Camelot, 1967
Ça faisait très longtemps que ce titre m'intriguait, à la fois pour sa splendide affiche à la Klimt/Mucha qui annonce celle de
The Comfort of strangers, mais aussi parce que je m'étais laissé dire qu'il était visuellement assez remarquable.
J'aurais pu poster cet avis dans le topic des
comédies musicales d'après l'âge d'or tant ce
Camelot m'apparaît emblématique de cette période. On a en effet affaire là à une très grosse machine, à la fois par sa durée (3h avec entracte), et par le luxe des moyens mobilisés : vastes décors en dur riches de détails et d'accessoires (avec notamment une forêt entière reconstituée qui n'aurait pas dépareillé chez les Shaw brothers), costumes très soigneusement fignolés dans leurs formes et leurs matières, et pas mal de figuration. Sauf qu'au lieu d'aboutir à un grand spectacle enthousiasmant, c'est la lourdeur qui domine l'ensemble.
Lourdeur de la mise en scène de Logan qui, alors qu'il est censé être un professionnel aguerri de Broadway abonné aux transpositions cinématographiques, se révèle ici désespérément incapable de tirer parti des moyens mis à sa disposition. Le film est, il est vrai, dénué de toute chorégraphie (à l'exception des gentillettes bacchanales printanières, franchement peu travaillées), et on a même souvent droit à des numéros solos. Sauf qu'au lieu de profiter des dimensions en cinemascope de ses images, Logan s'endort très régulièrement sur des cadrages en gros plan des visages de ses acteurs qui chantent, avec même pas un petit mouvement pour accompagner. Résultat, passé quelques moments de ravissement lorsqu'un nouveau décor se dévoile, c'est vraiment l'ennui voire le désintérêt qui finissent par pointer, et il réussit même à rendre soporifique les scènes d'action comme le tournoi de chevalerie qui avait pourtant tout pour être impressionnant, ou comme l'assaut de l'armée de Lancelot. Si encore j'avait été un tant soit peu touché par la musique ou les chansons, pourtant signées Loewe et Lerner...
Vanessa Redgrave est magnifique et joue avec conviction un rôle peu intéressant (ses sentiments amoureux valsent selon les caprices du scénar), David Hemmings fait un excellent Mordred et son arrivée apporte pas mal de fraîcheur à un spectacle en passe d'être momifié (et c'est amusant de voir les interprètes de
Blow up partager à nouveau l'affiche ici). Franco Nero est assez improbable en Lancelot, son accent italien suffisant à simuler un accent français, mais il fait preuve d'un entrain qui force plutôt le respect (le problème est que son chevalier en devient presque niais dans l'expression de sa volonté de pureté). Mais c'est Richard Harris qui mérite le plus d'éloge, mais je pense que c'est un comédien qui, par nature, a toujours la classe. Déjà c'est toujours un bonheur de retrouver son timbre de voix si particulier. Et malgré les faiblesses du script, il n'a l'air à aucun moment de douter de son rôle et semble s'impliquer totalement dans la restitution des émotions souvent torturées du Roi Arthur qu'on nous propose là. Il semble vivre intensément chacune des étapes qui voient mûrir son personnage et c'est rien que pour cette force de conviction c'est admirable.
Parce qu'il faut reconnaître que le livret est lui aussi assez peu inspiré, ouvrant quelques pistes intéressantes (les ambitions politiques d'Arthur), mais passant plutôt de façon incompréhensible à côté de tout le potentiel d'un sujet aussi fascinant que celui des chevaliers de la table ronde que Boorman a su si merveilleusement exploiter. Merlin est quasi inexistant, le Graal n'est pas au menu, et on ne ressent jamais l'ampleur du monde qu'Arthur est en train de construire, le film préférant utiliser Camelot comme toile de fond à peine pittoresque pour raconter avant tout une histoire d'adultère.
Tout ça refroidit encore plus ma curiosité de découvrir un jour son western chantant avec Eastwood. Pourtant j'avais un bon souvenir de
Bus stop.