Eric Rohmer (1920-2010)
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Dans le coffret intégral Rohmer, on y trouve l'atelier d'Eric Rohmer dont Pierre Charrel vient nous parler : c'est le titre donné au DVD inclus dans le coffret édité par Potemkine. Il réunit deux séries de courts métrages de fiction réalisés (pour l’essentiel) par Éric Rohmer entre 1996 et 2009.
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Découverte de 4 Rohmer récemment : les 3 Contes que je n'avais pas encore vus, à savoir Conte d'Automne, Conte d'Hiver et Conte de Printemps, et La Femme de l'Aviateur. Je ne regarde Rohmer que par séries de 3 ou 4 films. Cela doit bien être ma quatrième série.
On y retroue cette petite musique rohmérienne qui sonne comme du théâtre mal joué les premières minutes, puis qui se transforme en jeu de la séduction doublé d'un suspense sentimental et moral. Et comme souvent, car Rohmer sollicite notre regard et notre jugement dans ses films, j'ai été plus ou moins réceptif aux histoires racontées en fonction du pouvoir de séduction de ses héroïnes.
J'ai vraiment bien aimé Conte d'Automne, qui nous fait participer au jeu sentimental mené par une élégante Marie Rivière dans un rôle de femme mûre, et la charmante Alexia Portal dans celui d'une jeune fille. Les deux femmes décident pour les autres, en tentant de leur trouver un compagnon ou une compagne, ou du moins tentent de le faire, avant d'être quelque peu dépassées par le jeu de la mécanique sentimentale qu'elles ont mise en place. Mais cela ne porte pas à conséquence (on n'est pas dans Les Liaisons Dangereuses de Laclos) et tout finit avec le sourire. C'est un film délicieux, qui fait la part belle à la lumière naturelle de la vallée du Rhône.
J'ai eu plus de mal avec les autres films de la série, ce qui achève de me convaincre que l'on aime Rohmer en fonction du pouvoir de séduction de ses héroïnes. Autant j'ai trouvé Marie Rivière séduisante dans Conte d'Automne, autant elle m'a passablement irrité dans La Femme de l'Aviateur (c'est elle déjà qui m'avait gâché Le Rayon Vert). Je me suis lassé de sa brusquerie et de ses minauderies et comme Rohmer fait beaucoup parler ses interprètes et donc nous les montre beaucoup, y compris leurs faiblesses et leurs ratiocinements, j'ai fini par espérer très fort que le héros du film renonce à Marie Rivière pour lui préférer la ravissante jeune femme qui l'avait accosté aux Buttes Chaumont. Evidemment, cet idiot n'en fait qu'à sa tête et, trop hésitant, rate l'occasion qui s'offrait à lui. La morale du film est qu'il faut cueilir la fleur quand elle est éclose, mais comme le héros s'avère incapable de le faire, c'est un film frustrant.
A Conte de Printemps et Conte d'Hiver, je ferai le reproche qu'on sait d'avance comment cela va se terminer, en particulier le second. L'intérêt des deux films est de savoir comment les deux héroïnes, qui sont des femmes de lettres, au sens où elles sont toutes deux capables de décrire par la parole leurs sentiments et leurs raisonnements intérieurs, vont réussir à justifier, pour elles-mêmes et pour leur entourage, leur comportement. On voit plus que jamais dans ces films que Rohmer était un ancien professeur de philosophie. La coiffeuse de Conte d'Hiver est pleine de ses certitudes quant à la réapparition de l'homme de sa vie, qu'elles répètent à longueur de film (on sait que les films de Rohmer sont bavards). Elle vit en fonction d'un but à atteindre - le retour du père de sa fille, dont elle n'a pas l'adresse. Elle attend. Miracle du cinéma, le but se réalise et le film se termine.
La prof de philo de Conte de Printemps est, elle, pleine d'hésitations. Elle vit selon des principes qui pour elles font office d'objectifs, mais comme la vie ne se conforme pas toujours à ses principes, elle est sur la défensive, dans l'expectative de ce qui est à venir (elle voit son mariage à venir plus comme une sécurité, la fin d'une hésitation, que comme une preuve d'amour). Le suspense sentimental du film est de savoir si les tentatives d'une jeune fille pour la rapprocher de son père vont aboutir et vaincre ses principes. J'ai bien aimé ce Conte de Printemps, qui ne manque pas de charmes. C'est que celui d'Anne Teyssèdre ne m'a pas laissé indifférent... J'en reviens donc à ma conclusion première sur l'importance du charme de l'interprète.
Une curiosité dans ce Conte de Printemps: l'interprète du père a la diction très particulière, toute en précipitations, de Rohmer lui-même.
On y retroue cette petite musique rohmérienne qui sonne comme du théâtre mal joué les premières minutes, puis qui se transforme en jeu de la séduction doublé d'un suspense sentimental et moral. Et comme souvent, car Rohmer sollicite notre regard et notre jugement dans ses films, j'ai été plus ou moins réceptif aux histoires racontées en fonction du pouvoir de séduction de ses héroïnes.
J'ai vraiment bien aimé Conte d'Automne, qui nous fait participer au jeu sentimental mené par une élégante Marie Rivière dans un rôle de femme mûre, et la charmante Alexia Portal dans celui d'une jeune fille. Les deux femmes décident pour les autres, en tentant de leur trouver un compagnon ou une compagne, ou du moins tentent de le faire, avant d'être quelque peu dépassées par le jeu de la mécanique sentimentale qu'elles ont mise en place. Mais cela ne porte pas à conséquence (on n'est pas dans Les Liaisons Dangereuses de Laclos) et tout finit avec le sourire. C'est un film délicieux, qui fait la part belle à la lumière naturelle de la vallée du Rhône.
J'ai eu plus de mal avec les autres films de la série, ce qui achève de me convaincre que l'on aime Rohmer en fonction du pouvoir de séduction de ses héroïnes. Autant j'ai trouvé Marie Rivière séduisante dans Conte d'Automne, autant elle m'a passablement irrité dans La Femme de l'Aviateur (c'est elle déjà qui m'avait gâché Le Rayon Vert). Je me suis lassé de sa brusquerie et de ses minauderies et comme Rohmer fait beaucoup parler ses interprètes et donc nous les montre beaucoup, y compris leurs faiblesses et leurs ratiocinements, j'ai fini par espérer très fort que le héros du film renonce à Marie Rivière pour lui préférer la ravissante jeune femme qui l'avait accosté aux Buttes Chaumont. Evidemment, cet idiot n'en fait qu'à sa tête et, trop hésitant, rate l'occasion qui s'offrait à lui. La morale du film est qu'il faut cueilir la fleur quand elle est éclose, mais comme le héros s'avère incapable de le faire, c'est un film frustrant.
A Conte de Printemps et Conte d'Hiver, je ferai le reproche qu'on sait d'avance comment cela va se terminer, en particulier le second. L'intérêt des deux films est de savoir comment les deux héroïnes, qui sont des femmes de lettres, au sens où elles sont toutes deux capables de décrire par la parole leurs sentiments et leurs raisonnements intérieurs, vont réussir à justifier, pour elles-mêmes et pour leur entourage, leur comportement. On voit plus que jamais dans ces films que Rohmer était un ancien professeur de philosophie. La coiffeuse de Conte d'Hiver est pleine de ses certitudes quant à la réapparition de l'homme de sa vie, qu'elles répètent à longueur de film (on sait que les films de Rohmer sont bavards). Elle vit en fonction d'un but à atteindre - le retour du père de sa fille, dont elle n'a pas l'adresse. Elle attend. Miracle du cinéma, le but se réalise et le film se termine.
La prof de philo de Conte de Printemps est, elle, pleine d'hésitations. Elle vit selon des principes qui pour elles font office d'objectifs, mais comme la vie ne se conforme pas toujours à ses principes, elle est sur la défensive, dans l'expectative de ce qui est à venir (elle voit son mariage à venir plus comme une sécurité, la fin d'une hésitation, que comme une preuve d'amour). Le suspense sentimental du film est de savoir si les tentatives d'une jeune fille pour la rapprocher de son père vont aboutir et vaincre ses principes. J'ai bien aimé ce Conte de Printemps, qui ne manque pas de charmes. C'est que celui d'Anne Teyssèdre ne m'a pas laissé indifférent... J'en reviens donc à ma conclusion première sur l'importance du charme de l'interprète.

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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Elle est un peu mineure quand mêmeStrum a écrit :j'ai fini par espérer très forts que le héros du film renonce à Marie Rivière pour lui préférer la ravissante jeune femme qui l'avait accosté aux Buttes Chaumont.

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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Même si elle fait beaucoup plus, Rohmer lui fait en effet dire qu'elle a "15 ans". Mais en fait, ce n'est pas vrai.AtCloseRange a écrit :Elle est un peu mineure quand mêmeStrum a écrit :j'ai fini par espérer très forts que le héros du film renonce à Marie Rivière pour lui préférer la ravissante jeune femme qui l'avait accosté aux Buttes Chaumont.



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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Petit retour en arrière sur le sujet
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Ah je vois que la question de ses 15 ans t'avais déjà chiffonné.AtCloseRange a écrit :Petit retour en arrière sur le sujet
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C'est drôle, je me souviens que l'âge de Stewart dans Liberty Valance t'avais déjà chiffonné, mais cette fois en sens inverse.
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
On a quand même affaire à un personnage bien pataud et inhibé. De découvrir en cours d'aventure que le crush qu'il ne s'avoue qu'à moitié et en fait à peine pubère ne peut qu'ajouter à sa gêne. Après, pourquoi ne pas vraiment avoir choisi une fille de 15 qui en fait 17 ? Peut-être qu'aucune actrice ne faisait l'affaire, peut-être que Rohmer trouvait ça un peu limite... C'est si important?Strum a écrit :Ah je vois que la question de ses 15 ans t'avais déjà chiffonné.AtCloseRange a écrit :Petit retour en arrière sur le sujet
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"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Parce que si on imagine tout de suite qu'elle a 15 ans, elle ne joue pas du tout le même rôle dans l'histoire. Elle n'a plus alors de vraie position de rivale potentielle.
Je ne sais toujours pas pourquoi il a joué sur cette ambigüité-là.
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
...AtCloseRange a écrit :Elle n'a plus alors de vraie position de rivale potentielle.
Non, rien.


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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Théoriquement, je le reconnaisGounou a écrit :...AtCloseRange a écrit :Elle n'a plus alors de vraie position de rivale potentielle.
Non, rien.

Bon, de toute façon, on s'en fiche puisque le problème de ce film et Strum le sage a bien mis le doigt dessus, c'est Marie Rivière.
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Je suis loin d'avoir vu beaucoup de films de Rohmer (5, sauf erreur de ma part) dont Ma nuit chez Maud que j'adore pour Jean Louis Trintignant. Donc, pour le coup...Strum a écrit :J'ai eu plus de mal avec les autres films de la série, ce qui achève de me convaincre que l'on aime Rohmer en fonction du pouvoir de séduction de ses héroïnes.
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
MJ a écrit :On a quand même affaire à un personnage bien pataud et inhibé. De découvrir en cours d'aventure que le crush qu'il ne s'avoue qu'à moitié et en fait à peine pubère ne peut qu'ajouter à sa gêne. Après, pourquoi ne pas vraiment avoir choisi une fille de 15 qui en fait 17? Peut-être qu'aucune actrice ne faisait l'affaire, peut-être que Rohmer trouvait ça un peu limite... C'est si important?
Rohmer aimant les jeunes filles, je pense qu'il n'y a pour lui pas d'ambiguïté ou de gêne, que la jeune fille de 15 ans reste une rivale potentielle (la fin du film nous la montre d'ailleurs sortir avec l'ami de Marlaud) et qu'il nous le signifie dans les dialogues, avec son raisonnement de philosophe particulier et un peu abstrait, en nous disant que le héros a 20 ans et qu'il se situe donc exactement au milieu des deux femmes de 15 ans et 25 ans entre lesquelles il hésite - le "milieu" c'est le lieu de l'hésitation et de tous les choix possibles. Rohmer nous le montre ensuite, pensant à l'autre quand il parle avec l'une et vice-versa, et perdant ainsi les deux, ce qui illustre la morale ou le proverbe qui sous-tend La Femme de l'Aviateur : "On ne peut penser à rien". Ce n'est pas la première fois que Rohmer crée une situation un peu artificielle et peu crédible pour illustrer un proverbe.AtClose a écrit :Parce que si on imagine tout de suite qu'elle a 15 ans, elle ne joue pas du tout le même rôle dans l'histoire. Elle n'a plus alors de vraie position de rivale potentielle.
Je ne sais toujours pas pourquoi il a joué sur cette ambigüité-là.
Précisément. Ma Nuit chez Maud est le meilleur Rohmer, en tout cas le plus équilibré et mon préféré, parce que c'est le seul où il arrive à construire ou dispose d'un personnage masculin intéressant et charismatique en face du personnage féminin principal (la très belle Françoise Fabian au fort pouvoir de séduction). Dans tous les autres Rohmer ou presque, les personnages masculins sont falots et ce sont les femmes qui mènent la danse ou en sont le centre (le "milieu" ?tenia a écrit :Je suis loin d'avoir vu beaucoup de films de Rohmer (5, sauf erreur de ma part) dont Ma nuit chez Maud que j'adore pour Jean Louis Trintignant. Donc, pour le coup...

Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Tu fais bien de le préciser.Strum a écrit :Ma Nuit chez Maud est le meilleur Rohmer, en tout cas le plus équilibré et mon préféré, parce que c'est le seul où il arrive à construire ou dispose d'un personnage masculin intéressant et charismatique en face du personnage féminin principal (la très belle Françoise Fabian au fort pouvoir de séduction). Dans tous les autres Rohmer ou presque, les personnages masculins sont falots et ce sont les femmes qui mènent la danse ou en sont le centre (le "milieu" ?) - ces films tiennent donc sur le pouvoir de séduction des personnages féminins.


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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Ce n'est pas parce que j'ai le dos tourné qu'il faut en profiter ; dis aussi que ça ressemblait à de mauvais téléfilms pendant que tu y esRoy Neary a écrit : en dehors de sa mise en scène que je trouve pauvre et rebutante dans les années 70 et 80


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Re: Eric Rohmer (1920-2010)
Strum a écrit :Même si elle fait beaucoup plus, Rohmer lui fait en effet dire qu'elle a "15 ans". Mais en fait, ce n'est pas vrai.
Justement non, il ne "fait (pas) dire" : née en 1964, Anne-Laure Meury (puisque c'est d'elle qu'il s'agit) a 15-16 ans au moment du tournage.Strum a écrit :Rohmer lui fait dire qu'elle a 15 ans (alors que l'interprète a manifestement plus)
Idem pour Philippe Marlaud (qui, né en 59, avait bien 20-21 ans au moment du tournage) et Marie Rivière (née en 1956, 24 ans).
Mais il va sans dire que ça n'enlève rien à la pertinence de ton hypothèse géométrico-philosophique (puisqu'elle tient la route, que les âges soient réels ou pas).
Après, sur la question de l'adolescence et de l'âge-limite pour ébaucher une idylle chez Rohmer, on peut se souvenir que, dans Le Genou de Claire, Brialy flirte "dangereusement" avec la "petite" Laura (pour le coup, là, Rohmer joue avec l'état civil de l'interprète : il nous la présente comme une ado de 15-16 ans, alors que Béatrice Romand avait déjà 18 ans au moment du film... elle était même plus âgée que celle qui est censée figurer sa "grande" sœur : Laurence de Monaghan - alias Claire -, âgée, elle, d'une quinzaine d'années)... Quel est le cinéaste qui, aujourd'hui, montrerait une telle romance, sans risquer de tomber dans le scabreux (ou sous le coup de la loi... ou les deux) ?
Sinon, sur tes avis concernant les 4 films vus dernièrement, ils m'intéressent d'autant plus que je ne m'y retrouve quasiment pas du tout !

Conte d'hiver est l'un de mes Rohmer préférés (avec Ma nuit chez Maud, Le Genou de Claire et... Le Rayon vert !) et je trouve que son héroïne est presque l'antithèse de celle du Conte de printemps (le plus faible des 4 "Contes des quatre saisons", je trouve)...
Félicie (Conte d'hiver) essaie d'analyser ses sentiments (qui ne le fait pas, d'ailleurs, chez Rohmer ?) mais n'en est pas vraiment capable ; elle peine à trouver les mots justes : sa mère la reprend, Maxence ne la contredit pas quand elle lui dit "tu sais bien comment je mets un mot pour un autre !", et elle va même jusqu'à se tromper dans sa propre adresse, faisant la confusion entre Levallois et Courbevoie (confusion/quiproquo qui sera d'ailleurs le point déterminant de ce que sera la destinée de Félicie).Strum a écrit :L'intérêt des deux films est de savoir comment les deux héroïnes, qui sont des femmes de lettres, au sens où elles sont toutes deux capables de décrire par la parole leurs sentiments et leurs raisonnements intérieurs, vont réussir à justifier, pour elles-mêmes et pour leur entourage, leur comportement.
Jeanne, au contraire, sait parfaitement quels mots utiliser (elle en remontre à la jeune Natacha, qui ignore par exemple ce qu'est "l'anneau de Gygès").
Alors bien sûr, là où toutes deux se rejoignent, c'est dans ce besoin (là encore, terriblement rohmérien !) d'analyser ses sentiments, ses raisonnements, ses mouvements du cœur... Mais il y a entre elles toute la distance rhétorique (et théorique, bien sûr !) qui sépare une coiffeuse d'une prof de philo (c'est quelque peu cruel, j'en conviens, mais ça doit nous rappeler à quel point le cinéma de Rohmer est aussi un cinéma subtilement social).
[Dick Laurent is dead.]