Richard Boleslawski (1889–1937)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Richard Boleslawski (1889–1937)

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Richard Boleslawski, né Bolesław Ryszard Srzednicki en 1889, est un réalisateur Polonais naturalisé Américain à qui l'on doit Le Voile des illusions (The Painted Veil) avec Greta Garbo, Le Jardin d'Allah (The Garden of Allah) avec Marlene Dietrich, Theodora Goes Wild avec Irene Dunne, La Fin de Mme Cheyney (The Last of Mrs. Cheyney) avec Joan Crawford ou encore la première version de Three Godfathers dont John Ford tournera un remake en 1948 avec John Wayne. Il a également participé au tournage très mouvementé du film Queen Kelly avec Gloria Swanson.
Richard Boleslawski décède d'une crise cardiaque pendant le tournage de The Last of Mrs. Cheyney à l'age de 47 ans.

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Le jardin d'Allah (The garden of Allah) - Richard Boleslawski (1936)
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Cathy m'avait prévenu et Cathy avait raison :mrgreen:

Le jardin d'Allah propose une histoire d'amour entre un moine en fuite de son monastère et une superbe femme sortant du couvent qui parait incroyable aujourd'hui (et assez kitch) le tout sur un rythme très très lent. Il se passe peu de choses dans ce film platement mis en scène par Boleslawski, la caméra est posée, les acteurs récitent leur texte sans grande conviction et puis on passe à la scène suivante sur fond de grande musique orientale. Je n'ai pas réussi à accrocher un seul instant à l'histoire d'amour entre ces 2 personnes : Charles Boyer est un acteur avec lequel j'ai quelques problèmes, je trouve qu'il joue assez mal (son accent français parfois bien présent n'aide vraiment pas), il semble faire la tronche pendant tout le film (pourtant quand on voit la femme qui se tient en face de lui :oops: on se dit qu'il aurait pu tomber plus mal), bref une fois de plus je n'accroche à son personnage (ça fait la troisième fois après Conquest où Garbo le mange tout cru et Love Affair où Irene Dunne fait de même alors que je l'ai trouvé très bon face à Ingrid Bergman dans Gaslight).
Marlene Dietrich, quant à elle, est magnifique, sa garde-robe et le superbe Technicolor (le beige semble être la couleur dominante du film et se voit rehausser par des pointes de couleurs vives comme le bleu des yeux de l'actrice, les fleurs, les couchers/levers du soleil, ses multiples tenues) ne font que la mettre en valeur pendant tout le film.
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Cependant, coincé entre Desir et Angel, 2 superbes films N&B où l'actrice joue de son charme habituel, le rôle qu'elle tient ici parait bien terne comparé à ces derniers et aux meilleurs films de Von Sternberg : elle est bien plus agréable à regarder que Boyer certes mais là aussi elle semble un peu sortir son texte en mode automatique, les yeux dans l'horizon et montrant assez peu d'expression.
Les seconds rôles n'apportent rien de plus : Joseph Schildkraut joue le guide local, Basil Rathbone et Alan Marshal ne sont là que pour faire "avancer" l'histoire et C. Aubrey Smith campe parfaitement, de par sa stature, le père qui accueille le couple.
Le film vaut surtout pour la beauté de sa photo avec ce Technicolor à la couleur beige qui vire sur des tons plus chauds lors des passages dans le désert en jouant avec les couchers et levers du soleil. Marlene Dietrich, que nous avons plus l'habitude de voir en N&B, y est vraiment superbe et techniquement le DVD propose un master de bonne qualité qui permet de profiter de ces teintes. En résumé, assez déçu par la mise en scène assez molle du film, par la prestation des 2 acteurs principaux (heureusement que Marlene est agréable à regarder :mrgreen: ) et par l'histoire bien maigre qui n'offre aucune surprise. 5/10

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Theodora goes Wild - Richard Boleslawki (1936)
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Je ne connaissais le talent d'Irene Dunne dans les comédies que grace au génial The awful truth et au très bon My favorite wife tous deux avec Cary Grant. Avec ce Theodora goes wild, j'ai retrouvé tous les ingrédients qui faisaient la force du premier et je me suis rendu compte que l'actrice, tout comme Carole Lombard, avait vraiment quelque chose pour ce genre de film. Elle est une fois de plus pétillante, drôle, tellement à l'aise devant la caméra et semble faite pour ce rôle. Le film repose sur ce contraste entre la vie urbaine et celle de la campagne et les personnages de Theodora/Caroline et de Michael reposent là dessus : Theodora, pour séduire Michael, va devoir mettre au placard son éducation très stricte en devenant une Caroline chic et élégante mais en contrepartie Michael se voit contraint de refuser ses avances car il doit lui aussi s'écraser devant l'autorité paternelle. Et c'est sur cette confrontation que l'histoire s'appuie en nous offrant des instants de quiproquos et des passages vraiment comiques. Melvyn Douglas, s'il n'a pas le répondant de Cary Grant dans les deux films cités, est un excellent partenaire et fait preuve comme à son habitude de beaucoup de classe, d'aisance devant la caméra et a toujours ce petit plus, ce style si particulier qui le rend si plaisant à voir jouer surtout face aux actrices (Garbo, Dietrich, Crawford et Swanson).
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Ce film est une comédie très agréable, drôle, bien emmenée par ses 2 acteurs principaux mais également par ses seconds rôles (les 2 tantes de Theodora, le chef de Michael et surtout l'imprimeur :mrgreen: ) qui n'atteint pas les sommets de The awful truth (la scène du chapeau ou de la chaise valent leur pesant de caouètes :mrgreen: ) mais qui fait passer un très agréable moment. Ce film montre également à quel point Irene Dunne était une actrice polyvalente, drôle, au très joli brin de voix (j'aime beaucoup le passage au piano où elle chante "Be Still My Love" pour faire taire le jardinier siffleur) et capable de jouer sur différents registres :wink:
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Dernière modification par feb le 23 sept. 11, 07:32, modifié 3 fois.
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

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The Last of Mrs. Cheyney (1937)
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Fay Cheyney (Joan Crawford) voyage à bord d'un paquebot en direction de l'Angleterre et se voit courtisée par 2 Lord anglais : Francis Kelton (Frank Morgan) et Lord Arthur Dilling (Robert Montgomery). Arrivée à Londres, la jeune femme intègre le cercle d'amis communs des 2 hommes et est invitée par la tante d’Arthur, la duchesse d'Ebley (Jessie Ralph ), à passer le week-end chez elle. La duchesse se prend de sympathie pour la jeune femme, la voit déjà mariée à son neveu Arthur alors que Francis n'est pas insensible au charme de cette dernière. Fay se joue des 2 hommes en laissant planer le doute mais on se rend compte rapidement que Mme Cheyney est en réalité une voleuse, associée à son faux majordome (William Powell), qui n'est intéressée que par le collier de perles de la duchesse…

The Last of Mrs. Cheyney est le 1er remake de la version de 1929 tournée par Sidney Franklin avec Norma Shearer et Basil Rathbone dans les rôles de Joan Crawford et Robert Montgomery. Richard Boleslawski propose une comédie dramatique qui manque sincèrement de piquant et de rythme. Si les 3 acteurs principaux interprètent avec beaucoup de sérieux leur rôles, le film se voit paralysé par une mise en scène assez plate, des dialogues longs qui plombent certaines scènes, des passages drôles qui tombent souvent à plat et surtout un ensemble qui manque sérieusement de rythme. Les scènes s’enchaînent sans grand dynamisme, de la séquence du bateau, à l'arrivée dans la villa pour finir avec une longue séquence de fin qui surprend peu. Le réalisateur filme tout cela sans grande originalité, l'aspect comique n'est pas assez présent (trop de Robert Montgomery et pas assez de William Powell ?) et on reste réellement sur notre faim passé les 98 minutes du film. Quant à Joan Crawford si elle n'est pas aussi à l'aise dans la comédie que peuvent l'être Irene Dunne ou Carole Lombard (et on le sent un peu dans ce film) et si elle est peu mise en avant par le réalisateur (on sent que ce n'est pas George Cukor ou Clarence Brown derrière la caméra), elle est toujours aussi à l'aise pour devant la camera (quel regard) et embellit magnifiquement la scène de vol juste avec son visage...
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Il faut également noter que le réalisateur Richard Boleslawski est décédé pendant le tournage du film et a été remplacé par la réalisatrice Dorothy Arzner (non créditée au générique) qui tournera juste après le film The Bride Wore Red avec Joan Crawford et par George Fitzmaurice. Peut être ce gros changement lors du tournage est responsable de ce manque de rythme...
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Ann Harding
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par Ann Harding »

Je rapatrie quelques critiques de films de Boleslawski.

Je poursuis avec la 2ème version parlante de Three Godfathers. Le film de Wyler (chroniqué ci-dessus) est vendu couplé avec cette version de 1936 par Warner Archive.
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Three Godfathers (1936, Richard Boleslawski) avec Chester Morris, Lewis Stone et Walter Brennan

Quatre hors-la-loi arrivent dans la petite ville de New Jerusalem. Ils préparent un hold-up de la banque...

Cette deuxième adaptation parlante du roman de Peter B. Kyne a été produite à la MGM par Joseph L. Mankiewicz dont c'est le premier film en tant que producteur. Contrairement à la version de Wyler de 1930, le début du film nous présente les hors-la-loi un à un dans la petite ville de New Jerusalem. Bob Sanger (Chester Morris) est un enfant du pays qui a mal tourné. Il s'habille en noir et ne semble avoir aucun principe. Le début du film se déroule en intérieurs au saloon et lors d'une soirée de Noël. Le film prend plus de temps à démarrer avec des intermèdes comiques, en particulier avec Walter Brennan. Le scénario a subi des modifications par rapport à la version Wyler. Les trois personnages des hors-la-loi sont plus 'clean' que ceux de la version Universal. Lewis Stone, en particulier, donne à son Doc Underwood, une qualité d'intellectuel qui est tombé dans le crime par accident. Chester Morris est le plus dur des trois. Celui qui ne veut pas entendre parler de ce bébé qu'il va falloir traîner avec eux dans le désert. Walter Brennan est égal à lui-même avec son accent comique. Il est étonnant de voir que la MGM ait confié ce western (un genre qu'elle pratiquait peu dans les années 30) au russo-polonais Boleslawski, un réalisateur de productions de prestige. Il s'en sort plutôt bien avec une prédominance de gros-plans des trois acteurs principaux (et du bébé) qui tranchent avec l'écriture plus rude la version de 1930. Le scénario préserve la conclusion tragique de la première version, avec Morris qui meurt en arrivant, le bébé dans les bras. C'est bien la version de 1948 de Ford qui introduira ce happy end convenu et sentimental. le film contient beaucoup plus de scènes en studio que celle de 1930, même si la seconde partie offre des extérieurs superbes photographiés par Joseph Ruttenberg. De toutes les versions, ma préférée reste celle de Wyler, plus âpre, plus rêche et la moins sentimentale.
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Rasputin and the Empress (1932, R. Boleslawski) avec Diana Wynyard, Ethel Barrymore, John Barrymore & Lionel Barrymore

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La famille du Tsar Nicolas II tombe sous la coupe du machiavélique Raspoutine (L. Barrymore) qui semble le seul capable de soulager les douleurs du tsarévitch atteint d'hémophilie. Le Prince Chegodieff (J. Barrymore) tente d'alerter la Tsarine (E. Barrymore) de ses manigences. Mais c'est en vain. Même sa fiancée, la princesse Natacha (D. Wynyard) est sous sa coupe...

Voici une grosse production MGM qui réunit pour la seule et unique fois, toute la famille Barrymore, les deux frères Lionel et John ainsi que leur soeur Ethel. Le film est en tous points, une grosse production richement décorée et superbement éclairée par Wm H. Daniels (l'opérateur favori de Garbo). Mais, j'ai été vraiment étonnée de découvrir un véritable film 'pre-code' avec une peinture sans concession de Raspoutine. Lionel Barrymore s'en donne à coeur joie en moine paillard, vicieux et machiavélique. C'est un véritable Tartuffe qui réussit à s'introduire dans la famille du Tsar avec des intentions maléfiques. Certes, ce n'est pas le seul film sur Raspoutine. Harry Baur a lui aussi donné une version haute en couleur du personnage dans La Tragédie Impériale de M. L'Herbier. Mais ici, Raspoutine, non content de comploter contre le régime du Tsar, s'intéresse aussi aux princesses. Il reluque d'une manière parfaitement libidineuse la très jeune princesse Maria (jouée par une jeune Jean Parker) et abuse sexuellement de Natacha (Diana Wynyard). Sur la copie Warner Archive, on remarque d'ailleurs de nombreuses coupes dans les dialogues de certaines scènes qui ont certainement été censurés après 1934. Le film est inégal. Il a été commencé par Charles Brabin et terminé par Richard Boleslavsky (qui avait l'avantage d'être russe de naissance). Certaines scènes sont plates et théâtrales, d'autres ont une atmosphère gothiques remarquables. J'ai d'ailleurs été étonnée par la violence du meurtre de Raspoutine par le Prince Chegodieff. Certes, Lionel et John font assaut de cabotinage, mais, elle n'en reste pas moins extrêmement violente (beaucoup plus que dans La Tragédie Impériale). Il y a quand même dans ce film de très bonnes idées comme lorsque Raspoutine force le tsarévitch à regarder dans un microscope une fourmi en train de dévorer vivante une mouche. La séquence est particulièrement efficace pour suggérer l'emprise de cet homme sur le jeune enfant terrorisé. Même l'assassinat final de la famille du tsar a réussi à me faire sursauter par sa sécheresse. C'est également un plaisir de retrouver la trop rare Diana Wynyard, une actrice anglaise qui n'a fait que peu de films (la version 1940 de Gaslight) et qui est ici la victime innocente de Raspoutine. Ethel, en tsarine, est la moins affectée des trois Barrymore, même si par moment, elle se met à déclamer d'une manière théâtrale. Au final, un film assez inégal, mais on peut prendre un 'plaisir coupable' en le voyant. 8)
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Ann Harding
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par Ann Harding »

Un petit extra intéressant. Boleslawski avait été acteur en Russie et il a joué dans un film de Carl T. Dreyer, réalisé en Allemagne, Die Gezeichneten (1922):
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On n'associerait pas à priori ce Boleslawski là avec celui des productions hollywoodiennes...
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feb
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

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Le voile des illusions (The painted veil) - Richard Boleslawski (1934)
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Lors du mariage de sa soeur, Katrin (Greta Garbo), fait la rencontre du bactériologiste anglais Walter Fane (Herbert Marshall). A la différence de sa soeur, Katrin est une femme solitaire et aimerait sortir de cette solitude et découvrir d'autres horizons. Aussi quand le médecin lui demande sa main, la jeune femme accepte et part avec lui en Chine sans même éprouver quoi que ce soit pour cet homme.
Sur place elle fait la rencontre d'un employé de l'ambassade britannique, Jack Townsend (George Brent), dont elle va tomber amoureuse alors que son mari doit faire aux épidémies qui ravagent le pays. Un soir, il découvre la liaison et impose à la jeune femme le "marché" suivant : il accepte de divorcer de Katrin si Townsend divorce également et l'épouse. Face à ce choix, Townsend refuse de peur de ruiner sa carrière et Katrin n'a pas d'autre choix que de suivre son mari qui s'enfonce dans les terres pour faire face à une épidémie de cholera...


Après La reine Christine, Greta Garbo, dont le récent renouvellement de contrat lui permet de choisir ses scénarios, décide de tourner l'adaptation du roman The painted veil (William Somerset Maugham) sous la direction de Richard Boleslawski. Le réalisateur d'origine russe prend place derrière la caméra - Sidney Franklin et Rouben Mamoulian figuraient également sur la liste des noms pressentis - très logiquement associé au directer photo attitré de Garbo, William H. Daniels. Si la réalisation de Boleslawski ne prete pas à la critique et si Herbert Marshall s'avère moins terne que George Brent, il faut reconnaitre une fois encore le superbe travail de William Daniels sur la photographie du film. Le directeur de la photo offre au film une très belle atmosphère, principalement dans sa partie chinoise, et se surpasse dans les scènes où Garbo apparait. L'actrice est parfaitement mise en valeur par la mise en scène de Boleslawski qui use de gros plans, de mouvements de caméra qui la suivent tel un aimant ses déplacements, de plans légèrement en contre-plongée, par les tenues réalisées par Adrian et enfin par la photo de Daniels qui magnifie son visage avec ses jeux sur les lumières et les ombres dans cette Chine "de studio".
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Le film peut se décomposer en 3 parties :
- un premier tiers situé en Autriche où l'on découvre une Garbo naturelle, drôle, presque naïve. L'actrice voit sa soeur se marier, quitter le domicile familia, se retrouve seule avec ses parents et rencontre le docteur Walter Fane qui, sur un coup de tête, la demande en mariage et lui propose de découvrir la Chine. Sur cette première partie du film, le réalisateur nous montre une femme qui souhaite découvrir d'autres horizons et prend au vol la première occasion qui lui est offerte.
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- une seconde partie où on découvre en même temps que la jeune femme la vie qui l'attend en Chine : d'un coté, un mari absorbé par son travail qui doit affronter les épidémies qui rongent le pays, de l'autre, un employé d'ambassade dont le mariage raté amplifie son jeu de séduction auprès d'elle et fait tout pour la séduire. Cette seconde partie permet à Boleslawski de montrer la "transformation" de Katrin au contact de Townsend mais surtout au contact de tout ce qui fait le charme de la Chine : les temples, les fêtes locales, la culture orientale. L'actrice se transforme, déjà par ses tenues qui marquent une rupture avec la jeune femme autrichienne du début du film (magnifiques scènes lors du spectacle chinois où Garbo porte ce turban blanc), et ensuite par son comportement vis-à-vis de Townsend qui, par son jeu de séduction, la fait rapidement basculer dans ses bras. Cette seconde partie prend fin lorsque Walter Fane, rentré plus tôt pour faire plaisir à sa femme qui s'ennuie, découvre la chambre fermée et le chapeau de l'amant posé sur un meuble.
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- la dernière partie démarre avec le mari qui cherche à punir cette femme qui l'a trompé : Townsend refusant de divorcer pour ne pas ruiner sa carrière, Katrin est obligée de suivre son mari qui rejoint un village source de l'épidémie de choléra. Garbo change radicalement de comportement lorsqu'elle se retrouve dans cette situation qu'elle n'a jamais souhaitée. Elle se rend compte que Walter est un homme qui investit beaucoup de temps dans son métier mais qui l'aime et qui a souffert de cette liaison.
Punie par son mari à la suivre dans une région ou la mort rôde, persuadée qu'il cherche à la tuer, elle va affronter cette épreuve et lui montrer qu'elle veut rester à ses cotés. Le couple Gabro/Marshall offre une suite de scènes riches en émotions où la colère laisse la place, au fur et à mesure que la fin du film approche, à une réconciliation au sein de l'orphelinat.
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The painted veil est donc un très beau véhicule pour Garbo qui bénéficie de tout ce qui fait la force de la MGM : une production qui lui est entièrement dédiée, un réalisateur qui met en valeur son visage, un directeur photo qui la connait à la perfection et qui applique les méthodes qui fonctionnent, des tenues qui marquent les esprits et qui attirent l'attention et enfin des partenaires masculins qui se mettent toujours en retrait par rapport à elle. Même si le film n'atteint pas le niveau des meilleurs parlants de l'actrice, The painted veil est un beau film dépaysant avec cette Chine made in MGM, une Garbo qui met de coté ses rôles de femmes fatales, de femme au destin tragique et qui se place idéalement entre la Reine Christine et Anna Karenina dans la filmographie de Garbo.
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Jeremy Fox
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par Jeremy Fox »

J'ai du voir ce film un dimanche après midi sur Tf1 ; autant dire que ça date :o
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par feb »

Merci pour cette info importante M. Fox :fiou: :mrgreen:
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :Merci pour cette info importante M. Fox :fiou: :mrgreen:
Ben dis, tu m'as déjà remémoré le nom du cinéaste que je n'avais rencontré qu'à cette occasion, c'est déjà très bien. Je n'en ai qu'un vague souvenir, celui d'avoir bien apprécié et celui d'un film assez évanescent.
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Ben dis, tu m'as déjà remémoré le nom du cinéaste que je n'avais rencontré qu'à cette occasion, c'est déjà très bien.
Il a aussi travaillé (sans être mentionné) sur un autre film que tu as déjà vu je crois, Queen Kelly.
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Jeremy Fox
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par Jeremy Fox »

feb a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Ben dis, tu m'as déjà remémoré le nom du cinéaste que je n'avais rencontré qu'à cette occasion, c'est déjà très bien.
Il a aussi travaillé (sans être mentionné) sur un autre film que tu as déjà vu je crois, Queen Kelly.
Oh que oui : un chef-d'oeuvre du muet (un de mes préférés en tout cas)
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feb
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

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Je n'avais pas rêvé, je me souvenais bien que ce film faisait partie des films que tu appréciais :wink: Je t'aurais au moins rafraîchi la mémoire, j'ai pas perdu ma journée :mrgreen:
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Cathy
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par Cathy »

Je reposte ici mes avis sur les Boleslawski que j'ai vus

Le voile des illusions, The Painted Veil (1934) - Richard Boleslawski

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Une jeune autrichienne épouse un médecin anglais. Celui-ci l'emmène en Chine, où elle tombe amoureuse d'un autre homme. Une épidémie de choléra s'abat.

Le film est encoe un véhicule pour la vedette Garbo. D'ailleurs dès le générique le ton est donné avec un GARBO (sans Greta) en filigrane présent tout le long de ce générique. Richard Boleslawski ne se contente toutefois pas de mettre en valeur sa vedette dans des plans superbes, il décrit aussi les coutumes chinoises, leurs traditions. Nous sommes dans ce vent d'exotisme qui souffle sur Hollywood. Naturellement le film reste un mélodrame, mais il y a tout de même un souffle épique dans l'histoire avec toute cette évocation de la Chine. De nombreuses scènes montrent des cadrages audacieux, et surprenent par leur beauté. La scène de la procession et de la fête est magnifique visuellement parlant, avec ces gros plans de dragons chinois notamment, tout comme ce plan du visage de Greta Garbo se reflétant ou encore ces plans à travers des claustras. Boleslawski sait aussi donner un souffle épique à sa réalisation, notamment dans les dernières scènes d'émeutes. Garbo joue encore un personnage par qui le scandale arrive mais avec toujours autant de classe et d'élégance. A ses côtés. Herbert Marshall est totalement convaincant en médecin trompé tout comme George Brent en amoureux ténébreux. Un très beau film qui mériterait de sortir en DVD.

Copie TCM

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Le jardin d'Allah, The Garden of Allah ( 1936) - Richard Boleslawski

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Après la mort de son père, une jeune femme vient dans le couvent où elle a été élevée pour se retrouver. La mère supérieure lui dit qu'il serait mieux qu'elle parte dans le désert. Elle rencontre alors un jeune homme qui est en réalité un moine trappiste qui vient de fuire son monastère. Ils tombent amoureux.

Attention Spoilers.

Richard Boleslawski réalise ici un des rares films en couleurs de Marlene Dietrich, avec le producteur David O Selznick, il réussit une sompteuse fresque en technicolor mais seulement au niveau de la réalisation. Le film est une histoire qui semble totalement folle et la fin est inattendue. De plus est-ce le fait que le code Hayes soit entré en application ou était-ce ainsi dans le roman, le moine trappiste épouse cette jeune femme, découvrant ainsi l'amour physique ou n'a-t'il qu'une aventure qui se finit par le retour du mouton dans le bercail. Car quelque part, il faut de la moralité, il faut épouser la femme, il faut qu'ils se séparent et pas par la mort, car le "crime" ne serait pas lavé, alors que le retour dans la communauté permet au moine de réparer sa faute. L'histoire est donc totalement folle avec l'influence du destin, le mélange du sacré et du paien avec ces prêtres de mission et ces diseurs de bonne aventure. Nous sommes dans un orient d'Opérette, et le film sent ses décors, mais les couleurs sont magnifiques, une harmonie de tons froids à base de beige, de brun et quelques touches plus chaudes par moments. Marlene Dietrich est totalement différente de ces rôles de femme fatale habituelle, ici nous avons une jeune femme profondément amoureuse qui vit une triste histoire d'amour, elle est certes peu expressive, mais ses tenues sont magnifiques. A ses côtés Charles Boyer est dans un rôle pour lui aussi inhabituel, où il ne joue pas de son assurance, bien au contraire, c'est un homme traqué, qui ne sait pas où il va et qui renaît finalement grâce à cet amour charnel. A leurs côtés, le casting réunit Basil Rathbone loin de ses personnages détestables, Alan Marshall qui une fois de plus ressemble à Errol Flynn sans sa superbe, Cecil Aubrey Smith qui prête sa stature imposante au religieux, John Carradine méconnaissable en diseur de bonne aventure... Le film est plutôt lent, il ne s'y passe pas grand chose, mais esthétiquement il est très beau et permet de voir les deux acteurs dans des contre-emplois. FInalement ce jardin d'Allah se laisse voir sans déplaisir malgré ses limites évidentes.

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Theodora goes Wild, Theodora devient folle (1936) - Richard Boleslawki

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Theodora Lynn écrit sous le pseudonyme de Caroline Adams, un roman à succès, mais trop osé pour la vie provinciale de la ville dont elle est originaire. Suite à une visite chez son éditeur de New York, Michael Grant décide de venir dans sa petite ville, afin qu'elle avoue qu'elle est l'auteur de ce roman. Mais une fois cet aveu fait, Theodora décide de s'occuper à son tour du jeune homme

Theodora goes wild est peut-être connu des amateurs d'Irene Dunne, mais cette screwball comedy n'a guère été diffusé en France, pourtant c'est un fleuron du genre. Tous les ingrédients sont réunis pour contribuer à ce succès, personnages typiques de ce style de situation, homme et femme dépassés par les situations et les affrontent dans des scènes qui vont à cent à l'heure, dialogues pleins de sous-entendus, scènes comiques, ou délirantes. Le film contient quelques bijoux du genre, comme la scène d'ivresse de Theodora, ou celle de Michael le siffleur avec Jack le chien et Sylvia la chatte noire, il y a aussi quelques longueurs notamment les scènes avec la fille de la pire commère de la ville, même si le personnage de Rebecca est essentiel à la fin et à la morale du film. Si ce film marche si bien, c'est sans doute grâce au charme et à la puissance comique des deux interprètes principaux en la personne d'Irene Dunne, actrice méconnue et de Melvyn Douglas qui est une fois de plus parfait dans ces rôles d'homme à la fois cynique et plein d'humour. Ce qui fait aussi le charme de ce film, c'est cette caricature de la vie provinciale, de ses commérages, de son manque d'ouverture d'esprit, sauf à travers le personnage du rédacteur du journal local campé par un truculent Thomas Mitchell, excellent une fois encore.
Une comédie virvoltante, qui mériterait de sortir de l'inconnu !

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La fin de Madame Cheyney, The last of Mrs Cheyney (1937) - Richard Boleslawsky

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Une aventurière voleuse de son état rencontre durant une croisière, deux lords anglais et leur famille.

Nous sommes dans ces comédies typiques américaines, même si nous ne sommes pas tout à fait dans de la Screwball comedy. Naturellement la famille des lords anglais est assez "déjantée" avec celui dont la femme passe sa vie avec son "cousin", les deux célibataires le jeune interprété par Robert Montgomery et le vieux interprété par un attachant Frank Morgan, la vieille douairière qui a été danseuse dans son passé, etc. Le film repose donc sur ces scènes entre tous ces merveilleux acteurs, Joan Crawford en tête qui est lumineuse en aventurière, William Powell en ami malfaiteur et son charme habituel, sans oublier Nigel Bruce... Un petit film qui ne paye pas de mine, mais est fort sympathique et suscite souvent sourires et rires devant ces dialogues enlevés.
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Ann Harding
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

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Beauty for Sale (1933, Richard Boleslawski) avec Madge Evans, Otto Kruger, Una Merkel et Alice Brady

Letty Lawson (M. Evans) est contrainte de travailler suite à la mort de son père. Son amie Carol (U. Merkel) la fait entrer dans un salon de beauté. Cette dernière complémente ses revenus en se faisant entretenir par un vieux monsieur déjà marié...

Cette production MGM avec un scénario de Faith Baldwin (comme pour The Office Wife), s'intéresse au sort des jeunes femmes qui travaillent dans un institut de beauté. On se retrouve au milieu de dames riches d'un certain âge qui cancannent pendant que de jeunes femmes désargentées tentent de leur redonner une jeunesse depuis longtemps envolée à coup de crèmes et de massages. Chacune essaie d'améliorer son ordinaire. Carol (Una Merkel) ne se fait aucune illusion sur la société qui l'entoure et elle fait tout ce qu'elle peut pour tirer un maximum d'argent d'un vieux beau qui s'ennuit avec sa femme. Letty Lawson (Madge Evans), elle reste en retrait jusqu'à sa rencontre fortuite avec le riche homme d'affaire Mark Sherwood (O. Kruger). Elle tombe amoureuse de cet homme mal marié à une épouse insupportable (Alice Brady) qui passe sa journée allongée. Letty n'est pas prête à rentrer dans le jeu habituel de la maîtresse cachée que l'on jette après usage. D'autant plus que son amie Jane (Florine McKinney) s'est tuée après avoir été abandonnée enceinte par son amant, le fils (Phillips Holmes) de sa patrone. Le film offre une vision assez noire de la condition féminine dans les années 30. Le film est très bien construit entre mélo et comédie avec une superbe photo de James Wong Howe. Il y a des moments mémorables comme lorsque Letty annonce nonchalamment -sans se rendre compte de l'impact de ce qu'elle dit - à Jane que son amant est parti. Jane reste rigide, immobile alors qu'une porte s'ouvre lentement masquant petit à petit sa silhouette. Son suicide est également une scène très réussie avec sa silhouette qui se découpe dans l'ombre face à la fenêtre qu'elle ouvre tout doucement pour se jeter dans le vide. Madge Evans qui jouait souvent des seconds rôles montre ici tout son talent avec son visage expressif dont le sourire rappelle celui de Jean Arthur. Malgré la fin heureuse du film, il reste une certaine amertume dans le souvenir du spectateur. Un joli mélo avec de très bon interprètes et un rythme soutenu.
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Profondo Rosso
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par Profondo Rosso »

Theodora Goes Wild (1936)

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Theodora Lynn écrit sous le pseudonyme de Caroline Adams, un roman à succès, mais trop osé pour la vie provinciale de la ville dont elle est originaire. Suite à une visite chez son éditeur de New York, Michael Grant décide de venir dans sa petite ville, afin qu'elle avoue qu'elle est l'auteur de ce roman. Mais une fois cet aveu fait, Theodora décide de s'occuper à son tour du jeune homme

Etrangement méconnue, Theodora Goes Wild est pourtant une des screwball comedy les plus jubilatoire jamais réalisée, portée par un message brillant bousculant l'Amérique moralisatrice d'alors. Le début du film nous place dans l'effervescence de la petite ville de Lynnfield, agitée par la sortie prochaine du nouveau roman à succès de la scandaleuse Caroline Adams, trop osé par le cercle littéraire local. L'ouvrage sera immédiatement interdit mais dans groupe de vieilles dames acariâtres et coincées (même si émoustillée par la lecture de passage visant à dénoncer l'infamie du livre) on remarque pourtant une intruse avec la jeune Theodora Lynn (Irene Dunne) venue représenter ses tantes pour empêcher la parution du livre. Surprise pourtant, la timide et obéissante Theodora n'est autre que la sulfureuse Caroline Adams elle-même, évacuant la frustration de son quotidien austère dans ses ouvrages à la sensualité outrageante. Notre héroïne va être confrontée à ses contradictions lors d'une visite chez son éditeur à New York, suscitant la curiosité à la vue de cette femme introvertie dissimulant l'auteur le plus vendu et sulfureux du pays. Parmi les plus intrigués, on trouve Michael Grant (Melvyn Douglas) dessinateur des couvertures de ses livres et qui va s'incruster à un dîner pour percer le mystère. Titillée et poussée dans ses retranchements par le malicieux Michael, Theodora laissera entrapercevoir la fantaisie et le grain de folie qu'elle n'ose exprimer que dans ses livres avant de s'enfuir, effrayée de sa propre audace. De retour à sa vie insipide de Lynnfield, Theodora voit pourtant surgir un Michael Grant bien décidé à la dérider, menaçant son identité secrète auprès de sa communauté coincée.

Après avoir brillé dans le mélodrame puis la comédie musicale, Theodora Goes Wild est l'occasion pour Irene Dunne de briller dans un nouveau genre, la screwball comedy. Les appréhensions du personnage, sa gaucherie et sa peur de se "lâcher" sont ainsi un poignant prolongement des propres craintes de l'actrice qui l'exprime magnifiquement à l'écran. Un sourire en coin sous le masque rigide, un rire tonitruant perturbant les chuchotements discret, la dinguerie de Theodora menace constamment d'affluer jusqu'à ce moment grandiose ou pour répondre aux sifflements agaçant de Michael elle entame une gigue endiablée au piano. L'ouverture du personnage s'exprime également de manière plus discrète par les actes, lorsqu'elle couvrira une amie partie travailler en ville (et fille d'une des mégères les plus vindicative de Lynnfield) et tombée enceinte. Melvyn Douglas en élément perturbateur de cette province tournant au ralenti est excellent, les scènes entre lui et Irene Dunne étant constamment réjouissante. L'une d'elles ou il décide de l'initier à la pêche mais découvre que Theodora est en fait bien meilleure que lui annonce d'ailleurs la tournure surprenante de l'intrigue. Theodora folle d'amour finit par se libérer de ses chaînes et enfin affronter ses tantes et leur entourage. Le film aurait pu s'arrêter là et aurait déjà été une jolie comédie romantique d'émancipation. Mais cela aurait supposé une opposition vie provinciale archaïque/vie citadine moderne un peu simpliste, tout en sous-entendant sous l'audace une facette machiste où l'homme et le mariage sont les seuls salut pour l'émancipation de la femme. C'est tout l'inverse qui est exprimé ici puisque passé la déclaration d'amour de Theodora, Michael prend peur et retourne en ville. Il est en fait lui-même coincé dans une autre prison du paraître et des conventions, mais dans un milieu social plus élevé avec un père travaillant pour le gouverneur et ne tolérant aucun écart pouvant souiller le nom de la famille. Au tour de Theodora de débouler tel un ouragan dans la vie de Michael pour la grande évasion et un amour enfin épanoui entre eux. Richard Boleslawski orchestre ainsi un exact pendant urbain de la première partie ou les répliques et situations se font écho, mais cette fois dans un grand délire jubilatoire. Theodora devient littéralement Caroline Adams, incarnant totalement l'image que l'on se fait d'un tel auteur avec tenue extravagante et attitude provocante, attirant avec délectation tous les regards sur elle. Irene Dunne est extraordinaire, faisant preuve d'un sens de l'outrance trop longtemps contenu et dévastateur, brisant des mariages, s'introduisant dans les réceptions mondaines et faisant crépiter les flashs de la presse à scandale. On comprend mieux le choix d'un Melvyn Douglas qui en dépit de sa malice conserve un petit côté précieux (au contraire d'un Cary Grant qu'on imaginerait plutôt concurrencer Irene Dunne dans l'excès) témoignant d'une liberté reposant plus sur les paroles que les actes et, s'il est un poil à gratter amusant dans la première partie il aura réveillé un monstre avec une Theodora prête à tous les excès pour le conquérir. C'est finalement toutes les formes de morales bien-pensante hypocrites et au service des apparences qui sont superbement dénoncées ici, avec notamment une conclusion grandiose voyant le retour triomphal de Theodora à Lynnfield (ou si célébrité il y a les écarts semblent soudain moins problématiques). Richard Boleslawski mène l'ensemble tambour battant, faisant preuve d'une inventivité constante notamment pour retranscrire l'aspect "gossip" de cette petite communauté, transcrivant peu à peu la rumeur en pure ellipse dans un jeu complice avec le spectateur qui sait que chaque secret est amené à être éventé comme le grand final. Un sommet qui obtiendra deux nominations aux Oscars (dont meilleure actrice Irene Dunne) et lancera Irene Dunne dans le genre pour de nombreuses réussites. 5/6
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moonfleet
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Re: Richard Boleslawski (1889–1937)

Message par moonfleet »

Ce site est un lieu de perdition, je n'ai jamais entendu parler de ce réalisateur mais vos critiques de Theodora Goes Wild m'ont donné envie de découvrir ce film, en plus il y a du Melvyn Douglas dedans :)

Clic, clac sur Amazon, il y a trois autres films dans cette édition (avec s-titres anglais), que je ne connais point.

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