
Lors d'une « course aux objets », Irene Bullock — qui appartient à la « haute société » — fait la connaissance d'un aristocrate vagabond nommé Godfrey. Elle le fait engager par sa mère, Angelica Bullock, qui, tel un mécène, entretient Carlo qui se dit artiste. Cornelia, la sœur d'Irène, éprouve rapidement une véritable aversion pour Godfrey, et lorsqu'un collier de perle disparaît, elle tente de le faire accuser du vol.
Au croisement de la pure screwball comedy et récit social grinçant, une étonnante et inventive comédie. Le contexte de la crise des années 30 est au cœur du scénario où sous l'angle de l'humour l'insouciance des nantis face à la misère environnante est passée au vitriol. C'est même par une course à l’objet insolite que l'on découvre notre héros sans abris Godfrey qui accepte d'être désigné comme trophée pour le bon loisir des riches. Un concours de circonstances l'amène à devenir le majordome au sein de la famille de sa "mécène" Irene Bullock et d'ainsi côtoyer de près la folie de la haute société. Gregory La Cava assène ainsi un rythme éreintant truffé de situations loufoques (le cheval dans la bibliothèque, Carlo imitant le gorille) et de personnages délirants à travers les membres de la famille Bullock. La mère de famille (Alice Brady) écervelée et superficielle entretenant un pseudo artiste, une fille aînée (Gail Patrick qui retrouvera La Cava dans le beau Pension d'artistes) séduisante mais aussi vénéneuse qu'un serpent et un père dépassé mais qui laisse faire et paie toujours les dégâts. Même la très attachante Irene (Carole Lombard) s'avère être une insupportable gamine capricieuse qui trépigne et boude lorsque les évènements ne tournent pas en sa faveur dont les tentatives de séductions avortées de Godfrey. Carole Lombard est aussi agaçante qu'à croquer et tout comme Godfrey on ne sait trop si on veut la secouer ou l'embrasser, une sorte d'enquiquineuse magnifique. L'alchimie avec William Powell (son ex-mari à la ville) fait constamment des étincelles.
La leçon du film c'est que cette oisiveté détachée n'est pas un point de non-retour grâce au personnage de Godfrey. Une révélation nous apprendra qu'il a lui aussi brûlé la chandelle par les deux bouts en son temps, ce qui l'a conduit à sa misérable situation où on le trouve au début. De cette expérience, il tentera discrètement de ramener cette famille à la raison et finalement contribuer à son tour au bien être de la communauté. William Powell est absolument parfait de prestance, de bagout et seul figure calme plongée au milieu du chaos ambiant. Sa prestation irrésistible lui vaudra une nomination à l'Oscar. En plus de son rythme enlevé et de ses thèmes passionnants, le film a pour lui un soin plastique marquant avec la belle photo de Ted Tetzlaff et l'incroyable décor que constitue cette immense demeure bourgeoise. Grande comédie et difficile d'imaginer meilleur fin que ce mariage (presque pas) contraint, génial ! 6/6 Sinon en fan de David Niven (vraiment un rôle parfait pour lui) le remake me tentait bien mais au vu des avis catastrophiques dans les pages précédentes il semble qu'il vaut mieux s'abstenir
