J'ai traversé le film dans un état euphorique.
Dès la double introduction, on est projeté dans une intrigue et une gestion du tempo qui ne faibliront pas pendant 2h15. C'est ce qui impressionne d'ailleurs peut-être le plus : ce rythme soutenu au service d'un scénario remarquablement ficelé et bourré d'idées et de péripéties, lorgnant quelque part entre les situations de Guerre froide des James Bond et la rigueur de l'épisode de De Palma. La mise en scène est nerveuse et pourtant ample, très chorégraphique sans pourtant être ostentatoire. En une grosse ouverture, Brad Bird annonce la couleur :
Mission Impossible 4 sera un film qui te scotchera dans ton fauteuil. Un épisode avec une réalisation claire et passionnante, directement dans la lignée spirituelle de ce que Bird avait déjà accompli chez Pixar. Fini, le découpage à la truelle et les pauvres plans moyens et rapprochés télévisuels de J.J. Abrams : l'utilisation de l'espace et des décors est éclatante, la photographie de Robert Elswit, le montage du depalmien Paul Hirsch et la musique inspirée de Giacchino sont d'une harmonie délectable et portent cette aventure haletante, compilant morceau de bravoure sur morceau de bravoure en ne perdant jamais de vue, malgré l'incontournable dose d'improbabilité, la précision méticuleuse d'un scénario dont la qualité (je reprendrai yap' au sujet de
Goldfinger : il y a presque trop d'idées géniales dans ce film) mérite franchement d'être saluée. Ce dernier impose une menace et une urgence constantes (morts imprévisibles, échecs des héros, compte-à-rebours fatal...) et n'hésite pas à redoubler d’ingéniosité pour mettre notre équipe dans de fâcheuses postures, au point que c'est peut-être l'épisode le plus "impossible" de la série. Toute la partie à Dubaï est à mon avis extraordinaire, je voulais qu'elle ne s'arrête jamais ; on sent que les mecs se sont vraiment fait plaisir à inventer tous ces rebondissements différés et ce suspense avec une vraie malice.
Enfin, il y a un véritable travail d'équipe, une volonté de ne pas tout ramener à Cruise même s'il se taille tout de même les cascades les plus insensées. Paula Patton, Jeremy Renner et Simon Pegg n'ont vraiment rien de faire-valoir. Les scénaristes ont par ailleurs l'intelligence de prendre un certain recul humoristique sur ce qui fait la série (les masques qui ne marchent pas, la réplique triomphante de Hunt à la fin, la manière de s'en sortir dans le fleuve moscovite...). Ce que j'ai lu être une limite - le peu d'approfondissement des personnages - me paraît personnellement procéder de la même philosophie que le film de De Palma, à savoir que ces agents sont entièrement fantomatiques (le plan final est sans ambiguïté), ce sont des entités abstraites dévouées à leur mission. Le Hunt de cet épisode, comme il l'est dit explicitement dans le film, est un "type froid", sans émotion. Le jeu très concentré et glacial de Tom Cruise appuie cette démarche de distance. Ceci est légitimé scénaristiquement, mais si on regarde plus loin, cette conception pratique, utilitaire, du personnage, qui peut sembler artificielle, permet précisément au film d'être le spectacle qu'il est, délesté de toutes ces scories romantico-gnangnantes du Woo et du Abrams. On nous épargne les nullités sentimentalistes écrites avec les pieds de l'épisode précédent, avec lequel il est pourtant rattaché (tout comme, subtilement, avec le De Palma, mais je ne veux pas spoiler). Je crois que les
Mission : Impossible ne fonctionnent vraiment que lorsqu'ils cessent de vouloir humaniser ses personnages, et au contraire, se focalisent sur ce qui les anime, cette course effrénée dans un monde de l'ombre hostile. C'est cette course qui permettra de les connaître et de les appréhender. Chose que Bird a parfaitement négocié.
En ce qui me concerne, un modèle en son genre, qui, je l'espère, est annonciateur d'une nouvelle direction aussi bien pour la saga que pour le cinéma d'action en général.
Foncez le voir !!!
Et puis, un film qui fait même un clin-d’œil à
Fantômas se déchaîne ne peut être foncièrement mauvais.
