Gregory La Cava (1892-1952)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

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Mon homme Godfrey (1936)

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Lors d'une « course aux objets », Irene Bullock — qui appartient à la « haute société » — fait la connaissance d'un aristocrate vagabond nommé Godfrey. Elle le fait engager par sa mère, Angelica Bullock, qui, tel un mécène, entretient Carlo qui se dit artiste. Cornelia, la sœur d'Irène, éprouve rapidement une véritable aversion pour Godfrey, et lorsqu'un collier de perle disparaît, elle tente de le faire accuser du vol.

Au croisement de la pure screwball comedy et récit social grinçant, une étonnante et inventive comédie. Le contexte de la crise des années 30 est au cœur du scénario où sous l'angle de l'humour l'insouciance des nantis face à la misère environnante est passée au vitriol. C'est même par une course à l’objet insolite que l'on découvre notre héros sans abris Godfrey qui accepte d'être désigné comme trophée pour le bon loisir des riches. Un concours de circonstances l'amène à devenir le majordome au sein de la famille de sa "mécène" Irene Bullock et d'ainsi côtoyer de près la folie de la haute société. Gregory La Cava assène ainsi un rythme éreintant truffé de situations loufoques (le cheval dans la bibliothèque, Carlo imitant le gorille) et de personnages délirants à travers les membres de la famille Bullock. La mère de famille (Alice Brady) écervelée et superficielle entretenant un pseudo artiste, une fille aînée (Gail Patrick qui retrouvera La Cava dans le beau Pension d'artistes) séduisante mais aussi vénéneuse qu'un serpent et un père dépassé mais qui laisse faire et paie toujours les dégâts. Même la très attachante Irene (Carole Lombard) s'avère être une insupportable gamine capricieuse qui trépigne et boude lorsque les évènements ne tournent pas en sa faveur dont les tentatives de séductions avortées de Godfrey. Carole Lombard est aussi agaçante qu'à croquer et tout comme Godfrey on ne sait trop si on veut la secouer ou l'embrasser, une sorte d'enquiquineuse magnifique. L'alchimie avec William Powell (son ex-mari à la ville) fait constamment des étincelles.

La leçon du film c'est que cette oisiveté détachée n'est pas un point de non-retour grâce au personnage de Godfrey. Une révélation nous apprendra qu'il a lui aussi brûlé la chandelle par les deux bouts en son temps, ce qui l'a conduit à sa misérable situation où on le trouve au début. De cette expérience, il tentera discrètement de ramener cette famille à la raison et finalement contribuer à son tour au bien être de la communauté. William Powell est absolument parfait de prestance, de bagout et seul figure calme plongée au milieu du chaos ambiant. Sa prestation irrésistible lui vaudra une nomination à l'Oscar. En plus de son rythme enlevé et de ses thèmes passionnants, le film a pour lui un soin plastique marquant avec la belle photo de Ted Tetzlaff et l'incroyable décor que constitue cette immense demeure bourgeoise. Grande comédie et difficile d'imaginer meilleur fin que ce mariage (presque pas) contraint, génial ! 6/6 Sinon en fan de David Niven (vraiment un rôle parfait pour lui) le remake me tentait bien mais au vu des avis catastrophiques dans les pages précédentes il semble qu'il vaut mieux s'abstenir :mrgreen:
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

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Primrose Path (1940)

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Fille d’une prostituée et d’un ivrogne, Ellys May décide de cacher son passé lorsqu’elle tombe amoureuse d’un jeune homme de bonne famille. Quelque temps après leur mariage ce dernier découvre la vérité…


Ginger Rogers aura traversé les années 30 et gagné ses galons de star au rythme des trépidantes comédies musicales qu'elle tourna dans le duo vedette qu'elle formait avec Fred Astaire. Auréolée d'une image plutôt glamour au vu des cadres prestigieux traversés par les neuf films du duo, la comédienne su remarquablement se réinventer après leur dernière production en commun La Grande Farandole. Désormais elle serait la "girl next door", la fille de la rue qui traverserait l'écran affectée à des métiers ordinaires et connaissant les tracas financier du commun des mortels. Ce nouvel emploi réaliste aurait cours dans de très beaux films comme Etranges Vacances (1944) de William Dieterle où elle joue une repris de justice mais la transformation eu cours dès les années 30 dans la comédie Mademoiselle et son bébé et surtout dans le merveilleux Pension d'artistes (1937) de Gregory La Cava. Sur ce dernier film La Cava maître de la comédie y effectuait également sa mue dans le registre du mélodrame à travers la description réaliste du quotidien difficile d'aspirants artistes. Le réalisateur et sa star allait donc évoluer en commun sur le plus léger 5th Avenue Girl, leur collaboration trouvant son aboutissement dans ce très noir Primrose Path.

Gregory La Cava avait déjà dans ses comédies fait montre de ses préoccupations sociales dont le chef d'œuvre Mon homme Godfrey. Ici les rires ne viennent pas atténuer la description sordide de la misère et le film s'avère particulièrement audacieux et risqué dans une imagerie glauque telle que l'on n'en avait plus vu depuis l'instauration du Code Hays. Ellis May (Ginger Rogers) est une jeune femme vivant avec sa famille dans le misérable quartier de Primrose Hill à l'extrémité de la ville. La scène d'ouverture offre un panorama déprimant de ce cadre avec ordures, routes poussiéreuses, gamin souillon s'amusant en pleine rue et bicoques brinquebalantes. Le spectacle est tout aussi peu réjouissant lorsqu'on pénètre dans la demeure d'Ellis May où se révèleront progressivement la subsistance du foyer au rythme des cadeaux des clients de a mère prostituée, son père alcoolique et dépressif et les deux extrêmes entre la grand-mère ayant initiée cet état et la petite sœur dont le comportement prédestine à un futur similaire. Cet avenir, Ellis May aimerait tant y échapper et trouvera une voie possible par la rencontre d'Ed Wallace (Joel McRea) patron de bar ému par le franc parler et les attitudes de garçon manqué de la jeune fille. Le plus dur reste pourtant à faire, lui avouer ses origines honteuses.

Primrose Path anticipe de trois décennies le terrible Affreux, sales et méchants de Ettore Scola avec un même constat. La misère et la fange sont des moteurs de perversion, d'avilissement et de laideur qui vous aspire inéluctablement et vous condamne à reproduire ce cycle sans espoir de s'en sortir. Comme un symbole l'être le lus perverti sera aussi le plus âgé avec le terrible personnage de grand-mère joué par Queenie Vassar, véritable mère maquerelle ayant poussé sa propre fille vers la prostitution et espérant voir ses petites fille suivre le même chemin (ainsi le passage plutôt mignon où la benjamine s'affaire maquillée et déguisée en dame fait paradoxalement froid dans le dos) afin "d'aider la famille". Les dialogues se font acerbes, les personnages oscillant entre renoncement alcoolisé (le père décrépit joué par Miles Mander) et joie de vivre de façade avec la figure de mère touchante malgré l'adversité que représente Marjorie Rambeau. Dans cet océan de noirceur, la candeur de Ginger Rogers et l'histoire d'amour enlevée avec Joel McRea offrent des respirations bienvenues à travers plusieurs jolis moments tendres.

Tout cela est peut-être malheureusement éphémère tant il semble difficile de faire oublier d'où l'on vient dans le regard des autres et surtout dans celui pour qui cela compte le plus. Ginger Rogers vacillante mais toujours la tête haute est absolument remarquable et offre une de ses performances dramatique les plus accomplies. Elle conserve une forme de dignité dans ses tentatives d'échappée comme dans ses renoncements qui rendent son personnage particulièrement attachant, n'en rendant que plus fort ses déboires sans que La Cava surenchérisse la veine mélodramatique dans sa mise en scène sobre. Le film eu maille à partir avec la censure avec cette description sans fard de la prostitution qui si elles ne sont jamais nommée tel quel les montrent avec crudité dans leur vulgarité aguicheuse. La conclusion amène une facette plus lumineuse et positive à l'ensemble et si l'on est heureux pour les personnages difficile de ne pas y voir une convention destinée à adoucir la teneur du récit afin de le quitter sur une note d'espoir ténu. 5,5/6
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par feb »

Merci Profondo pour cette critique :wink: Par contre tes captures ne s'affichent pas chez moi c'est normal ? Il n'y en a pas ? Ah OK pardon :fiou: :mrgreen:
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

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Non pas eu le temps pour des captures j'ai trop donné des habitudes de luxe :mrgreen: je te mettrais Gingers Rogers partout la prochaine fois ! :fiou:
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par feb »

Profondo Rosso a écrit :Non pas eu le temps pour des captures j'ai trop donné des habitudes de luxe :mrgreen: je te mettrais Gingers Rogers partout la prochaine fois ! :fiou:
:mrgreen: C'est noté.
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

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La Fille de la cinquième avenue (1939)

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Alfred Borden, PDG millionnaire, est déprimé, il se sent délaissé par sa famille qui le néglige oubliant même son anniversaire. Il rencontre à Central Park une jeune femme au chômage, Mary Grey. Il l’invite à dîner dans un night-club à la mode pour fêter son anniversaire. Charmé par la joie de vivre de Mary, il lui propose de venir vivre chez lui afin d’attiser la jalousie de sa famille.

Fifth Avenue Girl est au premier abord pour Gregory La Cava une sorte de variation sur le même thème de son chef d'œuvre My man Godfrey au pitch rigoureusement similaire : un personnage défavorisé s'immisce chez des nantis dont il va perturber l'existence et redonner un certain sens des réalités à leur vie oisive. Le principal changement semble uniquement être le sexe de l'élément perturbateur, William Powell en majordome pince sans rire dans Mon homme Godfrey et Ginger Rogers (qui affine là son nouvel emploi d'héroïne prolétaire) en chômeuse sarcastique. La différence est bien plus profonde cependant et loin du remake masqué, le message de Fifth Avenue Girl est tout autre malgré la construction similaire.

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Mon homme Godfrey, vrai film social usait des codes de la screwball comedy pour délivrer un récit tout en hystérie où le trait largement forcé servait à montrer le détachement d'une famille riche totalement délurée bientôt ramenée sur terre par l'arrivée du clochard reconverti majordome Godfrey. Pour situer l'approche différente des deux films il suffit de comparer les entrées en matière et éloignée à la fois. Mon homme Godfrey débute sur une colère homérique du patriarche joué par Eugène Palette contre sa famille trop dépensière qui montrera bientôt son sens de l'excès totalement inconscient. Dans Fifth Avenue Girl le chef de famille de famille Alfred Borden (Walter Connolly) a aussi des reproches à adresser à sa famille : tandis qu'il trime pour assurer la survie de sa compagnie, les siens s'amuse joyeusement et le délaissent.

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Sa femme flirte avec d'autres hommes, son fils joue au polo au lieu de le seconder et sa fille entame une tapageuse existence de "débutante" fêtarde. Le mal est si profond que le soir de son anniversaire Borden se trouve désespérément seul. C'en est trop et parti noyer sa solitude à Central Park il rencontre la chômeuse pince sans rire Mary Grey (Ginger Rogers) qu'il va utiliser pour susciter la jalousie de sa famille et la reconquérir. Dans Mon homme Godfrey la famille est visible d'entrée dans toute sa folie et extravagance pour souligner leur frivolité, cette même famille brille par son absence dans l'ouverture de La fille de la cinquième avenue. C'est là tout le propos de ce second film, le fossé progressif d'une famille où chacun est devenu un étranger pour l'autre, le mari et son épouse, les parents et les enfants, l'enjeu étant la reconstruction de cette entité (et assez ironiquement la famille de Mon homme Godfrey en dépit de tous ses travers est sans doute plus soudée).

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Ce n'est pas leur attitude déconnectée qui est reprochée ici (les quelques scènes du genre n'atteignent jamais la folie azimutée de Mon homme Godfrey) mais bien leur indifférence les uns aux autres. La construction très intelligente du film montre donc le rapprochement entre Borden et Ginger Rogers installée chez lui qui scandalise peu à peu la famille. L'enjeu semble au départ purement matériel à travers l'épouse snob jouée par Verree Teasdale mais ce n'est qu'une surface puisque blessée dans sa fierté elle va apprendre à aimer de nouveau cet époux qui s'éloigne d'elle et tenter de le reconquérir. Pour le fils oisif joué par Tim Holt, c'est l'heure de prendre ses responsabilité, Borden délaissant en apparence ses affaires ses affaires pour la compagnie de Ginger Rogers.

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C'est d'ailleurs par Ginger Rogers que la mécanique trop bien huilée s'enraye quand lorsque la famille se rapproche elle se trouve confrontée à sa propre solitude. L'actrice traverse les petites crises de chacun avec un détachement ironique parfait avant de fendre magnifiquement l'armure lors de la conclusion. Les préoccupations sociales de La Cava même si moins appuyées (et qui retrouveront leur importance dans le très noir Primrose Path à suivre de nouveau avec Ginger Rogers) sont toujours bien présente que ce soit sous forme de moquerie où les pauvres comme les riches en prennent pour leur grade (le passage au restaurant au début, la rhétorique communiste clichée du personnage Michael le Ninotchka de Lubitsch ou le Un, deux trois de Wilder ne sont pas loin) mais aussi un regard plus tendre comme l'escapade à Central Park de Ginger Rogers et Tim Holt voyant défiler en voisins de banc des communautés hétéroclite du peuple new yorkais, marin de passage comme émigrants japonais. Sans complètement égaler les autres réussites de cette grande période d'inspiration pour La Cava, vraiment un joli film.4,5/6

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Dernière modification par Profondo Rosso le 24 avr. 13, 02:01, modifié 1 fois.
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par feb »

Merci Profondo :wink:
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par pak »

J'ai découvert La Cava il y a quelques années avec ce film lors d'une reprise en salles. J'aime beaucoup.
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

http://www.notrecinema.com/
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

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The Half-Naked Truth (1932)

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En 1932, aux Etats-Unis. Le bonimenteur d'une fête foraine miteuse devient un dynamique publicitaire à New York en transformant une danseuse, limitée jusque-là aux attractions, en sensation à Broadway.

Gregory La Cava réalise une savoureuse comédie Pré-Code avec ce très amusant The Half-Naked Truth. L'histoire se pose en féroce satire du monde du spectacle et des affres de la célébrité. On aura ainsi une démonstration de la vacuité du statut de vedette où le succès est moins affaire de talent que de promotion appropriée. Jimmy Bates (Lee Tracy) bonimenteur professionnel végète ainsi dans une fête foraine miteuse avec sa petite amie mexicaine Teresita (Lupe Velez) attraction du numéro de danse orientale plus pour sa plastique que ses dons de scène. Jimmy a alors l'idée d'inventer un scandale dans le trou paumé où ils jouent en faisant de Teresita la fille illégitime d'un notable local dont l'identité sera révélée à la fin du show. La méthode fonctionne et l'attrait du scandale attire la foule jusqu'à ce que l'intervention du shérif fasse tourner court à l'arnaque au terme d'une bagarre homérique où la fête foraine sera saccagée. Qu'à cela ne tienne, Bates et sa belle vont appliquer la méthode à plus grande échelle là où tout se passe, Broadway. Teresita va ainsi passer pour une mystérieuse princesse turque évadée d'un harem dont les extravagances vont faire sensation et projeter en haut de l'affiche.

La description de ce monde du spectacle où tout n'est qu'affaire de rumeurs et de sensationnel n'est pas bien reluisante mais amuse par les excès nécessaire à attirer la lumière. La Cava déploie donc toute l'extravagance et le délire qu'on lui connaît avec une Lupe Velez qui passe la première demi-heure du film à moitié nue dans une tenue de danse orientale sexy, qui accueille les journalistes dans sa suite où elle héberge un lion et plus tard Bates se trouvera une nouvelle protégée écervelée qu'il exploitera dans un numéro sauvage de nudiste... Le talent et l'amour de l'art n'ont rien à faire ici, à l'image du premier numéro de Lupe Lopez à Broadway qui ennuiera le public tant restera conventionnel et l'enflammera dès qu'elle se dénudera et entonnera une chanson grivoise. Dans le même ordre d'idée le directeur artistique joué par Frank Morgan suivra constamment le sens du vent de plus en plus assujetti au génial promoteur qu'est Bates.

L'ensemble est miraculeusement sauvé du cynisme total par ses personnages très attachants. Lee Tracy et Lupe Velez forment un couple orageux et attachant dont les échanges musclés font des étincelles. Lee Tracy en manager frénétique offre un grand numéro comique, sourire enjôleur, débit de parole hystérique cherchant toujours à vous embobiner. Lupe Velez en mexicaine volcanique est tout aussi excessive mais sous cette débauche d'énergie La Cava parvient toujours à faire ressentir les liens qui unissent son couple malgré les trahisons (la demande en mariage avortée). Le comparse bougon joué par Eugene Pallette (qui retrouvera La Cava sur Mon homme Godfrey) dégage la même sympathie. Plus globalement, le film est une ode à cet art de saltimbanque que la quête de renommée perverti et rend moins amusant. Une vision qui semble associée à la ville, son opulence et ses tentations qui vont séparer les héros alors que le joli épilogue où on retrouve numéros minables et public péquenot est synonyme d'authenticité et de réunion. Même si La Cava a fait bien mieux après, un très bon moment. 4/6
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par Ann Harding »

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Gallant Lady (Femme d'honneur, 1933) de Gregory La Cava avec Ann Harding, Clive Brook, Otto Kruger et Tullio Carminati

Sally Windham (A. Harding) assiste à la mort de son fiancé, un pilote d'avion. Désespérée, elle erre dans un parc où elle rencontre Dan Pritchard (C. Brook) un ancien médecin qui va l'aider...

Ce mélo appartient à la liste des meilleurs films d'Ann Harding. Contrairement aux intrigues habituelles de mère ou femme sacrificielle, le scénario de ce film est nettement plus intéressant. Le film n'a pas été produit par le studio habituel d'Ann à cette époque-là, la RKO. Il s'agit d'un film 20th Century Pictures, une société de production qui vient tout juste d'être créée au sein de la United Artists. Le réalisateur est l'excellent Gregory La Cava qui va donner tout le relief voulu à cette histoire mélodramatique. Derrière la caméra, il a le génial Peverell Marley qui avait travaillé avec DeMille. C'est Ann Harding qui avait elle-même choisi le film et on comprend son intérêt. Elle y joue Sally Windham, une jeune femme qui se retrouve seule et enceinte suite à la mort de son fiancé. Elle est désespérée, mais ne peut se résoudre à retourner dans sa famille, étant déshonorée. Le destin lui fait rencontrer Dan Pritchard, un ancien médecin qui a fait de la prison et qui est devenu alcoolique. Il va la sortir de ce mauvais pas avec une abnégation totale. Il trouve un couple d'amis pour adopter l'enfant et lui trouve un emploi dans un magasin d'antiquités tenu par une amie. Sally retrouve le désir de vivre jusqu'à un voyage fatidique en Europe où elle va croiser son fils, maintenant âgé de 5 ans. Elle n'aura plus qu'une obsession : pouvoir redevenir pleinement sa mère, même si pour cela il lui faut s'attaquer à la future épouse du père adoptif, pour prendre sa place. Ce plan apparemment machiavélique se révèle plus difficile à réaliser qu'elle ne le pensait. Contrairement aux héroïnes de mélo de l'époque, Sally prend en charge sa destinée et n'est pas une créature passive. Elle est aussi aveugle en termes de sentiments. Elle ne réalisera jamais l'amour que Dan ressent pour elle. Le film contient d'ailleurs une des toutes meilleures prestations de Clive Brook. Cet acteur anglais paraît dans de nombreux films s'ennuyer mortellement. Mais, si on lui donne un personnage qui lui plaît, il peut donner des incarnations formidablement émouvantes comme dans Underworld (1927) de J. von Sternberg. Ici, en Dan, il est désabusé et pince sans rire. Il est capable d'une abnégation totale envers Sally. Mais, il joue tout cela avec son détachement habituel, sans fioritures exagérées. Lors d'une des scènes les plus émouvantes du film, il propose à Sally de l'épouser en lui faisant une déclaration sans emphase. Hélas, Sally n'a même pas réalisé, ni même entendu ce qu'il disait. Le film se termine sur une note gaie, même si finalement, nous savons que Sally et Dan sont passé à côté du bonheur. Un très bon La Cava et un excellent millésime dans la carrière de Ann Harding.
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par daniel gregg »

Ann, tu l'as vu en salles ou via le dvd Fox ?
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par Ann Harding »

Non, le DVD Fox.
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par daniel gregg »

Et donc même pas de sta, c'est bien çà Ann ?
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par Ann Harding »

Effectivement, c'est un 'DVD à la demande' comme les Warner Archive.
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Re: Gregory La Cava (1892-1952)

Message par Supfiction »

Rapatriement de la discussion ..
Geoffrey Carter a écrit :
Kevin95 a écrit : FIFTH AVENUE GIRL (Gregory La Cava, 1939) Découverte

Alors que le monde a le feu au cul à l'approche du conflit, Gregory La Cava se permet une comédie délicieuse et élégante rappelant à ce bas monde d'un peu de naïveté et de poilade ça aide à faire passer certaines contrariétés. Ici c'est un peu Teorema de Pasolini réalisé par Capra, Ginger Rogers bien chargée en cynisme et punch-lines (un de ses plus beaux rôles) va s'introduire dans une famille décrépie de la haute afin de leur tendre un miroir pas jojo et leur faire prendre conscience de la futilité de leur existence. Au cas où le terme gauchiste n’échappe à quelqu'un, La Cava se moque aussi gentiment des instrumentalisés de la doxa gauchiste. Mise en scène avec une classe absolue, le film peu facilement frimer auprès des plus belles réussites romantico-comiques de l'époque (qui compte de sacrés morceaux !). 9/10
:D La quintessence du style de La Cava, c'est bel et bien ce banc de Central Park, où le magnat Walter Connolly aborde et recrute Ginger Rogers, la chômeuse qui va l'aider à remettre de l'ordre dans ses affaires, et où Tim Holt, le fils de famille, commence à se « démocratiser ». En une séquence anthologique, les échantillons les plus variés du melting-pot viennent s'y asseoir : le millionnaire y côtoie une crève-la-faim, le fils à papa un matelot en goguette, le couple de retraités deux jeunes chinois...
Kevin95 a écrit :Je ne connais rien du réalisateur donc autant dire que depuis j'ai les crocs.

La première rencontre entre Ginger Rogers et Walter Connolly, entre elle qui mange machinalement sa pomme avec ses réparties déjà toutes faites et lui l'a dévorant des yeux non comme un amant mais comme un enfant, est un petit moment de bonheur. De même que plus tard (tu as raison de mentionner la scène) la valse sur le banc est un joli moment (l'arrivée des asiatiques est assez surprenant mais bienvenue, scène devenue impossible deux ans plus tard avec l'entrée en guerre des États-Unis). :wink:
kiemavel a écrit :
Kevin95 a écrit :Je ne connais rien du réalisateur donc autant dire que depuis j'ai les crocs.
Si tu n'avais rien vu du metteur en scène jusque là, tu n'es pas au bout des bonnes surprises car au moins 2 films sont aussi bons voir meilleurs que 5th Ave Girl. On retrouve Ginger Rogers dans Stage Door (DVD RKO/Montparnasse) dans un rôle assez ressemblant de crève la fin, danseuse au chômage vivant dans une Pension d'artistes (Le titre français du film). J'aime énormément cette actrice dans la comédie. J'adore notamment sa façon de parler entre ses dents et de balancer des petites vacheries. Dans Stage Door elle s'en donne à coeur joie avec Katharine Hepburn et Adolphe Menjou principalement. Après, il faut aussi voir My Man Godfrey (DVD Wild Side), autre chef d'oeuvre dont le scénario présente quelques ressemblances avec celui que tu as vu. Un "pauvre" est adopté par une famille de la haute. Il ne devient pas une officieuse secrétaire (de facade) mais le majordome de la maison. Après c'est selon moi un cran en dessous mais c'est à voir également notamment The Half naked Truth (DVD RKO/Montparnasse). Avec Ginger Rogers (et Joel McCRea), il y a aussi un bon mélo : Primrose Path (DVD RKO)
kiemavel a écrit :
AtCloseRange a écrit : C'est un film passionnant et dont on peut tirer dix morales différentes. C'est une de mes découvertes naphta les plus saisissantes des 10 dernières années mais il peut difficilement faire l'unanimité.
Jamais vu...mais il traine sur mes étagères. Vous avez éveillé ma curiosité
bruce randylan a écrit :Très bon en effet The affairs of Cellini
Pas vu non plus. J'avais oublié un autre film (qui n'est pas une comédie) avec Constance Bennett : Bed of Roses (il a été diffusé à la TV chez nous)
Oublié aussi une comédie avec une autre reine du genre, Claudette Colbert : She Married Her Boss (mais celui là m'avait semblé moyen)
Pour le moment, son chef d'oeuvre pour moi demeure de loin 5th Avenue Girl
Je ne garantis rien mais puisque tu ne sembles pas avoir vu Stage Door, je (re)recommande vivement. Par contre, je pensais que l'on pourrait trouver aujourd'hui tous les rko pour une bouchée de pain mais pas tant que ça...
Stage Door m'avait laissé de marbre lors de sa découverte en 2003.
La fille de la cinquième avenue en revanche est excellent, et assez proche du chef-d’œuvre My man Godfrey. La présence de Walter Connoly joue beaucoup dans cette impression mais pas que. Il y a dans les deux films cette même idée de l'ennui des bourgeois qui vont chercher chez les pauvres (sans emploi, SDF et sans-dents) le goût des choses simples, la générosité, la gratitude aussi, et le retour aux valeurs essentielles de la vie.
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