Cette chronique étant à joyeusement sous-titrer : Les nazis vampires sont-ils solubles dans l'acide sulfurique ?

Synopsis : Deux frères vont être pris dans l'étau d'une expérimentation occulte. L'un d'eux rejoindra son frère décidé à exterminer une communauté protégeant un vampire nazi qui l'avait retenu prisonnier afin d'épancher sa soif sanglante.
"Le svastika. C'est le nom donné à la croix gammée. Il est d'habitude dextrogyre, c'est à dire tournant vers la droite, mais il arrive qu'il soit senestrogyre (inversé), comme celui des nazis. Le svastika est un très ancien signe qui remonte jusqu'à l'âge du bronze indo-européen. Il indique d'abord une rotation autour d'un axe, sans doute le déplacement de la voûte céleste autour de l'étoile Polaire. Puis par association d'idées, il devient le symbole du Soleil. Emblème religieux, il est utilisé par les bouddhistes. On le retrouve en Asie chez les Chinois, les indiens, mais aussi les populations d'Amérique du Nord et chez les peuples nordiques. Le svastika dextrogyre est un signe bénéfique, symbole de l'illumination intérieure. Quand à la version senestrogyre adoptée par les nazis, c'est un signe noir. Pour eux, le svastika est le symbole du paradis perdu de Thulé et de son peuple de surhommes aryens; les civilisations qui l'utilisent descendent de la grande race nordique en partie engloutie sous les flots."
Les grandes énigmes, sous la direction de Jacques Marseille et Nadeije Laneyrie-Dagen, éditions Larousse, p.288.


Pour un film d'horreur, c'est relativement assez soigné, tiens.
Les films montrant les nazis dealant un pacte avec les forces occultes du mal ne courent généralement pas les rues alors quand on en voit un, qui plus est par un cinéaste complètement décalé, on ne sait comment réagir, on est curieux. A ne pas confondre avec la nazixploitation (encore que la définition pourrait être plus large que ce que peut en donner Nanarland) qui a finalement pour vocation de montrer moult jolies filles dénudées avec uniformes, accent fort prononcé, crampes du bras droit et objets de sévices en main (*); ces films nous montrent donc les détestables créatures des forces de l'Axe essayer de traiter avec le Malin par le biais de reliques sacrées, svastikas et autres runes nordiques à même de leur donner un pouvoir beaucoup plus grand. Cela peut donner de la Forteresse Noire (introuvable en dvd sauf en graissant la patte d'un haut fonctionnaire américain vivant à Hollywood comme Mannhunter

Je vous ai bien dit que j'avais fait un pas de côté.


Non franchement je trouve que le directeur de la photo fait des merveilles.
En soi je le dis net, Blood Creek est une heureuse surprise.
Surtout venant de l'extraterrestre Joel Schumacher qui a su nous livrer des choses aussi bizarres que Le nombre 23 ou l'expérience interdite, le barré chute libre ou deux Batman qui tuèrent complètement la créativité et l'originalité mise en place par un Tim Burton : le rigolo Batman Forever (où Tommy Lee Jones en fait des caisses en se barbouillant de spaghettis violets sur une partie du visage tandis que Jim Carrey arbore la roussitude écologique propre à l'Irlande en bondissant partout à l'écran, tel le troll des bois) ainsi que le kitschou-coloré-gay Batman et Robin sur lequel, pour éviter de réveiller des traumatismes, je ne reviendrais pas. Bref avec le recul, Joel semble un homme généreux capable de nous offrir le meilleur et le pire dans une même assiette, le tout avec un sérieux imperturbable. Un peu comme Dario Argento, encore que bon...


Heureuse surprise donc parce que malgré son histoire qui pourrait virer assez improbable et grand guignol entres d'autres mains (nazi + longévité et éternelle jouvence + Vampire + contrôle des morts (humains comme animaux) + tortures... un sacré paquet), Schumacher prend le parti de peaufiner le tout.
Charme donc de la mise en scène : du sépia somptueux pour évoquer l'année 1936 où un nazi passionné d'occultisme et en voyage sur le sol américain (le grand Michael Fassbender) va s'incruster dangereusement chez une simple famille dans le prologue, aux couleurs chaudes, granuleuses ("le rêve") ou saturées (les rares scènes de torture) du présent. Charme d'une histoire qui, même si l'on sent les ellipses et les petites coupes (surtout un brin gênantes dans la dernière partie du récit) à travers un montage qui vire presque parfois brouillon ou expérimental en voulant bien faire (cette foutue dernière partie), reste posée et prend le temps de poser un peu les personnages mais surtout une ambiance. Ambiance donc parfois flottante (un visage de jeune fille entraperçu à la fenêtre), parfois douce (au hasard d'une descente silencieuse en kayak, l'insert d'une mère et ses enfants de cette amérique profonde et chaleureuse dont on croise le regard), faite de multiples petits détails (ce soleil qui se couche, cet arbre en feu qui éclaire une scène en plongée...).


Fassbender ver. 1936 puis ver. 2008. Le pot de Nivéa crème anti-rides à sévèrement tourné.
Dans son récit lui-même, il y a trois parties distinctes qui jamais ne se chevauchent (avec d'innombrables flash-backs ou je ne sais quoi), ayant le mérite de donner une certaine lisibilité. Le prologue en sépia (qui donne presque envie de revoir le film), une partie "revenge" qui s'en suit très rapidement avant un dernier acte baignant dans le huis-clos et le survival teinté de fantastique. Les acteurs assurent eux-mêmes leurs rôles avec conviction, notamment un Michael Fassbender alors en train de lentement percer vers la gloire (le film est de 2009. Juste avant, Fassbender jouait dans Hunger et Eden Lake. La même année que Blood Creek (ou Town Creek dans son titre original), il joue dans Fish Tank et Inglourious Basterds...) ainsi qu'une Emma Booth des plus séduisantes. Enfin le film se réserve de petites scènes qui, si elles n'en remontrent pas forcément aux grandes productions, n'en manquent pas non plus de peps et d'idées (l'attaque du cheval ramené à la vie qui pénètre dans la maison).
Au final, si l'on comprend aisément que le film en salle aurait difficilement pu trouver son public, on tient quand même là un petit film horrifique original et assurément bien mené qui ne lésine pas dans le gore mais n'en abuse pas non plus, créant bien souvent des ambiances fascinantes malgré une histoire sur le fil et un peu nawak. Sympathique donc.
4/6.
(*) A noter que prochainement Johell et moi allons probablement parler éhontément de nazixploitation.

