fleur au fusil pour une guerre qu’ils ne connaissent pas et dont ils n’ont pas saisi la gravité au départ. Volontiers héroïque, individualisée, mélodramatique, mue par une ferveur naïve et profondément juvénile qui se grippe à mesure que le récit devient signifiant (l’exploit final se confond complètement avec la tragédie), l’œuvre vaut avant tout pour ses spectaculaires figures de combats dans l’espace, issues d’un engagement physique quasi impensable aujourd’hui.
4/6
L’ennemi public
Le prototype qui établit les bases du film de gangsters tel que la Warner allait en reproduire la formule pendant une décennie : vigueur du traitement, rapidité de l’exposé des situations, écriture sans fioritures, nerveuse, économe jusqu’au laconisme, bien adaptée à l’évocation réaliste de la vie urbaine, celle du
jazz age et des
roaring twenties, mais aussi celle des quartiers ethniques dont la pauvreté et la violence ordinaires métaphorisent la Dépression en cours. Autant de qualités assurant un propos limpide mais riche de l’hésitation entre conscience sociale et conscience tragique, et non dénué de contradictions : en réactualisant le mythe du self-made-man, l’œuvre participe à la défense des valeurs fondamentales du rêve américain à une époque où ces dernières ont perdu presque toute crédibilité.
4/6
L’étrange incident
Inhérent au folklore du genre, le lynchage a été le fait d’hommes trop enclins à considérer la force et la justice expéditive comme des panacées. Mais les réticences de certains exécutants involontaires ont rarement pu s’exprimer avec tant de sincérité que de ce western qui tient de la gageure : attacher le spectateur au récit d’une traque et d’une exécution sans grandiloquence, où sont mis en relief quelques échantillons d’une humanité peu séduisante. Isolant du reste du monde les tristes héros d’un drame sans couleur, à l’image des régions mornes et rudes où l’on oublie progressivement tout appel du cœur, Wellman stigmatise avec une précision d’avocat général les tares d’un Ouest en proie aux troubles de croissance qui le singularisent. Un réquisitoire implacable, tout de rigueur et de probité.
5/6
Au-delà du Missouri
On peut trouver ici comme une illustration du temps idyllique de l’Ouest tel qu’en témoignèrent un Washington Irving ou un Fenimore Cooper, l’évocation d’un nouveau monde romantique privilégiant les plans larges qui intègrent les personnages à la communauté et à une nature resplendissante, amoureusement sollicitée. Réalisé en pleine vogue ascendante des westerns pro-indiens, il offre par son refus de la dramatisation une approche étonnamment adulte du problème racial : là où Mann suggère des motivations économiques (
La Porte du Diable) et où Daves n’évite pas un certain paternalisme (
La Flèche Brisée), Wellman écrit une aventure solitaire, sereine, limpide, réglée sur le fil des saisons, et peint des êtres qui s’aiment et se respectent sans jamais faire la moindre allusion à leurs différences.
4/6
Convoi de femmes
À partir d’une belle idée scénaristique, Wellman emprunte à l’histoire de l’Ouest l’un de ses aspects les moins connus, jamais exploité auparavant par le western. Si le périple et ses embûches atteignent à la dimension de l’épopée, le drame naît du jeu des forces internes au sein d’un groupe portant en lui-même son destin, et où deux volontés pèsent mutuellement l’une sur l’autre, dans la grande tradition du récit initiatique. Parce qu’au temps des pionniers le danger résidait bien dans l’hostilité de la terre, du soleil, de la soif, de l’effort physique, cette âpre odyssée aux personnages remarquablement caractérisés, ce chant de courage, d’abnégation et d’opiniâtreté fertile en émotion (le décompte des mortes, la naissance en plein désert) et en euphorie (le bal final), s’impose assurément comme un modèle.
5/6
Mon top :
1.
L’étrange incident (1943)
2.
Convoi de femmes (1951)
3.
Au-delà du Missouri (1951)
4.
Les ailes (1927)
5.
L’ennemi public (1931)
Son passé d’aviateur, ses frasques de franc-tireur, son amour pour la bouteille, son caractère emporté en fait de Wellman l’une des premières personnalités légendaires d’Hollywood. Son œuvre, que je découvre tout juste, se distingue quant à elle par sa générosité, sa force d’engagement, son lyrisme puissant, qui ne sont pas sans rappeler celles de son contemporain Frank Borzage.