Richard Brooks (1912-1992)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jeremy Fox »

J'aime vraiment énormément le Brooks des années 50 et je n'ai jamais vu ce deuxième film (très fan de Cas de conscience), beaucoup moins celui de la décennie suivante. Alléchant cet avis en tout cas :wink:
bogart
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par bogart »

bruce randylan a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Il n'est pas inutile de le redire : le film existe en DVD dans la collection "écrivains à Hollywood" uniquement disponible à la Fnac et sur le site Warner. Copie non restaurée (un peu sale) et cependant très belle (bien compressée, bien définie, bien contrastée). On trouve en ce moment le DVD à 1.99 dans différents Noz ; mais en petites quantités.
:shock: :o :cry:
C'est là où je regrette d'habiter Paris.

Le mois dernier j'ai vu Miracle à Tunis (The light touch - 1952) sur TCM

Deuxième réalisation de Brooks pour une petite comédie policière plaisante bien que sans grande ambition ni grande surprise. Stewart Granger y joue avec délectation un voleur d'oeuvre d'arts qui décide de faire croire que le tableau religieux qu'il vient de voler a brûlé pour ensuite demander à un faussaire d'en faire des copies. Évidement le faussaire est une femme croyante et naïve tandis que plusieurs gangsters essayent de mettre la main sur la peinture. Mais entre la copie et l'originale, il peut-être facile de se tromper.

Il y a du rythme, un casting savoureux (George Sanders et Joseph Calleia en plus), une réalisation élégante, quelques bons dialogues, un tournage sur lieux où se déroule l'action (l’Italie), un dosage des genre plutôt efficace. Après, c'est pas très original (beaucoup de films sont passés par là aussi) et sans grande prise de risque mais le charme, les nombreuses péripéties, l'immoralité flegmatique de nombreux personnages en font un divertissement plaisant à défaut de palpitant.
J'ai également passé un bon moment lors de la vision de ce film, et puis le casting est savoureux.
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Jeremy Fox
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jeremy Fox »

La chronique de Bas les masques. Et le test du Bluray Rimini signé Jean-Marc Oudry.
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Jack Carter
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jack Carter »

Week-end Richard Brooks presenté par Michel Ciment les 19 et 20 septembre à l'Institut Lumiere.

Les Films presentés : Cas de conscience, La Chatte sur un toit brulant, De sang froid, A la recherche de Mr Goodbar et Lord Jim

Parallelement, un dossier sera conscré au cineaste dans le Positif de septembre.

http://www.institut-lumiere.org/actuali ... rooks.html
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Profondo Rosso
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Profondo Rosso »

Le Repas de noces (1956)

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Apprenant, au cours d’un repas de famille, que leur fille va se marier, un couple d’origine modeste décide de tout mettre en œuvre pour offrir à Jane (Debbie Reynolds) la cérémonie rêvée. En dépit de la préférence de cette dernière pour une fête sans fioriture, ses parents se sentent en compétition avec ceux du futur époux, Ralph (Rod Taylor) dont la sœur a eu droit à un mariage somptueux.

La filmographie de Richard Brooks durant les années 50/60 se partage le plus souvent entre grands sujets (la délinquance juvénile dans Graine de violence (1955), le fanatisme religieux pour Elmer Gantry (1960)), adaptations prestigieuses (F. Scott Fitzgerald avec La Dernière fois que j'ai vu Paris (1954), Tennessee Williams sur La Chatte sur un toit brûlant (1958)), Dostoïevski dans Les Frères Karamazov (1958) voire les deux pour le sommet De sang-froid (1967) d'après Truman Capote. Bien que placé sous patronage haut de gamme (Gore Vidal au script adaptant une pièce télévisée de Paddy Chayefsky) Le Repas de noces détone par sa modestie dans cette ensemble.

Le drame du film se noue autour d'un évènement supposé heureux, lorsqu’Agnes (Bette Davis) et Tom Hurley (Ernest Borgnine) apprennent le mariage futur de leur fille Jane (Debbie Reynolds). Cette annonce va pourtant provoquer la discorde au sein de la famille à cause de la volonté de Jane de faire un mariage modeste et intime. Les Hurley se trouvent donc dans un premier temps confrontés à leurs limites financières, Agnes ne pouvant se résoudre à ne pas offrir un somptueux mariage à sa fille. Le script semble d'abord illustrer ce désir contrarié à travers une dimension sociale et le regard des autres, que ce soit la suspicion autour de cette cérémonie précipitée (Jane se trouvant peut-être dans "l'embarras") ou le complexe d'infériorité face à la famille nantie du marié Ralph (Rod Taylor). Les tensions naîtront donc de ce côté bassement pécuniaire et du déséquilibre qu'amène la démesure annoncée de ce mariage dans le quotidien des Hurley, bouleversant les projets d'une vie pour Tom et n'étant plus en adéquation avec la modestie de leurs entourage (la meilleure amie de Jane ne pouvant payer la robe de demoiselle d'honneur).

On devinera pourtant progressivement les raisons de cet acharnement d'Agnes à travers le jeu subtil de Bette Davis. La star détone dans ce rôle modeste de mère de famille dénué des excès esthétiques ou dramatiques des interprétations qui ont fait sa gloire. Elle reste digne dans sa quête maladive d'une cérémonie fastueuse, car la surface superficielle dissimule une fêlure bien plus grande pour le personnage. Les révélations sur le passé de la famille (avec la disparition d'un fils mobilisé à la Guerre de Corée) illustrent la culpabilité cette mère au moment de perdre sa fille mais aussi sa terreur face à la solitude d'une maison vide où elle s'annonce le tête à tête avec ce mari dont elle se sera éloignée au fil des années. Des questionnements ordinaires que Richard Brooks rend captivant par sa mise en scène sobre capturant avec une tendresse bienveillante le quotidien de cette famille, bien aidé par une interprétation touchante. Outre Bette Davis (dont c'était un des deux rôles favoris), Ernest Borgnine est très attachant en patriarche bourru et dépassé, offrant une bouleversante scène de confession où s'exprime tout le dépit des parents ayant tout sacrifié à leur progéniture. Barry Fitzgerald est très amusant en oncle quelque peu encombrant. Au passage on passage Brooks fait montre d'une sensualité assez inattendue dans la manière de filmer Debbie Reynolds, érotisée dans des moments assez anodins qui interpellent ou dans une scène trouble où les vœux du mariage ne sont pas loin d'être prématurément rompus. Une belle histoire, pleine de bienveillance sans jamais tomber dans la mièvrerie. 5/6
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Jeremy Fox
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jeremy Fox »

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Thaddeus
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Thaddeus »

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Bas les masques
Ancien journaliste, Brooks embrasse ici un sujet qu’il connaît bien. Son goût pour les idées le conduit à s’intéresser à de grands sujets, mais son idéalisme combattif ne dissimule pas toujours la raideur de leur traitement. La preuve avec cet éloge de ce que les dialogues présentent comme le plus beau métier du monde, qui articule une réflexion sur la défense de l’idée démocratique illustrée par la liberté de la presse. Le reporter opiniâtre et intègre y figure le héraut inflexible de l’indépendance et du combat pour la vérité, en butte aux groupes de pression qui veulent le bâillonner, à la pègre qui cherche à l’éliminer, à la politique hégémonique des empires de l’édition. La démonstration est certes virulente mais un peu prisonnière de ses intentions et de la relative fadeur de la mise en scène. 3/6

Le cirque infernal
Le quotidien d’une antenne chirurgicale en pleine guerre de Corée : si le sujet en rappelle en un autre, on est pourtant bien loin de M.A.S.H. En racontant comment un médecin militaire se voit sauvé du dégoût de la guerre par l’amour d’une infirmière, le réalisateur exalte le courage sans musique ni médailles d’êtres qui se battent contre la mort et la souffrance, qui comprennent que les préjugés n’ont plus de saison sous le trente-huitième parallèle, que seule compte une abnégation capable de combattre l’horreur du présent. Mais les intentions humanistes, si irréprochables soient-elles, ne sont pas gage de réussite décisive, comme le prouve cette chronique sage et appliquée, d’un optimisme véhément. S’il est de toute évidence un honnête homme, Brooks n’est pas encore un cinéaste accompli. 3/6

Sergent la terreur
Brooks voulait, paraît-il, faire le portrait d’un fasciste en puissance, d’un homme usant de méthodes totalitaires dans une nation démocratique, et de soldats se battant pour une cause qui n’en vaut pas la peine. Il est rare d’observer un tel écart entre les intentions originelles d’un film et son résultat final tant l’entreprise s’impose rien moins que comme une apologie de la discipline, de l’intransigeance et de l’autorité. Entérinant avec naïveté les méthodes du sergent instructeur, s’émerveillant de la formation expresse des jeunes recrues, transformées au doigt et à l’œil en un peloton de fantassins chantant la gloire de l’armée américaine, le film est comme un Full Metal Jacket à finalité inversée, dont le collier de poncifs (mention à l’inepte parenthèse amoureuse) et le militarisme forcené laissent assez incrédule. 2/6

Graine de violence
La même année sort La Fureur de Vivre, et il est intéressant de comparer les deux approches d’un champ thématique consacré à la jeunesse américaine et au malaise de l’éducation, même si ce film traite moins de la délinquance que d’une méthode d’enseignement. Romantique et écorché, Nicholas Ray se place du côté des adolescents, là où plus, didactique, plus discursif, Brooks adopte le regard désemparé du professeur progressiste, décidé à faire évoluer les mentalités alors qu’il se découvre aux prises avec ses propres préjugés. En soulignant les tares du système éducatif, les résidus de l’intolérance raciale et la réalité de la criminalité juvénile, il contrarie une forme d’idéalisme crédule par une lucidité anxieuse, mais son constat reste trop démonstratif et rigide pour provoquer une véritable adhésion. 3/6

La dernière chasse
Brooks prend sa part au problème indien et esquisse à travers le massacre des troupeaux de bisons, les bivouacs des trappeurs et le gel d’une nature dangereuse, un romanesque qui évoque la contemplation d’une idée fixe autant qu’il approfondit la figure du héros dupe de son rêve. Si on le replace dans le contexte de sa réalisation, ce western cruel sur la chasse au profit, le goût du sang qui enivre et détruit, la trahison d’un idéal de coexistence pacifique sacrifiée sur l’autel de la possession à court terme, stigmatise une culpabilité que le cinéma américain était encore frileux à évoquer. Même sans cette remise en perspective, il offre son lot d’aventures et de confrontations entre Stewart Granger, pisteur repenti dégoûté par son passé, et Robert Raylor, vraie pourriture derrière sa belle gueule. 4/6

Le carnaval des dieux
En 1952, le Kenya est sujet à une vague de révolte : les Mau-Mau prennent les armes et cherchent à s’émanciper de la domination des colons. Au risque de choquer l’Amérique, Brooks fait des rencontres et de l’amitié brisée entre le Noir et le Blanc autant d’emblèmes des relations raciales. Son style appliqué relève du réquisitoire mais l’inquiétude généreuse avec laquelle il analyse l’inextricable conflit des cultures, l’envenimement de rapports fondés sur la domination et l’appropriation des terres et du pouvoir, assure une véritable force de frappe à son propos. Réfutant tout angélisme, tout espoir trop grand en une résolution heureuse, il laisse percevoir une amertume qui brise les certitudes et en appelle aux consciences. Et puis, remarque toute accessoire, Dana Wynter est particulièrement jolie. 5/6

Les frères Karamazov
Si cette adaptation de Dostoïevski parvient à prendre le contre-pied de la routine hollywoodienne, c’est notamment par son utilisation signifiante du procédé Metrocolor : sa photographie saturée, ses éclairs de rouge sanglant, ses toiles de fond violettes, ses ombres vertes ne sont pas seulement décoratives mais servent de "corrélatifs objectifs" à la psychologique proto-freudienne des personnages. Le caractère cosmopolite de la distribution, le quadrille des regards (les yeux noirs de Yul Brynner et Claire Bloom, ceux d’un bleu limpide de Maria Schell et Richard Basehart), la force émotionnelle de certaines séquences (l’enfant mortifié par l’humiliation de son père, et dont le pardon vaut une très belle fin) constituent autant de qualités à porter au crédit d’une œuvre malgré tout un peu lourde et inégale. 4/6

La chatte sur un toit brûlant
L’univers névrotique de Tennessee Williams est habilement retranscrit dans cette adaptation exubérante où s’épanouissant idéalement des acteurs très à leur aise : Paul Newman en looser désabusé, dont la virilité abîmée cache de troubles penchants, et Liz Taylor en épouse frustrée mais toujours au faîte de sa séduction. Le psychodrame est efficace et zébré d’éclairs de tendresse, la peinture de cette grande famille du Sud se charge de vitriol et de subversion en douce, la réalisation tente avec un inégal succès d’essorer toutes les tensions d’un règlement de comptes familial où les non-dits ne demandent qu’à éclater. La subtilité n’est pas toujours au rendez-vous, mais la mise en scène confère aux personnages une vraie présence sensuelle, et la narration captive et emporte. 4/6

Elmer Gantry, le charlatan
Avec courage, honnêteté et rigueur intellectuelle Richard Brooks s’attaque ici au phénomène évangéliste, aux dérives de l’apostolat, à la prédication populaire et à l’hystérie collective qu’elle génère. Serrant au plus près l’évolution psychologique du couple Elmer-Sharon, il extirpe la racine du mal, analyse en profondeur les comportements et les mentalités d’une mission itinérante, met en lumière le mercantilisme et le puritanisme de la religion-spectacle, et exprime toute l’ambivalence d’un prêcheur inséparablement illuminé et escroc, victime de l’apparence qu’il présente au monde. La présence aux côtés du matamore du journaliste agnostique (alter ego probable du réalisateur) ne donne que plus d’éloquence à ce tableau féroce, fable acide mais émouvante sur la jobardise humaine, la privation et le renoncement volontaire. 5/6

Doux oiseau de jeunesse
Brooks a tourné contre son gré et pour des raisons contractuelles cette nouvelle adaptation de Tennesse Williams. D’où sans doute un sentiment de fausse névrose face à un drame familial dont chaque élément semble prélevé à la source luxueuse du soap californien : le gigolo de retour au pays, la star alcoolo et vieillissante, le gouverneur intraitable au pouvoir corrompu et néfaste, la jeune fille sacrifiée sur l’autel paternel… Bien chargé en drogues, chantages, hypocrisies et turpitudes diverses, le script trouve heureusement dans le métier du cinéaste une maîtrise qui lui assure l’ossature dramatique requise et n’abaisse les thématiques rebattues des ambitions chimériques, des illusions aliénantes, des affres de l’ambition et des rêves perdus de jeunesse à de simples valeurs monétiques. 3/6

Lord Jim
En adaptant Joseph Conrad, le cinéaste s’appuie sur une superbe ossature romanesque, riche d’enjeux et de dilemmes profonds. Mais il convient de rendre justice à la clarté et à l’inspiration attentive de sa mise en scène, qui utilise parfaitement l’ambigüité du visible puisque l’aventure se comprend aussi comme initiation et comme salut. Dans les temples, les nuits et la brume de la jungle cambodgienne où il tente d’échapper aux tourments de sa faute, un officier de marine hanté par la culpabilité continue de quêter auprès des autres et de lui-même une impossible rédemption et remonte à la source de son destin, de sa vocation, jusqu’à sacrifier sa vie pour son idéal. Une captivante réflexion sur la lâcheté, l’héroïsme, la grandeur d’âme, servie par un Peter O’Toole tout de force et de fragilité mêlées. 5/6

Les professionnels
Lee Marvin, Burt Lancaster, Robert Ryan et Woody Strode sont engagés pour retrouver l’épouse d’un riche businessman enlevée par des révolutionnaires mexicains : la dame est Claude Cardinale, sauvage et sensuelle, plus bellissime que jamais. On pourrait considérer qu’il est inutile d’aller plus loin, et qu’un tel casting offre déjà la garantie d’un bonheur complet. Ce serait sans parler de la profondeur des caractères, de la plénitude d’une action trépidante qui définit visuellement les éléments du récit, ni de l’intelligence avec laquelle les notions d’engagement, de conscience et d’amitié s’intègrent à une problématique qui sait aussi se faire métaphore de la question vietnamienne. De la grandeur et des sentiments, de l’aventure et du suspense, de la complexité et du panache : un western idéal. 5/6

De sang froid
Cinéaste de la responsabilité individuelle et collective, Brooks évite à la fois les écueils de l’explication psychologique et ceux de la thèse facile sur la peine de mort. Cette adaptation du livre de Truman Capote est une manière de polar malade qui stylise le noir et blanc pour mieux exprimer le malaise d’une société sans âme, égoïste, celle de l’Amérique capitaliste générant inconsciemment des monstres qui sont aussi des victimes. En analysant les mécanismes de la violence, le cinéaste entend souligner l’intensité des choses et les enchaînements implacables de l’existence, sans verser dans la dictature du réalisme ni dévoiler une quelconque nécessité naturelle ou sociale. Une œuvre à la fois glaciale et perturbante, qui nous fait ressentir une souffrance presque bâillonnée, comme muette, indicible. 4/6

La chevauchée sauvage
Comblant une étape intermédiaire et complétant une peinture néo-industrielle de l’Ouest, le film se déroule significativement au début du XXème siècle et décrit l’après de la conquête, la disparition du cow-boy, la fin d’une aventure devenue spectacle dont les signes pervertissent la signification sans en altérer l’apparence. L’action suffit ici à exprimer le sens, l’image en dit autant que le dialogue, même si le réalisateur ne peut s’empêcher de vouloir expliciter (les ralentis) ou si le récit s’en remet parfois un peu trop à sa stricte fonctionnalité. Et bien que l’humanisme idéaliste de Brooks se teinte de scepticisme, sa célébration sans emphase de l’amitié, de la solidarité, de la loyauté, de l’amour des hommes, de la terre et des chevaux, offre son charme à ce western mâtiné, truculent et sincère. 4/6

À la recherche de Mr Goodbar
À un monde (l’Amérique de 1977, captée tel un instantané sociologique) qui n’est plus permissif mais juste indifférent, le cinéaste oppose une héroïne en révolte contre les carcans puritains où l’on tente de l’étouffer et dont l’éducation catholique demeure le symbole originel. Pourtant cette jeune femme est double, et ce qui la fait courir de bar en boîte de nuit, de sex-shop en partouze, c’est la recherche confuse de l’autodestruction, la quête d’un plaisir sans tabou qui se définit par la disparition progressive de la lumière et s’achève dans un noir et blanc stroboscopique. D’une amertume sans recours, d’une lucidité anxieuse qui évite l’humanisme crédule comme le psychologisme moralisant, le film est une odyssée crue, angoissée, donnant à voir de surcroît tout le talent d’une très grande actrice, Diane Keaton. 5/6
Top 10 Année 1977


Mon top :

1. Elmer Gantry, le charlatan (1960)
2. Les professionnels (1966)
3. À la recherche de Mr Goodbar (1977)
4. Le carnaval des dieux (1957)
5. Lord Jim (1965)

J’aime beaucoup la vigueur et l’acuité de son regard de sociologue, ainsi que l’honnêteté avec laquelle Richard Brooks traite ses sujets à fort potentiel polémique. Il brille de plus d'une qualité finalement assez précieuse : ses films ont tendance à s'améliorer au fur et à mesure de sa carrière. Plus je creuse celle-ci, et plus j’estime que ce cinéaste est important, voire franchement sous-estimé.
Dernière modification par Thaddeus le 28 oct. 18, 18:59, modifié 10 fois.
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit : Il brille de plus d'une qualité finalement assez précieuse : ses films ont tendance à s'améliorer au fur et à mesure de sa carrière.
Je pense exactement le contraire ; je trouve qu'il n'a jamais été aussi percutant et attachant que dans les années 50. Je trouve la plupart de ses grosses machines des années 60 sans trop d'âme (Les Professionnels, Lord Jim...)
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Demi-Lune
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Demi-Lune »

Jeremy Fox a écrit :Je trouve la plupart de ses grosses machines des années 60 sans trop d'âme (Les Professionnels, Lord Jim...)
Même avis concernant Les professionnels. Le casting en impose sévère, mais il y a quelque chose de terriblement routinier, plan-plan, dans l'exécution qui empêche constamment le film de décoller. Je me souviens que la musique "à la Mexicaine" était bien pénible, aussi.
Je sais que cette opposition fera encore hérisser les poils des spécialistes, mais face au western léonien à la même époque, je trouve que cette manière de faire ne tient plus la route. C'est devenu anecdotique.
De Brooks, j'aimerais beaucoup découvrir De sang froid, en revanche.
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Jeremy Fox
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jeremy Fox »

Demi-Lune a écrit : Je sais que cette opposition fera encore hérisser les poils des spécialistes, mais face au western léonien à la même époque, je trouve que cette manière de faire ne tient plus la route. C'est devenu anecdotique.
Les cinéastes ayant poursuivi dans leur voie très classique ont encore parfois brillé sans chercher à imiter les italiens (je pense notamment à Hathaway, McEveety). Ceux ayant tenté de suivre ce nouveau style se sont à mes yeux souvent plantés. Je n'apprécie guère non plus les blockbusters westerniens des années 60 dont le premier fut Les 7 mercenaires et dont fait partie le Brooks justement.

Mais sinon, je ne vois pas pourquoi le classicisme serait devenu anecdotique après que le dynamitage du genre ait commencé. Dans une optique historique peut-être (et encore) mais pas dans une optique du plaisir pris devant un film. Ce serait comme trouver anecdotique les films de Tavernier et autres films jugés hâtivement comme étant "qualités françaises" après le passage de la Nouvelle vague ; on sait que cette rivalité n'avait finalement pas lieu d'être et que les deux avaient le droit de se côtoyer sans que l'un soit nécessairement meilleur que l'autre.

On peut trouver plaisant au contraire des westerns qui n'ont pas changé de style indépendamment de l'évolution du genre (d'autant plus lorsqu'on ne supporte pas vraiment le western transalpin).
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Thaddeus
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Thaddeus »

J'avoue être assez surpris par vos avis négatifs sur Les Professionnels, que j'ai découvert pas plus tard qu'avant-hier et qui m'a offert un gros panard. Pour moi c'est le top du western à la fois spectaculaire et intelligent, limpide et complexe, articulé autour d'enjeux captivants et qui ne relève en rien du simplisme mécanique et frelaté que vous semblez lui reprocher. J'adore Leone, tout comme j'aime ce genre de propositions plus classiques (dans la forme) mais résolument modernes (dans le fond).
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Jeremy Fox
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit :J'avoue être assez surpris par vos avis négatifs sur Les Professionnels, que j'ai découvert pas plus tard qu'avant-hier et qui m'a offert un gros panard. Pour moi c'est le top du western à la fois spectaculaire et intelligent, limpide et complexe, articulé autour d'enjeux captivants et qui ne relève en rien du simplisme mécanique et frelaté que vous semblez lui reprocher. J'adore Leone, tout comme j'aime ce genre de propositions plus classiques (dans la forme) mais résolument modernes (dans le fond).
J'y reviendrais très bientôt lorsque j'en aurais une vision plus fraîche (pour mon topic western) mais jusqu'à présent il ne m'a au contraire jamais vraiment captivé sans néanmoins, loin de là, le trouver mauvais contrairement au Sturges. :oops:
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Federico »

Demi-Lune a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Je trouve la plupart de ses grosses machines des années 60 sans trop d'âme (Les Professionnels, Lord Jim...)
Même avis concernant Les professionnels. Le casting en impose sévère, mais il y a quelque chose de terriblement routinier, plan-plan, dans l'exécution qui empêche constamment le film de décoller. Je me souviens que la musique "à la Mexicaine" était bien pénible, aussi.
Je sais que cette opposition fera encore hérisser les poils des spécialistes, mais face au western léonien à la même époque, je trouve que cette manière de faire ne tient plus la route. C'est devenu anecdotique.
De Brooks, j'aimerais beaucoup découvrir De sang froid, en revanche.
Son oeuvre la plus impressionnante avec A la recherche de Mr Goodbar... mais derrière son chef-d'oeuvre : le sublime et bouleversant The happy ending.
Sinon, je suis assez d'accord en ce qui concerne Lord Jim (ennui poli) et Les professionnels.
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
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Jeremy Fox
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Jeremy Fox »

Federico a écrit : mais derrière son chef-d'oeuvre : le sublime et bouleversant The happy ending.
:o Je ne connaissais même pas son existence !!
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Re: Richard Brooks (1912-1992)

Message par Père Jules »

Jeremy Fox a écrit :
Federico a écrit : mais derrière son chef-d'oeuvre : le sublime et bouleversant The happy ending.
:o Je ne connaissais même pas son existence !!
Moi non plus. Je vais me mettre en quête.
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