Anthony Mann (1906-1967)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Thaddeus
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Thaddeus »

Aahhh, les notes, encore et toujours... :o

J'ai l'impression de revenir là-dessus des dizaines de fois. Puisque vous êtes deux à me faire cette remarque, voici une (énième) tentative d'explication. Oubliez la note, qui est une manière d'affiner le commentaire. Ce qui compte, c'est ce dernier, et plus encore son association avec la note. On me reproche souvent ici (à juste titre ?) d'être trop généreux. A ces "accusations", je répondrai que je ne décoche la note maximale que très rarement : un 10/10, c'est une entrée dans le top 100. Et il y a doit y avoir à peine plus du double (200 films, donc) que je note 6/6. Sur le volume de films que j'ai vus dans ma vie, c'est donc assez rare. J'aime énormément les films de Mann, mais aucun qui ne puisse atteindre ce cercle très fermé. Je fais donc part de mon enthousiasme dans mes commentaires, puis note 5/6 (qui est une excellente note) pour signifier que je n'irais quand même pas jusqu'à les faire intégrer le top de mes 200 films préférés.

PS : sur un barème de 10, je mets 9 à L'Homme de la Plaine. :wink:
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Jeremy Fox
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit :Aahhh, les notes, encore et toujours... :o
Ah mais je ne te reprochais rien (je connais parfaitement le débat sur les notation et on m'en a fait aussi souvent la remarque) ; je te disais juste que sur 6, mes propres notes pour les Mann/Stewart auraient toutes été maximales (sur 10, elles oscillent entre 8 et 9.5) :wink: A côté de ça, tes commentaires me conviennent parfaitement.
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Demi-Lune
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Demi-Lune »

Thaddeus a écrit :Aahhh, les notes, encore et toujours... :o
D'ailleurs, seulement 4/6 à La chute de l'Empire romain... :cry:

Enfin, c'est toujours mieux que le 3/6 attribué à Mishima.
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Jeremy Fox
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jeremy Fox »

Demi-Lune a écrit :
Thaddeus a écrit :Aahhh, les notes, encore et toujours... :o
D'ailleurs, seulement 4/6 à La chute de l'Empire romain... :cry:
Je ne lui aurais même pas mis la moyenne pour ma part. Ce film m'ennuie au plus haut point ; tout comme L'homme de l'Ouest d'ailleurs :arrow:
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Thaddeus
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Thaddeus »

Demi-Lune a écrit :D'ailleurs, seulement 4/6 à La chute de l'Empire romain... :cry:

Enfin, c'est toujours mieux que le 3/6 attribué à Mishima.
Bah ouais. :(

D'ailleurs, ça me fait penser qu'il faut que je mette à jour mes visionnages du mois. Je me laisse toujours déborder ; encore une fois, j'ai au moins une demi-douzaine de films de retard dans mon compte-rendu.
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Profondo Rosso
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Profondo Rosso »

Winchester 73 (1950)

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La Winchester modèle 1873 est l'arme qui a conquis l’Ouest. Tous les cow-boys rêvent d'en avoir une. L'usine Winchester, qui la fabrique, en distingue de temps à autre une en particulier dont la qualité dépasse celle de toutes les autres, et cette carabine d'exception est appelée « une sur mille ». Justement, l'une d'elles est l'enjeu du concours de tir organisé à Dodge City pour les fêtes du centenaire de l’indépendance. C'est aussi la raison pour laquelle Lin McAdam s'y rend mais son objectif n'est pas tant de gagner la carabine que de retrouver un homme qui, tireur émérite comme lui, pourrait bien se trouver parmi les candidats.

Winchester 73 est le film qui lance le grand cycle westerns réunissant Anthony Mann et James Stewart, soit des classiques comme Les Affameurs (1952), L'Appât (1953), Je suis un aventurier (1954) L'Homme de la plaine (1955). Pour ce premier film en commun, James Stewart est au départ sollicité par Universal pour tourner dans la comédie Harvey (1950) et le studio en quête d'une tête d'affiche pour son prochain western lui propose également le projet Winchester 73. Impressionné par la mise en scène d'Anthony Mann sur La Porte du diable (1950), Stewart (qui avait croisé la route de Mann dans les années 30 au sein de sa compagnie théâtrale Stock Company) le propose donc au studio après la défection de Fritz Lang initialement engagé. Anthony Mann accepte donc après avoir largement fait remanier le scénario initial de Robert L. Richards (adapté du roman Big Gun de Stuart N. Lake) par Borden Chase.

Le film sans avoir la complexité psychologique des films suivants du cycle offre par son scénario une trame très originale tout en étant traversée par une série d'archétype du western. Le fil conducteur, ce sera la quête de vengeance obsessionnelle de Lin McAdam (James Stewart) poursuivant le malfrat Dutch Henry Brown (Stephen McNally) , le motif et les liens qui les unissent se révélant progressivement. L'enjeu de leur première confrontation sera le gain de l'arme la plus fameuse de l'Ouest, la Winchester 73, durant un concours de tir. Cet objet sert de révélateur à leur antagonisme pour le spectateur et il en aura de même avec le passage de main en main de l'arme mythique tout au long du récit. Chaque changement de propriétaire est l'occasion de disposer une situation archétypale du genre pour un Anthony Mann qui la transcende à chaque fois par son regard sur la situation, sa mise en scène ou les interactions qu'il crée entre les personnages. La rivalité sur fond de virtuosité de tir tisse de manière ludique et palpitante la haine entre Lin et Dutch, on s'amusera de la roublardise du marchand d'armes John McIntire gagnant la Winchester aux cartes pour basculer dans une brutalité sèche ensuite lorsque le chef indien Young Bull (Rock Hudson) s'en empare à son tour. Anthony Mann pose un regard à la fois réaliste et baigné de la mythologie et l'histoire de l'Ouest qui humanisera toujours un peu plus un James Stewart fort intimidant au départ. La rencontre avec le célèbre Wyatt Earp (incarné avec bonhomie par Will Geer) exprime bien cette idée, la force de la légende calmant les ardeurs violentes et imposant le respect à Lin lorsqu'il se présentera. Un affrontement avec une armée d'indiens hargneux - avec en filigrane de nouveau l'élément réel de la chute de Custer à Little Big Horn - est ainsi l'occasion pour Mann de mener un morceau de bravoure d'une violence rare (les morts sanglantes et douloureuses abondent) dont le déroulement montre les qualités de stratèges de Lin tout en se concluant sur un instant de camaraderie chaleureux - Jay C. Flippen en officier de l'armée emportant l'adhésion du spectateur en quelques minutes de présence à l'écran - où les alliés d'aujourd'hui se souviennent des temps où il furent adversaires lors des batailles de Gettysburg et Shiloh .

Ces allers-retours entre violence et humanité du récit expriment donc les soubresauts des sentiments de Lin, symbolisant la violence et les espoirs de l'Ouest à lui seul. L'avenir possiblement plus doux se devine à travers les rencontres répétées et la romance en pointillé avec la chanteuse Lola Manners (Shelley Winters) dont les mésaventures feront voir également le danger (les indiens), la lâcheté et la folie ordinaire de l'Ouest (Dan Duryea imprévisible en pistolero psychotique. On oscille ainsi constamment entre l'apaisement et le chaos sans que la tension ne se relâche dans une narration rondement menée et fluide, Anthony Mann concluant l'ensemble sur une conclusion mémorable lors du duel entre Lin et Dutch. La gestion de l'espace magistrale, l'intelligence des deux adversaires et leur sang-froid se combinent de manière virtuose dans la mise en scène de Mann. Le déterminisme vengeur du récit aura toujours été contrebalancé par le contraste des rencontres et péripéties et après l'exutoire final violent, la conclusion semble enfin promettre autre chose pour les personnages. Le cycle démarre sur des hauteurs fabuleuses. 5,5/6
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par villag »

De tout le cycle Mann / Stewart, celui ci est mon préféré, juste avant LES AFFAMEURS ....
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Profondo Rosso »

Avant Winchester 73, Les Affameurs était le seul du cycle que j'avais vu je vais me régaler ! :)
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit :Avant Winchester 73, Les Affameurs était le seul du cycle que j'avais vu je vais me régaler ! :)
C'est clair même si pour moi Les Affameurs reste insurpassable.
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Profondo Rosso »

Oui j'en garde un bon souvenir, je vais le revoir aussi parti sur ma lancée !
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Kevin95 »

A force on va sans doute tous les faire, mais mon préféré reste The Naked Spur. 8)
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Jeremy Fox »

Test du Blu-ray Sidonis de La Charge des tuniques bleues par Stéphane Beauchet.
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Kevin95 »

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THE FALL OF THE ROMAN EMPIRE - Anthony Mann (1964) révision

Que Cleopatra de Joseph L. Mankiewicz ait été un bide, bon... à la rigueur - trop gros pour passer - mais que le film d'Anthony Mann ait lui aussi mordu la poussière ou pire, que les adorateurs du cinéaste continue de le dénigrer, ça me dépasse. The Fall of the Roman Empire est à la fois d'une intelligence folle comme savaient l'être les péplums fin de règne (Cleopatra, Spartacus et quelques autres) mais en plus, il ne radine pas sur les séquences à grand spectacle, du genre à faire chialer en scope couleurs (l'enterrement de Marcus Aurelius, le poursuite en chars, le duel final...) Depuis Man of the West, Mann n'a plus à prouver son aisance en format large et use de son rectangle avec maestria, entre frime grandiloquente et pureté du cadre. Hormis un Stephen Boyd à gros sabots, le casting est tout aussi musclé que celui d'un Spartacus, au hasard : Alec Guinness en pré Obi-Wan Kenobi, James Mason Shakespeare-ien en diable, John Ireland en barbare ou Christopher Plummer enfiévré. Rien d'impersonnel là-dedans, les quelques accès de violence portent la marque du metteur en scène comme lorsque Mason est torturé (l'impression de voir la main brulée n'est due qu'au génie du découpage). Martin Scorsese ne tarit pas d'éloges sur le film, Ridley Scoot aussi, je présume, vu que Gladiator pille allégrement The Fall of the Roman Empire. Haut niveau.
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Kevin95 »

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THE FURIES - Anthony Mann (1950) découverte

A force d’applaudir les westerns du duo Anthony Mann / James Stewart, on en oublierait de réserver le même sort aux westerns de Mann en solo. Voir Man of the West (pas assez cité à mon goût) ou ce The Furies, qui derrière les vachers, les grandes prairies, les revolvers et les chapeaux longs, cache une tragédie à la grecque superbe, jamais chichiteuse, tranchante sans se faire prier (peut-être l'une des œuvres les plus âpres du réalisateur). Skakespeare-ien pour faire le beau, violent pour être juste, The Furies est une pépite noire dont le cœur serait le face à face brutal, presque incestueux, entre le père Walter Huston et la fille revêche Barbara Stanwyck. Attention à la paire de ciseaux, elle, comme le film, laisse quelques cicatrices.
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Re: Anthony Mann (1906-1967)

Message par Profondo Rosso »

Incident de frontière (1949)

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Un vaste réseau criminel fait passer illégalement des paysans mexicains aux États-Unis pour les exploiter à moindre coût, avant de les renvoyer chez eux et de les assassiner à la frontière. Les services d’immigration mexicains et américains décident de conjuguer leurs talents pour en venir à bout et chargent deux de leurs meilleurs enquêteurs d’infiltrer l’organisation.

Border Incident est le premier film que signe Anthony Mann pour la MGM après avoir fait ses preuves dans des séries rondement menées notamment au sein de la RKO. Le sujet et l'âpreté du traitement peuvent surprendre pour une production MGM mais résultent d'une volonté de s'ouvrir à une veine plus réaliste. Ce changement vient notamment de l'embauche du producteur Dore Schary aux fortes préoccupations de gauche et qui emmène dans son sillage nombre de collaborateurs ayant la même sensibilité. Il résulte donc de cela des productions aux questionnements sociaux forts (Feux croisés de Edward Dmytryk (1947) un des plus gros succès critiques et public de Dory à la RKO traitait notamment de l'antisémitisme) qui vont idéalement se mêler à l'approche efficace d'Anthony Mann. Border Incident est une œuvre à la croisée des chemins pour le réalisateur qui retrouve le postulat d'une de ses plus fameuses série B (La Brigade du suicide (1947) réalisé pour Edward Small Productions) avec ses policiers infiltrés dans un cadre qui annonce son virage mémorable vers le western.

La Brigade du suicide, son tournage à l'économie et ses décors studios cèdent donc aux grands espaces californiens et cette frontière mexicaine où sont cruellement agressés des travailleurs clandestins. La photo de John Alton baigne pourtant d'une même incertitude et danger les pérégrinations de nos policiers, les extérieurs dissimulant puis révélant une mort brutale (la saisissante embuscade de travailleurs dans le canyon, un champ dont l'horizon nocturne guide vers des ténèbres mortelles) tandis que le casting recèle de trognes intimidantes. Côté mexicain c'est la cupidité et la violence crasse des petites mains décérébrées tandis que chez les profiteurs américains (le personnage d'Howard Da Silva) le calcul sournois et l'avidité masquent une profonde lâcheté. Le scénario remarquable caractérise le flic américain (George Murphy) et mexicain (Ricardo Montalban) dans l'action, la gouaille de l'américain dupant autant les adversaires que le profil bas et l'audace de Ricardo Montalban. La menace permanente de cette mission en infiltration se ressent par l'incroyable violence de l'ensemble. Tortures, mise à mort expéditives ou savamment mise en scène (une moissonneuse qui fera de sacré dégâts) parsèment un récit qui renvoient dos à dos les communautés mexicaines et américaines soumises à une même avidité et corruption. Le final est un sacré moment où le film noir se mêle brillamment au western dans un face à face au sein d'un canyon, notamment la composition et le cadrage qui précède un affronte au fusil. L'année suivante Anthony Mann allait signer une sacrée triplette western avec Les Furies, La Porte du diable et Winchester 73 (ce dernier lançant son fameux cycle avec James Stewart) et tout le brio qu'il démontrera dans le genre est déjà là, tout en reposant sur la stylisation et la férocité de son passif dans le film noir. 5/6
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