Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méconnus

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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A Cry in the Night (1956)

Message par Supfiction »

kiemavel a écrit :
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Supfiction a écrit : Hell on Frisco Bay de Frank Tuttle (1955)

L'argument :
Steve Rollins, policier, vient de purger deux ans de prison pour un meurtre qu'il n'a pas commis. Libéré sur parole, il se met illico en quête du véritable coupable avec une seule et unique idée en tête : le tuer. Rien ni personne ne parvient à entamer sa détermination. Très vite, Steve se retrouve sur la piste d'un truand notoire, Amato. Ce dernier rackette impitoyablement les pêcheurs de la baie de San Francisco et le fils de l'un d'eux finit par le dénoncer comme le responsable du fameux meurtre. Rien ne va plus dans le gang d'Amato lorsqu'il abat un des gangsters travaillant à sa botte...

Edward G. Robinson est une nouvelle fois très impressionnant dans ce film même si d'après ce que j'ai lu, l'acteur était quelque-peu lassé de ce genre de rôle. Face à lui, un Alan Ladd déjà quelque-peu bouffie par l'alcool, si je ne m'abuse, mais plutôt convaincant et brutal comme il faut pour ce rôle même quand s'agit d'assommer des malabars à coups de poings, et ce en dépit de son petit gabarit. Ce n'est certes pas James Cagney mais il assure tout de même Alan et prouve qu'il n'était pas qu'une belle gueule. Il met même une dérouillée à un tout jeune Rod Taylor dans une arrière salle. Et il n'est pas plus tendre avec les femmes par moments, qu'il s'agisse de Joanne Dru (sa femme) ou de Jayne Mansfield (même pas créditée au générique) qu'il remet à sa place. Mais dans le genre brutal, le roi c'est bien sur Edward G. Robinson qui va même jusqu'à cogner Joanne Dru qui l'avait traité de paysan, insulte suprême!

Ladd venait de fonder en 1954 sa compagnie de production, Jaguar, avec le réalisateur Frank Tuttle.
Les deux hommes ne firent d'ailleurs pas de vieux os puisqu'ils disparurent 8 ans après seulement.
En 1951, Tuttle et Edward Dmytryk ont été "contraints" de dénoncer Jules Dassin comme étant un collègue communiste. Tuttle a été profondément marqué par cet épisode tragique.
De fait, un certain malaise se dégage de ce film crépusculaire, à l'image du personnage d'Alan Ladd préférant dormir à l’hôtel et ne pouvant rentrer chez lui ni regarder sa femme qui n'a pas pu attendre, restée sans nouvelle pendant les trois ans de son incarcération.

La mise en scène est très discrète. Trop même, le film manquant cruellement de rythme, la faute il me semble aux trop nombreux dialogues entre mafieux.. pour tout dire je me suis endormi et j'ai du m'y prendre à deux fois pour finir alors que le film ne dure qu'une heure et demi. Dommage parce que la confrontation Ladd-Robinson vaut le coup. Malheureusement les deux acteurs ont très peu de scènes en commun, hormis le final qui se termine sur un port (comme dans L'affaire de la 99ème rue) avec une ultime scène d'action, monumentale (pour l'époque), sur un hors-bord et qui semble tout droit sortie d'un James Bond (ou du troisième Indiana Jones).
D'accord avec tout çà. Des acteurs fatigués, physiquement et moralement (Ladd), quelques autres qui dans des registres semblables ont déjà été plus inspirés : Robinson mais aussi son second interprété par Paul Stewart qui était souvent un méchant en col blanc intéressant mais qui ici est assez mou et la relation qu'il entretient avec Robinson basée sur la domination et l'humiliation et donc sur l'avilissement est lassante. On retrouvait aussi Fay Wray qui interprétait la femme ou la petite amie de Stewart mais pareil, ce n'était plus vraiment la Fay Wray des années 30…Idem pour le bon copain de Ladd interprété par William Desmarest. Parmi les seconds rôles on retrouvait aussi Anthony Caruso (qui était un ami personnel d'Alan Ladd). Le film commence plutôt pas mal mais ce n'est en rien original. L'innocent à peine sorti de prison qui cherche à se venger…qui retrouve les vieilles connaissances qui s'écrasent quand il ne meurent pas de mort violente…les méchants faisant tout pour demeurer dans l'ombre, etc…Reste de bonnes scènes en raison de la personnalité de l'ex flic. Sa brutalité et sa fébrilité convenaient bien à Ladd et effectivement comme le dit Supfiction, il a de beaux restes mais tout ceci manque de rythme et de convictions. Le film récupère de vieilles recettes mais tout ceci fait trop de vieilles choses. Le coup de la chanteuse "susceptible to men" comme l'a écrit une fois Federico dans ce topic, on l'a vu 50 fois sauf que la dite chanteuse est souvent plus sexy ou possède au moins un oeil intéressant. ici, il n'en est rien mais il faut dire que Ladd n'arrête pas de la bassiner avec le fait qu'elle fut infidèle lorsqu'il était en prison. Bref, le plus médiocre film noir avec Ladd que j'ai vu jusque là. Frank Tuttle en avait tourné d'autres. Fatalité (Suspense) et Traqué ( Gunman in the Strets), respectivement en page 7 et 8 du topic sont assez bons, tout comme la première version de The Glass Key, tourné en 1935, 7 ans avant le remake de Stuart Heisler que l'on connait mieux (et dans lequel Alan Ladd remplaçait George Raft).
En revanche, l'un de ses derniers thrillers, A Cry in the Night n'est pas bien terrible non plus malgré un casting réunissant Edmond O'Brien, Brian Donlevy, Natalie Wood et Raymond Burr.
A Cry in the Night (1956)
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Je reprend la discussion où on l'avait laissé en janvier dernier, après avoir vu ce fameux A cry in the night de Frank Tuttle. Bien sûr, en tant que grand admirateur de Natalie Wood, mon jugement peut être quelque-peu biaisé sur le film :fiou: .

Sorti dans la foulée de La fureur de vivre (et de La prisonnière du désert ), on y retrouve un peu cette ambiance typiquement 50's / happy days des jeunes amoureux trainant un peu trop tard le soir dans leurs décapotables américaines garées sur une colline (la colline des amoureux) sous un ciel étoilé, discutant rock’n’roll, bal de lycée, ou de leur avenir et pratiquant le langage universel.
Comme dans la fureur de vivre, Natalie a un père un peu trop rigide, capitaine de police de surcroit. La figure du père de famille américain est incarnée par un Edmond O'Brien pas commode et celle du commissaire par le toujours charismatique Brian Donlevy.
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Une voix off d'introduction nous averti d'emblée : les parents ont parfois raison de s'inquiéter parfois un peu trop pour leurs "kids". Musique flippante et gros plan sur un voyeur caché dans un bosquet épiant les deux tourtereaux Natalie Wood et Oscar Goldman qui passaient jusque là un bon moment.

Quand le voyeur en question a le visage de Raymond Burr qui faisait flipper les spectateurs américains deux ans auparavant en tueur façon Père Noël est une ordure dans Fenêtre sur cour, le spectateur de l'époque ne rigolait sans doute plus : kidnapping immédiat de la belle et fragile Natalie Wood et viol potentiel à la clef.

Le scenario de David Dortort tiré d'une nouvelle de Whit Masterson (All through the Night) est très simple mais fonctionne bien. Le père rigide, le fiancé (dépassé mais courageux) et le bon commissaire vont d'abord s'expliquer virilement avant de partir à la chasse au maniaque.

Mais c'est Raymond Burr qui tire son épingle du jeu dans un rôle d'attardé mental sans doute malmené par sa maman trop protectrice, devançant quelque-peu le Norman Bates de Psychose (1960) mais reprenant aussi et surtout la figure de l'inadapté et fragile Lennie Small du roman de Steinbeck Des souris et des hommes (incarné plusieurs fois au cinéma de Lon Chaney Jr. à John Malkovich).

Avec la carrure imposante de Raymond Burr face à la frêle Natalie Wood, les scènes prennent un petit côté King Kong/Fay Wray. On frémit pour Natalie tout en ayant de la compassion pour son bourreau intellectuellement déficient, visiblement pas violent de nature mais que la vie n'a pas gâté.

Un petit film, dont la cible devait sans doute être le jeune public des drive-ins (l'équivalent des films d'horreurs d'aujourd'hui), mais c'est un thriller qui fonctionne plutôt bien. Natalie Wood fait le job mais il faudra attendre encore pour qu'elle ai des rôles plus denses à interpréter.
Selon les dires, Natalie Wood et Raymond Burr se seraient trèèèèès bien entendu sur le tournage, au point qu'il fut peut-être question de mariage ou en tous cas d'une relation sérieuse et intense. Relation qui n'était pas du gout des studios Warner qui préféraient voir Natalie dans les tabloïds aux côtés du jeune et beau et blond Tab Hunter (son partenaire dans son film suivant, Collines brûlantes) quitte à faire pression sur Burr pour l'écarter de leur étoile montante. Peur du scandale sans doute aussi, compte tenu de leur différence d'âge (17 et 38 ans). La connaissance de ces faits n'en rend que plus savoureux ce face à face entre la belle et la bête.
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Dernière modification par Supfiction le 21 déc. 14, 22:36, modifié 1 fois.
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Re: A Cry in the Night (1956)

Message par kiemavel »

Chip a écrit :De Richard L. Bare , vu aussi " le cavalier masqué (return of the frontiersman)(1950) avec Gordon Mac Rae( bof!), Rory Calhoun et julie London, lointain souvenir, un film qui n'a pas imprimé ma mémoire.
Le film a été distribué en France ou est passé à la télévision ?
Gordon MacRea, ben oui, pas terrible. Supfiction vient de sortir du placard son seul film noir, Backfire, le seul que j'ai vu en tout cas (c'est lui qui avait saqué ce film, pas moi. On fini par se ressembler :wink: ).
Supfiction a écrit :
A Cry in the Night (1956)
Bien sûr, en tant que grand admirateur de Natalie Wood, mon jugement peut être quelque-peu biaisé sur le film :fiou:
Peut-être bien :wink:
Je suis à 100 % d'accord avec ce décodage du film. C'est parfaitement vu, en tout cas par rapport aux souvenirs qui me restent de ce film, mais par contre je ne te suis pas sur le bilan final car ça m'avait semblé à la limite du nanard...(toujours pareil, avec cette limite évidente de la vision lointaine dans le temps). Par contre, avec la même prudence, je serais quand même moins dur que toi sur Backfire mais ça ne devait pas m'avoir bouleversé non plus car bien que l'ayant vu il y a 5 ou 6 ans, je n'en ai pas beaucoup de souvenirs.

La suite : Le puits ( The Well ) de Russell Rouse

Par contre, je vois une erreur. Au moins 3 photos que tu as posté sur le film de Tuttle proviennent de King Kong , pas de A Cry in the Night
Dernière modification par kiemavel le 21 déc. 14, 23:52, modifié 2 fois.
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

Bonus sur le précédent…

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Lassé de prendre des mandales, Stanley Baker se lance dans la quincaillerie. Sans succès.

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John Ireland a épousé une femme trop belle……………... Elle le trompe……………. Tout en continuant à lui faire des calins. De mon coté, je n'arrive pas trop à savoir si c'est une fille bien :mrgreen: (mais le petit Éric de Paris m'écrit pour me dire : C'est une trainée !!! )
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par kiemavel »

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Le puits - 1951
Réalisation : Russell Rouse et Leo Popkin
Production : Cardinal Pictures
Distribution : United Artists
Scénario : Russell Rouse et Clarence Greene
Photographie : Ernest Laszlo
Musique : Dimitri Tiomkin

Avec :

Richard Rober (Ben Kellog)
Henry Morgan (Claude Packard)
Barry Kelley (Sam Packard)
Robert Osterloh (Wylie)
Maidie Norman (Mme Crawford)
Ernest Anderson (Mr. Crawford)

Carolyn Crawford, une petite fille noire âgée de 5 ans qui se dirigeait à pied vers son école, s'arrête en chemin pour ramasser des fleurs dans un champ et tombe soudainement dans un puits abandonné et oublié qui était caché par de hautes herbes. L'école ayant signalé son absence, les parents de la fillette font appel au shérif Ben Kellog qui commence son enquête. Un fleuriste signale avoir vu un homme blanc inconnu parler à la fillette, lui offrir un bouquet de fleurs puis poursuivre son chemin avec elle. Son jeune employé parti en livraison livre l'information dans les commerces tenus par des noirs se trouvant sur son chemin et bientôt, les rumeurs enflent dans les deux communautés. L'inconnu est retrouvé mais il ne l'est pas tout à fait car il s'avère être le neveu de Sam Packard, l'un des plus importants entrepreneurs de la ville, ce qui provoque des doutes dans la population noire sur l'impartialité de la police à son égard. Aussi, quand à la sortie du poste de police, un incident mineur entre des parents de la fillette et l'homme d'affaires dégénère de manière accidentelle, des bagarres de plus en plus graves vont commencer à éclater à l'initiative de deux communautés se rendant coup pour coup…
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L'éphémère société de production Cardinal Pictures fondée par les frères Harry et Leo Popkin, Clarence Greene et Russell Rouse avait déjà produit de bons films noirs au cours des années précédentes : Impact de Arthur Lubin en 1949 puis La deuxième femme et Mort à l'arrivée en 1950 mais malheureusement Le puits, le premier film (co)réalisé par Russell Rouse aura été le dernier film initié et produit par le quatuor même si Rouse réalisera une dizaine de films par la suite souvent écrits avec Clarence Greene avec qui il avait déjà signé le scénario de ce film. Les initiateurs du projet ont admis s'être inspirés d'un fait divers célèbre qui a suffisamment marqué les esprits pour avoir inspiré plus ou moins directement 3 films sortis dans les années suivantes. En 1949, à San Marino en Californie, une enfant tombée dans une canalisation d'un champ de puits de pétrole abandonné était morte avant que les secours ne puissent la rejoindre. Ce fait divers est réputé être le premier a avoir été couvert en direct par la télévision pendant une telle durée, c'est à dire pendant 27 heures sur les 50 heures qu'ont duré les opérations de secours et a avoir connu ainsi un retentissement national. Le drame avait aussi attiré sur place plusieurs dizaines de milliers de curieux (on parle de 50 000 personnes) et il a donc plus ou moins directement inspiré 3 films : Secrets de femmes (Three Secrets) de Robert Wise, un film sorti dès 1950 (mais le fait divers n'était qu'une toile fond dans un film proposant surtout le portrait de 3 femmes) puis surtout bien sûr Le gouffre aux chimères (Ace in the Hole) de Billy Wilder, sorti seulement 2 mois avant le film de Russell Rouse. Puis plus tard, il inspirera encore le film -30- de Jack Webb, sorti en 1959 et le fait divers sera encore transposé dans le Radio Days de Woody Allen.

Ce film est construit en deux parties : les 2 premiers tiers montrent la montée de la violence entre deux communautés qui semblaient jusque là se côtoyer au moins en apparence harmonieusement tandis que le dernier tiers montre les évènements qui se déroulent après la découverte de la petite fille. Sans aucun doute par prudence en raison du sujet, l'action se passe dans une petite ville indéterminée et comme d'un bout à l'autre le film se passe d'explications, de démonstrations et de longs discours, c'est à partir des quelques informations que l'on nous donne que l'on peut se faire une idée de la situation de départ. On entrevoit donc une ville ou la ségrégation raciale n'est pas radicale (l'école primaire où est scolarisée la fillette ne semble pas pratiquer de discriminations raciales et les scènes se déroulant à la bibliothèque de la ville nous montrent de jeunes garçons noirs ayant l'air d'étudiants commenter les rumeurs qui courent dans la ville au sujet de la disparition de la fillette).
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Ces scènes d'exposition veulent montrer une ville paisible, cependant le déchainement de violence qui va suivre va démontrer que le malaise latent est sans doute profond entre des communautés ne se côtoyant pas, ou trop peu, et qui par conséquent ne se connaissent pas. La séparation favorisant les préjugés -on le verra aux rumeurs qui vont circuler très vite des deux cotés- elle entretient aussi une méfiance réciproque et un état de tension qui peut déséquilibrer l'ordre apparent obtenu par la domination d'une communauté sur une autre. La disparition de Carolyn va totalement faire exploser cet équilibre illusoire, l'incertitude la concernant commençant par créer de la confusion et du doute, des sentiments déjà dangereux et inquiétants dans un tel contexte.

Quand il va interroger le fleuriste qui est le dernier a avoir aperçu la fillette et que ce dernier va révéler avoir vu un inconnu l'aborder, le shérif incarné par Richard Rober ne va manifester aucun étonnement…sauf quand il va comprendre l'inconcevable, que cet homme est blanc. Quand il le comprendra enfin, Rober, filmé face caméra tournant le dos au témoin, ne pourra alors pas réprimer une grimace d'inquiétude. L'information va aussitôt circuler des deux cotés de la population, d'abord dans de petits groupes au sein desquels courent immédiatement les rumeurs d'enlèvement. Les préjugés vont alors commencer à s'exprimer, chacune des deux communautés rejetant la responsabilité du "crime" sur l'autre. Russell Rouse filme scrupuleusement la montée du malaise qui lentement va se transformer en colère mais jusqu'à l'arrestation de Claude Packard, les faits de violence resteront limités et sporadiques.
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La partie centrale qui suit l'arrestation du suspect permet aux scénaristes de démontrer que l'on peut avoir des messages à faire passer sans être ni manichéen ni complaisant (contrairement à d'autres films noirs au message anti-raciste datant de la même époque) car sans partager à parts égales les responsabilités, le film montre la part imputable à chaque communauté en esquissant quelques portraits de personnages aussi nuisibles qu'influents qui existent des deux cotés. Certes, comme attendu, le notable interprété par Barry Kelley est peu sympathique. Il commence par vouloir étouffer l'affaire de peur que le scandale ne rejaillisse sur la ville puis tente d'user de son influence pour obtenir la libération de son neveu, avant d'agir imprudemment comme si la vérité n'avait aucune importance pour les autorités de la ville en allant jusqu'à proposer ouvertement de fournir un faux alibi à Claude…Mais cela va indigner son propre neveu qui, s'il se montre furieux d'être accusé à tord et mis sur le grill par la police, va se montrer encore plus irrité par les plans de son oncle pour le sortir d'affaire.

De l'autre coté de la barrière, c'est Gaines, l'oncle de la fillette, qui va se montrer injuste et d'une mauvaise influence sur sa communauté en accusant le shérif de ne pas faire tout ce qu'il peut pour résoudre cette affaire de disparition parce que la disparue est noire ; puis, après l'arrestation du suspect, en exprimant des doutes sur l'impartialité de la police et de la justice en raison de l'identité de Claude. Ces arguments vont être entendus par certains membres de la communauté noire et plus grave encore, même si l'agression était davantage du à la maladresse et était par conséquent accidentelle, c'est un heurt entre Gaines et Sam Packard qui va mettre le feu aux poudres.
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A partir de là, on va assister à une succession d'actes de plus en plus graves, d'abord isolés : des automobilistes sont stoppés par de petits groupes, sortis de leurs véhicules et tabassés ; des bagarres à l'initiative des deux camps éclatent dans toute la ville ; des magasins et une usine seront pillés et brulés…Cette escalade inexorable de la violence va mettre la ville à feu et à sang quand les accrochages de coins de rue deviendront des émeutes incontrôlables impliquant plusieurs centaines de personnes, les autorités perdant alors totalement le contrôle de la ville. On est loin des "jolies" émeutes filmées par Joseph Mankiewicz (La porte s'ouvre), de celles de Joseph Losey (Haines), finissant trop biens ou même semblant chorégraphiées par leur metteur en scène (Les 4 cavaliers de l'apocalypse), celles du film de Russell Rouse surgissent au coin de la rue, brutales et surprenantes comme les coups qui pleuvent sur quiconque à la malheur de croiser un groupe à la recherche d'une victime potentielle. Le découpage, le montage faisant alterner plans nerveux et courts et longues transversales sur les rues noires de monde (c'est sans doute à ces séquences là que le monteur Chester W. Schaeffer devait sa nomination aux oscars cet année là) et la mise en scène de Russell Rouse rendant parfaitement compte de la dureté des combats de rue à l'image des hallucinantes scènes d'hystérie de Fureur sur la ville (Cy Endfield).

…mais cela cesse brutalement…Puisque l'un des intérêts de ce film est qu'il montre sérieusement le lent processus qui avait pu déstabiliser une communauté semblant vivre sereinement jusque là et qu'il est tout aussi sérieux pour ce qu'il montre des phénomènes de foule et sa folie potentielle lorsqu'elle est entrainée par des leaders haineux n'attendant qu'une occasion d'en découdre : Gaines d'un coté, Sam Packard et Wylie (Robert Osterloh) de l'autre, on est surpris par la tournure que prend le film dans sa dernière partie mais je n'arrive pas à dire qu'elle est décevante. Car à partir du moment ou tout le monde découvre que la disparition de la fillette était accidentelle, le virage est radical et surprenant…Pour tout le monde puisque lorsqu'on apprend à Sam Packard ce qui était arrivé à Carolyn, celui qui s'apprêtait à entrainer son personnel pour un lynchage, répond du tac au tac : Quel fillette ?..avant immédiatement de ressentir une brutale baisse de tension…Certes, au milieu de la folie qui avait saisi la ville, Russell Rouse avait tout de même montré que certains savaient garder leur sang froid : les volontaires des deux communautés qu'il avait montré ensemble pour aider au maintien de l'ordre ou les élus de la ville qui avaient été montrés recevant des représentants de la communauté noire dont l'avis était respecté…mais l'optimisme qui accompagne la dernière partie du récit montrant les opérations de sauvetage de la fillette est tout d'abord un peu déroutant.
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On est à peu près à l'exact opposé des scènes similaires du film Le gouffre aux chimères, l'optimisme un peu démesuré de Russell Rouse répondant au cynisme réjouissant mais excessif de Billy Wilder. A partir de scènes comparables, la foule entourant les secouristes, l'un filme une kermesse, les marchands, les suceurs de sang…Russell Rouse filme une foule concentrée et respectueuse dans laquelle au fur et à mesure, on commence à revoir cote à cote blancs et noirs, tout comme ils se retrouvent au centre des opérations à nouveau soudés et mettant leur énergie en commun pour sauver la fillette. Alors certes, sans rentrer dans les détails, la volte face va vraiment très loin mais, d'abord déroutant, le message finit par être touchant en ce qu'il démontre une croyance, surement naive dans un tel contexte, dans la capacité de la communauté à se retrouver autour de valeurs communes…et en ce sens il exprime un espoir, que la compassion et la solidarité peuvent ou pourraient être plus fortes que la haine. Le puits est le plus fauché et le moins Hollywoodien des films criminels à message anti-raciste des années 50. Pas d'histoire d'amour du tout. A l'affiche, pas de stars mais de solides seconds rôles tous excellents : Richard Rober dans le rôle du shérif, Henry (Harry) Morgan dans celui de l'accusé et Barry Kelley dans le rôle du notable local. A aucun moment, on ne déplore le mélange d'audace…et de lourdeur par la faute d'un message appuyé et parfois maladroit (ou en tout cas qui a souvent pris un bon coup de vieux en raison des excès démonstratifs) que je trouve dans quelques films plus réputés (qui ont évidemment d'autres qualités). C'est surtout le cas de L'homme qui tua la peur (Edge of the City) de Martin Ritt et à un degré moindre de La porte s'ouvre (No Way Out) de Joseph Mankiewicz. Le puits (The Well) de Russell Rouse est d'une certaine manière plus honnête malgré le fameux final. Le film avait reçu 2 nominations à l'oscar, pour le meilleur montage et pour le meilleur scénario. Autre talent à signaler, le musicien Dimitri Tiomkin. Un grand (petit) film obligatoire.
Dave Bannion
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Re: Les films noirs à petits budgets et/ou de cinéastes méco

Message par Dave Bannion »

J'ai profité de qq jours de vacances pour regarder (quand je les avais..) les derniers films chroniqués : 

The Well : je l'avais, mais pas regardé. Excellent conseil !! et très bon film. Très réaliste ds la première  ( la montée de la tension) et seconde partie  (les émeutes..) puis plus Américain ds la dernière : tout le monde ou presque se réconcilie en attendant des nouvelles de la fillette soignée ds l'ambulance. la rupture de style est manifeste mais je trouve toute la scène de sauvetage très bien fichue.
Même si il ne va pas aussi loin que Fureur sur la ville, une belle découverte.

Down three dark street : J'ai le dvd espagnol ( très belle copie avec vo et st espagnols). J'adore !! B Crawford, les histoires parallèles, les scènes d'action : une très bonne série B.
Arnold Laven n'en est pas à son coup d'essai mais tu en as déjà parlé.
Ce n'est pas la première fois que je remarque que les espagnols sortent en dvd plein de films noirs inconnus en France (c'est par la même collection que j'avais découvert l'excellent The Mob de R Parrish avec déjà B Crawford). 

The crooked way : la Photo de John Alton !!!!! Incroyable. Dès la première minute, on reconnaît sa patte. Rien que pour ça, le film doit être vu. Mise en scène nerveuse et rapide. La fin m'a fait penser à la fin de Scarface (version Hawks.) avec l'arrivée de la police et la mort du gangster (les malfrats usent et abusent des grimaces et des rictus de circonstance). John Payne un peu mou ?? Sans doute qu'on a pas l'habitude de le voir amorphe.
Le film est sympa. Il faut le voir pour la photo d'Alton mais pas que !!!

Larceny : George Sherman fait le job. Et le casting !!! John Payne, Dan Duryea et Shelley Winters.
De bonnes scènes mais un peu long au final.

Tes chroniques sont une mine d'or pour qui veut découvrir autre chose que les grands classiques édités et ré édités.
Pour qui le veut (...), découvertes garanties !!!

Je ne peux que t'inciter à continuer !!!!
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Mardi ça saignera - Black Tuesday

Message par kiemavel »

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Black Tuesday - Mardi, ça saignera (1954)
Réalisation : Hugo Fregonese
Production : Robert Goldstein (United Artists)
Scénario : Sydney Boehm
Photographie : Stanley Cortez
Musique : Paul Dunlap

Avec :

Edward G. Robinson (Vincent Canelli)
Peter Graves (Peter Manning)
Jean Parker (Hatti)
Milburn Stone (Le père Slocum)
Warren Stevens (Joey Stewart)
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Le gangster Vincent Canelli attend dans sa cellule du couloir de la mort d'une prison américaine son exécution imminente. Parmi les autres détenus, l'un de ses voisins de cellule, le jeune Peter Manning, un pilleur de banque condamné à mort pour avoir abattu un policier retient plus particulièrement son attention car il avait eu le temps de dissimuler les 200 000 $ qu'avait rapporté son dernier hold-up avant d'être arrêté. A l'extérieur, Hatti, la petite amie de Canelli et ses complices préparent l'évasion des deux hommes à l'issue de laquelle Canelli espère récupérer les 200 000 $ avant de se débarrasser de Manning et de s'enfuir en Amérique du sud avec Hatti. La nuit ou les deux hommes doivent passer sur la chaise électrique, un complice usurpant l'identité d'un journaliste admis dans la salle ou doit avoir lieu l'exécution permet l'évasion des deux hommes et des autres condamnés à mort. L'opération tourne au bain de sang et au cours de la fusillade Manning est grièvement blessé ce qui contrarie les plans de Canelli, l'obligeant lui et ses complices ainsi que leurs otages a trouver refuge dans un entrepôt désaffecté le temps que Manning crache le morceau ou soit suffisamment rétabli pour récupérer son argent…
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Black Tuesday fut le dernier film américain réalisé par Hugo Fregonese avant une fin de carrière européenne puis un retour en Argentine, son pays natal. Les distributeurs français de ce film de gangsters (plus que film noir) avait trouvé un titre relativement prometteur, évocateur (et superbe :o ) car effectivement c'est du brutal ! C'est même la violence du film qui fait sa singularité notamment à travers la personnalité et les actes commis par le personnage interprété par Robinson qui endosse un rôle de psychopathe qui pourrait faire passer ses gangsters énervés des années 30 pour des enfants de choeur. Ce film était peut-être une réponse à L'enfer est en lui (1949) et Le fauve en liberté (1950), deux films dans lesquels son concurrent James Cagney, l'autre petit teigneux du cinéma américain se montrait lui aussi plus violent qu'il ne l'était dans les années 30. On pourrait voir dans cet escalade de la violence une exagération volontaire de la menace représentée par les hors-la-loi pour justifier la répression plus sévère dans l'Amérique conservatrice des années 50 mais je ne sais pas si en l'occurrence c'était une volonté délibérée ou juste une façon pour les producteurs de reprendre une recette ayant fonctionnée ou une volonté de suivre une tendance du film criminel sur laquelle ils se seraient sentis obligé de s'aligner. C'était en tout cas un rôle en or pour le "grand" Edward, excellent en chef de gang grande gueule et provocateur qui se moque de Manning, celui qui est condamné à mort pour un unique meurtre alors que lui en a 17 au compteur (dans l'addition, il n'y a bien sûr pas les 7 ou 8 perpétrés au cours du film de Fregonese) ; qui cogne le gardien qui s'approche imprudemment un peu trop près de sa "cage" et qui ne va pas hésiter à cogner et tirer sur tout ce qui bouge durant l'évasion. Plus tard, on va le voir prêt à torturer Manning lorsqu'il comprendra que celui ci ne veut pas révéler ou il a caché l'argent, and so on…Ce portrait d'un tueur irrécupérable va tourner dans le final au délire jusqu'au-boutiste car Canelli n'est pas du genre à négocier même quand tout semble perdu…
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Dans ce film inégal, le style personnel qu'était capable d'insuffler Hugo Fregonese dans ses meilleurs jours est évident dans de nombreuses séquences. Dès la séquence d'ouverture pré-générique, il parvient immédiatement à capter l'atmosphère de la prison. Fregonese filme en plan large les couloirs sombres de la prison et nous ne percevons que les bruits de pas d'un surveillant. Puis il montre en gros plan, à travers les barreaux de sa cellule un condamné noir qui soudain se saisit de son tabouret et commence à s'en servir comme d'un instrument de percussion et commence à chanter un blues. La caméra se déplace vers la cellule suivante ou nous voyons Vince Canelli tourner devant les barreaux de sa cellule comme un lion en cage puis celle ou se trouve Manning et enfin le voisin de ce dernier qui craque et hurle au chanteur : "Shut-up will you !" au moment ou le titre s'affiche. Ensuite, Fregonese va très vite pour exposer la situation. Dès la fin du générique, avant même la première véritable scène de prison nous présentant la situation des condamnés à mort, Fregonese nous montre les préparatifs de l'évasion à venir. Une voiture avec à son bord Hatti, la petite amie de Canelli et un complice, s'éloigne des abords de la prison et s'arrête devant une pile de journaux posée sur le trottoir par le vendeur ambulant. Fregonese nous montre brièvement la une évoquant la condamnation à mort de Canelli avant qu'une main ne passe par la portière et ne se saisisse d'un exemplaire. Puis la caméra s'élève, le véhicule filmé par le travers à hauteur de la portière permet une vue sur la rue mais Fregonese se concentre d'abord sur les 2 complices. Leur dialogue est interrompu par des poses car ils écoutent la radio qui évoque aussi le cas des condamnés à mort dont on apprend qu'ils doivent passer sur la chaise électrique au cours de la nuit du lendemain. Les 2 personnages évoquent l'affaire à leur tour avant qu'ils ne se tournent pour regarder passer le véhicule de celle dont on ne va pas tarder à faire connaissance, la fille d'un des gardiens qu'ils vont prendre en otage. Les séquences qui suivent sont tout aussi réussies : à la suite de la précédente, le vieux gardien rentre chez lui après sa journée de travail et trouve sur le canapé du salon, à la place de sa fille Ellen (Sylvia Findley), Hatti, qui lui explique froidement la situation. Puis, le lendemain matin, ce gardien, Norris (James Bell) est appelé par Canelli. Il est filmé en très gros plan se tenant debout entre les cellules des deux condamnés à mort, écoutant attentivement les deux hommes échangeant un dialogue qui l'interroge indirectement sur l'attitude qu'il va adopter. Fregonese scrute en gros plan son visage avec en arrière plan celui de Canelli inquiet et attendant une réponse avant qu'un hochement de tête du gardien ne fasse comprendre qu'il accepte le marché, les aider à s'évader contre la restitution de sa fille saine et sauve.
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Puis, plus tard, toutes les séquences montrant la récupération de l'argent caché par Manning sont excellentes comme le sont d'une manière générale, toutes les scènes en extérieurs, ou plus précisément toutes celles qui se déroulent en dehors des deux lieux successifs ou l'essentiel de l'action se passe, d'abord dans la prison puis dans l'entrepôt. Elles permettent à Fregonese de montrer son savoir faire et son originalité dans des scènes qui aèrent un film moins intéressant dès que l'on retrouve l'univers confiné du vaste "cachot" que ce sont choisi les gangsters. Si l'atmosphère claustrophobique lui convient moins, c'est surtout en raison de la faiblesse relative des personnages obligés de cohabiter. Car au bout de 25 minutes, quelques minutes après l'évasion à l'issue de laquelle Canelli fait une nouvelle fois la preuve de sa "loyauté" en virant les autres détenus dont il avait facilité l'évasion, on se retrouve dans l'entrepôt que l'ensemble des protagonistes ne quitteront presque pas.

Or, si le duel Canelli/Manning est intéressant pour le petit jeu du chat et de la souris qui s'instaure entre les deux -Peter Graves étant d'ailleurs de manière surprenante beaucoup moins inerte que d'habitude- les autres personnages et leurs relations sont nettement moins intéressantes. Aucun complice de Canelli ne sort de l'anonymat ; un tout petit peu plus Hatti (Jean Parker) et si certains des otages sont mieux caractérisés, ce n'est pas toujours avec bonheur. Les voici ces passeports pour quitter le pays voulus par Canelli : Ellen, la fille du directeur de la prison ; le journaliste dont un complice de Canelli avait usurpé l'identité ; un médecin ; un gardien ; un flic…et le père Slocum, l'aumonier de la prison. Les seuls personnages a être véritablement exploités par le scénariste et qui ont des lignes significatives sont Ellen qui va tenter d'humaniser le plus récupérable -du moins le croit-elle- des deux meneurs. Elle va même sembler tomber sous le charme du beau tueur sans que l'on puisse parler de romance ni même seulement d'une esquisse de romance car Manning va se montrer intraitable.

Dans ce final, au delà sans doute de la volonté de ne pas trahir la noirceur du récit, on sent aussi tout de même une volonté de n'offrir aucune chance à ces affreux personnages qui doivent payer. Le final hautement moralisateur (mais qui fait son petit effet) avait été préparé avec ce personnage d'aumônier qui est l'autre personnage secondaire important. Il est même très présent dans la dernière partie du récit (sans que cela soit redoutable)….de même que les policiers, eux aussi intraitables. Le chef des forces de police (interprété par Frank Ferguson) se montera inflexible refusant de négocier avec le gang quitte à sacrifier les otages. Un dialogue entre un officier de police et l'aumônier retenu en otage est même involontairement ironique lorsque le flic finira par lui dire " God forgive me but I can't really help you"…le coté inhumain, qui existe des deux cotés, avait déjà été montré plus tôt. Pour une fois, on ne trouvait pas de gardiens sadiques mais juste avant l'exécution, les autorités judiciaires avait tenté une sordide négociation avec Manning, lui offrant un sursit de 10 jours contre la restitution du magot !

Les autres talents. On ne peut pas trop profiter de la photographie de Stanley Cortez car les copies disponibles ne rendent pas grâce à son travail même si j'ai découvert récemment une copie supérieure à celle que je possédais jusque là. Le scénariste Sydney Boehm (High Wall, Undercover Man, Side Street, The Big Heat, Rogue Cop, Six Bridges to Cross, etc…) a déjà été plus inspiré mais ça reste un scénario assez solide. Aucune réserve en revanche en ce qui concerne la belle musique due à Paul Dunlap. Un assez bon film…mais selon moi pas un indispensable. J'ai évoqué d'autres films d'Hugo Fregonese sur ce forum :
- One-Way-Street (L'impasse tragique) http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 8#p2240238
- Saddle Tramp http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 5#p2240400
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Dernière modification par kiemavel le 6 janv. 15, 21:23, modifié 1 fois.
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Crack-Up

Message par kiemavel »

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Crack-Up (1946)
Réalisation : Irving Reis
Production : Jack Gross (RKO)
Scénario : John Paxton, Ben Bengal, Ray Spencer
d'après une histoire de Fredric Brown
Photographie : Robert de Grasse
Musique : Leigh Harline

Avec :

Pat O'Brien (George Steele)
Claire Trevor (Terry Cordell)
Herbert Marshall (Traybin)
Ray Collins (le docteur Lowell)
Wallace Ford (Le Lt. Cochrane)

Une nuit, un homme semblant hors de lui s'introduit par effraction dans un musée new-yorkais, agresse un gardien et fait tomber accidentellement une statue antique qui s'écrase au sol et se brise tandis que lui reste inconscient. Cet homme n'est autre que George Steele, le guide conférencier du musée, qui à son réveil se montre incapable d'expliquer aux administrateurs du musée et à l'inspecteur de police appelé sur les lieux ce qu'il fait là et qui tient des propos confus évoquant un accident de train survenu dans la soirée. Steele commence à raconter sa fin de journée : la conférence qu'il avait donnée au musée puis l'appel de l'hôpital lui annonçant le grave malaise de sa mère qui l'avait obligé à annuler la soirée qu'il avait prévu de passer avec Terry, la journaliste d'un magazine influent, pour prendre le train au plus vite et se rendre au chevet de sa mère. Mais un accident s'était produit sur la ligne quand le train dans lequel il circulait avait été percuté par celui arrivant en sens inverse, un moment à partir duquel il dit ne plus se souvenir de rien. Or, d'après la police aucun des événements relatés, pas même le malaise de sa mère qui va très bien, ne semblent s'être produits et en tout cas, aucun accident de train n'a eu lieu cette nuit là...
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Le seul film noir réalisé par Irving Reis nous entraîne dans le milieu de l'art qui a rarement été greffé à l'univers du film noir mais ce récit mystérieux à l'esthétique de film noir est surtout intéressant pour la variation qu'il propose sur le thème de la difficile réadaptation à la vie civile des vétérans de la seconde guerre mondiale qui ne parviennent pas à se libérer des traumatismes de la guerre. Comme très souvent dans les années d'après guerre, notre héros vieillissant et fatigué est donc un vétéran chez qui les traces psychiques de la guerre, notamment les tendances paranoïaques vont permettre une manipulation qui va le faire douter de sa santé mentale. Mais s'il avait fallu l'aider pour arriver à un tel état de confusion et pour le rendre partiellement amnésique, les risques d'effondrement psychologique préexistaient "sous le masque" d'un équilibre apparent. Les difficultés de réadaptation à la vie civile de George Steele touchent touts les aspects de sa vie. Il est d'abord en difficulté dans son travail. Ce critique d'art, expert en faux qui durant la guerre avait fait partie du comité chargé d'enquêter sur les vols et les falsifications des nazis, est très critiqué de toutes parts pour le ton de ses conférences. On le découvre faisant l'éloge de L'angelus de Millet…avant qu'il ne se moque immédiatement après d'une toile de Dali provoquant l'hilarité d'une grande partie du nombreux public et les protestations de quelques autres. Il semble être passé à coté des évolutions récentes de la peinture du début du 20ème siècle. Or, si d'un coté il est jugé comme trop conservateur par une partie du public dont il dénonce le snobisme, tout comme il dénonce celui des critiques et des collectionneurs ; de l'autre, au delà de ce style tapageur qui déplait aux très guindés administrateurs soucieux de l'image véhiculée auprès des riches mécènes du musée, c'est aussi à contrario la modernité des méthodes qu'il se propose d'employer qui le mettent en difficulté car son projet de radiographier certains tableaux du musée à des fins d'analyse pour étudier le style des peintres célèbres provoque le scandale dans le monde très feutré de l'art. Pour les uns, dépassé ; trop moderne pour les autres, c'est un homme qui n'est plus à sa place, menacé d'être licencié avant même l'incident inexplicable de la nuit suivante à l'issu duquel on lui apprendra son licenciement.

George Steele est tout aussi inquiet de la tournure que prend sa vie privé. Lorsque Terry, la journaliste d'un magazine traitant de l'actualité artistique (d'ailleurs plutôt favorable à la peinture "moderne" ou qui se dit obligée d'en rendre compte dans son magazine) annonce à Steele son projet de diner avec Traybin, un homme avec qui elle avait assisté à la conférence, il se montre jaloux montrant ses liens d'abord insoupçonnables avec la jeune femme. Même si leurs liens anciens ne sont jamais véritablement éclaircis, il est évident qu'ils ont été amoureux et qu'ils le sont toujours malgré un éloignement évident. On comprend à demi-mots que leur relation s'est détériorée depuis le retour de la guerre de Steele. Terry est devenue trop indépendante à ses yeux ; elle ne partage plus ses gouts (voir plus haut) et elle s'est manifestement rapprochée de Traybin, l'homme mystérieux qui n'est jamais très loin d'elle. Tout ce que l'on sait de cet homme, c'est que lui aussi avait travaillé à la restitution des oeuvres volées -et parfois falsifiées- par les nazis. C'est en tout cas ce qu'il prétend. Quoiqu'il en soit, même si Steele n'a manifestement plus totalement confiance en elle, Terry ne sera jamais très loin de lui…
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Le traumatisme profond de Steele va donc se révéler à la suite d'une succession d'émotions fortes : sa mise sur la sellette au musée, les doutes sur son avenir avec Terry, l'annonce du grave malaise de sa mère, c'en est trop. C'est un homme très nerveux que l'on retrouve à la gare, courant sur le quai pour attraper son train puis c'est une incompréhension avec un vendeur ambulant arpentant les compartiments qui accentue encore son agacement. La suite est presque filmée comme un cauchemar : les courts plans sur les rares passagers du wagon filmés comme s'ils représentaient des menaces. Les effets sonores accentuant le vacarme des rails et les coups de sifflet de la locomotive. Le jeu avec la vitre du compartiment dans laquelle c'est d'abord le visage très expressif de Steele qui se reflète puis l'on perçoit une faible lueur à distance du train. A partir de là, c'est ce simple reflet sur la vitre qui va provoquer la rupture. Steele se met à regarder par la fenêtre la faible lueur qui s'amplifie. C'est celle d'un train arrivant en sens inverse. Il reste hypnotisé, comme aveuglé par la lumière des phares. Il devient évident que pour lui la collision est imminente…Un éclair de lumière, le vacarme du choc, des cris…puis le trou noir.

On le retrouve (1) aux abords du Manhattan Museum semblant, à l'image du train lancé à pleine vitesse fonçant droit vers les spectateurs que l'on avait vu à la fin du générique, se lancer à son tour contre la vitrine du musée pour la faire voler en éclats avant de s'effondrer inconscient après une courte lutte avec un gardien au cours de laquelle ils brisent une statue antique. A son réveil des heures plus tard, George Steele se retrouve dans la même situation que Cary Grant dans La mort aux trousses. Tous les évènements qu'il raconte sont systématiquement contredits par les constatations policières (le grave malaise de sa mère, l'accident de train, etc…). Une odeur d'alcool flotte sur ses vêtements alors qu'il ne boit jamais. Plus tard, il va retrouver son appartement sans dessus dessous mais on est loin de l'humour hitchcockien. C'est un homme effrayé qui se réveille. Le diagnostic du surmenage énoncé par le seul administrateur qui lui est favorable, le docteur Lowell ne le rassure pas. Steele se croit victime d'hallucinations et s'interroge. Était-il vraiment ivre ou a-t'il été victime d'un coup de folie ? Cet homme (presque) seul et doutant de sa santé mentale ne voit qu'une solution, revenir sur ses pas et comprendre ce qui a pu se passer. Échappant à la surveillance de la police, il va reprendre ce train et revivre la même scène…ou presque…ce qui va -un peu- le rassurer.
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La suite de l'intrigue accentue encore cette atmosphère mystérieuse. Un personnage inquiétant suit George Steele et lui même croise une foule de curieux personnages : Un petit bonhomme effrayé dans le train. Le vieil employé de la gare extrêmement suspicieux et conservateur (qui assez plaisamment condamne avec le plus grand dégout la vie dépravée des "artistes" new-yorkais passant par cet gare). Un nain ainsi qu'un homme ivre et bagarreur dans une scène assez drôle et typiquement hitchcockienne se déroulant dans une salle de jeux, etc…Assez classiquement, l'homme qui a des révélations à faire est assassiné (et évidemment qui est soupçonné ?) mais Steele trouve d'autres alliés, notamment Mary (Mary Warde), la secrétaire du musée. Une sortie nocturne dans le port de New-York est très bienvenue. En revanche, l'épilogue est un peu décevant car la résolution de l'énigme ne tient pas toutes les promesses entrevues ("l'arme" du Penthotal est un peu trop douce pour des méchants qui ne le sont globalement de toute façon pas assez).

Car c'est aussi une singularité de ce film, la moyenne d'âge des protagonistes est assez élevée. En dehors de la jeune Mary et de Claire Trevor (qui approchait tout de même de la quarantaine) les autres ne sont pas jeunes ou sont un peu fatigués. C'est surtout le cas de Herbert Marshall (dont le rôle aurait pu être davantage développé et surtout qui aurait pu demeurer plus longtemps ambigu)…mais c'est aussi le cas de Pat O'Brien qui approchait de la cinquantaine, qui est très bon et surement très bien dirigé notamment dans les très subtiles séquences montrant la très belle et mystérieuse relation de notre homme perdu avec la merveilleuse Claire Trevor qui, manifestement pourtant toujours amoureuse de son compagnon de longue date, va passer par tous les états vis à vis de cet homme que la guerre a beaucoup changé mais elle ne va jamais rester très loin de lui malgré le rejet qu'il exprimera parfois vis à vis de celle qui -estime t'il- l'a trahi. Il existe une alchimie surprenante entre ces deux comédiens qui n'était pas évidente à priori et leurs scènes sont très bien écrites. Les autres talents. Tout d'abord celui de Robert de Grasse, l'un des grands directeurs de la photographie de la RKO (qui travailla notamment avec Fleischer, Wise, Tourneur, etc…). La belle musique de Leigh Harline (même chose, de nombreuses collaborations prestigieuses, notamment avec Samuel Fuller). Même si les peintres et la peinture "jouent un rôle" dans un certain nombre de films noirs (La femme sur la plage, Laura, La rue rouge, La femme au portrait, etc…), il est plus rare que cet aspect tienne une place essentiel dans l'intrigue. C'est le cas dans Quiet Please : Murder qui devrait suivre dans ce topic. Ce film se déroule lui aussi dans le milieu de l'art et de ses collectionneurs et conservateurs. Crack-up a été diffusé à la télévision.

(1) En réalité cette séquence ouvre le film. J'ai par commodité "remonté" le film à partir du flashback qui nous montre les évènements les plus anciens.
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L'accident :
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Ruthless

Message par kiemavel »

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L'impitoyable (Ruthless) 1948
Réalisation : Edgar G. Ulmer
Production : Arthur S. Lyons . Distribution : Eagle-Lyon
Scénario : Alvah Bessie, S.K. Lauren, Gordon Khan
d'après le roman "Prelude to Night" de Dayton Stoddart
Photographie : Bert Glennon
Musique : Werner Janssen

Avec :

Zachary Scott (Horace Vendig)
Louis Hayward (Vic Lambdin)
Diana Lynn (Martha Burnside/Mallory Flagg)
Sydney Greenstreet (Buck Mansfield)
Lucille Bremer (Christa Mansfield)
Martha Vickers (Susan Duane)
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Au cours de la grande réception donnée par le millionnaire Horace Woodruff Vendig ou il doit annoncer la création d'une fondation destinée à promouvoir la paix, il retrouve au milieu des invités prestigieux, Vic Lambdin, son ami d'enfance qui fut aussi son partenaire en affaires, accompagné d'une amie, la pianiste Mallory Flagg. Frappé par la ressemblance entre Mallory et Martha Burnside, son amour de jeunesse, le millionnaire se rappelle le premier virage décisif de sa vie, un accident qui aurait pu tourner au drame. Alors qu'ils étaient encore enfants, la barque sur laquelle avait pris place Martha, Vic et lui-même s'était renversée mais il avait sauvé la vie de la jeune fille ce qui avait permis à l'enfant délaissé par ses parents d'être recueilli par ceux de Martha. Ce n'était que la première étape d'une longue ascension sociale…
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Les différents flashbacks qui viennent interrompre le déroulement de la réception qui est censé être le couronnement de la carrière de Vendig permettent de montrer l'évolution du personnage au cours de son ascension. Car si Vendig toute sa vie s'est servi des autres pour grandir voire a pris aux autres ce qu'ils possédaient, que ce soit leurs biens, leurs relations professionnelles ou leurs femmes avant de les abandonner une fois qu'il avait pu en retirer tout le profit possible, il n'a pas toujours été l'être impitoyable et sans scrupules qu'il deviendra au sommet de la réussite. A l'origine de son ambition démesurée, il y a les traumatismes subis dans l'enfance. Le jeune adolescent délaissé par ses parents séparés est une gêne pour sa mère exigeante, dominatrice, qui accable de reproches Horace et qui a le sentiment d'avoir fait une mauvaise alliance en épousant un pêcheur et propriétaire de taverne alors qu'elle est issue d'une famille autrefois prospère, "Les Woodruff du Maine". Elle souffre de cette dégradation et souhaite, au moment de l'accident, refaire sa vie avec un autre homme. Horace, qui est aussi rejeté par la nouvelle compagne de son père, un brave type joueur et faible est sans doute incapable d'aimer et de trouver le bonheur autrement que dans la recherche infatigable de la réussite matérielle qu'il va aller arracher aux gens qui vont l'accueillir et permettre son ascension. Mais bien évidemment pas encore dans l'enfance ou de manière inconsciente car c'est bien Horace qui va tout de même se débrouiller pour se faire "adopter" par la riche famille Burnside, les parents de la jeune fille a qui il avait sauvé la vie.

La première marche, ce sont donc les Burnside qui recueillent le jeune adolescent et lui permettent ainsi de bénéficier d'une bonne éducation que ses parents n'auraient jamais pu lui offrir. Mais bien qu'ayant grandi comme le fils adoptif de cette famille unie, c'est encore un jeune homme meurtri que l'on retrouve au sortir de l'adolescence car Horace Vendig semble toujours souffrir de ses origines modestes. Il est complexé et ne sent pas à sa place au milieu des amis de Martha, tous étudiants issus de bonnes familles. C'est de cette époque là que date la 1ère manifestation consciente de son ambition maladive. A la fin de l'année scolaire, les 3 amis d'enfance se retrouvent mais alors que Martha est fiancée à Vic, c'est Horace qui va le supplanter sans le vouloir puisqu'il va se laisser aimer par Martha en ne sachant pas définir ses propres sentiments mais sans véritablement dissimuler son incertitude. Martha perçoit d'ailleurs les doutes de Horace mais pense sans doute pouvoir éveiller des sentiments plus tard chez le jeune homme. En tout cas, ce sont les fiançailles avec Martha qui lui permettent d'oser demander à son père adoptif de financer les études à Harvard dont il rêvait. Plus tard, se rappelant ces évènements avec Martha, il ne pourra s'empêcher d'exprimer sa perplexité au sujet de ses motivations profondes de l'époque, se montrant à posteriori inquiet des pulsions qu'il avait ressenti en lui, exprimant ainsi un sentiment de culpabilité et laissant échapper pour une des dernières fois de sa vie le profond mécontentement de lui-même qui l'habite.
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Mais une fois la marche franchie, tous les doutes d'Horace semblent oubliés. C'est durant ses études à Harvard qu'il va avoir l'occasion de franchir le deuxième palier. Après les années Martha (Diana Lynn), ce sont les années Susan (Martha Vickers). Délaissant la première durant ses études, il va se lier à la famille de Susan, les Duane et leur réseau d'hommes d'affaires et banquiers, beaucoup plus riches que les Burnside, qui vont lui donner son premier emploi. Cette partie centrale marque le retour de Vic, lequel retrouve Horace toujours capable d'exprimer des sentiments humains (quand il va apprendre la mort de Mr. Burnside et la disparition de Martha) mais dont la progression sociale s'est accompagnée d'une assimilation rapide de la dureté des milieux d'affaires auxquels il s'est parfaitement adapté. C'est avec l'appui du clan Duane et avec celui de Vic, qui a fait fortune à l'étranger, (la façon dont Vic est abusé, le malentendu qui lui fait croire qu'il a convaincu son ami de faire des affaires honnêtes est un peu gros) que celui qui est en passe de devenir un maitre manipulateur, va s'attaquer à un gros poisson, Buck Mansfield qui est à la tête d'un empire semblant encore hors de portée pour un "petit" millionnaire comme Horace.

Tout ce qui concerne les manoeuvres plus ou moins frauduleuses entreprises par Horace et son entourage pour évincer Mansfield est aussi passionnant qu'un cours d'économie de Jean-Marc Sylvestre ou Elie Cohen pour réussir une bonne OPA mais en revanche tous les personnages impliqués et leurs interprètes sont formidables. C'est surtout l'occasion de nous montrer le 3ème marche pied, Christa (Lucille Bremer), l'épouse de Mansfield. C'est grâce à elle que Horace va réussir à mettre à ses pieds le richissime homme d'affaires qui l'avait d'abord ridiculisé en ayant déjoué le piège dans lequel Horace voulait le faire tomber. Toutes les scènes impliquant Mansfield sont d'une intensité dramatique exceptionnelle et Sydney Greenstreet (un acteur dont je ne suis pas souvent fan) est fabuleux en magnat vieillissant qui va s'effondrer quand son épouse Christa va préférer le jeune, fringant et ambitieux Horace au vieil homme qui l'a mettait sur un piédestal tout en entretenant avec elle une étrange relation faite de domination et d'admiration. La surpuissance de l'homme d'affaires n'était qu'une illusion. Face au miroir, le vieux et gros bonhomme est rendu à sa fragilité d'homme abandonné. La façon dont Ulmer filme cet homme, rendu minuscule malgré la corpulence de Greenstreet, écrasé soudain par les couloirs immenses de son palais, est géniale. Après l'humiliation, l'étape suivante pour l'impitoyable Horace sera dans la logique de ce destin, provoquer la mort par suicide d'un de ses associés en affaires.
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La suite, c'est à dire ce qui se passe au cours de la soirée entre les flashbacks et après ceux ci, je n'en survole que les prémices. Il est évident dès le début que Horace Vendig est en quête de rachat. Le but de la soirée semble le démontrer tout comme l'inquiétude qu'il affiche dès les 1er mots échangés avec Vic, qui, Horace ne le sait pas encore, avait ironisé sur l'acte philanthropique de son ami dès les premiers mots échangés avec Mallory dans la voiture qui les avaient mené à la soirée. Lui reprochant son retard, Horace lui demande immédiatement : "Isn't taking the wrong road one of those mistakes that happens when you want it to, subconsciously ?"…mais inconsciemment on se demande s'il ne parle pas aussi de lui-même. Les retrouvailles avec Vic, celui qui sait tout de Horace ; la présence du double de Martha et d'une partie de ses anciennes victimes, Buck Mansfield et Christa, l'ex femme de celui ci, permettait au récit, en tout cas sur le papier, de prendre toutes les directions possibles.

Du coté des interprètes, chez les filles, Lucille Bremer (Christa) est remarquable pour son jeu très expressif surtout dans toutes les scènes avec Greenstreet. Martha Vickers (Susan) est plus effacée mais c'est que son rôle est un peu moins développé et que moins naïve que Martha, elle va savoir échapper à l'emprise d'Horace (il n'a pas pas besoin de lui faire un dessin quand elle va le trouver avec une autre femme). La plus remarquable reste la belle Diana Lynn, étonnante dans un double rôle. Il passe dans son regard et dans son attitude tous les sentiments qui l'animent face à ces hommes étranges. D'abord vis à vis d'Horace, un mélange de tendresse, de curiosité, de légère inquiétude et d'incompréhension. Mais aussi vis à vis de Vic, que Mallory va découvrir étrangement fébrile et craintif face à Horace (mais c'est qu'il craint que l'histoire se répète). Le personnage interprété par Louis Hayward, le témoin de toute une vie, est par la même intéressant même s'il est un peu difficile de croire qu'il ai pu être abusé par son ami pendant si longtemps. Au nom de la fidélité pour l'ami d'enfance sans doute. Raymond Burr (qui interprète le père de Horace) que l'on voit dans une seule séquence est remarquable dans un rôle très inhabituel de brave type simple comme bonjour mais faible face à sa compagne acariâtre. Enfin, même si je ne suis pas un grand admirateur de Zachary Scott, je le trouve excellent dans un registre certes limité, car sur son visage passe très bien, par des tics de l'acteur que l'on a déjà vu ailleurs, les tourments intérieurs qui sont à l'origine de sa pathologie.
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J'ai déjà dit ici que Ruthless n'a selon moi pas grand chose d'un film noir (en revanche, on peut faire le rapprochement avec Citizen Kane) mais ce qui est sûr c'est qu'il s'agit d'un des grands films d'Ulmer. L'ancien agent Arthur C. Lyons produisit le film pour Producing Artists, une boite indépendante liée à Eagle Lyon pour 2 millions de dollars. 49 décors furent construit. Le film sorti avec la plus grande campagne de publicité jamais orchestrée par Eagle-Lion…mais le film fut un fiasco. A Los Angeles, il se retrouva rapidement en double programme avec un minuscule film policier, Shed No Tears de Jean Yarbrough et ne recueillant pas plus de succès fut remplacé au bout de 11 jours d'exploitation par une autre production Eagle-Lyon, Canon City, un petit film de prison.
Ulmer a prétendu que les interventions du producteur ont atténué la portée du film. Il a aussi prétendu dans un entretien avec Peter Bogdanovich que le film a été coupé après la première exploitation en salle…Tel qu'il est la charge contre le capitalisme est assez féroce car même si le personnage central est un sociopathe et un cas isolé, il trouve à s'épanouir pleinement dans les milieux d'affaires américains. Il avait été co-écrit par Alvah Bessie, un des 10 d'Hollywood, emprisonné et blacklisté dans les années 50 et qui a été re-crédité du scénario seulement dans les années 90.

C'est sciemment que pour la première fois je consacre un texte à un film édité en France ces jours ci. J'espère que je ne vais quand même pas provoquer des annulations de commande :evil: car l'intention est inverse :wink: .
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Dernière modification par kiemavel le 12 janv. 15, 18:23, modifié 1 fois.
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Walk a Crooked Mile

Message par kiemavel »

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La grande menace - Walk A Crooked Mile (1948)
Réalisation : Gordon Douglas
Production : Edward Small (Columbia)
Scénario : George Bruce d'après une histoire de Bertram Millhauser
Photographie : George Robinson - Musique : Paul Sawtell

Avec :

Louis Hayward (Philip Grayson)
Dennis O'Keefe (Daniel O'Hara)
Louise Allbritton (Dr. Toni Neva)
Carl Esmond (Dr. Ritter von Stolb)
Raymond Burr (Krebs)
Frank Ferguson (Bemish)
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Quand un agent du FBI affecté à la surveillance du laboratoire de physique nucléaire de Lakeview en Californie est assassiné, l'agent Daniel O'Hara se lance à la recherche de son meurtrier et commence par surveiller l'immeuble ou vit Anton Radchek, un immigrant clandestin connu pour son appartenance au parti communiste. Malgré la surveillance dont il faisait l'objet, le suspect est retrouvé assassiné et pour relancer l'enquête, le FBI décide de coopérer avec Scotland Yard qui a dépêché sur place l'agent Philip Grayson. Il est sur la piste d'un certain Igor Braun, un artiste peintre qui avait expédié à Londres des tableaux dissimulant des formules mathématiques provenant du laboratoire de Lakeview. Or, le peintre avait contacté Anton Radchek le soir de sa mort. Les enquêteurs remontent peu à peu la piste jusqu'à découvrir qu'un des scientifiques du centre de physique expérimentale en fait sortir des documents ultra secrets…
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Ce film de Gordon Douglas est le plus ancien film policier anti-communiste que j'ai vu à ce jour et j'ignore d'ailleurs s'il avait eu des prédécesseurs. La même année était sorti le film de William Wellman, Le rideau de fer (The Iron Curtain) mais ce n'est pas un film policier. Les scénaristes se sont peut-être inspirés d'un film d'Henry Hathaway antérieur car La Maison de la 92e rue (1945) avait une trame assez ressemblante mais, contexte oblige, en 1945 c'était les nazis qui voulaient s'approprier les dernières avancées des scientifiques américains sur le nucléaire mais les procédés employés pour démasquer le scientifique responsable des fuites étaient presque similaires. D'autre part, dans les deux films, le narrateur commentant en voix off l'action de manière solennelle était Reed Hadley. Dans le prolongement de cette voix off tout à la gloire du FBI, on nous montre des hommes totalement engagés dans leur mission, veillant à la sécurité de leurs concitoyens de jour comme de nuit et même si les agents communistes semblent partout, il y a toujours un agent du FBI pour le traquer. C'est ainsi que Radchek, le premier suspect, est rapidement identifié et filé. On remarque que presque tous les suspects portent des noms bizarres : Anton Wollack, Feodor Bulgarov, Anton Radchek, Igor Braun, etc…Attention, tous les slaves ne sont pas fourbes. Dans un des sommets du film, la logeuse de Grayson tient tête aux communistes qui les interrogent en leur disant "Je vous connais. C'est à cause de gens comme vous que je suis venu dans ce pays mais vous ne me faites plus peur !". La petite vieille dit ça à Raymond Burr !!! Alors forcément elle meurt, mais héroïquement, non sans avoir eu le temps de dire aux agents bouleversés : " Je suis heureuse. J'ai eu le temps de faire une bonne chose pour mon pays".

Donc assez vite, O'Hara comprend d'où vient la menace : il sait qu'ils sont là, qu'ils ont pris forme humaine et qu'il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé…Enfin, forme humaine, pas tous. Y'a donc Raymond. S'il n'est pas le cerveau (forcément) de la bande d'espions, Raymond Burr dans le rôle de Krebs est celui des communistes que l'on voit le plus. C'est l'homme de main de la bande et celui qui va notamment oser s'attaquer directement aux agents du FBI (enlèvement, séquestration, interrogatoire, tentative de meurtre). Avec sa barbiche qui lui fait un peu la tête de Lenine…posée sur un corps qui rappelle plutôt Staline au carré, je ne comprend pas qu'il puisse se balader impunément dans San Francisco. Ce manque de méfiance paradoxal dans un tel film a un avantage car pour une fois Raymond Burr voit presque la fin du film. Mais il y a encore plus flippant que la liberté dont jouit le monstre rouge car malgré le succès de l'enquête et le triomphalisme du propos, je me demande si ce scénario était finalement si rassurant pour le public américain de l'époque car l'infiltration par des agents communistes du centre d'expérimentation top secret où l'on développe la bombe atomique n'est pas une si bonne nouvelle….à moins que faire peur soit une bonne stratégie pour préparer un bon serrage de vis.
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Le milieu scientifique américain qui périodiquement depuis la guerre commençait à être visé par des enquêtes -y compris des personnalités de grand renom comme Hoppenheimer- aurait pu également mal recevoir un film dans lequel des espions à la solde des russes (paraitrait que dans ces années là, dans ce milieu là, on dénombrait plus d'anciens nazis que de communistes…) portant des noms bizarres infiltraient leurs labos mais le pire était peut-être que le cerveau des espions était d'une grande famille de Boston descendant des premiers pionniers. Le scénario insiste d'ailleurs bien sur ce point. A noter aussi que si une femme était dans le réseau d'espions, c'est uniquement par amour et pas par conviction politique et c'est pourquoi elle est finalement pardonnée ! :mrgreen: Bref, à part les femmes, ils ne respectent rien ces gens de cinéma…Je ne sais pas si c'est pour ces raisons que le producteur Edward Small a été en bagarre avec le directeur du FBI J. Edgar Hoover mais apparemment ce dernier a essayé de faire modifier le film, voulant même que le nom de l'agence ne soit pas mentionné.

Pour ce qui est de la manière, on est dans un policier de style semi-documentaire. Les dialogues assez nombreux entre collègues de l'agence, entre les agents et leurs supérieurs et surtout entre les deux agents faisant équipe, l'un travaillant pour le FBI (Dennis O'Keefe), l'autre pour Scotland Yard (Louis Hayward) sont écrits sans imagination. On a droit à toutes les méthodes employées : filature, mise sur écoute, photographie, caméra de surveillance, glace sans tain, planque (la voiture utilisée par les agents du FBI stationnant devant l'immeuble de Radchek porte la mention "American Cleaners". re :mrgreen: ). On a droit à quelques scènes dans le labo de la police scientifique car les espions sont assez malins pour des communistes. Ça commence avec le coup des formules mathématiques dissimulées dans les toiles de Igor Braun visibles uniquement à la lumière infrarouge et çà continue dans cet esprit là. Tout ceci est assez répétitif et se poursuit dans la seconde partie mais avec cette fois dans la ligne de mire les 5 scientifiques de renom du laboratoire dont l'un est responsable des fuites. Cela dit, la seconde partie est tout de même bien plus animée avec le retour de Raymond Burr et la tentative d'infiltration mais on regrette en revanche qu'à quelques exceptions près Gordon Douglas ne nous montre pas plus la ville de San Francisco en dehors de quelques longues perspectives sur les célèbres rues en pente prises depuis les hauteurs de la ville. Malgré quelques singularités, ce film reste selon moi facultatif comme la plupart des policiers du sous-genre "anti-rouge". A part ça, sans surprise, on apprend que les communistes ne respectent rien : Ils se déguisent en homme d'église, manipulent les femmes et les battent si besoin est. Ils peuvent même trahir leurs amis : Ils liquident les agents imprudents ou risquant de faire tomber le réseau et, dans le final, tirent sur celui qui veut se rendre. Et dire que j'en ai eu plusieurs dans ma famille :o .
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Re: Inside the Walls of Folsom Prison

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Les révoltés de Folsom Prison (1951)
Écrit et réalisé par Crane Wilbur
Produit par Bryan Foy (Warner)
Photographie : Edwin B. DuPar
Musique : William Lava

Avec :

Steve Cochran (Chuck Daniels)
Ted de Corsia (Rickey)
David Brian (Mark Benson)
Philip Carey (Red Pardue)
Paul Picerni (Riordan)

Comme tous les dimanches, dans la cour de la prison de Folsom, sous le regard de tous les autres détenus, ceux qui ont commis une faute durant la semaine attendent leur tour pour être reçu par le capitaine des gardes afin de prendre connaissance de leur châtiment. C'est le moment qu'ont choisi quelques détenus pour tenter de s'évader mais au dernier moment, Chuck Daniels, l'instigateur de l'évasion renonce à y participer et tente de dissuader ses amis de tenter quelque chose. En vain. Quelques détenus déterminés prennent en otage plusieurs gardiens ainsi que Ben Rickey, le directeur de la prison, mais celui ci ne veut rien céder et, malgré le couteau sur sa gorge, il ordonne aux gardiens postés sur les miradors de tirer et la tentative d'évasion tourne au massacre. Jugé indirectement responsable des révoltes de prisonniers et de l'insécurité qui règne dans la prison en raison de la violence de sa répression, le directeur se voit imposer un nouveau capitaine des gardes qui parvient à faire accepter un adoucissement des conditions de vie des prisonniers…Jusqu'à un certain point.
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Produit typique Warner prolongeant sans les valoir des films au sujet approchant des décennies antérieures dont le chef d'oeuvre serait Je suis un évadé. Le but était de dénoncer de manière virulente les conditions de détention dans les prisons américaines "d'avant", en l'occurrence celle de Folsom en Californie au début du 20ème siècle. Dès le préambule, on est prévenu sur les intentions des auteurs par une voix off personnifiant la prison, la décrivant ainsi dans ce passé révolu : I am Folsom Prison. At one time, they called me bloody Folsom… puis sur des images de bagarres et de maltraitances, on est stupéfait d'entendre des commentaires tels que : Si je ne pouvais pas briser l'esprit d'un homme, je brisais ses os et un peu plus tard …dans les miradors, des abrutis à la gâchette facile tiraient à la moindre alerte…. L'incarnation de cette prison à l'ancienne, c'est le directeur de Folsom interprété de manière sublime par Ted de Corsia dans un de ses meilleurs rôles. Ce type de rôle était son ordinaire mais il atteint ici des sommets d'ignominie et sa performance vaut à elle seule le visionnage. Face à lui, Steve Cochran (Chuck Daniels) impose encore une fois sa présence physique dans le rôle du roi de l'évasion qui organise et désorganise la vie des autres détenus et échafaude la prochaine tentative d'évasion mais on le verra surtout dans la seconde partie du film. Entre les détenus et l'impitoyable directeur, l'administration pénitentiaire met donc David Brian (Mark Benson) qui ne donne pas cette fois ci dans le sourire sardonique mais interprète de manière assez inhabituelle un personnage sympathique, le cadre réformateur souhaitant humaniser un peu les conditions de détention.

Le festival Ted de Corsia débute dès sa 1ère apparition. Il défie, humilie et gifle tour à tour les détenus passant devant son capitaine des gardes et rajoute des châtiments supplémentaires à ceux déjà infligés par son subalterne entrainant sa timide réprobation. Puis, après la tentative d'évasion, il va ordonner qu'un des meneurs, Jeff Riordan (Paul Picerni) lui soit amené. Lorsqu'il va refuser de donner les noms des instigateurs de la tentative d'évasion, ne tolérant aucune forme de résistance de la part des prisonniers, il va le provoquer puis le tabasser dans une séquence qui rappelle Les démons de la liberté (Brute Force). Il réussit même à écoeurer ses propres hommes travaillant dans la pièce voisine. L'un des gardiens va se mettre à taper frénétiquement sur sa machine à écrire avant de s'interrompre et de saisir nerveusement une pile de papier, avant qu'un autre gardien ne sorte précipitamment en balançant une chaise à travers la pièce. Il assume tellement sa façon de faire régner l'ordre que quand un journaliste demande dans les jours suivants à voir Riordan dont il a appris la paralysie, Rickey accepte de lui faire visiter sa cellule. Il fait passer le journaliste devant des cellules ou des détenus sont maintenus dans des positions douloureuses pendant des heures, les mains accrochées dans le dos à des amarrages fichés en hauteur dans les murs, puis tout deux découvrent Riordan allongé au sol totalement immobile et semblant inconscient. Rickey tente alors de le ranimer en lui donnant de petits coups de pied tout en lui demandant de bouger. Riordan remue alors péniblement une jambe en geignant et Rickey de répondre triomphalement : You see ! He's not paralyzed !
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Enfin, pour donner un dernier aperçu du personnage, lorsque le conseil d'administration de la prison lui impose Mark Benson comme nouveau capitaine des gardiens, Rickey le présente ainsi à son sergent :
- Vous connaissez sa méthode…la pssssychologie !
- Sans blague !
- Vous savez ce que c'est ?
- ben…
Rickey ouvre alors un dictionnaire et énonce : La science du comportement sous tous ses aspects…et il poursuit la courte définition.
Sur le visage du sergent, on voit qu'il n'a rien compris mais il conclu, employant un ton qui conviendrait s'il s'agissait d'une pratique barbare : Il n'a pas intérêt à essayer ça ici !!! :mrgreen:

Le conflit entre l'impitoyable gardien à l'ancienne, aussi psychopathe que les plus dangereux de ses détenus et celui qui veut humaniser les conditions de détention est montré assez sérieusement malgré le coté extrême du personnage interprété par Ted de Corsia. Les dialogues permettent d'avancer quelques idées sur deux façons de concevoir l'incarcération et sa finalité entre celui qui exprime sa volonté de punir et de faire payer les êtres, selon lui irrécupérables, qui sont sous sa garde et la nécessité de les briser pour maintenir l'ordre et celui qui veut humaniser les conditions de détention et laisser aux condamnés une chance de réhabilitation. Bon gré mal gré, Rickey va accepter les réformes de Benson, plus ou moins par obligation vis à vis du conseil d'administration, et en espérant bien que ces réformes tournent à la catastrophe et même la souhaitant. Il laissera faire, tout au moins tant que ces réformes ne toucheront que la vie quotidienne, la salubrité des lieux, la qualité de la nourriture, etc…Il acceptera même l'arrêt des brutalités mais offrir la moindre chance de réinsertion, il n'en est pas question. C'est le sort réservé aux mouchards qui va démontrer à Benson la profonde perversité d'un homme qui va traiter avec la même ignominie deux dénonciations de nature différente. Il commence par trahir la promesse de protection faite au mouchard qui avait dénoncé la 1ère tentative d'évasion qui ouvrait le film (il était interprété par James Griffith) et il va être tenté de récidiver avec un homme pourtant tout près de la sortie et qui avait pourtant été en quelque sorte "excusé" par ses co-détenus, notamment par le leader Chuck Daniels.
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Ce personnage, c'est Red Pardue (Philip Carey). C'est le détenu que l'on suit le plus car il est symbolique du bien fondé des réformes initiées par Benson. Condamné à une peine de 5 ans, il va bénéficier d'une liberté conditionnelle et Benson a même recommandé cet ingénieur spécialiste en explosifs à une société dirigée par un de ses amis. C'est le seul personnage dont la femme Jane (Dorothy Hart) apparait à plusieurs reprises mais ce personnage n'a pas d'autres fonctions que de montrer l'espoir en l'avenir d'un jeune couple malgré des débuts difficiles. Pardue est en quelque sorte le détenu exemplaire et celui qui peut susciter l'espoir, d'abord d'une sortie et surtout d'une réinsertion possible aux autres détenus même si pour cette raison, ses intérêts peuvent le mettre dans une position délicate par rapport aux détenus condamnés à de plus lourdes peines. Je m'arrête là non sans signaler un final sans concessions....

Inside the Walls of Folsom Prison n'est qu'un des nombreux films que Crane Wilbur a consacré au milieu carcéral. Il en aura écrit et/ou réalisé une bonne douzaine qui se déroule totalement ou partiellement "entre les murs" : Alcatraz Island (1937), Over the Wall (1938), Crime School (1938), Blackwell’s Island (1939), Hell’s Kitchen (1939), Roger Touhy, Gangster (1944), Cañon City (1948), The Story of Molly X (1949), Outside the Wall (1950), Women’s Prison (1955) et House of Women (1962). Je reviendrais plus tard sur certains de ces films. Un seul des films qu'il a mis en scène est édité chez nous, c'est Le masque (The Bat)…le reste, en dehors des films de prison doit être très difficile à voir. Il fut aussi un très bon scénariste notamment de films criminels : He Walked by Night (A. Werker et A. Mann) ou The Phoenix City Story (P. Karlson) et il écrivit 2 films pour Gordon Douglas (A Night of Adventure et I Was a Communist for the FBI) et 3 pour André de Toth (House of Wax, Crime Wave et Monkey on my Back). Avant cela, en tant qu'acteur, il fut même dans les années 10 une star éphémère notamment pour avoir incarné le héros qui volait au secours de Pearl White dans le serial The Peril's of Pauline (DVD zone 1)

Pour l'anecdote, une des premières compositions de Johnny Cash et un de ses plus grands succès, Folsom prison Blues aurait été écrite la nuit suivant la découverte du film de Crane Wilbur alors qu'il faisait son service militaire en Allemagne. Anecdote 2 : c'est durant les préparatifs du film que Wilbur avait été présenté à un très vieux détenu emprisonné depuis des dizaines d'année, qui était libérable mais qui avait refusé de quitter la prison quand le chien qui avait été autorisé dans la prison au cours de ses dernières années d'incarcération avait refusé d'en franchir la porte. On le retrouve dans le film. Un film à voir, ne serait-ce que pour le phénoménal Ted de Corsia. Folsom Prison a été diffusé à la TV chez nous. vu en vost
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Abandoned

Message par kiemavel »

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Abandoned (1949)
Réalisé par Joseph M. Newman
Produit par Jerry Bresler (Universal)
Scénario de Irwin Gielgud - Dialogue : William Bowers
Photographie : William H. Daniels

Avec Dennis O'Keefe (Mark Sitko), Gale Storm (Paula Considine), Jeff Chandler (le capitaine MacRae), Marjorie Rambeau (Mme Donner), Raymond Burr (Kerric), Mike Mazurki (Hoppe), Will Kuluva (Little Guy Decola)

Tout juste arrivée de sa petite ville du midwest, Paula Considine se rend au bureau des personnes disparues de Los Angeles pour y signaler la disparition de sa soeur Mary qui vit dans la métropole californienne mais qui n'a plus donné signe de vie depuis des semaines, peu après avoir donné naissance à une petite fille. Mark Sitko, un journaliste fouineur à la recherche d'un sujet, entendant son histoire se propose de l'aider dans ses recherches, sans doute plus pour tenter de la séduire que réellement disposé à l'aider. Dès leur sortie du City Hall, Sitko remarque que quelqu'un semble suivre la jeune femme, il surprend l'homme qui se révèle être Kerric, un détective privé ayant très mauvaise réputation qui prétend avoir été embauché par Mr. Considine pour retrouver Mary et veiller sur Paula. Le trio se rend à la morgue ou Paula reconnait sa soeur parmi les photos de jeunes femmes non identifiées. Mary se serait suicidée mais assez vite Sitko et Paula s'aperçoivent que les circonstances de sa mort sont suspectes, comme est inexplicable la disparition de son bébé dont il ne reste aucune trace, pas même un acte de naissance à l'hôpital d'ou Mary avait écrit à sa soeur et où elle était censé avoir accouché. Sitko fait appel à son ami l'officier de police MacRae mais malgré qu'il soupçonne que Mary et son bébé ont été victimes de trafiquants d'enfants, il ne peut cependant pas réouvrir l'enquête avec aussi peu d'éléments. C'est ainsi que Sitko va entrainer Paula dans les bas-fonds de la ville à la recherche de l'enfant de Mary…
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Dennis O'Keefe retrouvait Raymond Burr un an après La grande menace, un film évoqué il y a quelques jours, dans ce drame social traité en film noir. Le scénariste du film, Irving Gielgud avait construit son histoire d'après une série d'articles du L.A Mirror relatant des faits d'enlèvement et de vente d'enfants afin d'alimenter le marché de l'adoption illégale. Il avait aussi reçu le concours d'un lieutenant de police qui avait enquêté sur ces affaires. Toutefois, à la fin de sa vie, le metteur en scène Joseph Newman déclara que tout ce qui était bon dans ce film était du à William Bowers qui réécrivit le film, sa contribution allant donc bien au delà des dialogues additionnels pour lesquels il est crédité. On est en tout cas pas du tout dans le produit de studio Hollywoodien typique car le sujet est un peu audacieux, surtout pour 1949. Abandonné ? Qui est abandonné ? Les femmes et les bébés sans doute alors que le premier titre envisagé prenait un angle différent, il s'agissait de Abandoned Woman. Qu'advient-il lorsque vous êtes une femme seule et désespérée…et enceinte sans être mariée dans les années 1940 ? On s'expose à faire de mauvaises rencontres (dit le film…) et ces jeunes femmes anonymes et vite oubliés se retrouvent inscrites à la rubrique Jane Doe (inconnues) dans le registre de la morgue. On apprend progressivement des bribes de l'histoire de Mary. Sa fuite probable de sa petite ville du Midwest pour mettre au monde un enfant illégitime dans une grande ville favorisant l'anonymat. C'est Sitko qui découvre que la jeune femme n'était pas mariée alors que Paula ne l'avait pas révélé et plus tard c'est elle qui interrogera du bout des lèvres une amie d'infortune de sa soeur pour savoir : …Et le père ? Entrainant immédiatement la fermeture de la jeune femme dans la même situation que son amie disparue.

La trop naïve provinciale qu'était sans doute Mary, on l'a retrouve d'ailleurs dans sa jeune soeur Paula. Elle aussi est un peu trop tendre pour ce qui l'attend mais si elle tombe sur un journaliste à l'évidence plus intéressé par son jolie sourire que par la disparition de sa soeur, ce n'est en tout cas aucunement comparable avec les mauvaises rencontres faites par Mary car il va se montrer beaucoup moins cynique qu'on aurait pu l'envisager. Ses deux motivations initiales…la jolie et naïve Paula et faire de bons papiers un peu croustillants laisseront vite la place à une aide sincère et sans arrières pensées quand il se prendra d'affection pour la jeune femme. En cours de route, ils vont évidemment se rapprocher encore davantage même si l'attirance réciproque ne débouche pas durant l'intrigue sur une idylle. Le contraste entre leurs scènes et la plongée dans le milieu assez glauque de Los Angeles occasionne des ruptures de ton dont je ne saurais dire s'ils nuisent à l'équilibre d'un film d'une très grande noiceur en dehors de ces respirations. Ça permet en tout cas à Dennis O'Keefe de faire étalage de moyens étonnants car je ne le croyais pas capable d'être bon dans tous ces registres là. Il est à la fois dur, sarcastique, roublard mais aussi tendre et drôle sans mordant…et pour revenir à l'intrigue très débrouillard.
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Car en bon journaliste criminel expérimenté et connaissant parfaitement sa ville, Sitko évolue comme un poisson dans l'eau dans le petit monde de la nuit et sait où fouiner. Le 1er informateur, un barman, va être suivi de quelques autres plus ou moins pittoresques et portant tous des sobriquets : Shoeshine Sammy (un cireur de chaussures) , Morrie the Bookie (un bookmaker) puis quelques Doc, Winey et Punchy plus loin, la piste s'arrêtera avec un employé de salon de massage renseigné sur les intentions de Sitko. Elle rebondira néanmoins dans un foyer de l'armée du salut qui recueille de futures mères célibataires. Ils y rencontrent une de ces filles nommée Dottie (Meg Randall) qui leur raconte qu'elle avait vu une vieille dame avec une canne qui, à l'insu des soeurs, avait abordé Mary et lui avait promis son aide. C'est ainsi que pour la première fois, ils entendent parler de Mme Donner. Le spectateur l'aura découvert beaucoup plus tôt car aussitôt après sa rencontre avec Sitko et Paula, c'est chez Mme Donner que Kerric était allé rendre compte du danger qu'ils pouvaient représenter. Leur dialogue ne laissait d'ailleurs aucun doute sur ce qui avait pu arriver à Mary et à sa petite fille.

Dans les bas-fonds de Los Angeles, autour des foyers de charité, il n'y a donc pas que des mains secourables, quand bien même leur premier geste pour donner confiance serait de distribuer des bibles. Tel est le cas de Mme Donner, une vieille dame élégante s'appuyant sur une canne. Elle semble inoffensive mais derrière le vernis de respectabilité, les attentions et le coté maternel se cache une des plus belles saloperies du genre car autant certaines femmes fatales s'annoncent, autant cette brave dame fait parfaitement illusion. Je ne rentre pas dans les détails de son racket mais elle est le cerveau d'un gang spécialisé dans les adoptions illégales de bébés et ne se contente pas de duper les jeunes filles perdues…Elle est entourée de quelques complices eux aussi assez spectaculaires : "Little Guy" Decola (Will Kuluva), un gangster sadique qui adore jouer avec les allumettes ; Hoppe (Mike Mazurki), un abruti surpuissant qui préfère étrangler ses victimes et enfin Kerric interprété par Raymond Burr dans un rôle complexe et intéressant de détective privé, à priori employé par le père de Paula, mais qui semble surtout au service de Mme Donner. Si les autres sont parfois un peu trop pittoresques, Raymond Burr est lui fabuleux en salaud qui finit par être dégouté par pire que lui. Il faut voir ses mines écoeurées…et d'autre part son physique n'a peut-être jamais été aussi bien utilisé, notamment dans ses scènes avec la minuscule Gail Storm dans lesquelles il rempli parfois totalement l'écran.
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Il est aussi très bien servi par le génial dialoguiste qu'était William Bowers car l'un des attraits non négligeable de ce film ce sont ses dialogues comme toujours inventifs et incisifs. Même si certains échanges entre Paula et Sitko sont très bien écrits, ce dernier la prenant d'abord pour une plouc, c'est tout de même Raymond Burr qui est le mieux servi. Quand Sitko demande à Kerric pourquoi il suit Paula, il répond : I couldn’t sleep so I just decided to take my gun out for a walk. Puis, après que Sitko ai mis en doute son honnêteté ce qui entraine sa protestation, il s'entend répondre : Vous êtes devenu respectable ? Comme si un vautour pouvait devenir végétarien ! Un peu plus tard, quand Kerric va commencer à avoir peur des investigations du couple et qu'il va tenter de jouer sa carte personnelle, cela va donner quelques dialogues assez savoureux entre lui et la bonne dame. Il commence par s'inquiéter et dit avec un air sinistre : J'aurais été si heureux si nous avions commis nos meurtres dans un état qui ne pratique pas les exécutions capitales. Puis, bouche bée devant Mme Donner à la suite d'une de ses nouvelles réparties d'un cynisme sans limites, à son interrogation : Qu'est ce que vous attendez ?…Il va répondre : Je pensais juste combien la vie était belle et tranquille quand j'étais impliqué dans les chantages et les petits vols. Tous les méchants sont assez bien servis. En voici une de Decola, le petit maniaque aux allumettes : Une rumeur court dans la ville ; je m'adoucirais. A chaque fois que ça se produit, je coupe toujours quelques gorges, juste pour faire une mise au point.

Les autres talents : Jeff Chandler, déjà assez haut sur l'affiche, était encore un intermittent du spectacle, apparaissant assez peu sauf dans la seconde partie de l'intrigue qui tourne partiellement au film policier classique avec moyen de surveillance, infiltration, etc…La dernière partie du film est très mouvementée et très réussie à l'exception du final qui est un peu décevant malgré que l'on revive à l'identique ce qu'avait subit Mary. En revanche, pour pleinement apprécier le talent du génial directeur de la photographie William Daniels, il faudrait tout de même qu'un éditeur se penche sur le cas de ce fauché mais passionnant petit film Abandoned car il mérite une bonne restauration.

Un message de prudence à l'intention des jeunes filles passe dans la voix off finale et reprend une partie des propos liminaires : ceci pourrait arriver près de chez vous !…car bien sur, la morale de l'histoire est quand même : méfiez vous jeunes filles et pas seulement des grands mères distribuant des bibles ! Jamais en dehors des liens sacrés du mariage ! Parce que sinon : pas cher le baby, pas cher ! C'est surement pour cette raison que le film se termine par un projet de mariage. Pour ne pas gâcher la surprise, je ne dévoile pas l'identité des mariés mais ça se joue entre Raymond Burr & Marjorie Rambo et Dennis O'Keefe & Gail Storm.
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Re: Abandoned

Message par Supfiction »

kiemavel a écrit :Raymond Burr est lui fabuleux en salaud qui finit par être dégouté par pire que lui. Il faut voir ses mines écoeurées…et d'autre part son physique n'a peut-être jamais été aussi bien utilisé, notamment dans ses scènes avec la minuscule Gail Storm
Minuscule mais pas dénuée de talents, Gale Storm eu également une carrière de chanteuse de variété, atteignant même les premières places du hit parade dans les années 50, à l'image de Doris Day (avec moins de succès forcément) ou de Julie London. Elle eu également son propre show à la télévision : The Gale Storm show (143 épisodes jusqu'en 1960).

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Re: Mardi ça saignera - Black Tuesday

Message par Dave Bannion »

kiemavel a écrit :
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Black Tuesday - Mardi, ça saignera (1954)
Réalisation : Hugo Fregonese
Production : Robert Goldstein (United Artists)
Scénario : Sydney Boehm
Photographie : Stanley Cortez
Musique : Paul Dunlap

Avec :

Edward G. Robinson (Vincent Canelli)
Peter Graves (Peter Manning)
Jean Parker (Hatti)
Milburn Stone (Le père Slocum)
Warren Stevens (Joey Stewart)
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Le gangster Vincent Canelli attend dans sa cellule du couloir de la mort d'une prison américaine son exécution imminente. Parmi les autres détenus, l'un de ses voisins de cellule, le jeune Peter Manning, un pilleur de banque condamné à mort pour avoir abattu un policier retient plus particulièrement son attention car il avait eu le temps de dissimuler les 200 000 $ qu'avait rapporté son dernier hold-up avant d'être arrêté. A l'extérieur, Hatti, la petite amie de Canelli et ses complices préparent l'évasion des deux hommes à l'issue de laquelle Canelli espère récupérer les 200 000 $ avant de se débarrasser de Manning et de s'enfuir en Amérique du sud avec Hatti. La nuit ou les deux hommes doivent passer sur la chaise électrique, un complice usurpant l'identité d'un journaliste admis dans la salle ou doit avoir lieu l'exécution permet l'évasion des deux hommes et des autres condamnés à mort. L'opération tourne au bain de sang et au cours de la fusillade Manning est grièvement blessé ce qui contrarie les plans de Canelli, l'obligeant lui et ses complices ainsi que leurs otages a trouver refuge dans un entrepôt désaffecté le temps que Manning crache le morceau ou soit suffisamment rétabli pour récupérer son argent…
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Black Tuesday fut le dernier film américain réalisé par Hugo Fregonese avant une fin de carrière européenne puis un retour en Argentine, son pays natal. Les distributeurs français de ce film de gangsters (plus que film noir) avait trouvé un titre relativement prometteur, évocateur (et superbe :o ) car effectivement c'est du brutal ! C'est même la violence du film qui fait sa singularité notamment à travers la personnalité et les actes commis par le personnage interprété par Robinson qui endosse un rôle de psychopathe qui pourrait faire passer ses gangsters énervés des années 30 pour des enfants de choeur. Ce film était peut-être une réponse à L'enfer est en lui (1949) et Le fauve en liberté (1950), deux films dans lesquels son concurrent James Cagney, l'autre petit teigneux du cinéma américain se montrait lui aussi plus violent qu'il ne l'était dans les années 30. On pourrait voir dans cet escalade de la violence une exagération volontaire de la menace représentée par les hors-la-loi pour justifier la répression plus sévère dans l'Amérique conservatrice des années 50 mais je ne sais pas si en l'occurrence c'était une volonté délibérée ou juste une façon pour les producteurs de reprendre une recette ayant fonctionnée ou une volonté de suivre une tendance du film criminel sur laquelle ils se seraient sentis obligé de s'aligner. C'était en tout cas un rôle en or pour le "grand" Edward, excellent en chef de gang grande gueule et provocateur qui se moque de Manning, celui qui est condamné à mort pour un unique meurtre alors que lui en a 17 au compteur (dans l'addition, il n'y a bien sûr pas les 7 ou 8 perpétrés au cours du film de Fregonese) ; qui cogne le gardien qui s'approche imprudemment un peu trop près de sa "cage" et qui ne va pas hésiter à cogner et tirer sur tout ce qui bouge durant l'évasion. Plus tard, on va le voir prêt à torturer Manning lorsqu'il comprendra que celui ci ne veut pas révéler ou il a caché l'argent, and so on…Ce portrait d'un tueur irrécupérable va tourner dans le final au délire jusqu'au-boutiste car Canelli n'est pas du genre à négocier même quand tout semble perdu…
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Dans ce film inégal, le style personnel qu'était capable d'insuffler Hugo Fregonese dans ses meilleurs jours est évident dans de nombreuses séquences. Dès la séquence d'ouverture pré-générique, il parvient immédiatement à capter l'atmosphère de la prison. Fregonese filme en plan large les couloirs sombres de la prison et nous ne percevons que les bruits de pas d'un surveillant. Puis il montre en gros plan, à travers les barreaux de sa cellule un condamné noir qui soudain se saisit de son tabouret et commence à s'en servir comme d'un instrument de percussion et commence à chanter un blues. La caméra se déplace vers la cellule suivante ou nous voyons Vince Canelli tourner devant les barreaux de sa cellule comme un lion en cage puis celle ou se trouve Manning et enfin le voisin de ce dernier qui craque et hurle au chanteur : "Shut-up will you !" au moment ou le titre s'affiche. Ensuite, Fregonese va très vite pour exposer la situation. Dès la fin du générique, avant même la première véritable scène de prison nous présentant la situation des condamnés à mort, Fregonese nous montre les préparatifs de l'évasion à venir. Une voiture avec à son bord Hatti, la petite amie de Canelli et un complice, s'éloigne des abords de la prison et s'arrête devant une pile de journaux posée sur le trottoir par le vendeur ambulant. Fregonese nous montre brièvement la une évoquant la condamnation à mort de Canelli avant qu'une main ne passe par la portière et ne se saisisse d'un exemplaire. Puis la caméra s'élève, le véhicule filmé par le travers à hauteur de la portière permet une vue sur la rue mais Fregonese se concentre d'abord sur les 2 complices. Leur dialogue est interrompu par des poses car ils écoutent la radio qui évoque aussi le cas des condamnés à mort dont on apprend qu'ils doivent passer sur la chaise électrique au cours de la nuit du lendemain. Les 2 personnages évoquent l'affaire à leur tour avant qu'ils ne se tournent pour regarder passer le véhicule de celle dont on ne va pas tarder à faire connaissance, la fille d'un des gardiens qu'ils vont prendre en otage. Les séquences qui suivent sont tout aussi réussies : à la suite de la précédente, le vieux gardien rentre chez lui après sa journée de travail et trouve sur le canapé du salon, à la place de sa fille Ellen (Sylvia Findley), Hatti, qui lui explique froidement la situation. Puis, le lendemain matin, ce gardien, Norris (James Bell) est appelé par Canelli. Il est filmé en très gros plan se tenant debout entre les cellules des deux condamnés à mort, écoutant attentivement les deux hommes échangeant un dialogue qui l'interroge indirectement sur l'attitude qu'il va adopter. Fregonese scrute en gros plan son visage avec en arrière plan celui de Canelli inquiet et attendant une réponse avant qu'un hochement de tête du gardien ne fasse comprendre qu'il accepte le marché, les aider à s'évader contre la restitution de sa fille saine et sauve.
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Puis, plus tard, toutes les séquences montrant la récupération de l'argent caché par Manning sont excellentes comme le sont d'une manière générale, toutes les scènes en extérieurs, ou plus précisément toutes celles qui se déroulent en dehors des deux lieux successifs ou l'essentiel de l'action se passe, d'abord dans la prison puis dans l'entrepôt. Elles permettent à Fregonese de montrer son savoir faire et son originalité dans des scènes qui aèrent un film moins intéressant dès que l'on retrouve l'univers confiné du vaste "cachot" que ce sont choisi les gangsters. Si l'atmosphère claustrophobique lui convient moins, c'est surtout en raison de la faiblesse relative des personnages obligés de cohabiter. Car au bout de 25 minutes, quelques minutes après l'évasion à l'issue de laquelle Canelli fait une nouvelle fois la preuve de sa "loyauté" en virant les autres détenus dont il avait facilité l'évasion, on se retrouve dans l'entrepôt que l'ensemble des protagonistes ne quitteront presque pas.

Or, si le duel Canelli/Manning est intéressant pour le petit jeu du chat et de la souris qui s'instaure entre les deux -Peter Graves étant d'ailleurs de manière surprenante beaucoup moins inerte que d'habitude- les autres personnages et leurs relations sont nettement moins intéressantes. Aucun complice de Canelli ne sort de l'anonymat ; un tout petit peu plus Hatti (Jean Parker) et si certains des otages sont mieux caractérisés, ce n'est pas toujours avec bonheur. Les voici ces passeports pour quitter le pays voulus par Canelli : Ellen, la fille du directeur de la prison ; le journaliste dont un complice de Canelli avait usurpé l'identité ; un médecin ; un gardien ; un flic…et le père Slocum, l'aumonier de la prison. Les seuls personnages a être véritablement exploités par le scénariste et qui ont des lignes significatives sont Ellen qui va tenter d'humaniser le plus récupérable -du moins le croit-elle- des deux meneurs. Elle va même sembler tomber sous le charme du beau tueur sans que l'on puisse parler de romance ni même seulement d'une esquisse de romance car Manning va se montrer intraitable.

Dans ce final, au delà sans doute de la volonté de ne pas trahir la noirceur du récit, on sent aussi tout de même une volonté de n'offrir aucune chance à ces affreux personnages qui doivent payer. Le final hautement moralisateur (mais qui fait son petit effet) avait été préparé avec ce personnage d'aumônier qui est l'autre personnage secondaire important. Il est même très présent dans la dernière partie du récit (sans que cela soit redoutable)….de même que les policiers, eux aussi intraitables. Le chef des forces de police (interprété par Frank Ferguson) se montera inflexible refusant de négocier avec le gang quitte à sacrifier les otages. Un dialogue entre un officier de police et l'aumônier retenu en otage est même involontairement ironique lorsque le flic finira par lui dire " God forgive me but I can't really help you"…le coté inhumain, qui existe des deux cotés, avait déjà été montré plus tôt. Pour une fois, on ne trouvait pas de gardiens sadiques mais juste avant l'exécution, les autorités judiciaires avait tenté une sordide négociation avec Manning, lui offrant un sursit de 10 jours contre la restitution du magot !

Les autres talents. On ne peut pas trop profiter de la photographie de Stanley Cortez car les copies disponibles ne rendent pas grâce à son travail même si j'ai découvert récemment une copie supérieure à celle que je possédais jusque là. Le scénariste Sydney Boehm (High Wall, Undercover Man, Side Street, The Big Heat, Rogue Cop, Six Bridges to Cross, etc…) a déjà été plus inspiré mais ça reste un scénario assez solide. Aucune réserve en revanche en ce qui concerne la belle musique due à Paul Dunlap. Un assez bon film…mais selon moi pas un indispensable. J'ai évoqué d'autres films d'Hugo Fregonese sur ce forum :
- One-Way-Street (L'impasse tragique) http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 8#p2240238
- Saddle Tramp http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 5#p2240400
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Rien que la traduction Française donne le ton..
Bon souvenir pour ma part malgré une copie plus que moyenne avec ss titres espagnols.
Fregonese a du métier et Edward G est impérial : il en rajoute ds les grimaces mais ça passe plutôt bien.
J'aimerai bien le voir ds une belle copie.
Dave Bannion
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Re: Abandoned

Message par Dave Bannion »

kiemavel a écrit :
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Abandoned (1949)
Réalisé par Joseph M. Newman
Produit par Jerry Bresler (Universal)
Scénario de Irwin Gielgud - Dialogue : William Bowers
Photographie : William H. Daniels

Avec Dennis O'Keefe (Mark Sitko), Gale Storm (Paula Considine), Jeff Chandler (le capitaine MacRae), Marjorie Rambeau (Mme Donner), Raymond Burr (Kerric), Mike Mazurki (Hoppe), Will Kuluva (Little Guy Decola)

Tout juste arrivée de sa petite ville du midwest, Paula Considine se rend au bureau des personnes disparues de Los Angeles pour y signaler la disparition de sa soeur Mary qui vit dans la métropole californienne mais qui n'a plus donné signe de vie depuis des semaines, peu après avoir donné naissance à une petite fille. Mark Sitko, un journaliste fouineur à la recherche d'un sujet, entendant son histoire se propose de l'aider dans ses recherches, sans doute plus pour tenter de la séduire que réellement disposé à l'aider. Dès leur sortie du City Hall, Sitko remarque que quelqu'un semble suivre la jeune femme, il surprend l'homme qui se révèle être Kerric, un détective privé ayant très mauvaise réputation qui prétend avoir été embauché par Mr. Considine pour retrouver Mary et veiller sur Paula. Le trio se rend à la morgue ou Paula reconnait sa soeur parmi les photos de jeunes femmes non identifiées. Mary se serait suicidée mais assez vite Sitko et Paula s'aperçoivent que les circonstances de sa mort sont suspectes, comme est inexplicable la disparition de son bébé dont il ne reste aucune trace, pas même un acte de naissance à l'hôpital d'ou Mary avait écrit à sa soeur et où elle était censé avoir accouché. Sitko fait appel à son ami l'officier de police MacRae mais malgré qu'il soupçonne que Mary et son bébé ont été victimes de trafiquants d'enfants, il ne peut cependant pas réouvrir l'enquête avec aussi peu d'éléments. C'est ainsi que Sitko va entrainer Paula dans les bas-fonds de la ville à la recherche de l'enfant de Mary…
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Dennis O'Keefe retrouvait Raymond Burr un an après La grande menace, un film évoqué il y a quelques jours, dans ce drame social traité en film noir. Le scénariste du film, Irving Gielgud avait construit son histoire d'après une série d'articles du L.A Mirror relatant des faits d'enlèvement et de vente d'enfants afin d'alimenter le marché de l'adoption illégale. Il avait aussi reçu le concours d'un lieutenant de police qui avait enquêté sur ces affaires. Toutefois, à la fin de sa vie, le metteur en scène Joseph Newman déclara que tout ce qui était bon dans ce film était du à William Bowers qui réécrivit le film, sa contribution allant donc bien au delà des dialogues additionnels pour lesquels il est crédité. On est en tout cas pas du tout dans le produit de studio Hollywoodien typique car le sujet est un peu audacieux, surtout pour 1949. Abandonné ? Qui est abandonné ? Les femmes et les bébés sans doute alors que le premier titre envisagé prenait un angle différent, il s'agissait de Abandoned Woman. Qu'advient-il lorsque vous êtes une femme seule et désespérée…et enceinte sans être mariée dans les années 1940 ? On s'expose à faire de mauvaises rencontres (dit le film…) et ces jeunes femmes anonymes et vite oubliés se retrouvent inscrites à la rubrique Jane Doe (inconnues) dans le registre de la morgue. On apprend progressivement des bribes de l'histoire de Mary. Sa fuite probable de sa petite ville du Midwest pour mettre au monde un enfant illégitime dans une grande ville favorisant l'anonymat. C'est Sitko qui découvre que la jeune femme n'était pas mariée alors que Paula ne l'avait pas révélé et plus tard c'est elle qui interrogera du bout des lèvres une amie d'infortune de sa soeur pour savoir : …Et le père ? Entrainant immédiatement la fermeture de la jeune femme dans la même situation que son amie disparue.

La trop naïve provinciale qu'était sans doute Mary, on l'a retrouve d'ailleurs dans sa jeune soeur Paula. Elle aussi est un peu trop tendre pour ce qui l'attend mais si elle tombe sur un journaliste à l'évidence plus intéressé par son jolie sourire que par la disparition de sa soeur, ce n'est en tout cas aucunement comparable avec les mauvaises rencontres faites par Mary car il va se montrer beaucoup moins cynique qu'on aurait pu l'envisager. Ses deux motivations initiales…la jolie et naïve Paula et faire de bons papiers un peu croustillants laisseront vite la place à une aide sincère et sans arrières pensées quand il se prendra d'affection pour la jeune femme. En cours de route, ils vont évidemment se rapprocher encore davantage même si l'attirance réciproque ne débouche pas durant l'intrigue sur une idylle. Le contraste entre leurs scènes et la plongée dans le milieu assez glauque de Los Angeles occasionne des ruptures de ton dont je ne saurais dire s'ils nuisent à l'équilibre d'un film d'une très grande noiceur en dehors de ces respirations. Ça permet en tout cas à Dennis O'Keefe de faire étalage de moyens étonnants car je ne le croyais pas capable d'être bon dans tous ces registres là. Il est à la fois dur, sarcastique, roublard mais aussi tendre et drôle sans mordant…et pour revenir à l'intrigue très débrouillard.
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Car en bon journaliste criminel expérimenté et connaissant parfaitement sa ville, Sitko évolue comme un poisson dans l'eau dans le petit monde de la nuit et sait où fouiner. Le 1er informateur, un barman, va être suivi de quelques autres plus ou moins pittoresques et portant tous des sobriquets : Shoeshine Sammy (un cireur de chaussures) , Morrie the Bookie (un bookmaker) puis quelques Doc, Winey et Punchy plus loin, la piste s'arrêtera avec un employé de salon de massage renseigné sur les intentions de Sitko. Elle rebondira néanmoins dans un foyer de l'armée du salut qui recueille de futures mères célibataires. Ils y rencontrent une de ces filles nommée Dottie (Meg Randall) qui leur raconte qu'elle avait vu une vieille dame avec une canne qui, à l'insu des soeurs, avait abordé Mary et lui avait promis son aide. C'est ainsi que pour la première fois, ils entendent parler de Mme Donner. Le spectateur l'aura découvert beaucoup plus tôt car aussitôt après sa rencontre avec Sitko et Paula, c'est chez Mme Donner que Kerric était allé rendre compte du danger qu'ils pouvaient représenter. Leur dialogue ne laissait d'ailleurs aucun doute sur ce qui avait pu arriver à Mary et à sa petite fille.

Dans les bas-fonds de Los Angeles, autour des foyers de charité, il n'y a donc pas que des mains secourables, quand bien même leur premier geste pour donner confiance serait de distribuer des bibles. Tel est le cas de Mme Donner, une vieille dame élégante s'appuyant sur une canne. Elle semble inoffensive mais derrière le vernis de respectabilité, les attentions et le coté maternel se cache une des plus belles saloperies du genre car autant certaines femmes fatales s'annoncent, autant cette brave dame fait parfaitement illusion. Je ne rentre pas dans les détails de son racket mais elle est le cerveau d'un gang spécialisé dans les adoptions illégales de bébés et ne se contente pas de duper les jeunes filles perdues…Elle est entourée de quelques complices eux aussi assez spectaculaires : "Little Guy" Decola (Will Kuluva), un gangster sadique qui adore jouer avec les allumettes ; Hoppe (Mike Mazurki), un abruti surpuissant qui préfère étrangler ses victimes et enfin Kerric interprété par Raymond Burr dans un rôle complexe et intéressant de détective privé, à priori employé par le père de Paula, mais qui semble surtout au service de Mme Donner. Si les autres sont parfois un peu trop pittoresques, Raymond Burr est lui fabuleux en salaud qui finit par être dégouté par pire que lui. Il faut voir ses mines écoeurées…et d'autre part son physique n'a peut-être jamais été aussi bien utilisé, notamment dans ses scènes avec la minuscule Gail Storm dans lesquelles il rempli parfois totalement l'écran.
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Il est aussi très bien servi par le génial dialoguiste qu'était William Bowers car l'un des attraits non négligeable de ce film ce sont ses dialogues comme toujours inventifs et incisifs. Même si certains échanges entre Paula et Sitko sont très bien écrits, ce dernier la prenant d'abord pour une plouc, c'est tout de même Raymond Burr qui est le mieux servi. Quand Sitko demande à Kerric pourquoi il suit Paula, il répond : I couldn’t sleep so I just decided to take my gun out for a walk. Puis, après que Sitko ai mis en doute son honnêteté ce qui entraine sa protestation, il s'entend répondre : Vous êtes devenu respectable ? Comme si un vautour pouvait devenir végétarien ! Un peu plus tard, quand Kerric va commencer à avoir peur des investigations du couple et qu'il va tenter de jouer sa carte personnelle, cela va donner quelques dialogues assez savoureux entre lui et la bonne dame. Il commence par s'inquiéter et dit avec un air sinistre : J'aurais été si heureux si nous avions commis nos meurtres dans un état qui ne pratique pas les exécutions capitales. Puis, bouche bée devant Mme Donner à la suite d'une de ses nouvelles réparties d'un cynisme sans limites, à son interrogation : Qu'est ce que vous attendez ?…Il va répondre : Je pensais juste combien la vie était belle et tranquille quand j'étais impliqué dans les chantages et les petits vols. Tous les méchants sont assez bien servis. En voici une de Decola, le petit maniaque aux allumettes : Une rumeur court dans la ville ; je m'adoucirais. A chaque fois que ça se produit, je coupe toujours quelques gorges, juste pour faire une mise au point.

Les autres talents : Jeff Chandler, déjà assez haut sur l'affiche, était encore un intermittent du spectacle, apparaissant assez peu sauf dans la seconde partie de l'intrigue qui tourne partiellement au film policier classique avec moyen de surveillance, infiltration, etc…La dernière partie du film est très mouvementée et très réussie à l'exception du final qui est un peu décevant malgré que l'on revive à l'identique ce qu'avait subit Mary. En revanche, pour pleinement apprécier le talent du génial directeur de la photographie William Daniels, il faudrait tout de même qu'un éditeur se penche sur le cas de ce fauché mais passionnant petit film Abandoned car il mérite une bonne restauration.

Un message de prudence à l'intention des jeunes filles passe dans la voix off finale et reprend une partie des propos liminaires : ceci pourrait arriver près de chez vous !…car bien sur, la morale de l'histoire est quand même : méfiez vous jeunes filles et pas seulement des grands mères distribuant des bibles ! Jamais en dehors des liens sacrés du mariage ! Parce que sinon : pas cher le baby, pas cher ! C'est surement pour cette raison que le film se termine par un projet de mariage. Pour ne pas gâcher la surprise, je ne dévoile pas l'identité des mariés mais ça se joue entre Raymond Burr & Marjorie Rambo et Dennis O'Keefe & Gail Storm.
Tu me donnes bien envie...Il traîne sur une étagère depuis quelques temps
Je me le regarde ds la semaine.
J'ai revu récemment du même J Newman 711 Océan drive : un peu longuet mais la fin rachète tout !!
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Re: Mardi ça saignera - Black Tuesday

Message par kiemavel »

Dave Bannion a écrit :
kiemavel a écrit :
Black Tuesday - Mardi, ça saignera (1954)
Rien que la traduction Française donne le ton..
Bon souvenir pour ma part malgré une copie plus que moyenne avec ss titres espagnols.
Fregonese a du métier et Edward G est impérial : il en rajoute ds les grimaces mais ça passe plutôt bien.
J'aimerai bien le voir ds une belle copie.
Oui, ce titre aurait pu être celui d'un roman policier français de l'époque. Je l'avais découvert aussi en vost espagnol mais depuis j'ai une vo tout court de meilleure qualité que la précédente même s'il reste du travail coté restauration. Pour Fregonese, c'est plus que du métier, il avait un vrai talent original. Je ne vais pas parler d'auteur car on aurait du mal à trouver une cohérence dans sa filmographie mais il avait de la personnalité. Son sommet est peut-être : Quand les tambours s'arrêteront . Edward G. impérial, mouiiis mais j'aurais préféré qu'il y ai du répondant autour de lui. Peter Graves n'est pas mal mais il est de toute façon, par le scénario, mis en infériorité par rapport à Robinson (en raison de sa blessure et parce qu'il est seul contre Robinson et ses complices). Je maintiens ce que j'ai dis, dès que le film sort de son huit clos il est excellent et la mise en scène de Fregonese est imaginative mais ensuite, dans l'usine désaffectée, le scénario est plus faible, les personnages pas assez fouillés. Ce film repose trop sur le numéro de gangster psychopathe de Robinson selon moi...
Dave Bannion a écrit :
kiemavel a écrit :
Abandoned (1949)
Tu me donnes bien envie...Il traîne sur une étagère depuis quelques temps
Je me le regarde ds la semaine.
J'ai revu récemment du même J Newman 711 Océan drive : un peu longuet mais la fin rachète tout !!
Il y a du bon et du moins bon dans les deux films. Pour 711 Océan Drive, Newman avait eu une plus grosse enveloppe et ça se voit. Le sujet était assez ambitieux, peut-être trop. Aucun des films des années 50 dans lesquels on a commencé à voir les gangsters dans des organisations criminelles structurées ayant des ramifications sur tout ou partie du territoire américain, avec ou sans collusion avec le monde des affaires ou le monde politique, ne m'a jusque là pleinement convaincu, en tout cas sur ce point là. Je viens d'en revoir un (une sorte d'ancêtre du Parrain II) et d'en découvrir un nouveau et j'en suis toujours au même point. Sur les débuts de la mafia, des projets modestes sont très intéressants : La mafia de Richard Wilson par exemple. Même chose pour les biographies criminelles des 50th ou bien les films montrant la corruption à l'échelle d'une ville, dont le meilleur est peut-être : The Phoenix City Story. Mais tous ces films sur la multinationale du crime qui ont voulu mélanger gangstérisme, politique, affairisme et vie privé des gangsters me plaisent beaucoup moins : 711 Ocean Drive, New-York Confidentiel, Au royaume des crapules, The Boss, etc...
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