


Avant que la maigreur de la distribution ne fasse disparaître ce film des mémoires, quelques mots rapides...
... même si en fait, La chambre interdite, ben ça se raconte pas. C'est typiquement l'expérience de cinéma de la Quatrième dimension qui se vit dans les salles obscures, seul de préférence. Dès le générique, on a l'impression d'avoir capté un programme de Vidéodrome à la sauce Grindhouse : ça met dans le bain.
Les critères communs d'évaluation n'ont plus grande pertinence, il faut faire le saut de foi. Car Maddin et Johnson, eux, ils l'ont la foi. Dans le Cinéma. A vous de voir si ça devient le panard ou si ça devient le cauchemar - sachant que le film est un cauchemar, dans les sensations qu'il convoque, dans ses textures (pour vous faire comprendre comment, perso, j'ai vécu le bad-trip, on dirait une divagation filmée par Jack l’Éventreur sous Absinthe), dans ses triturations visuelles à mon sens particulièrement dérangeantes dans ce qu'elles déterrent de plus primitif du surréalisme muet. Énorme travail sur la bande sonore, aussi. Je me retiens de parler de Lynch car ce serait une tarte à la crème, mais ce que propose Maddin, je trouve que c'est, sur le plan cinématographique, une tentative vraiment intéressante de retranscrire l'indicible inquiétant et embrouillé du mauvais rêve, avec ces situations sans logique voire d'impasse desquelles on s'échappe pour retomber dans quelque chose d'encore plus étrange, ces visages dont on n'arrive pas à se souvenir, ces décors indistincts, l'impossibilité d'y mettre un terme (le film est très - trop - long).
De ce point de vue, La chambre interdite est une expérience assez radicale mais également tout à fait fascinante. En fait, ça ne ressemble à rien que je connaisse. Inlassable poupée russe de rêves sans queue ni tête, d'exotisme surréel inquiétant, de cheap, de grotesque (mention spéciale aux bananes Ashwang) et de bizarre, qui déconcerte sans que la rupture ne se produise jamais, on sort de ce film comme d'une séance d'hypnose, vacillant, avec la sensation perturbante qu'il s'est passé plein de choses qu'on ne parvient pas à se remémorer. Dans un cinéma sclérosé qui n'avance plus, qu'une telle proposition, certes ardue et fragile, déboule sans crier gare prouve qu'il y a toujours matière à espérer.